Interview de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à France Info le 1er mars 2010, sur l'aide aux victimes de la tempête Xinthia, la reconstruction des digues, l'urbanisation du littoral et la réforme de la garde à vue.

Prononcé le 1er mars 2010

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.-  Vous serez dans un peu moins de 3 heures maintenant sur le terrain  en Vendée, en Charente également au côté du chef de l'Etat, avec  J.-L. Borloo, auprès évidemment des sinistrés de la tempête  Xynthia. D'abord un mot sur le bilan ; il y a les chiffres officiels, 45,  50 morts, on a entendu dire qu'il y en aurait bien davantage. 
 
Ce matin, le recensement exact portait sur 47 disparus. Simplement, la  Sécurité civile, les pompiers en clair, sont en train de reprendre leur  activité et d'effectuer des visites maison par maison. Donc  malheureusement, ce bilan peut sans doute encore s'alourdir. Mais nous  en sommes exactement à 47 morts concentrés essentiellement, comme  cela a été dit sur votre antenne, en Vendée. 
 
En Vendée, effectivement. Ce matin, vous l'avez dit, les recherches  reprennent, Sécurité civile, gendarmerie, tout le monde  évidemment est sur le pont, mobilisé, pour tenter de retrouver  encore des survivants, peut-être dans les maisons ? 
 
Oui, il y a les moyens humains et matériels d'ailleurs aussi, les moyens  humains qui sont considérables, notamment pour les pompiers, pour  l'ensemble des pompiers c'est un peu plus de 9.240 pompiers qui sont  aujourd'hui actifs. Donc c'est une mobilisation qui témoigne d'ailleurs  de la solidarité nationale. 
 
La Vendée, c'est évidemment le département le plus touché ce  matin, mais Xynthia a aussi fait des victimes et de gros dégâts en  Charente-Maritime : six morts, deux disparus au moins - bilan  provisoire toujours là-bas. La côte entre La Rochelle et Rochefort  est particulièrement touchée, comme par exemple Chatelaillon  Plage. [reportage de Y. Gallic]. Les témoignages qui nous  parviennent disent tous la même chose : l'eau est montée d'un coup  en moins d'un quart d'heure dans les maisons. Question : est-ce  qu'on pouvait prévoir ? 
 
D'abord, il y a une première réalité, c'est que les services de Météo  France ont parfaitement fait leur travail... 
 
Ils ont alerté dès le vendredi ? 
 
Dès le vendredi. Vous avez d'ailleurs, en tant que média important,  vous avez naturellement été informés et vous avez pu répercuter cette  information, ce qui fait qu'il y a eu, dans la plupart des départements  concernés - il y en avait plus de 60 comme vous le savez -, il y a eu des  mesures d'anticipation qui ont été prises par les particuliers. Et ce qui  s'est produit notamment en Vendée, c'est une conjonction  extraordinairement rare, pour ne pas dire totalement exceptionnelle... 
 
Avec les grandes marées... 
 
Il y a eu les grandes marées, il y a eu la dépression, donc la tempête  elle-même, et de surcroît, ça s'est produit la nuit. Il est évident que si ça  s'était produit dans la journée, sans doute le bilan n'aurait pas été aussi  catastrophique parce que des personnes ont été surprises dans leur  sommeil. 
 
Malgré tout se pose le problème des digues qui ont cédé en quatre  endroits. Vous avez je crois, annoncé une enveloppe pour  reconstruire et renforcer. Ça va être nécessaire, ça c'est un des  points épineux ! 
 
Oui. Se pose en réalité une double question. Se pose la question  effectivement des digues qui ont cédé dans un certain nombre de cas ou  qui ont été surmontés dans d'autres ; se pose aussi d'ailleurs les  constructions qui étaient à proximité de ces digues. Ce n'est pas encore  l'heure, l'heure est à la mobilisation, l'heure est à la solidarité, l'heure  est à la consolidation des digues mais ce sont évidemment des questions  qui se posent. J'ai pris immédiatement hier une première mesure,  effectivement, de secours d'urgence, et j'ai débloqué 1 million d'euros  à la disposition des préfectures, de manière à aider...  Ce sont elles qui vont distribuer ?  Ce sont les préfectures qui vont distribuer à partir...  Sur dossier ?  ...A partir d'aujourd'hui, tous ceux qui se trouvent dans une situation de  dénuement total. J'ai entendu, là aussi sur votre antenne, un certain  nombre de personnes qui se retrouvent sans rien, ne pouvant pas  rejoindre leur maison ou en tout cas leur maison étant dévastée. Il faut  naturellement, là aussi, que la solidarité soit concrétisée, c'est ce que  j'ai fait dès hier au côté du président de la République, cela sera  confirmé d'ailleurs ce matin. Il y a d'autres décisions, naturellement, à  prendre, il y a le dialogue avec les assurances, ce qu'a commencé à  faire C. Lagarde. 
 
L'indemnisation des particuliers et... 
 
L'indemnisation des particuliers... 
 
...Et des entreprises aussi ? 
 
Et des entreprises. Donc ça, c'est les assurances. Et concernant les  inondations, c'est le fait que l'on puisse décréter l'état de catastrophe  naturelle qui permettra, là aussi, de résoudre le problème des  indemnisations. Et ça, j'ai demandé à ce que cela se fasse sans délai.  Sans délai. 
 
Alors vous parliez des constructions B. Hortefeux, précisément P.  de Villiers sur cette antenne, il y a quelques minutes, disait qu'il  allait justement falloir par la suite poser très concrètement le  problème de l'urbanisation des zones littorales. Est-ce qu'il faut  rendre les plans d'occupation des sols beaucoup plus coercitifs ? 
 
Sans me limiter à ce drame que nous venons de connaître, chacun sait  que lorsque l'on dit à quelqu'un qui a acheté une parcelle de terrain,  que c'est en zone inondable, que cela présente des risques, qu'il peut y  avoir des problèmes concernant le permis de construire, généralement  ce n'est pas bien vécu par les personnes qui disent "ça n'arrive pas, ça  arrive ailleurs, ça n'arrive qu'aux autres", malheureusement les  démonstrations d'hier indiquent clairement l'inverse, c'est-à-dire qu'il  faut être en situation de vigilance permanente. Et je pense que P. de  Villiers a raison de poser cette question. 
 
L'actualité ce matin c'est aussi ce sondage, sondage Obea Infraforce pour 20 Minutes et France Info, dont nous vous parlons  depuis ce matin, notamment sur l'image de la police. Premiers  chiffres et plutôt bonne surprise, je suppose, pour vous : deux tiers  des sondés ont plutôt confiance en leur police et ont une bonne  image de la police française. 
 
Oui, ça me paraît assez normal. Vous savez, aujourd'hui les forces de  sécurité c'est notamment la police et la gendarmerie, au total ça fait  245.000 personnes, dont la mission, c'est ce que je rappelle à chacune  de mes étapes, je me déplace énormément sur le terrain, je vais à la  rencontre des policiers et les gendarmes et je leur rappelle qu'ils ont  une mission essentielle qui est une mission de sécurité. Vous savez,  dans une société fragile, la cohésion de la société, naturellement, est  toujours en équilibre. Eh bien, pour parvenir, pour préserver cette  cohésion de la société, il faut que chacun dans notre pays puisse vivre  tranquillement, sereinement et sans se sentir menacé. C'est la  responsabilité des forces de police. Et je suis heureux que soit ainsi  confirmé ce soutien de l'opinion publique à ceux qui parfois, comme on  l'a vu hier encore, paient de leur vie leur activité professionnelle.  Policier ou gendarme, ce n'est pas un travail comme les autres, c'est un  travail dangereux, c'est un travail exigeant et malheureusement, le  gendarme qui a été tué hier vient le rappeler. 
 
Un gendarme, oui, dans le Périgord. Le revers de la médaille, c'est  qu'évidemment il y a un tiers des Français qui considèrent que le  lien est totalement, totalement rompu, et que les policiers sont au-dessus  des lois. Est-ce que vous expliquez ce sentiment-là ? 
 
Je ne me l'explique pas, je le constate puisque ce sondage l'indique,  mais je ne me l'explique pas puisque ça ne correspond pas à la réalité.  Les policiers appliquent la loi et sont soumis à la loi ; ils ont ces deux  fonctions. Et donc, cela signifie aussi que parfois, il faut faire davantage  de pédagogie. Cette enquête montre beaucoup de choses, elle montre  que les Français ont à juste titre le sentiment que l'insécurité recule. Et  je dis à juste titre, puisque depuis 2002, la délinquance générale a  diminué depuis 2002. Mais cela ne signifie pas pour autant que tout est  parfait, que tout est accompli. C'est une vigilance permanente qui doit  être la nôtre et surtout, une capacité d'adaptation parce que la  délinquance évolue et il faut donc que l'action des forces de sécurité  s'adaptent. 
 
On leur a posé une autre question aux sondés, elle concerne cette  fois les gardes à vue. On va beaucoup en parler demain à  l'Assemblée notamment, puisque M. Alliot-Marie va présenter sa  réforme. Et visiblement, ça va dans le sens de ce que souhaitent les  Français, un sur deux dit qu'il est nécessaire aujourd'hui de  réformer les conditions de garde à vue ; est-ce que, vous aussi, vous  y êtes favorable ? 
 
Moi, je suis favorable au principe de la réforme. Et d'ailleurs, j'ai  demandé à ce que les gardes à vue ne fassent pas partie des indicateurs  de l'activité de la police, il n'y a pas des objectifs de gardes à vue. Sur  l'année 2009, vous avez eu 580.000 gardes à vue, sans compter celles  qui sont liées à la délinquance routière. Moi, je suis d'ailleurs pour que  l'on distingue les deux puisque ce n'est pas la même chose, la  délinquance routière. La garde à vue est souvent dans ces cas-là une  forme de protection, puisque s'il y a quelqu'un qui a un taux  d'alcoolémie, effectivement il est placé en garde à vue, ce qui lui évite  naturellement qu'il puisse reprendre son véhicule et peut-être aller au-devant  d'un accident. 
 
Mais est-ce qu'il faut faire baisser le nombre de garde à vue ? 
 
Moi, je ne suis pas hostile à ce que cela diminue, simplement sur la  réforme de la garde à vue... 
 
Hostile ou favorable ? 
 
Comme ministre de l'Intérieur, je suis favorable donc à une réforme de  la garde à vue, sous des réserves qui sont très simples. Je ne veux pas  que ça empêche l'enquête, parce que c'est quand même ça l'objectif,  c'est que l'enquête puisse aboutir, donc il ne faut pas que ça vienne  perturber l'enquête cette modification. Deuxièmement, il ne faut pas -  mais je ne pense pas que ça en prenne le chemin - mais il ne faut pas  que ça passe comme une victoire des magistrats ou des avocats sur les  policiers et gendarmes, qui ne doivent pas être stigmatisés, ce ne sont  pas des boucs émissaires. Et enfin, il y a un élément important, mais je  trouve qu'on n'en parle pas suffisamment, c'est que je place en priorité  le droit des victimes avant celui du droit des délinquants. Les victimes,  c'est quand même le coeur de la préoccupation qui doit être la nôtre. 
 
Est-ce qu'il faut, comme cela va être proposé pour les petits délits,  oublier le concept justement de garde à vue, et passer par une autre  proposition, 3 ou 4 heures d'audition, comme le souhaite M. Alliot-  Marie ? 
 
C'est une piste, c'est une piste à creuser...
 
Mais vous avez bien un avis ? 
 
Non, mais je veux dire, M. Alliot-Marie a annoncé une concertation,  donc je ne vais pas annoncer la conclusion dans mon esprit de ce que  doit être cette concertation avant qu'elle ait eu lieu. Donc j'avance avec,  à la fois beaucoup de détermination et de clarté dans ce que je souhaite  pour l'efficacité de l'enquête et la protection des victimes, parce que,  encore une fois, ma préoccupation c'est la protection des victimes, des  droits des victimes. Mais je ne suis pas hostile du tout au principe d'une  audition libre, par exemple. 
 
La place de l'avocat fait débat aussi, c'est quelque chose qui ressort  dans le sondage pour France info et 20 Minutes. Est-ce qu'il faut  changer les choses là aussi, est-ce que vous y êtes favorable ? 
 
Il peut y avoir une évolution mais je vous donne un exemple simple :  tout m'est indiqué par les services de police que lorsqu'il y a par  exemple placement en garde à vue d'un trafiquant de stupéfiants, on est  quasiment sûrs qu'il y a une présence permanente de l'avocat, sans  doute la conclusion à la garde à vue n'est pas la même, parce qu'il sera  conseillé, ce sont parfois des délinquants importants, organisés et ainsi  de suite. Donc encore une fois, moi, ce que je souhaite, c'est que  l'enquête ne soit pas perturbée. Ce que je retiens de cette enquête, qui  est une enquête très intéressante, c'est que les Français, à juste titre, ont  compris que la situation de la délinquance, qui est extrêmement  difficile, mais même si elle est difficile, les résultats sont plutôt positifs.  Et ça, c'est l'élément important qui apparaît dans cette enquête que  vous avez décidé de commenter. 
 
Dernière question, il nous reste une petite minute. Ce qui s'est passé  hier soir au Parc des Princes, vous aviez revu les mesures de  sécurité, les supporters de l'OM ont boycotté le match. Il y a eu  malgré tout des affrontements, des incidents entre supporters, avec  aussi les forces de l'ordre et un blessé au final. 
 
Oui, c'est insupportable. Un match de football, ça doit être un moment  de détente, ça doit être un moment où on peut y aller en famille, ça doit  être un moment de bonheur. Ce doit être surtout un moment sportif. Et  il y a quelques énergumènes, cinglés, agités qui y vont, non pas pour le  sport, mais qui y vont pour casser et pour se battre. Alors nous avons  pris des mesures hier très importantes, on a mobilisé plus de 2.000  policiers... 
 
Est-ce que ça signifie qu'elles étaient insuffisantes ? 
 
Non, ça signifie qu'il ne peut pas y avoir un policier pour chaque  spectateur, naturellement. On a pris des moyens très importants qui ont  limité naturellement les dégâts, mais je constate qu'il faut aller encore  plus loin. Alors c'est ce que j'ai fait en créant une division anti-hooligans  au sein de la Direction à la Sécurité publique et en  augmentant les effectifs, comme on a fait hier. 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 mars 2010