Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur la poursuite des efforts en matière de politique pour l'emploi et de soutien à l'investissement, sur la pédagogie nécessaire à la réussite de la réforme de la taxe professionnelle et la mise en oeuvre de l'emprunt national, Paris le 3 mars 2010.

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Circonstance : Réunion des préfets, place Beauvau à Paris le 3 mars 2010

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Préfets de Région,
Mesdames, Messieurs les Préfets,
Mesdames, Messieurs les Secrétaires généraux,
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que ma méthode pour accompagner la reprise sera la même que celle qui nous a permis de traverser la crise « un peu moins mal » que les autres économies du monde. La France est sortie de la récession dès le 2e trimestre 2009 avec une croissance du PIB de +0,6% au 4e. Et les prévisions de la Commission européenne pour 2010 prévoient que l'activité devrait progresser presque deux fois plus rapidement en France que dans le reste de la zone euro (+1,2% vs +0,7%). Les orientations que nous avons prises depuis deux ans sont donc bonnes. Il faut poursuivre nos efforts avec une priorité, l'emploi et une méthode : le soutien à l'investissement.
S'agissant de l'emploi, le choc de l'année 2009 produit encore ces effets mêmes si la politique de l'emploi que nous portons avec Laurent WAUQUIEZ a porté ses fruits dans ce contexte très défavorable. L'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi en janvier 2010 est trois fois plus faible que celle de janvier 2009 [19 500 vs 66 600]. Et le chômage des jeunes s'est globalement stabilisé depuis le mois de mai, grâce à la relance de l'apprentissage inscrite dans le plan d'urgence pour l'emploi des jeunes annoncé fin avril par le Président de la République. Les résultats des dispositifs emploi pour 2009 sont donc bons, grâce la formidable mobilisation tout au long de l'année de l'ensemble des acteurs du SPE, au premier rang desquels, vous, les préfets.
Je ne reviens pas sur l'ensemble des résultats que nous vous présentons au cours de conférences téléphoniques mensuelles. J'insiste sur la nécessité de maintenir votre effort à son plus haut niveau en faveur de l'emploi. Cette année encore, l'État engagera des moyens importants. 10,5 Mdseuros relèvent de la mission « Travail - Emploi »... Il faut y ajouter : (i) 1,4 Mdseuros qui visent à abonder le FISO et qui sont inscrits sur la mission « Relance » ; (ii) 410 Meuros, au titre de la prolongation pour 6 mois du dispositif « zéro charges » dans les TPE. Au total, ce sont donc 12,3 Mdseuros qui seront mobilisés en 2010. C'est 1,6 Mdseuros de plus que dans la LFI 2009 ; et 2,5 Mdseuros de plus que dans la loi de programmation des finances publiques.
Concrètement, nous maintenons le cap sur les 4 grands objectifs de la politique de l'emploi :
* Objectif 1 : Privilégier le maintien des salariés dans l'emploi avec la prolongation du dispositif d'activité partielle et la réforme de la formation professionnelle avec la mise en oeuvre du fonds paritaire de sécurisation des parcours destiné à former 500 000 salariés et 200 000 demandeurs d'emploi par an.
* Objectif 2 : Stimuler la création d'emplois avec le maintien du « zéro charges » (pour toute embauche dans les TPE avant le 30 juin 2010) et l'accompagnement de 20 000 créateurs/repreneurs supplémentaires en 2010 au sein du réseau Nacre.
* Objectif 3 : Faciliter l'accès et le retour vers l'emploi avec le maintien de la Convention de Reclassement Personnalisée pour les licenciés économiques dans toute la France et du Contrat de Transition professionnelle pour les bassins les plus touchés ainsi que la prolongation des contrats aidés « contrat unique d'insertion » : non marchands 360.000 (année) et marchands 50.000 (pour juin 2010)
* Objectif 4 : Favoriser l'emploi des jeunes avec la réalisation des objectifs du Plan Jeunes, 320 000 apprentis et 170 000 contrats de professionnalisation avant le 31 juin 2010.
Les préfets de région ont reçu le mois dernier une lettre de mission leur fixant des objectifs pour le 1er semestre. Des objectifs ambitieux mais accessibles que nous devons atteindre collectivement. Nous poursuivrons également les conférences téléphoniques mensuelles avec les préfets de région. Elles nous permettent i) faire le point sur l'atteinte des résultats et ii) échanger sur les meilleures pratiques et iii) se focaliser sur les plans d'action à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs.
Le Premier ministre a rappelé en début d'après-midi les principes et les objectifs qui ont présidé à la réforme de la taxe professionnelle. Cette réforme, en vigueur depuis le 1er janvier, est comme vous le savez le fruit de près d'un an de concertation, et a monopolisé les débats parlementaires au cours de la loi de finances.
Une seconde phase, aussi délicate, s'engage à présent. Celle de la pédagogie pour réussir la réforme de la TP il faudra non seulement l'appliquer concrètement ; mais aussi l'expliquer et la réexpliquer sans relâche, pour que toutes les parties prenantes en perçoivent le sens et les objectifs.
Je m'y suis pleinement consacrée depuis le début de l'année :
* des simulations pour les entreprises et les collectivités territoriales sont disponibles, en ligne, sur le site de mon ministère ;
* nous avons écrit, avec Brice HORTEFEUX, Éric WOERTH et Alain MARLEIX à tous les présidents de conseils général et régional et à chacun des 36 000 maires de France, pour leur expliquer les conséquences pratiques de la réforme ;
* J'en ai fait de même le 27 janvier à l'égard des entreprises, en adressant à plus d'un million de chefs d'entreprise un courrier qui leur rappelle les objectifs de la réforme.
Pour autant, malgré les efforts déjà accomplis, rien ne remplacera l'accompagnement personnalisé. Je sais la relation privilégiée que vous entretenez avec les élus, et la confiance qu'ils vous accordent. Vous aurez un rôle capital dans la mise en oeuvre de la réforme : c'est de votre implication que dépendra notre réussite.
Je tiens à vous remercier pour les premières conférences de presse et les réunions d'élus qui ont été organisées. Au-delà des nombreuses questions techniques qui ne manqueront pas de vous être posées, et pour lesquelles mes services sont bien évidemment à votre disposition, je crois essentiel de délivrer à vos interlocuteurs quelques messages simples.
Le premier, c'est de ne jamais perdre de vue les objectifs économiques de la réforme, en terme de compétitivité et d'emploi. La charge fiscale pesant sur la valeur ajoutée augmentera en valeur relative mais diminuera en valeur absolue, de 15,6 Mdeuros aujourd'hui à 12,8 Mdeuros. La charge pesant sur les salaires sera donc allégée d'environ 1,8 Mdeuros.
Le deuxième message à relayer est qu'il n'y aura aucune perdante parmi les collectivités territoriales et que des gagnantes du point de vue des entreprises.
Vis-à-vis des collectivités territoriales, soyons clair :
* pas de perdants en 2010, qui est une année « neutre » pendant laquelle l'État joue le rôle d'une chambre de compensation ;
* pas de perdant en 2011, année de mise en oeuvre du nouveau système, puisque la suppression de la TP est compensée par la CET, l'IFER et le transfert d'impôts d'Etat (TASCOM, TSCA, droits de mutation...) ;
* pas de perdants non plus en 2012 et au-delà - même s'il est vrai qu'il y aura sans doute de « moindres gagnants » - puisque les mécanismes de compensation (les « fonds nationaux de garantie ») demeurent pérennes.
Aucune raison ne peut être invoquée pour augmenter les impôts locaux du fait de cette réforme. C'est vrai pour les impôts des entreprises comme pour ceux des ménages, qui ne sont en rien concernés par la réforme de la TP.
Du point de vue des entreprises, les choses sont simples : oui, il y a quelques dizaines de milliers de « petits » perdants, essentiellement dans certains secteurs spécifiques (intérim, distribution, négoce, banques).
Il y a surtout plus d'un million de gagnants, qui vont se partager un allégement de charge fiscale net de 6,3 Mdeuros/an (4,8 Mdeuros nets d'IS) en régime de croisière, c'est-à-dire à compter de 2011. En 2010, l'allégement sera encore plus important (12,3 Mdeuros).
Il prolongera les effets du plan de relance en apportant aux entreprises un gain de trésorerie qui les aidera à franchir le cap de la reprise. Des aménagements spécifiques sont par ailleurs prévus en faveur des PME et de certaines entreprises susceptibles d'être pénalisées par l'assiette valeur ajoutée.
Mon troisième et dernier message est un message de sécurité et de stabilité. A cet égard, vous savez que plusieurs clauses de réexamen ont été inscrites à l'article 76 de la loi de finances.
Ces clauses de réexamen ne doivent pas être interprétées comme un signal d'instabilité par les élus ou par les entreprises. Elles ne signifient pas que la réforme puisse être remise en cause ou que ses principaux équilibres puissent être bouleversés, mais seulement que les portes du dialogue ne se sont pas refermées, et que nous serons attentifs aux effets de la réforme sur le terrain. Je vous invite d'ailleurs à nous faire part, à Brice HORTEFEUX comme à moi-même, des difficultés éventuelles que vous rencontrez dans la mise en oeuvre de la réforme. Aussi, permettez-moi de vous rappeler les deux initiatives qui ont été prises pour préparer notre 1er premier rendez vous de juin
2010. D'une part, une mission menée par l'inspection des finances et l'inspection générale de l'administration, sous l'égide de Bruno DURIEUX, aura pour tâche de coordonner les travaux engagés dans la perspective de ce premier rendez-vous. D'autre part, le Premier ministre a nommé trois députés Marc LAFFINEUR, Michel DIEFENBACHER et Olivier CARRE ainsi que trois sénateurs Charles GUENE, François-Noël BUFFET et Alain CHATILLON en mission pour aller à la rencontre des collectivités et évaluer sur place la mise en oeuvre de la réforme.
Vous avez peut-être déjà eu l'occasion de les accueillir à l'occasion de leurs déplacements pour relayer, sur le terrain, les bénéfices d'une réforme fiscale sans précédent, dont notre pays avait je crois le plus grand besoin.
L'autre action phare de ce début d'année est sans conteste la mise en oeuvre de l'emprunt national dont les 35Mdseuros ont été répartis dans la loi de finances rectificatives pour 2010 en un nombre resserré de priorités : l'enseignement supérieur et la formation pour 11Mdseuros ; la recherche pour 8 Mdseuros ; les filières industrielles et les PME pour 6,5Mdseuros ; le développement durable pour 5 Mdseuros ; et le numérique pour 4,5 Mdseuros.
A ceux qui s'inquiètent de l'excellente signature de la France sur les marchés, dont je suis la garante, je réponds que plus de 60% des crédits ouverts par la LFR conduisent à la constitution d'actifs, n'ayant pas, a priori, d'impact sur le déficit budgétaire au sens du traité de Maastricht.
Pour autant, le Gouvernement souhaite utiliser ces moyens le plus efficacement possible en ciblant précisément sur un nombre réduit de priorités et de projets, en donnant à chacun des programmes une finalité économique identifiée, et surtout, en associant au maximum les entreprises soit comme porteurs de projets, soit comme bénéficiaires potentiels. Nous devons éviter toute tentative inefficace de saupoudrage de subventions. Je considère que, sous l'autorité des Préfets de région, les DIRECCTE que nous avons récemment créées avec Xavier DARCOS constituent, pour l'État, les relais les plus adaptés à ces enjeux.
S'agissant de la gestion des fonds de l'emprunt national, le choix a été fait d'en confier la gestion à des opérateurs extérieurs au budget de l'État : l'Agence Nationale de la Recherche, la Caisse des Dépôts et des Consignations, Oséo, l'ADEME, etc., recevront dès cette année les crédits ouverts en LFR.
Le Gouvernement tient toutefois à conserver un rôle essentiel dans l'utilisation de ces fonds. C'est pourquoi le Président de la République a confié à René RICOL le soin de diriger le Commissariat Général à l'Investissement créé auprès du Premier ministre. La méthodologie là aussi, a été clairement définie :
1. le rôle et le mode d'intervention des opérateurs dans la gestion des fonds de l'emprunt national sera précisé, avant tout versement des crédits, par des conventions ou des contrats spécifiques publiés au Journal Officiel ;
2. les cahiers des charges des appels à projets seront approuvés, avant lancement, par le Gouvernement ;
3. Enfin, il est prévu que l'Etat conserve un pouvoir de décision en dernier ressort pour les décisions d'investissement, c'est écrit précisément dans la loi de finances.
Dans ce cadre le Commissaire Général à l'Investissement aura pour mission, en liaison avec les ministères concernés (i) de préparer la contractualisation des opérateurs ; (ii) de coordonner au niveau interministériel l'élaboration de la position de l'Etat sur les décisions individuelles d'investissement ; (iii) d'évaluer la rentabilité des investissements ex ante et ex post ; (iv) et de dresser le bilan annuel d'exécution du programme d'investissement, pouvant conduire à des redéploiements. L'emprunt national doit être considéré comme un instrument de compétitivité au service de l'excellence française à l'échelle internationale. Un levier puissant pour préparer les secteurs d'avenir et, par conséquent, les emplois de demain.
Notre réussite sur le front de l'emploi est décisive pour ne pas manquer le rendez-vous de la reprise. Permettre aux entreprises de plus investir pour créer plus d'emploi, voilà un message-clé que je vous demande de diffuser partout dans vos régions et vos départements.
Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 5 mars 2010