Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement et à l'urbanisme, à France-Info le 29 mars 2010, sur les modalités du classement des zones à risque dans les communes touchées par la tempête Xynthia, la mise en oeuvre des plans de prévention des risques d'inondation et le règlement des sinistres.

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- Vous savez que vous avez des auditeurs particulièrement attentifs, ils sont aux côtés de nos équipes, sur place, à l'Aiguillon-sur-Mer, notamment, une des communes les plus touchées par le passage de la tempête Xynthia, il y a un mois maintenant. Etes-vous en mesure aujourd'hui de leur dire si leur commune va être classée en zone "rouge" ou en zone "noire" d'ailleurs, c'est-à-dire, en zone inconstructible ?
 
Aujourd'hui non, mais dans la semaine oui. On a fait une réunion quasiment tous les soirs la semaine dernière avec les préfets de Vendée et de Charente- Maritime, pour regarder très précisément le zonage "noir", c'est-à-dire, en fait, là où on va interdire les reconstructions de maisons, là où on va demander aux personnes de déménager, bien évidemment avec indemnisation. Donc, les préfets pourront communiquer, je pense, avec les élus locaux et les habitants dès cette semaine, pour effectivement informer les uns et les autres de cette espèce de zone "noire" trop dangereuse pour qu'on puisse permettre aux personnes d'y revenir.
 
N. Sarkozy, on s'en souvient, s'est rendu à deux reprises sur place, on a effectivement entendu le Président promettre qu'aucune reconstruction ne serait autorisée dans les zones où il y a des risques mortels. Comment est-ce que vous vous y être pris pour les identifier ces zones ?
 
On a regardé en fait plusieurs éléments. Le premier c'est quelle était la hauteur d'eau constatée suite à la tempête Xynthia...
 
Plus d'1 mètre...
 
Plus d'1 mètre en règle générale, premier élément. Donc tout ce qui est plus d'1 mètre, on regarde. Cela ne veut pas dire qu'on va tout interdire, bien évidemment, au dessus d'un mètre. Ensuite, on va regarder la force et la vitesse de la vague. En gros, une vague va arriver, l'eau est montée en combien de temps ? Est-elle montée en cinq minutes ou est-ce qu'elle est montée en deux heures ? Ca n'a pas évidemment pas les mêmes conséquences pour la vie des gens. Si ce sont des montées d'eau lentes, ça permet une évacuation évidemment beaucoup plus rapide. Il y a la situation géographiques des habitations : est-ce qu'on est en pied de digue, est-ce qu'on est dans une cuvette ? Bref, est-ce qu'il y a des éléments de dangerosité complémentaires au-delà de la hauteur d'eau ? Enfin, dernier élément, est-ce qu'il y a une possibilité de protéger les logements ? Est-ce qu'on peut, par exemple, s'il y a une maison à deux étages, imaginer qu'effectivement on installe au premier étage les éléments type électricité, etc. Bref, il y a un certain nombre de critères qui vont nous permettre de définir un zonage très précis là où on ne souhaite pas que les gens reviennent.
 
Et que fait-on si les gens ne veulent pas partir ?
 
A ce moment-là, on se retrouve évidemment devant une difficulté. Nous avons une possibilité, que nous souhaitons évidemment utiliser le moins possible, qui est l'expropriation ; l'idée pour nous évidemment est de travailler tout ça à l'amiable.
 
C'est-à-dire leur trouver un logement, trouver un endroit où ils puissent reconstruire, par exemple ?
 
Bien sûr. Il y a un fonds, qui s'appelle le Fonds Barnier. Ce fonds va nous permettre de négocier à l'amiable avec chacun des propriétaires, qu'il s'agisse d'ailleurs d'une résidence principale ou d'une résidence secondaire, pour leur dire, grosso modo : on peut acheter votre maison au prix du marché, bien évidemment, pour vous permettre de vous réinstaller. Et puis on va faire un accompagnement individualisé, il ne s'agit pas dans des cas humains, comme ceux-là, très compliqués, d'oublier les victimes et d'avoir un processus administratif, il faudrait dire aux gens : voilà, c'est comme ça, etc. On va mettre une équipe de spécialistes sur place, et notamment des gens qui travaillent par exemple sur les relogements ANRU, qui va arriver dès cette semaine, et qui va nous permettre, là encore, d'aider individuellement chaque famille. Vraiment, on veut un suivi individuel de chaque famille et non pas un suivi trop collectif, trop administratif des choses.
 
Il y a en France aujourd'hui plus de 860 Communes qui sont classées inondables. Seulement 46 visiblement disposaient, il y a encore quelques jours, d'un plan de prévention approuvé. Comment allez-vous vous y prendre pour contraindre les maires, non seulement à les approuver, mais ensuite à les respecter, parce que c'est bien là le problème ?
 
Ces plans de prévention des risques d'inondations notamment, sont des plans qui sont réalisés par les préfets, approuvés par les préfets, en concertation avec les élus locaux. Il est évidement que les élus locaux et les préfets négocient ces PPRI, et ça prend trop de temps très concrètement parce que la négociation est...
 
Oui, parce que la loi date de 95 quand même !
 
Tout à fait, parce que les négociations sont évidemment très longues avec les collectivités locales. On va effectivement, ce sont les consignes que nous avons données aux préfets, aller beaucoup plus vite pour les approuver beaucoup plus rapidement, là encore.
 
Et pour l'avenir, si les règles ne sont pas respectées, est-ce que l'Etat est disposé à engager des procédures, y compris en justice ?
 
Mais l'Etat le fait déjà, là encore. Prenons l'exemple d'Aiguillon et de la Faute-sur-Mer, notamment la Faute-sur-Mer, une des communes les plus touchées, la commune la plus touchée peut-être par cette tempête. Que s'est-il passé très concrètement ? Le préfet avait anticipé, parce qu'il a le droit de le faire, l'application du PPRI en question depuis 2007 ; le PPRI n'est toujours pas approuvé, mais on a anticipé son application depuis 2007. Ca veut dire quoi concrètement ? Ca veut dire que depuis 2007, nous n'autorisons aucun permis de construire sur ces communes-là. Donc, le préfet a la possibilité d'anticiper l'application, c'est-à-dire de refuser tous les permis de construire, ça a déjà été le cas sur les communes en question depuis 2007. A ce moment-là, il y a souvent eu d'ailleurs une procédure judiciaire, intentée à l'initiative de la mairie, et nous avons d'ailleurs toujours gagné devant le tribunal administratif. Donc les préfets ont les moyens d'appliquer par anticipation ces PPRI.
 
Le sous-préfet de la Roche-sur-Yon, a dit qu'on était devant une situation inédite dans le règlement des sinistres car la loi, c'est ce qu'il explique, ne prévoit pas en cas de catastrophe naturelle de détruire mais plutôt de remettre en état. Comment vous allez faire, il faut faire évoluer la loi ?
 
Je ne suis pas sûr que ce soit indispensable. On a effectivement des moyens juridiques pour interdire aux personnes de revenir, enfin de reconstruire. En gros, vous prenez ce qu'on appelle un arrêté de péril, quand la maison en situation difficile, et vous pouvez de ce point de vue-là - ça a été fait dans plusieurs communes - empêcher les reconstructions. C'est vrai que là où on quelque chose d'un peu inédit, c'est encore un peu différent. Il ne faut pas oublier deux choses : vous pouvez avoir des maisons qui ont été détruites ou en tout cas qui sont inhabitables même avec de gros travaux. Là, le processus à engager c'est le suivant : est-ce qu'on délivre un nouveau permis de construire pour réhabiliter ou reconstruire la maison, c'est le cas facile ; vous refusez le permis de construire c'est réglé. La difficulté que vous avez c'est que, si vous prenez la maison qui est juste à côté, qui a été peu endommagée par la tempête, et on se dit qu'il y a quand même un vrai risque pour la vie des gens, comment va-t-on dire à ces personnes-là : désolé, vous ne revenez pas habiter dans votre maison parce qu'elle est trop dangereuse, alors qu'elle n'avait pas été touchée par la tempête et qu'elle n'est pas spécifiquement détruite ? Vous voyez ce que je veux dire ? Vous avez un cas qui est très différent et qui est plus compliqué à gérer, parce que ces maisons-là sont, avec quelques coups de peinture et un peu de travaux, ré-habitables très rapidement. Et c'est là où effectivement il va falloir engager des discussions individuelles avec chaque propriétaire, là encore, de maison pour habitation ou de maison résidence secondaire pour vacances, il va falloir engager des discussions avec les élus locaux, avec chacun des habitants pour essayer de faire comprendre à chacun qu'habiter là c'est vraiment trop dangereux, et que bien évidemment nous prenons en charge financièrement parlant les dommages en question.
 
Dernière question, c'est dans Les Echos ce matin : une des mesures phares du paquet fiscal de 2007, à savoir le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier pourrait être revu, en ce qui concerne l'achat de la résidence principale. Est-ce que vous nous confirmez que les règles du jeu vont changer ou pas ? Je ne vous confirme rien du tout pour l'instant. Je peux juste dire une chose : nous avons évidemment engagé une réflexion autour de l'ensemble des produits de l'accession à la propriété. Nous avons en France aujourd'hui 5 types de produits pour l'accession à la propriété. Je considère que c'est trop. Et on va profiter peut-être de la fin d'un ces produits en 2010, ce qu'on appelle "le Pass foncier", qui est un outil qu'on en mis en place avec les partenaires sociaux, qui se termine fin 2010, pour regarder s'il ne faut pas tout simplement tout remettre à plat pour construire un seul produit.
 
On parle d'une aide instantanée à l'achat. Est-ce une bonne piste ?
 
Pour l'instant, il y a différentes pistes possibles. Là encore, aucune décision n'est prise, donc je ne vais pas aller plus loin. Simplement, il y a une vraie réflexion est engagée, nous avons aujourd'hui cinq produits d'accession sociale à la propriété, c'est trop, c'est trop compliqué, ce n'est pas assez lisible, et ces produits-là ne sont pas assez puissants pour aider véritablement les gens à accéder à la propriété. Donc, ce qu'on souhaite faire c'est simplement tout remettre à plat pour se dire : voilà, est-ce que cinq produits c'est pas trop, est-ce qu'on peut en faire un, deux, peut-être, on verra, pour avoir quelque chose de plus efficace qu'aujourd'hui ?
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 mars 2010