Interview de M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, à Europe 1 le 30 mars 2010, sur le débat à propos de l'interdiction du port du voile intégral (burqa) et sur la préparation de la réforme des retraites.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Bonjour H. de Raincourt.
 
Bonjour.
 
Vous êtes ministre auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement. Et aujourd'hui, le Premier ministre va recevoir le rapport du Conseil d'Etat sur le port du voile intégral en France. Alors, selon les indiscrétions, pas d'interdiction générale, uniquement dans les services publics, les gares, les aéroports, certaines administrations. On sait que, par exemple, que J.-F Copé voulait le contraire, que le Premier ministre voulait « le plus loin possible » l'interdiction du voile intégral. Est-ce que l'interdiction totale est encore envisageable ce matin pour vous ?
 
Je crois déjà qu'on va essayer d'attendre tranquillement la publication du rapport du Conseil d'Etat. Et à partir de là, on verra ce qui est possible. En tous cas, ça va se faire suivant deux étapes. La première étape, qui d'ailleurs a été rappelée hier, consistera à voter ce qu'on appelle une résolution qui fixe les principes, c'est-à-dire en une phrase : le port du voile intégral en France n'est pas le bienvenu.
 
Et ça, c'est quand, le calendrier pour ça ?
 
Dans les toutes prochaines semaines...
 
Mais à peu près, c'est quoi les prochaines semaines ?
 
Ecoutez, c'est dans le cadre de l'ordre du jour d'initiative parlementaire. Donc ça veut dire c'est dans le mois qui vient.
 
Dans le mois. Donc au mois d'avril, ce sera voté ?
 
Oui, il y a 15 jours de suspension. Mais enfin, au mois d'avril, ce sera voté.
 
D'accord. Donc ça, c'est le premier élément...
 
Donc ça c'est le principe. Et ensuite derrière suit un texte qui sera un projet de loi directement inspiré et allant le plus loin possible à partir des conclusions du rapport du Conseil d'Etat qui déclinera les mesures qu'il faut prendre pour arriver à atteindre ses principes.
 
Très bien, sauf que si le Conseil d'Etat, donc, dit que l'interdiction totale n'est pas possible, la loi n'ira pas au delà. On est d'accord ?
 
Ecoutez, on est dans un Etat de droit, on essaye de respecter le droit. Et par conséquent, on ira le plus loin possible de ce qui est légal.
 
Mais est-ce que vous auriez aimé que ce soit une interdiction totale, notamment dans la rue, par exemple, aussi comme le souhaite J.-F Copé. Vous auriez aimé ça, vous, H. de Raincourt ?
 
Il faut voir déjà comment les choses peuvent s'appliquer. Donc, moi effectivement, comme beaucoup d'autres, j'aurais souhaité que l'on puisse voter une interdiction totale. Après, il faut réfléchir comment l'appliquer. Donc, il faut être pratique, parce que si on vote des textes qu'on est incapable d'appliquer, et bien le remède n'est pas très approprié.
 
Ca devient contre-productif ?
 
Exactement.
 
Autre loi : les retraites. La réforme des retraites, adoptée dans les six mois. Le calendrier parlementaire, c'est quoi déjà, en deux mots la dessus, H. de Raincourt ?
 
Le calendrier parlementaire, il est très simple. Le Conseil d'orientation des retraites remet son rapport le 14 avril. A partir de là, le ministre du Travail, E. Woerth, engage la concertation avec les partenaires sociaux. Et le texte qui fixe les principes de la réforme des retraites doit être discuté au Parlement dès la rentrée à l'automne.
 
Dès la rentrée à l'automne. Et là aussi, sur le principe, vous vous aimeriez un allongement du temps de travail, dépasser les 60 ans ?
 
Non, on n'en est pas du tout là.
 
Mais vous personnellement ?
 
on, non. On n'en est pas du tout là. Vous savez qu'il y a quatre possibilités. Soit on augmente les cotisations, soit on élimine les prestations, soit on augmente...
 
On en a beaucoup parlé, mais vous votre option ?
 
...Mais moi je n'ai pas d'opinion personnelle sur le sujet.
 
Ah bon ?
 
Moi, ce que je souhaite, c'est que le Gouvernement - non, parce que je suis solidaire de la politique gouvernementale - c'est que le Gouvernement trouve la voie de passage permettant de préserver notre système de retraite, permettant de préserver le niveau des retraites et qu'on puisse autour, réunir le plus large consensus.
 
Cela va être chaud, franchement !
 
Cela va peut-être être chaud mais c'est dommage, parce que les retraites ce n'est ni de droite ni de gauche, les retraites c'est un patrimoine qui appartient à tous les Français.
 
Et quand B. Hamon dit hier : sans changement de cap, le Gouvernement prépare un cocktail explosif. Vous avez l'impression de faire vouloir tout exploser ?
 
Non, on ne va sûrement rien faire exploser. Je pense que Monsieur Hamon ferait mieux comme beaucoup d'autres d'essayer de rentrer dans la discussion et la concertation plutôt que jour après jour de mettre de l'huile sur le feu.
 
Donc vous l'appelez à la raison ce matin, si on vous comprend.
 
Bien sûr. J'appelle tout le monde à la raison. La retraite c'est un problème de société qui concerne tous les Français. Et tous les gouvernements, quels qu'ils soient, ont à régler ou auront à régler ce problème.
 
C'est comme la taxe carbone, finalement, c'est un problème de société sauf qu'on le remet à demain.
 
Je crois aussi que la politique c'est d'une certaine manière faire preuve de pragmatisme. Ce qui est possible, aujourd'hui, on le fait ; ce qui n'est pas possible, on essaie de réunir...
 
On pourrait vous répondre la même chose sur les retraites : ce qui est possible aujourd'hui, on aurait pu le remettre à demain.
 
Non, pas du tout, parce qu'on peut pas le faire, pour une raison très simple : le système de retraite aujourd'hui il est déficitaire de 10 milliards. En 2050, 100 milliards d'euros...
 
On nous explique qu'on va tous mourir si on ne fait pas attention à l'environnement. On va peut-être pouvoir vivre vieux mais pas dans cet univers là.
 
Si ce n'est que nous avons fait beaucoup de progrès. Alors il ne faut pas se focaliser exclusivement sur la mise en place et la date de mise en place de la taxe carbone. En matière de préservation de l'environnement, on fait beaucoup de progrès et les Français font beaucoup de progrès.
 
En 2012, est-ce que vous souhaitez que N. Sarkozy se représente ?
 
Bien évidemment.
 
Et les députés UMP ? Hier ils étaient peu nombreux à la Maison de la Chimie. Vous étiez le seul ministre auprès de F. Fillon mais il y avait 200 parlementaires. Les autres ils étaient où ? Ils contestaient par leur absence ?
 
Non, certainement pas. D'abord j'étais le seul ministre parce que j'étais le seul invité ce qui est quand même assez légitime puisque je suis chargé des Relations avec le Parlement. Deuxièmement, les autres ils étaient sur le terrain. Et troisièmement, je me permes de vous dire que la séquence elle s'est rythmée en trois temps : la semaine dernière, la réunion du groupe ; hier, le séminaire députés-sénateurs, et demain nous allons à 18h30 chez le président de la République.
 
Tous unis ?
 
Bien entendu.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 mars 2010