Texte intégral
M. Biraben et C. Roux.- M. Biraben : J.-L. Borloo, le ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer est notre invité. Gros temps pour les écolos : échec de Copenhague, abandon de la taxe carbone, N. Hulot qui claque la porte du Grenelle... Il souffle un vent de désamour sur l'écologie, et les écolo-sceptiques, eux, gagnent du terrain. J.-L. Borloo, bonjour ! Soyez le bienvenu !
Bonjour.
C. Roux : Bonjour.
Merci.
C. Roux : J'ai vu, vous regardiez attentivement, « L'infoman de l'info » et il y avait cette phrase de T. Mariani, qui dit : « C'est facile de filer des idées pourries - donc les idées pourries c'est la taxe carbone - aux autres et de claquer la porte quand ses idées sont abandonnées. » Ils sont très remontés, vos partenaires de la majorité ?
Mettez-vous à leur place, une seconde. Il y a un Grenelle de l'Environnement avec 300 mesures, ils le mettent en place, ils le votent, ils me donnent 400 milliards ou à peu près, pour faire le Grenelle de l'Environnement, ils voient tous les jours qu'au fond, ça fonctionne, on va beaucoup plus vite que ce qui était prévu. Parce que c'est bien de commenter le commentaire, mais je vous ai juste apporté quelques vérités simples. Il y avait un point majeur, c'était : par exemple, photovoltaïque, on était en retard, plus 600 % en 3 ans, plus 500 % en 3 ans.
M. Biraben : On partait de pas grand-chose !
Mais attendez, le problème, c'est d'inverser les tendances. Les éoliennes : plus 86 % en 3 ans. Je pourrais...
C. Roux : Qu'est-ce que vous voulez nous dire ? Que la taxe carbone ce n'est pas un sujet ?
Non, non, ce n'est pas ce que je veux vous dire.
C. Roux : Ah bon !
Ce que je veux vous dire, c'est qu'on a décidé une mutation majeure. Sur les bâtiments : 250 kilowattheures du mètre carré, aujourd'hui on est à 50 kilowattheures du mètre carré. Le Grenelle, il va très vite, il va même parfois un peu trop vite. On a des difficultés d'installation sur photovoltaïque, on a des tensions quand on va aussi vite que ça. On a des problèmes de recrutement, il faut bien voir que cette mutation sur les tramways, sur les trains à grande vitesse, sur les trains de marchandises, sur le bio - plus 23 % -, sur la politique... bref ! La machine, elle va très vite.
C. Roux : Vous voulez nous dire que la taxe carbone, ce n'est pas un sujet ?
Non, mais j'y viens à la taxe carbone. La taxe carbone, je l'ai portée, je l'ai défendue...
C. Roux : Suffisamment ?
Vous savez quand quelque chose fonctionne moins bien, et que vous êtes en charge, vous êtes toujours un peu responsable. Je pense qu'on a eu du mal. Hulot, comme nous, a bien expliqué qu'il s'agissait d'un chèque vert et d'un prix donné à l'énergie à terme. Ce que dit Hulot, d'ailleurs, aujourd'hui dans Le Parisien, permettez-moi de le redire clairement, il dit : la gauche l'a fusillée, parce que c'est la droite qui l'a portée. Et il dit en bas de son article : le président de la République a honoré tous ses engagements du Grenelle de l'Environnement. Alors maintenant, ce que je voudrais vous dire sur le fond, maintenant, il faut arrêter tout ça. La vérité, c'est que c'est enthousiasmant. Cette mutation de la société française, ce n'est pas une punition, elle est vitale, il faut qu'on ait une prospérité verte, des emplois, un respect de la nature et de nos ressources et donc voilà redonnons un petit peu de magie à tout ça.
C. Roux : On vous entend, on vous entend, le magicien. Le problème c'est que quand N. Sarkozy se retrouve face à sa majorité, sur le bouclier fiscal il tient, sur la taxe carbone il lâche. C'est un problème de conviction ?
Madame, vous êtes journaliste, il ne vous a pas échappé qu'il n'a pas manqué une voix de la majorité pour voter la taxe carbone, et que les écologistes et le PS ne l'ont pas votée. Il ne vous a pas échappé...
C. Roux : Il ne vous a pas échappé, non plus, que la taxe carbone est repoussée aux calendes grecques. Ça ne vous a pas échappé ?
Madame, il ne vous a pas échappé que c'est le Conseil Constitutionnel qui a annulé la taxe carbone. Ce n'est pas le président de la République, ce n'est pas le Premier ministre, c'est le Conseil Constitutionnel. Il ne vous a pas échappé, non plus, qu'il fallait y attraire les sites industriels, du très bon sujet que vous aviez tout à l'heure, sur les quotas d'émissions, et que ça, on ne peut le faire qu'avec un accord européen. J'ajoute, parce que vous êtes une grande journaliste, que vous avez lu le Pacte écologique de Nicolas, et vous verrez page 224 que la taxe carbone doit se faire en même temps que la taxe aux frontières. Pour terminer, pour terminer...
C. Roux : Alors pourquoi N. Hulot prend ses distances, si tout se passe aussi bien et si la politique n'a pas de responsabilité ?
Non, je n'ai pas dit que ça se passait bien. Une mutation, comme ça, c'est incroyablement difficile. Permettez-moi simplement, voilà, de faire un peu de la politique par les actes et par les faits. Simplement, le président Sarkozy a vu B. Obama, l'autre jour, pour qu'on se mette d'accord sur la même taxe carbone aux frontières, Etats-Unis/Europe. J'ai vu mon homologue chinois la semaine dernière, les Chinois eux-mêmes vont faire une expérimentation à Pékin, à Shanghai et à Tianjin. Donc je crois qu'on est en train d'évoluer rapidement. Mais ce que je voudrais dire à vos téléspectateurs, c'est que ce n'est pas parce qu'il y a des petits problèmes... c'est revenu dans le champ du politique, il y a des débats, c'est-à-dire les gens qui veulent aller aux présidentielles, que le fond du fond de l'histoire c'est le changement de modèle. C'est une bonne nouvelle, c'est une bonne idée, et c'est extrêmement heureux. Voilà !
C. Roux : Moi, je vous écoute, c'est ça l'histoire, c'est que moi, la dernière fois que vous êtes venu, où je vous ai écouté et je me suis dit : voilà qu'il défend la fiscalité écologique avec beaucoup d'enthousiasme, en me disant...
Mais j'ai autant d'enthousiasme.
C. Roux : En nous disant à tous : ça va faire changer les comportements. Et aujourd'hui vous nous dites : non, il y a le photovoltaïque, il y a des choses...
Non, non, non.
C. Roux : Ca reste quelque chose de capital vers lequel vous voulez aller ou pas ?
Ecoutez-moi, juste une seconde : 71 mesures de fiscalité environnementale, cette année. Je vais vous donner, vous avez bien vu hier, les constructeurs automobiles mondiaux ont mis la France en tête, au monde, le pays, qui émet le moins de gramme de CO² cette année. Le bonus/malus écologique, c'est de la fiscalité écologique, ça c'était un engagement du Grenelle et c'est en place. Pour le reste, je vais vous dire, ce qui est d'autant plus agaçant dans cette espèce d'histoire de Conseil constitutionnel, allez ! Avec l'Europe, c'est qu'au fond, les Français étaient en train de se l'approprier. Elle a été dessoudée, il y a un an, ça a commencé par madame Royal, ce qui est son droit d'ailleurs le plus strict, mais elle a été abîmée, dessoudée, on n'a pas bien réussi à la vendre, on ne l'a pas expliquée. Moi, je prends ma part de responsabilité. Mais cette idée qu'il y aura un bonus/malus sur le carbone, c'est évidemment une idée indispensable.
C. Roux : Un mot : quand N. Sarkozy au Salon de l'Agriculture dit : toutes ces questions d'environnement, ça commence à bien faire. Est-ce que N. Sarkozy a toujours des convictions, a toujours envie d'aller vite en matière d'environnement ? Est-ce que vous en avez la certitude ?
Je vais vous dire, il n'y a pas un chef d'Etat et de Gouvernement qui se soit autant mouillé, autant engagé, qui ait pris autant de risque. N. Hulot a l'honnêteté d'ailleurs de dire, dans ce même article, que le Président français était le plus offensif à Copenhague et qu'il a respecté les engagements du Grenelle. Donc voilà, on ne peut pas prendre un bout de phrase et pas l'autre bout. Pour le reste, sur l'agriculture...
C. Roux : Alors je prends l'autre bout de la phrase. Il dit, notamment du côté du Premier ministre, il dit : « ça coince du côté du Premier ministre, ça se fait un peu au forceps ». Est-ce que vous confirmez ce que dit N. Hulot ?
Non, je ne confirme pas. Quand vous avez des arbitrages gouvernementaux, c'est évidemment compliqué. Ce que je dis simplement, c'est qu'un tel bond en avant n'a jamais été fait en France. Mais je vais vous dire, ce n'est pas le Gouvernement. Je veux dire, moi, je ne revendique rien. C'est tout le monde parce que le Grenelle, c'est les villes, c'est les régions, c'est les départements, c'est les citoyens, on ne fera pas cette mutation nécessaire et heureuse sans qu'on la fasse tous ensemble. Ma seule inquiétude de fond, je vais vous la dire, ma seule inquiétude : attention à remettre l'écologie dans le champ du trop politique voire du politicien. C'est d'ailleurs un peu le coup de gueule de Nicolas et de ce point de vue-là...
C. Roux : Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
Cela veut dire qu'on a fait le Grenelle de l'Environnement à un moment où l'écologie politique, c'est-à-dire la conquête du pouvoir, était très affaiblie, à vrai dire. C'était madame Voynet, je crois, (elle) avait fait moins de 2 %. Et ce qui fait qu'on a pu être, vous voyez, j'allais dire, un peu en apesanteur, un peu dans une forme de magie, on l'a fait avec les syndicats, et chacun très respectueux de l'autre. Dès lors qu'une partie des gens disent : c'est moi, moi tout seul, moi seul j'ai le droit au monopole de tout ça, ce n'est pas les autres, la moitié des Français n'ont pas le droit, je pense que ça pose un vrai petit problème.
C. Roux : Alors là vous parlez des Verts et d'Europe écologie ?
Non...
C. Roux : Ca veut dire qu'ils ne sont pas les seuls à incarner l'écologie ?
Non, je pense qu'elle est transversale. Je pense que vous en faites partie de ces accords et je ne sais pas ce que vous votez. C'est votre liberté. Je pense qu'on est sur des sujets tellement compliqués, il faut le faire en plus au plan international. Regardez le thon rouge ! On a beau, nous, avoir décidé, l'Europe avait décidé, on s'est quand même fait battre à Doha. Il y a des régimes qui sont différents, certains sont des démocraties, pas d'autres, certains sont des théocraties. Dans tous les cas de figure, il faut qu'on le fasse enfin. Ce que je veux dire, simplement...
C. Roux : Qu'est-ce que vous pensez de ce sondage que nous publions ce matin, on voit que ce sont deux personnalités de la société civile qui arrivent en tête...
C'est normal, c'est normal. C'est normal.
C. Roux : Quand on demande qui sont les meilleurs pour incarner l'écologie ?
Mais c'est normal et c'est très bien. C'est normal, parce qu'ils ont... D'abord honnêtement, c'est très justifié en ce qui les concerne, parce que s'il n'y a pas N. Hulot, il n'y a pas le Pacte, il n'y a pas ce ministère unique au monde - personne d'autre ne l'a fait -, il n'y a pas tout ce qu'on vient de dire. La France est un des pays au monde qui respecte le protocole de Kyoto, qui est en avance sur tous ses engagements, qui a fait voter l'accord européen de moins 20, moins 30 %... enfin, je veux dire, on le doit à ces figures-là aussi.
C. Roux : Alors il faut qu'il revienne, N. Hulot ?
Mais il n'est pas parti, on a dîné ensemble hier soir, je vous rassure. Il n'est pas parti.
C. Roux : Dites-nous, puisque vous avez dîné ensemble, qu'est-ce que vous vous êtes dit ? Il va participer au Grenelle 2 ? Il va revenir...
Mais non, il n'y a pas... Attendez, la parole est au Parlement voilà ! On est en train... D'abord c'est le 5ème texte de loi, ce n'est pas le 2ème concernant...
C. Roux : On l'appelle le Grenelle 2.
Oui, parce que c'est un nom générique. On est en train de regarder comment ça se passe dans les agglomérations. On est vraiment sur la partie territoriale. Pour le reste, je crois qu'il a eu raison de dire : attention, sortons de l'écologie du champ du politique, c'est ça son coup de gueule. Et moi, j'en suis ravi !
C. Roux : Alors il y a une partie de votre majorité, d'ailleurs vous-même vous avez dit : il faudrait peut-être un parti du centre et écolo également en marge de l'UMP. Est-ce que vous pourriez incarner cette voie centriste écolo, écolo centriste, qui est nécessaire à droite ?
Non, ce que je disais, ce que je crois, alors très profondément, c'est que dans le champ du politique, la disparition provisoire du centre, de F. Bayrou, pose un vrai problème pour les modérés français, les humanistes, les laïcs, les démocrates chrétiens, les écologistes qui ne sont pas forcément, forcément prêts à un accord avec le Front de Gauche, voilà. Il y a un certain nombre de gens qui sont modérés et j'ai le sentiment qu'ils ont un problème de représentation. Voilà, c'est tout ce que je dis.
C. Roux : Est-ce que vous pourriez incarner cette voie-là ?
Honnêtement ce n'est pas la question qui est posée en ce qui me concerne, aujourd'hui. Mais je pense que cette famille, elle doit exister, vraiment ! Vraiment !
C. Roux : Qui pourrait la faire exister ?
On verra !
C. Roux : C'est une question que vous vous posez ?
Peut-être que vous pourriez le faire ?
C. Roux : Je ne suis pas sûre. M. Biraben : Vous êtes déchaîné ce matin !
Non, mais je suis très en forme. Non, mais je voudrais, voilà, qu'on remette un peu de douceur, de joie, et d'enthousiasme dans tout ça.
M. Biraben : Juste avant qu'on passe au « j'aime, j'aime pas » N. Hulot loue votre présence ainsi que celle de C. Jouanno, au Gouvernement. Mais tout de même, précisons-le, c'est un coup de gueule qu'il porte et il regrette que l'écologie ne soit plus au coeur des préoccupations politiques tant à droite qu'à gauche. Voilà, ça sera à lire dans Aujourd'hui en France, si ça vous intéresse. On passe au « J'aime, j'aime pas. » (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 avril 2010
Bonjour.
C. Roux : Bonjour.
Merci.
C. Roux : J'ai vu, vous regardiez attentivement, « L'infoman de l'info » et il y avait cette phrase de T. Mariani, qui dit : « C'est facile de filer des idées pourries - donc les idées pourries c'est la taxe carbone - aux autres et de claquer la porte quand ses idées sont abandonnées. » Ils sont très remontés, vos partenaires de la majorité ?
Mettez-vous à leur place, une seconde. Il y a un Grenelle de l'Environnement avec 300 mesures, ils le mettent en place, ils le votent, ils me donnent 400 milliards ou à peu près, pour faire le Grenelle de l'Environnement, ils voient tous les jours qu'au fond, ça fonctionne, on va beaucoup plus vite que ce qui était prévu. Parce que c'est bien de commenter le commentaire, mais je vous ai juste apporté quelques vérités simples. Il y avait un point majeur, c'était : par exemple, photovoltaïque, on était en retard, plus 600 % en 3 ans, plus 500 % en 3 ans.
M. Biraben : On partait de pas grand-chose !
Mais attendez, le problème, c'est d'inverser les tendances. Les éoliennes : plus 86 % en 3 ans. Je pourrais...
C. Roux : Qu'est-ce que vous voulez nous dire ? Que la taxe carbone ce n'est pas un sujet ?
Non, non, ce n'est pas ce que je veux vous dire.
C. Roux : Ah bon !
Ce que je veux vous dire, c'est qu'on a décidé une mutation majeure. Sur les bâtiments : 250 kilowattheures du mètre carré, aujourd'hui on est à 50 kilowattheures du mètre carré. Le Grenelle, il va très vite, il va même parfois un peu trop vite. On a des difficultés d'installation sur photovoltaïque, on a des tensions quand on va aussi vite que ça. On a des problèmes de recrutement, il faut bien voir que cette mutation sur les tramways, sur les trains à grande vitesse, sur les trains de marchandises, sur le bio - plus 23 % -, sur la politique... bref ! La machine, elle va très vite.
C. Roux : Vous voulez nous dire que la taxe carbone, ce n'est pas un sujet ?
Non, mais j'y viens à la taxe carbone. La taxe carbone, je l'ai portée, je l'ai défendue...
C. Roux : Suffisamment ?
Vous savez quand quelque chose fonctionne moins bien, et que vous êtes en charge, vous êtes toujours un peu responsable. Je pense qu'on a eu du mal. Hulot, comme nous, a bien expliqué qu'il s'agissait d'un chèque vert et d'un prix donné à l'énergie à terme. Ce que dit Hulot, d'ailleurs, aujourd'hui dans Le Parisien, permettez-moi de le redire clairement, il dit : la gauche l'a fusillée, parce que c'est la droite qui l'a portée. Et il dit en bas de son article : le président de la République a honoré tous ses engagements du Grenelle de l'Environnement. Alors maintenant, ce que je voudrais vous dire sur le fond, maintenant, il faut arrêter tout ça. La vérité, c'est que c'est enthousiasmant. Cette mutation de la société française, ce n'est pas une punition, elle est vitale, il faut qu'on ait une prospérité verte, des emplois, un respect de la nature et de nos ressources et donc voilà redonnons un petit peu de magie à tout ça.
C. Roux : On vous entend, on vous entend, le magicien. Le problème c'est que quand N. Sarkozy se retrouve face à sa majorité, sur le bouclier fiscal il tient, sur la taxe carbone il lâche. C'est un problème de conviction ?
Madame, vous êtes journaliste, il ne vous a pas échappé qu'il n'a pas manqué une voix de la majorité pour voter la taxe carbone, et que les écologistes et le PS ne l'ont pas votée. Il ne vous a pas échappé...
C. Roux : Il ne vous a pas échappé, non plus, que la taxe carbone est repoussée aux calendes grecques. Ça ne vous a pas échappé ?
Madame, il ne vous a pas échappé que c'est le Conseil Constitutionnel qui a annulé la taxe carbone. Ce n'est pas le président de la République, ce n'est pas le Premier ministre, c'est le Conseil Constitutionnel. Il ne vous a pas échappé, non plus, qu'il fallait y attraire les sites industriels, du très bon sujet que vous aviez tout à l'heure, sur les quotas d'émissions, et que ça, on ne peut le faire qu'avec un accord européen. J'ajoute, parce que vous êtes une grande journaliste, que vous avez lu le Pacte écologique de Nicolas, et vous verrez page 224 que la taxe carbone doit se faire en même temps que la taxe aux frontières. Pour terminer, pour terminer...
C. Roux : Alors pourquoi N. Hulot prend ses distances, si tout se passe aussi bien et si la politique n'a pas de responsabilité ?
Non, je n'ai pas dit que ça se passait bien. Une mutation, comme ça, c'est incroyablement difficile. Permettez-moi simplement, voilà, de faire un peu de la politique par les actes et par les faits. Simplement, le président Sarkozy a vu B. Obama, l'autre jour, pour qu'on se mette d'accord sur la même taxe carbone aux frontières, Etats-Unis/Europe. J'ai vu mon homologue chinois la semaine dernière, les Chinois eux-mêmes vont faire une expérimentation à Pékin, à Shanghai et à Tianjin. Donc je crois qu'on est en train d'évoluer rapidement. Mais ce que je voudrais dire à vos téléspectateurs, c'est que ce n'est pas parce qu'il y a des petits problèmes... c'est revenu dans le champ du politique, il y a des débats, c'est-à-dire les gens qui veulent aller aux présidentielles, que le fond du fond de l'histoire c'est le changement de modèle. C'est une bonne nouvelle, c'est une bonne idée, et c'est extrêmement heureux. Voilà !
C. Roux : Moi, je vous écoute, c'est ça l'histoire, c'est que moi, la dernière fois que vous êtes venu, où je vous ai écouté et je me suis dit : voilà qu'il défend la fiscalité écologique avec beaucoup d'enthousiasme, en me disant...
Mais j'ai autant d'enthousiasme.
C. Roux : En nous disant à tous : ça va faire changer les comportements. Et aujourd'hui vous nous dites : non, il y a le photovoltaïque, il y a des choses...
Non, non, non.
C. Roux : Ca reste quelque chose de capital vers lequel vous voulez aller ou pas ?
Ecoutez-moi, juste une seconde : 71 mesures de fiscalité environnementale, cette année. Je vais vous donner, vous avez bien vu hier, les constructeurs automobiles mondiaux ont mis la France en tête, au monde, le pays, qui émet le moins de gramme de CO² cette année. Le bonus/malus écologique, c'est de la fiscalité écologique, ça c'était un engagement du Grenelle et c'est en place. Pour le reste, je vais vous dire, ce qui est d'autant plus agaçant dans cette espèce d'histoire de Conseil constitutionnel, allez ! Avec l'Europe, c'est qu'au fond, les Français étaient en train de se l'approprier. Elle a été dessoudée, il y a un an, ça a commencé par madame Royal, ce qui est son droit d'ailleurs le plus strict, mais elle a été abîmée, dessoudée, on n'a pas bien réussi à la vendre, on ne l'a pas expliquée. Moi, je prends ma part de responsabilité. Mais cette idée qu'il y aura un bonus/malus sur le carbone, c'est évidemment une idée indispensable.
C. Roux : Un mot : quand N. Sarkozy au Salon de l'Agriculture dit : toutes ces questions d'environnement, ça commence à bien faire. Est-ce que N. Sarkozy a toujours des convictions, a toujours envie d'aller vite en matière d'environnement ? Est-ce que vous en avez la certitude ?
Je vais vous dire, il n'y a pas un chef d'Etat et de Gouvernement qui se soit autant mouillé, autant engagé, qui ait pris autant de risque. N. Hulot a l'honnêteté d'ailleurs de dire, dans ce même article, que le Président français était le plus offensif à Copenhague et qu'il a respecté les engagements du Grenelle. Donc voilà, on ne peut pas prendre un bout de phrase et pas l'autre bout. Pour le reste, sur l'agriculture...
C. Roux : Alors je prends l'autre bout de la phrase. Il dit, notamment du côté du Premier ministre, il dit : « ça coince du côté du Premier ministre, ça se fait un peu au forceps ». Est-ce que vous confirmez ce que dit N. Hulot ?
Non, je ne confirme pas. Quand vous avez des arbitrages gouvernementaux, c'est évidemment compliqué. Ce que je dis simplement, c'est qu'un tel bond en avant n'a jamais été fait en France. Mais je vais vous dire, ce n'est pas le Gouvernement. Je veux dire, moi, je ne revendique rien. C'est tout le monde parce que le Grenelle, c'est les villes, c'est les régions, c'est les départements, c'est les citoyens, on ne fera pas cette mutation nécessaire et heureuse sans qu'on la fasse tous ensemble. Ma seule inquiétude de fond, je vais vous la dire, ma seule inquiétude : attention à remettre l'écologie dans le champ du trop politique voire du politicien. C'est d'ailleurs un peu le coup de gueule de Nicolas et de ce point de vue-là...
C. Roux : Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
Cela veut dire qu'on a fait le Grenelle de l'Environnement à un moment où l'écologie politique, c'est-à-dire la conquête du pouvoir, était très affaiblie, à vrai dire. C'était madame Voynet, je crois, (elle) avait fait moins de 2 %. Et ce qui fait qu'on a pu être, vous voyez, j'allais dire, un peu en apesanteur, un peu dans une forme de magie, on l'a fait avec les syndicats, et chacun très respectueux de l'autre. Dès lors qu'une partie des gens disent : c'est moi, moi tout seul, moi seul j'ai le droit au monopole de tout ça, ce n'est pas les autres, la moitié des Français n'ont pas le droit, je pense que ça pose un vrai petit problème.
C. Roux : Alors là vous parlez des Verts et d'Europe écologie ?
Non...
C. Roux : Ca veut dire qu'ils ne sont pas les seuls à incarner l'écologie ?
Non, je pense qu'elle est transversale. Je pense que vous en faites partie de ces accords et je ne sais pas ce que vous votez. C'est votre liberté. Je pense qu'on est sur des sujets tellement compliqués, il faut le faire en plus au plan international. Regardez le thon rouge ! On a beau, nous, avoir décidé, l'Europe avait décidé, on s'est quand même fait battre à Doha. Il y a des régimes qui sont différents, certains sont des démocraties, pas d'autres, certains sont des théocraties. Dans tous les cas de figure, il faut qu'on le fasse enfin. Ce que je veux dire, simplement...
C. Roux : Qu'est-ce que vous pensez de ce sondage que nous publions ce matin, on voit que ce sont deux personnalités de la société civile qui arrivent en tête...
C'est normal, c'est normal. C'est normal.
C. Roux : Quand on demande qui sont les meilleurs pour incarner l'écologie ?
Mais c'est normal et c'est très bien. C'est normal, parce qu'ils ont... D'abord honnêtement, c'est très justifié en ce qui les concerne, parce que s'il n'y a pas N. Hulot, il n'y a pas le Pacte, il n'y a pas ce ministère unique au monde - personne d'autre ne l'a fait -, il n'y a pas tout ce qu'on vient de dire. La France est un des pays au monde qui respecte le protocole de Kyoto, qui est en avance sur tous ses engagements, qui a fait voter l'accord européen de moins 20, moins 30 %... enfin, je veux dire, on le doit à ces figures-là aussi.
C. Roux : Alors il faut qu'il revienne, N. Hulot ?
Mais il n'est pas parti, on a dîné ensemble hier soir, je vous rassure. Il n'est pas parti.
C. Roux : Dites-nous, puisque vous avez dîné ensemble, qu'est-ce que vous vous êtes dit ? Il va participer au Grenelle 2 ? Il va revenir...
Mais non, il n'y a pas... Attendez, la parole est au Parlement voilà ! On est en train... D'abord c'est le 5ème texte de loi, ce n'est pas le 2ème concernant...
C. Roux : On l'appelle le Grenelle 2.
Oui, parce que c'est un nom générique. On est en train de regarder comment ça se passe dans les agglomérations. On est vraiment sur la partie territoriale. Pour le reste, je crois qu'il a eu raison de dire : attention, sortons de l'écologie du champ du politique, c'est ça son coup de gueule. Et moi, j'en suis ravi !
C. Roux : Alors il y a une partie de votre majorité, d'ailleurs vous-même vous avez dit : il faudrait peut-être un parti du centre et écolo également en marge de l'UMP. Est-ce que vous pourriez incarner cette voie centriste écolo, écolo centriste, qui est nécessaire à droite ?
Non, ce que je disais, ce que je crois, alors très profondément, c'est que dans le champ du politique, la disparition provisoire du centre, de F. Bayrou, pose un vrai problème pour les modérés français, les humanistes, les laïcs, les démocrates chrétiens, les écologistes qui ne sont pas forcément, forcément prêts à un accord avec le Front de Gauche, voilà. Il y a un certain nombre de gens qui sont modérés et j'ai le sentiment qu'ils ont un problème de représentation. Voilà, c'est tout ce que je dis.
C. Roux : Est-ce que vous pourriez incarner cette voie-là ?
Honnêtement ce n'est pas la question qui est posée en ce qui me concerne, aujourd'hui. Mais je pense que cette famille, elle doit exister, vraiment ! Vraiment !
C. Roux : Qui pourrait la faire exister ?
On verra !
C. Roux : C'est une question que vous vous posez ?
Peut-être que vous pourriez le faire ?
C. Roux : Je ne suis pas sûre. M. Biraben : Vous êtes déchaîné ce matin !
Non, mais je suis très en forme. Non, mais je voudrais, voilà, qu'on remette un peu de douceur, de joie, et d'enthousiasme dans tout ça.
M. Biraben : Juste avant qu'on passe au « j'aime, j'aime pas » N. Hulot loue votre présence ainsi que celle de C. Jouanno, au Gouvernement. Mais tout de même, précisons-le, c'est un coup de gueule qu'il porte et il regrette que l'écologie ne soit plus au coeur des préoccupations politiques tant à droite qu'à gauche. Voilà, ça sera à lire dans Aujourd'hui en France, si ça vous intéresse. On passe au « J'aime, j'aime pas. » (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 avril 2010