Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil Régional (M. Richert)
Monsieur le Président des Réserves nationales de France (M. Christian Schwoehrer),
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de me retrouver parmi vous aujourd'hui et je vous remercie d'avoir modifié l'agencement de votre Congrès pour m'accueillir à l'occasion de votre 29ème Congrès. Je vous adresse aussi tous les messages d'encouragements de Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat et de Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie qui ne pouvant être parmi vous pour cette édition, sont, vous le savez particulièrement attentifs à vos travaux.
De toutes les crises écologiques qui rendent notre planète exsangue, l'érosion de la biodiversité tient le haut de l'affiche... Difficile qu'il en soit autrement lorsque le rythme de disparition des gènes et des espèces est de cent à mille fois supérieur que leur disparition naturelle.
Mais cette seule affirmation que les espèces disparaissent ne suffit pas pour prendre pleinement la mesure des conséquences qu'induit la perte de biodiversité. Il nous faut identifier les facteurs responsables de son érosion, pour mieux faire la part de l'action humaine. Parallèlement, nous devons être en mesure de déterminer, avec précision, ce que la biodiversité apporte comme service à l'Humanité et ce que sa disparition lui coûte -et lui coûtera à l'avenir.
Autant dire que l'on ne saurait s'engager efficacement au service de la biodiversité si l'on ne retient pas une approche globale de ses enjeux.
C'est précisément ce à quoi nous invite cette année 2010, année de la biodiversité. Elle sonne la mobilisation générale. Gestionnaires de réserves naturelles, d'espaces naturels et d'aires protégées, vous êtes les sentinelles de ce combat pour la préservation du vivant.
Par vos métiers et les milieux naturels qui vous sont confiés, vous disposez d'une connaissance quasi-intime de la nature. Mieux que quiconque, vous en connaissez les richesses ; vous en percevez aussi toute la fragilité.
Mais l'intérêt de ce 29ème congrès dépasse la « simple » rencontre des praticiens que vous êtes. Il est un formidable moment d'introspection. Il offre à chacun un temps privilégié pour réfléchir et s'interroger sur l'efficience de nos actions et la pertinence de nos décisions.
Cette année, vous avez décidé de vous interroger sur le rôle des réserves au service de la sensibilisation du citoyen. C'est toute la logique du carrefour entre votre action sur le terrain et le témoignage que vous portez partout ou vous agissez.
Je me réjouis du succès de l'appel à projets « Education à l'environnement » qui a engrangé cette année une soixantaine de projets dans les réserves représentant un montant de plus de 870 000euros. Cette dynamique est d'autant plus remarquable que cette opération initiée en 2009, s'est poursuivie et renforcée cette année, en s'inscrivant dans la cadre de l'année internationale de la biodiversité.
Votre mission est large et je souhaiterais vous dire quelques mots sur plusieurs points en particulier.
1. Sur la stratégie nationale de création d'aires protégées
Les espaces protégés constituent un élément structurant de la politique de préservation du patrimoine naturel de notre ministère. Le Grenelle de l'environnement a d'ailleurs impulsé une dynamique ambitieuse de renforcement de ce réseau des aires protégées, en prévoyant notamment, comme vous le savez, la mise en place d'une stratégie nationale de création des aires protégées.
Fondée sur un diagnostic des lacunes du réseau actuel et sur l'identification des projets de création à prévoir dans les années à venir, l'objectif de cette stratégie est de placer 2% au moins du territoire terrestre métropolitain sous protection forte d'ici 2019.
Cet objectif sera atteint grâce à l'ensemble des espaces protégés, et les réserves naturelles que vous représentez ont un rôle essentiel à jouer.
D'ailleurs, le rythme soutenu de création de réserves naturelles nationales se poursuit, en métropole comme outre-mer, portant fin 2009 à 164 le nombre de ces espaces protégés. Ainsi, en 2009, 3 réserves naturelles nationales ont été créées en Ile de France, en PACA et en Aquitaine.
Et 2010 a vu paraître dès le mois de janvier le reclassement de la RNN des Aiguilles Rouges, en Rhône-Alpes. D'autres projets devraient voir le jour dans plusieurs régions de France au cours de l'année.
Je sais également que RNF participe de manière active aux travaux du comité de pilotage dédié à cette stratégie et a grandement contribué au diagnostic patrimonial du réseau des aires protégées, en fournissant au muséum national d'histoire naturelle les données dont dispose le réseau.
Les priorités établies à l'échelle nationale au titre à la fois de la biodiversité et de la géodiversité vont bientôt être déclinées au niveau régional, sous l'égide des Préfets de région, avec l'appui des DREAL et des Conseils Scientifiques Régionaux du Patrimoine Naturel (CSRPN) et des Régions.
Je sais, pouvoir compter sur les gestionnaires de réserves naturelles pour mettre au service des Préfectures de région leur expertise, leur connaissance du territoire et leurs capacités de dialogue pour que ces déclinaisons régionales soient un moment fort d'impulsion en faveur de la création de nouveaux espaces protégés.
2. Sur la trame verte et bleue
Le Comité opérationnel Trame Verte et Bleue a tenu sa dernière réunion il y a deux semaines. Il a donné des références, fixé des cadres, offerts des outils. Le législateur va définir le socle commun, mais désormais, à partir du second semestre de cette année, c'est aux acteurs locaux et donc à vous de vous emparer plus encore du sujet et de le faire vivre concrètement.
La Trame verte et bleue est un projet qui va et doit se faire au niveau local, au plus près des territoires. Nous devons être mobilisés pour cela, car le coeur de vie de la Trame verte et bleue, sont les niveaux régional et local. Il est primordial de laisser aux territoires et à leurs acteurs toute leur marge d'appréciation et de favoriser leurs grandes capacités d'innovation.
Ce faisant, je compte sur votre mobilisation pour l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique. Il est important que vous puissiez vous mobiliser de manière cohérente, organisée, au regard de vos expériences et vos compétences propres. Chacun doit y trouver sa place. J'en appelle à votre responsabilité pour que les démarches soient complémentaires et partagées. Nous ne pouvons nous permettre de risquer la dispersion.
Je souhaite que chacun d'entre vous puisse répondre à cette double interrogation : que contient mon territoire en termes de continuités écologiques à sa propre échelle ? Que peut-il apporter à l'échelle supérieure ?
L'élaboration du schéma régional de cohérence écologique est clairement notre priorité. Elle ne doit pas cependant arrêter ou empêcher les dynamiques infrarégionales. Sur ce dernier point, je connais vos grandes capacités d'expérimentation et l'Etat vous soutiendra du mieux possible dans vos initiatives.
La Trame verte et bleue doit d'autre part, je pourrais même dire surtout, porter un projet d'aménagement ambitieux du territoire. Il s'agit de notre capacité à porter des dynamiques de territoire, qui impliquent un développement économique et social, adossées à la Trame verte et bleue ou pour le moins respectueuse de celle-ci.
3. sur le pacte de solidarité écologique
Vous connaissez ma ferveur à inscrire la solidarité au coeur du processus de mutation induit par le Grenelle de l'environnement. Je considère en effet que solidarité et écologie sont les deux expressions d'un même projet où chacun est appelé à prendre en compte l'impact de son activité sur l'homme et l'environnement.
Dans cette perspective, avec le ministre d'Etat, nous avons mobilisé l'ensemble des acteurs de l'environnement et de la solidarité autour des 5 thèmes de la croissance verte et de l'emploi, de la lutte contre la précarité énergétique dans le logement, des modes de vie, des territoires et de la citoyenneté.
J'invite l'ensemble du réseau des réserves naturelles à contribuer à ce projet de pacte de solidarité écologique.
Sur le premier volet de l'emploi, le comité de filière « biodiversité et services écologiques » a estimé à 20 000 le nombre de personnes dont le métier contribue à la connaissance, la protection, la restauration de la biodiversité, ainsi que sa prise en compte dans d'autres activité économiques.
Vous comptez parmi ces premiers ouvriers de la biodiversité mais vous êtes encore trop peu nombreux pour faire face aux enjeux de lutte contre l'érosion de la biodiversité.
30 000 professionnels à l'horizon 2015 et 40 000 à l'horizon 2020 sont ainsi attendus pour relever le défi.
En lui-même, le Grenelle de l'environnement va contribuer à ces créations d'emplois, en définissant de nouvelles thématiques d'actions telles la trame verte et bleue, ou encore la restauration des zones humides.
Ces créations doivent s'accompagner d'un enjeu de porter à la connaissance du grand public ces métiers émergents et de structuration de la filière dans le sens d'une amélioration de sa lisibilité. La communication sur les chantiers de restauration des milieux naturels a aussi toute son importance et doit être développée.
Par ailleurs, je félicite d'ores et déjà les nombreuses initiatives du réseau des réserves naturelles visant à favoriser l'accessibilité des espaces naturels aux personnes en situation de handicap, qui s'inscrivent pleinement dans la perspective de solidarité écologique.
Je souligne, outre le développement d'aménagements d'accueil adaptés à tous les publics, notamment les personnes handicapées, via les dotations allouées par l'Etat, l'ensemble des actions menées avec l'appui de la fondation EDF Diversiterre, parmi lesquelles je peux citer quelques exemples de projets exemplaires tels ceux des réserves de la baie de Saint-Brieuc, de l'Etang Saint Ladre à Boves, de Wavrans-Acquin ou encore des étangs de Romelaëre que j'ai eu l'occasion de visiter lorsque j'étais secrétaire d'Etat à la solidarité.
Je vous encourage à poursuivre cette politique d'accessibilité des espaces naturels aux personnes en situation de handicap afin de faire de ces espaces, non seulement des espaces exemplaires en matière de préservation de la nature mais aussi de solidarité.
Mesdames, Messieurs,
Votre semaine de congrès n'est qu'à son début et je vous souhaite de mettre à profit toute la richesse de cette semaine d'échanges et de partages d'expériences, organisée par RNF, pour renforcer toujours plus votre action au service de l'environnement.
Avant de vous laisser poursuivre vos réflexions je voudrais préciser deux points :
- Tout d'abord, vous féliciter sur l'initiative que vous lancerez Vendredi, à savoir le Baromètre Européen de la Nature avec Terre Sauvage. Je suis heureuse que cet outil qui a fait ses preuves en France depuis quelques années puissent permettre à d'autres pays de mesurer l'efficacité de leurs politiques et les urgences auxquelles ils doivent faire face.
- Concernant Xynthia, les réserves naturelles du littoral atlantique ont été fortement affectées par la tempête. Je tiens à souligner la réactivité des gestionnaires, des services déconcentrés de l'Etat et des nombreux bénévoles qui ont oeuvré pour mesurer et remédier aux dommages économiques, matériels et environnementaux collatéraux.
5 réserves naturelles de Poitou-Charentes, des Pays de la Loire et de Bretagne ont été particulièrement impactées, subissant des dégâts directs et indirects estimés à plusieurs centaines de milliers d'euros. Les gestionnaires concernés sont aujourd'hui dans l'attente de retrouver, le plus rapidement possible, un bon fonctionnement des réserves. Ainsi, sans attendre les estimations précises des dégâts bien par bien et des parts prises en charge par les assurances et d'éventuels cofinanceurs des projets, je m'engage , en concertation avec Chantal Jouanno et les services concernés, à déléguer aux gestionnaires concernés dans les prochaines semaines, via les DREAL compétentes, une enveloppe d'urgence de 100 000euros. Cette démarche est un premier pas vers un rétablissement progressif de la marche normale de ces espaces à moyen terme.
Outre les travaux d'urgence, le ministère de l'Environnement est ainsi particulièrement attentif à mettre en place une politique d'anticipation et de prévention des risques effective. Ainsi, à plus long terme, dans le cadre de la stratégie nationale de gestion du trait de côte prévue par le Grenelle de la mer, il convient d'envisager les espaces naturels comme des zones tampons offrant un premier rempart face aux phénomènes de submersion, en faisant appel à des techniques de gestion du trait du côte plus « douces » que des digues et des enrochements classiques. Ce sujet est grave et je souhaite que nous le traitions avec l'implication et la mobilisation qu'il impose.
Mesdames, Messieurs,
La préservation de la biodiversité au quotidien, c'est vous.
Votre participation active à ce chantier est décisive. Vos missions et votre engagement sont au coeur de cette année internationale de la biodiversité... Puissent-ils faire naître des vocations !
Définitivement, la tâche est conséquente : nous n'allons pas nous ennuyer dans les semaines et les mois à venir !
Autant dire que je compte sur votre soutien comme vous pouvez compter sur ma détermination à faire des enjeux de la biodiversité et de l'importance de sa bonne gestion l'un des axes structurants de l'action du Ministère de l'Environnement.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 15 avril 2010