Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, sur les mesures en faveur du développement du télétravail, à l'Assemblée nationale le 25 mai 2009.

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Circonstance : Débat sur la proposition de loi "pour faciliter le maintien et la création d'emplois" - volet télétravail, à l'Assemblée nationale le 25 mai 2009

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les députés,
Monsieur le rapporteur Jean-Fréderic POISSON,
Je salue ce soir, à mon tour, cette initiative parlementaire. Messieurs Jean-Frédéric POISSON, Jean-Paul ANCIAUX, Gérard CHERPION, Jean-Pierre DECOOL, Bernard GÉRARD, Jacques KOSSOWSKI, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER et Jean-Charles TAUGOURDEAU, co-auteurs de cette proposition de loi vous êtes porteurs d'une ambition forte pour la France en ces temps de crise.
Vous vous engagez à écarter des obstacles sur le chemin de l'emploi et à promouvoir plus de souplesse dans l'organisation du travail, en proposant à la discussion du Parlement une action en faveur du télétravail.
C'est là un engagement politique important, à un moment où le retour à l'emploi exige de nous une attention particulière à la protection des parcours professionnels et une attention tout aussi grande à chacune des pistes innovantes susceptibles de créer de l'emploi.
Comme le souligne le chapitre IV de votre proposition de loi, Messieurs les Députés, le télétravail, tel que le rendent possible les outils numériques, devrait être l'un des facteurs de changement de l'organisation de la société.
À nos concitoyens qui souhaitent « télétravailler », il faut bien sûr d'abord garantir la possibilité d'un accès Internet à haut débit.
Je souhaite donc rappeler l'engagement du Gouvernement d'apporter à tous les Français, avant la fin de l'année 2010 et sur l'ensemble du territoire, l'accès au haut débit.
Depuis que j'exerce mes nouvelles fonctions, j'ai souhaité défendre l'inscription d'un volet numérique dans le plan de relance. Comme vous le savez, c'est chose faite depuis le 6 mai dernier. 750 millions d'euros seront investis dans les infrastructures, 30 millions d'euros dans le serious gaming et 20 millions dans le web 2.0.
En outre, le télétravail répond à l'une de mes ambitions, qui est de lier la croissance économique et le développement durable.
Lors du Grenelle de l'environnement, Messieurs les Députés Jean-Pierre DECOOL et Bernard GERARD avaient proposé un amendement visant à promouvoir le télétravail, pour réduire les transports et les émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Le télétravail, même à temps partiel, diminue la consommation d'énergie et la pollution, mais il atténue également la fatigue du salarié et le coût de ses transports.
C'était là, déjà, un premier pas vers le développement du travail à distance en réseau.
À ce jour, la part de la population active concernée par le télétravail est encore faible. Les télétravailleurs représentent environ 7% de la population active de notre pays, alors qu'ils sont en moyenne 13% en Europe et 25% aux États-unis.
La demande existe pourtant, dans les grandes entreprises, mais également dans le travail indépendant.
Le développement du cadre législatif et social approprié devait donc être poursuivi. Il nous revient aussi, aujourd'hui, de bien comprendre qui sont les destinataires de la législation proposée, pour la rendre plus opérante et plus utile.
Je souhaite préciser quelque peu les données chiffrées pertinentes.
Les 7% de télétravailleurs recensés en 2004 se partageaient en 400 000 télétravailleurs à domicile, à temps complet ou en alternance, et 1,2 millions de télétravailleurs nomades, partageant leur temps de travail entre plusieurs lieux : chez le client, dans une filiale ou dans un télécentre.
Il existe donc une marge de progrès, qui mérite d'autant plus d'être explorée que la part des entreprises utilisant le télétravail vient de passer, en un an, de 16 à 22%.
C'est évidemment dans le secteur tertiaire que le télétravail est le plus développé : dans les services liés aux TIC et dans les services financiers.
Le télétravail est également très présent dans les services aux entreprises, dans les prestations intellectuelles comme le conseil ou la publicité. Sans surprise, les grandes entreprises ont recours au télétravail beaucoup plus fréquemment que les très petites. Ce sont aujourd'hui les cadres qui pratiquent le plus ce type d'organisation, car ils sont déjà souvent en déplacement chez des clients ou en mission : près de 30% des cadres déclarent déjà des pratiques de télétravail, selon M. le député Jean-Frédéric POISSON.
En outre, cette forme de travail se répand désormais dans toutes les catégories d'entreprises.
Ces chiffres indiquent une demande, qui correspond d'ailleurs au développement de nouvelles formes de travail. Je pense ainsi à la micro-entreprise ou bien au nouveau statut de l'autoentrepreneur, créé par mon collègue Hervé NOVELLI dans la loi de modernisation de l'économie.
Il nous revient donc de favoriser ces nouvelles formes de travail, mais également de protéger les salariés, en les prémunissant notamment contre ce que le Professeur Jean-Emmanuel RAY appelle la « télé-disponibilité généralisée ».
En France et en Europe, afin d'allier le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) au télétravail, les partenaires sociaux européens ont conclu le 16 juillet 2002 un accord-cadre sur le télétravail. Afin de poursuivre les engagements européens, un accord national interprofessionnel (ANI) a été signé en France, le 19 juillet 2005 par l'ensemble des partenaires sociaux.
Il me paraît opportun de poursuivre le développement du télétravail dans un cadre souple adapté à la diversité des situations liées au travail en réseau.
En la matière, et plus particulièrement dans le domaine de l'économie numérique, la proposition de loi que nous examinons s'inscrit dans le droit fil du plan « France Numérique 2012 ». Ce Plan avait en effet inscrit le télétravail parmi ses priorités, que ce soit dans le secteur public comme dans le secteur privé.
D'abord, dans le secteur public, en lançant une étude permettant d'identifier les postes et fonctions dans le secteur public pouvant faire l'objet de télétravail.
Ensuite, dans le secteur privé, le Plan prévoit de mieux faire connaître les avantages du télétravail, en donnant un écho national à des expériences pilotes emblématiques ; et en intégrant le télétravail dans les actions de formation des créateurs et des chefs d'entreprise.
Le dispositif public de soutien au retour à l'emploi doit également contribuer à la promotion du télétravail, via la création d'une rubrique « offre d'emploi télétravail » dans le panel des offres du Pôle Emploi, et la création de bilans de compétence pour les métiers du télétravail.
Le plan France Numérique 2012 prévoit enfin de poursuivre le maillage du territoire notamment en télécentres, par une meilleure intégration dans le réseau des espaces publics numériques.
Par ailleurs, j'ai récemment été saisie de projets d'installation de télécentres offrant aux salariés, près de chez eux, les moyens de se relier à leur entreprise et les supports professionnels - secrétariat, cantine, etc. Le développement de tels télécentres favoriserait la pratique du télétravail de manière conviviale, et éviterait l'isolement que certains salariés peuvent craindre s'ils doivent travailler chez eux.
Comme vous l'avez montré, Messieurs les Députés, les principaux obstacles au télétravail ne résident pas dans l'inadaptation du cadre juridique existant, mais dans l'évolution des mentalités et de l'organisation du travail.
Le texte proposé en prend la mesure et s'articule autour de deux axes forts : l'inscription dans le code du travail de la définition et des modalités du télétravail, et la promotion du télétravail dans les maisons de l'emploi et au sein des administrations publiques. Il me semble particulièrement important que l'administration puisse rendre compte des progrès et des initiatives prises dans ce domaine.
Convaincu que le télétravail constitue une illustration particulièrement frappante de l'apport des nouvelles technologies à l'amélioration simultanée de la qualité de vie, du pouvoir d'achat, et du développement durable, le secrétariat d'État chargé de la Prospective et du Développement de l'économie numérique soutiendra activement la promotion des projets de télétravail.
Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 21 avril 2010