Interview de M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie, à "LCI" le 20 avril 2010, sur les difficultés économiques engendrés par la fermeture des aéroports à la suite de l'éruption du volcan islandais, sur la grève à la SNCF.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Les vols reprennent lentement ce matin, mais n'est-ce pas un bref sursis avant un nouvel arrêt, puisque déjà les Britanniques annoncent l'arrivée d'un nouveau nuage et suspendent leurs aéroports ?

Eh bien nous allons être, comme d'habitude, réactifs et pragmatiques. S'il faut fermer, nous refermerons l'espace aérien. Sans hésiter ? Il n'y a pas d'hésitation à avoir sur la sécurité des passagers, lorsque celle-ci peut être en jeu. Par contre, ce qui et aujourd'hui tout à fait important, c'est de s'organiser pour que la reprise du trafic puisse s'opérer progressivement dans les heures et dans les jours qui viennent, et puis être très attentif à ce qui se passe du côté de l'Islande.

On a travaillé au doigt mouillé dans ce ciel, le nuage on ne le voyait pas, on ne savait pas trop où il était. On n'est pas armés !

On a là les limites de la connaissance, d'un phénomène et du mouvement des vents qui fait que le nuage, on le sait, et il est un peu partout, et puis on a parfois du mal à l'identifier.

Et du coup, on le surestime un peu. Vous n'étiez pas pour le principe de précaution dans la Constitution, vous aviez lutté contre ce phénomène. On est aujourd'hui dominé par le principe de précaution.

C'est vrai que je n'ai pas voté ce texte, j'y voyais un danger. Un danger. On peut être tout à fait attentif, sans pour autant se poser à l'intérieur de la Constitution des bornes. Mais le débat est clos, c'est un texte aujourd'hui constitutionnel et qui s'impose. Il faut continuer d'assurer la sécurité des passagers d'un côté, mais faire en sorte que dès que l'on en a beaucoup d'assurance, on puisse faire en sorte que le trafic se déroule normalement.

Avez-vous déjà un ordre d'idée des dommages économiques causés par ces jours d'immobilité ? Cela se compte en centaines de millions, en milliards d'euros ?

Il est très difficile de le dire à l'heure où nous nous parlons. Je réunis pour la première fois un groupe, cet après midi, à Bercy, à 15 heures, avec les compagnies aériennes, les tour-opérateurs, les distributeurs, c'est-à-dire ceux qui sont directement impliqués, et puis il y a aussi les implications indirectes. Nous allons mettre au point cet après-midi une méthodologie d'évaluation. Et ensuite, nous verrons comment combler ou faire en sorte d'accompagner ces difficultés économiques.

Vous avez envisagé d'emblée l'idée d'un coup de pouce de l'Etat pour les professionnels en difficulté. D. Bussereau a dit des tour-opérateurs, « ça n'est pas le problème du Gouvernement ». Qui a raison, lui ou vous ?

Il est en charge des Transports ; je suis, avec C. Lagarde, en charge de l'Economie, et depuis des mois dans la crise économique que nous traversons, nous avons mis en place des outils. Des outils d'accompagnement en soutien en trésorerie aux petites et moyennes entreprises, en fonds propres, en accompagnement de crédits. Tous ces outils sont sur la table, eh bien je vous le dis, nous les utiliserons s'il le faut.

Ce qui a servi pour la crise financière peut servir pour la crise volcanique ?

C'est au final une crise économique. Et moi, j'ai à gérer, avec C. Lagarde, avec le ministre du Budget, les conséquences économiques de cette crise volcanique.

Avez-vous chéquier ouvert pour ce coup de pouce ?

Absolument pas. J'ai à évaluer et à prendre, sous l'autorité de F. Fillon et du président de la République, les bonnes décisions.

Ce sera essentiellement des prêts, un peu comme on l'a fait pour l'industrie automobile ?

On peut imaginer toute une série de soutiens, garanties, accompagnements, coups de pouce. Mais ce qui est très important aujourd'hui, à l'heure où nous nous parlons, c'est l'évaluation et surtout la méthodologie, mettre au point une méthodologie pour identifier les coûts, les coûts directs et les coûts indirects.

Il y a les entreprises mais il y a aussi les voyageurs, les citoyens. Est-ce que vous allez demander aux voyagistes d'indemniser ceux qui ont perdu tout ou partie de leurs vacances ?

Ils ont à effectuer une prestation, ces voyagistes. La prestation qui consiste à envoyer, dans un lieu, des touristes, et à les ramener. Lorsqu'il y a un cas de force majeure qui intervient, ils ne sont pas tenus de payer des surcoûts supplémentaires. Simplement, ils sont aujourd'hui, les tour-opérateurs - et je les en remercie, et je leur demande de continuer très fortement -, ils sont aux côtés de leurs clients, ils négocient avec l'ensemble de la chaîne économique, avec les opérateurs, tous ceux qui font de la prestation, avec eux ils négocient des tarifs améliorés pour les surcoûts des séjours qui sont supplémentaires. Il faut qu'ils continuent de le faire.

Tous les syndicats patronaux sont inquiets. Est-ce que vous les recevrez, Medef, CGPME ?

Evidemment. Pour l'instant, j'ai à gérer, avec C. Lagarde, l'évaluation économique directe de cette crise. C'est ce que nous allons faire. Et puis, bien sûr, il y a toutes les répercussions de cette crise. Il y a beaucoup d'entreprises qui dépendent de cette chaîne du trafic aérien, je pensais pas exemple à tous ceux qui vivent du fret, c'est-à-dire de l'expédition des produits frais, eh bien ces produits frais, aujourd'hui, ils le sont un peu moins lorsqu'ils sont stockés et qu'il n'y a pas de trafic. Il faut regarder ce que nous pouvons faire pour accompagner la trésorerie de ces entreprises.

Pendant ce problème, la grève s'est poursuivie à la SNCF, alors que les avions étaient bloqués. Que peut faire le Gouvernement contre l'attitude des syndicats ?

Le Gouvernement doit être responsable pour deux. Et moi je regrette, je vous le dis, alors que certains syndicats font preuve d'une grande responsabilité dans cette période, je regrette le côté irresponsable de certains syndicats qui continuent de faire grève, alors que nous devons demander à la SNCF des efforts supplémentaires, pour faire en sorte que les voyageurs qui arrivent sur les aéroports du Sud de la France, puissent être acheminés vers leur lieu d'habitation. Il y a là un paradoxe auquel l'opinion publique, j'en suis convaincu, est tout à fait sensible.

Est-ce que la direction de la SNCF n'a pas sa part de responsabilités ? Elle n'a pas su négocier...

Je ne dresse pas les responsabilités. Je constate qu'il y a aujourd'hui une situation qui est une situation extraordinairement difficile, liée à cette éruption volcanique et qu'on aurait pu attendre un comportement un peu plus responsable.

Prochaine crise, peut-être devant nous... Avancerez-vous les soldes d'été ? Les commerçants vous disent "les soldes d'été sont trop proches des vacances de juillet, donnez-nous quelques jours plus tôt".

Là aussi, il faut faire preuve de pragmatisme. Ces soldes, ils ont été modifiés. C. Lagarde et moi-même avons fait en sorte qu'il y ait plus de souplesse pour ces soldes, c'est-à-dire qu'il y a des soldes flottants et des dates fixes. Je peux prendre, avec la ministre de l'Economie, des dérogations. Je l'ai fait l'année dernière, je le dis...

Ce n'est pas exclu ?

...Je le dis, le pragmatisme, là aussi, doit l'emporter. Lorsqu'il y a, par exemple, une concurrence transfrontalière, qui est délicate, par rapport à nos amis italiens par exemple, je pense à beaucoup de territoires du Sud de la France, il peut être accordé une dérogation sur ces dates nationales.

Alors, pragmatisme aussi : E. Balladur souhaite que N. Sarkozy se déclare candidat à la présidentielle 2012 dès aujourd'hui, pour faire cesser la cacophonie des prétendants. Est-ce votre point de vue aussi ?

Je pense qu'il est évidemment le candidat le mieux placé pour porter les couleurs...

Qu'il le dise tout de suite s'il a envie d'y aller !

... de ceux qui veulent réformer notre pays. Il est le réformateur dont notre pays a besoin. Il faut donc qu'il soit en situation de se présenter, je le souhaite de tout coeur, et c'est vraiment le meilleur candidat.

C. Pasqua est-il victime d'acharnement judiciaire ? Il est devant la Cour de justice de la République...

Je trouve que C. Pasqua a droit au respect pour l'homme politique qu'il a été. Et j'espère que l'on tiendra compte de cela dans ce procès qui s'annonce.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 avril 2010