Déclaration de M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie, sur le rôle des pôles de compétitivité dans la stratégie industrielle de la France, Montpellier le 29 avril 2010.

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Circonstance : Visite du ministre au pôle de compétitivité éco-technologique " Eau" de l'université Montpellier 2, le 29 avril 2010

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Merci de nous accueillir dans votre université, Chère Madame la présidente Danièle HERIN.
La salle qui est devant moi incarne parfaitement la force du projet Eau Languedoc Roussillon
Il y a là l'alliance de la recherche, de l'université et des entreprises, TPE, PME et grands groupes. Les 3 piliers fondamentaux sur lesquels repose chaque pôle de compétitivité.
Un pôle de compétitivité, c'est en effet l'association sur un même territoire d'entreprises innovantes, de capacités de recherche et de lieux de formation.
Je sais bien qu'à ce jour, le cluster Eau de Languedoc Roussillon n'est pas officiellement un pôle de compétitivité. Il n'est d'ailleurs naturellement pas question pour moi d'anticiper sur ce que décidera le Comité interministériel dans les prochains jours mais je veux vous dire que ce que j'ai vu ici me paraît indéniablement de la plus grande qualité.
Les pôles de compétitivité ont réussi en moins de 5 ans à devenir un levier incontournable de notre politique industrielle.
Aujourd'hui, la France compte 71 pôles de compétitivité, dont 17 pôles d'ambition mondiale. Depuis leur lancement par Nicolas SARKOZY et moi-même en 2005, cette politique a créé une forte dynamique de projets innovants sur l'ensemble du territoire : plus de 800 projets de R&D ont été portés et financés par les pôles de compétitivité depuis leur création ; ils représentent un financement total de 4,3 milliards d'euros et portent sur l'ensemble des secteurs stratégiques pour le développement de nos entreprises.
En moins d'un an, dans la seule région Languedoc Roussillon c'est près de 900 000 euros de financement de projet de recherche obtenu dans le cadre du Fonds unique interministériel. Ils ont profité aux initiatives de vos 4 pôles de compétitivité, DERBI, EUROBIOMED, Q@LIMED et TRIMATEC.
Parce qu'elles innovent en permanence, parce qu'elles choisissent de remettre en cause régulièrement leurs savoir-faire, les entreprises des pôles de compétitivité ont de meilleures chances de se sortir de la crise économique mondiale que leurs concurrentes.
Derrière ces chiffres, ce sont autant de parts de marché nouvelles pour nos industries et nos services, ce sont autant d'emplois que les pôles ont permis de créer dès aujourd'hui mais plus encore pour l'avenir. Les 6 800 entreprises membres des pôles emploient plus de 810 000 salariés.
Bien sûr des progrès restent à faire. Il n'en reste pas moins vrai que la plus grande partie des pôles de compétitivité ont rempli les objectifs qui leur avaient été assignés.
Depuis 2 ans, nous sommes entrés dans la politique dite 2.0 des pôles de compétitivité : fin du saupoudrage, meilleure coordination, définition de feuilles de route stratégiques claires,... et évaluation des pôles de compétitivités.
13 pôles vont devoir démontrer qu'ils méritent encore ce label. Parmi eux, je le sais, Q@LIMED. Le gouvernement naturellement prendra toutes ses responsabilités, mais je vous le dis ici : je crois sincèrement que ce pôle a réalisé de vrais efforts pour renforcer sa stratégie, sa gouvernance, la qualité de ses projets. A titre personnel, je crois à la qualité de ce pôle.
Et puis, le Gouvernement a décidé de lancer un appel à projet pour de nouveaux pôles de compétitivité dans le domaine des écotechnologies, un domaine insuffisamment couvert par les pôles actuels.
19 projets ont été présentés.
La décision du gouvernement sur les « délabellisations » et les nouvelles labellisations interviendra dans le courant du mois prochain. Les thèmes de l'eau mais aussi de l'énergie et de son stockage seront traités en priorité.
J'ai dit tout à l'heure la décision que j'ai prise de venir soutenir vos ambitions. Je veux maintenant vous en donner les raisons.
Cher Jean-Pierre BUCHOUD, vous avez su positionner votre cluster comme acteur de haut niveau sur cet enjeu majeur : l'eau. L'or du XXIème siècle !
L'alimentation en eau potable de la population mondiale reste l'un des plus grands défis de l'humanité. C'est l'un des fameux « objectifs du millénaire » pour le développement de l'ONU. Malgré les avancées, plus de 1 milliard de personnes ne bénéficient toujours pas d'un accès satisfaisant à l'eau potable. De plus, plusieurs facteurs tendent à réduire les disponibilités en eau : la mauvaise gestion, le gaspillage, et la pollution des réserves qui sont tout sauf infinies. Les Européens consomment aujourd'hui 8 fois plus d'eau douce que leurs grands-parents pour leur usage quotidien. Il n'est pas impossible qu'un jour une guerre éclate à cause de l'enjeu que représentent l'accès à l'eau et sa maîtrise !
Les enjeux sociétaux sont immenses. Les marchés envisagés pour les années à venir également.
Il faut valoriser fortement l'excellence française en matière de gestion de l'eau face à une concurrence qui se développe fortement, dans les pays européens, comme dans un certain nombre de pays émergents : je veux souligner ici que Singapour s'apprête à investir plusieurs centaines de millions d'euros pour se doter d'une expertise en matière de gestion de l'eau, y compris en attirant des entreprises étrangères leaders sur des projets ambitieux de recherche et d'innovation !
* La population mondiale devrait passer de 6 milliards d'individus en 2000, à 8 milliards en 2025. La quantité moyenne d'eau douce disponible par habitant et par an devrait donc chuter de 6 600 à 4 800 mètres cubes. Si parallèlement la tendance à l'augmentation des prélèvements en eau se poursuit, entre la moitié et les deux tiers de l'humanité devraient être en situation dite de stress hydrique en 2025, seuil d'alerte retenu par l'ONU et correspondant à moins de 1700 mètres cubes d'eau douce disponible par habitant et par an. Le risque d'une pénurie d'eau douce existe donc bien. Le pôle Languedoc Roussillon a fait des technologies liées à ce stress hydrique une de ses priorités.
* Le problème de l'eau n'est pas uniquement quantitatif, il est aussi qualitatif. Car plus la consommation d'eau augmente, plus les rejets d'eaux usées et d'effluents sont importants. Cette pollution pose un grave problème, car elle pourrait rendre les réserves progressivement inexploitables. La maitrise des polluants est essentielle, notamment pour notre santé à tous. La notion de micropolluants, de précurseurs chimiques, de pollutions biologiques devient un enjeu important. Là encore, c'est également le cas du projet d'éco-pôle QUALITE DES EAUX CONTINENTALES d'Alsace-Lorraine, le cluster Eau de Languedoc Roussillon est en pointe.
* Il est essentiel de disposer de technologies de mesurage rapides et fiables, y compris en milieux complexes. Votre cluster doit être un fer de lance. D'autres projets d'éco-pôles comme DREAM de la région Centre par exemple sont en mesure d'apporter des solutions complémentaires.
* Un autre aspect concerne le traitement de l'eau, qu'il s'agisse de l'eau potable ou des eaux usées d'origine industrielle ou domestique. Là encore, les technologies portées par votre projet apporte me semblent très fortes, notamment en matière d'utilisation des membranes et de traitement des boues de station d'épuration.
* L'eau enfin est le plus souvent consommée avec excès. En moyenne, seuls 55 % des prélèvements sont réellement consommés. Les 45 % restants sont soit perdus, par drainage, fuite et évaporation ou par fuite dans les réseaux de distribution. Dans certaines grandes villes d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique Latine, jusqu'à 70 % de l'eau distribuée est perdue dans les réseaux. Seule une nette amélioration de la gestion globale de l'irrigation permettra de réellement maîtriser la croissance de la consommation. La maitrise des technologies de gestion des réseaux, d'utilisation en irrigation et de multi-usage de l'eau est une de vos spécialités.
La stratégie que vous mettez en oeuvre me semble donc parfaitement cohérente. Le socle académique et industriel qui associe PME/ PMI dynamiques et grands du secteur, est solide. Enfin, votre couverture territoriale est bonne et vous vous positionnez sur un secteur déterminant pour notre économie mais aussi, pour celle du monde.
J'en suis donc convaincu, votre cluster a les capacités pour rayonner très rapidement à l'international. Et en même temps, il s'appuie, c'est essentiel, sur un ancrage territorial fort.
Je salue donc les forces vives de ce projet. Je n'ignore pas le rôle, cher Eric SERVAT, que joue le remarquable laboratoire de recherche sur l'eau Hydrosciences, avec ses 100 chercheurs et son expertise de pointe. J'ai entendu M. Claude ALLET, président fondateur et représentant de Swelia, ce réseau des PME/ PMI de l'eau de Languedoc Roussillon,, et à travers lui tous les responsables de PME/ PMI, les chercheurs et les universitaires présents aujourd'hui, du Languedoc Roussillon mais aussi de Midi-Pyrénées ou de PACA.
J'en profite d'ailleurs pour souligner que la candidature commune de votre projet avec celui d'Aqua 21 de PACA est un gage supplémentaire de votre réussite.
Les futurs éco-pôles de compétitivités seront au coeur d'une politique des pôles de compétitivité que j'ai entrepris de rénover.
Cette nouvelle ère des pôles de compétitivité, je veux la construire autour de 2 axes
* le passage d'une culture de la recherche à une culture de l'innovation industrielle
* le passage d'une logique de cloisonnement à une logique d'écosystème.
Les États généraux de l'industrie et l'Emprunt national vont nourrir cette ambition. Des actions concrètes sont en cours ou à venir.
* Passage d'une culture de la recherche à une culture de l'innovation industrielle
La recherche fondamentale française est excellente. Nos chercheurs sont réputés. Mais chacun le sait bien, à de trop rares exceptions, les innovations de rupture, celles qui tirent la croissance et l'emploi, ne sont pas notre point fort.
Je souhaite que l'on aide les entreprises et la recherche à être plus performants sur le « D » de la R&D. Je souhaite que notre recherche soit orientée vers la création de produits phare. C'est aussi comme cela que l'on fera en sorte que l'intelligence française reste en France.
Les États généraux vont permettre de centrer une partie de l'emprunt national sur l'innovation industrielle notamment à travers les pôles de compétitivité.
Les pôles de compétitivité seront au coeur du dispositif des instituts de recherches technologiques et d'excellence de l'Emprunt national auquel sera consacré 4 milliards d'euros.
Cela permettra de créer 5 clusters mondiaux à partir de nos meilleurs pôles de compétitivité actuels, à l'image du cluster « Tiger M » allemand sur les biotechnologies. Nous disposerons de 5 champions internationaux qui galvaniseront entreprises, recherche et université sur des secteurs stratégiques comme l'aéronautique, les industries de santé et les biotechnologies, la nanoélectronique et, je le crois indispensable, les écotechnologies ! Notre pays va enfin pouvoir se doter ici de sa Sillicon Valley !
Les pôles seront également au coeur du dispositif sur les fonds doeamorçage doté de 400 millions d'euros pour les jeunes entreprises les plus innovantes et les plus prometteuses qui devrait être lancé avant mi juillet.
Pour passer d'une culture de recherche pure, éloignée des réalités du marché et des besoins des clients, il faut accélérer et faciliter l'accès au financement privé des entreprises innovantes des pôles de compétitivité. Cela permettra de mieux assurer un développement durable aux pépites que les pôles ont générées.
En effet, les TPE/PME évoluant au sein des pôles de compétitivité sont souvent impliquées dans les projets de R&D labellisés par les pôles, et ont généralement une exposition plus forte à l'international.
Mais leur développement repose sur la commercialisation des innovations qu'elles créent ce qui implique un accès fluide au financement en fonds propres.
Dans ce contexte, ces entreprises doivent être rendues audibles et visibles auprès des investisseurs financiers.
C'est pourquoi je vous annonce que je présiderai à la fin du mois de mai prochain le lancement d'un label « Entreprise Innovante des pôles de compétitivité ». Cette proposition associe l'Association françaises des investisseurs en capital dont Jean-Louis de BERNARDY son président a été un membre actif des États généraux de l'industrie, le Club des 17 pôles de compétitivité mondiaux, France Angels qui fédère les réseaux de Business Angels français, Oseo,...
Il s'agit de mieux intégrer les Business Angels et les fonds de capital risque notamment aux pôles de compétitivité. Il s'agit en particulier de mobiliser vers les entreprises des pôles de compétitivité une partie des 600 à 700 millions d'euros de capital risque investis en France chaque année et des 900 millions d'euros levés via le dispositif ISF-TEPA. (réduction de 75 % d'ISF dans la limite de 50 000 euros pour les contribuables qui investissent dans des PME non cotées ou des holdings ISF qui elle même va sélectionner des PME cibles et procéder aux investissements, pour le compte des assujettis à l'ISF)
L'objectif de ce label est d'assurer une sélection fine mais aussi un accompagnement des PME innovantes des pôles et à haut potentiel à travers un coaching réalisé par des spécialistes afin de faciliter leur accès aux fonds privés et de crédibiliser leur démarche. Il faut aider les TPE ou PME qui sont souvent très orientées « innovation et technologie » mais passez « marchés et création d'activité durable ».
Par ce label, les pôles signaleront aux financeurs les PME particulièrement aptes à obtenir un financement. Cet événement fin mai sera l'occasion de faire en sorte que le plus grand nombre possible de pôles adhère à cette initiative.
C'est aussi comme cela que nos entreprises iront plus sur les innovations de rupture, que l'on rapprochera notre recherche du marché, et que l'on créera des entreprises qui exportent, des PMI qui trouvent les moyens de grandir et de se transformer en ETI.
* Passage d'une logique de cloisonnement à une logique d'écosystème.
* Les pôles doivent s'associer en réseaux pour gagner en efficacité. La nouvelle politique des pôles de compétitivité que je propose est aussi celle des inter-pôles.
Le principe du décloisonnement exige que nous franchissions une nouvelle étape.
Tout en gardant leur identité et leur ancrage territorial propres, les 70 pôles de compétitivité rechercheront un niveau de coordination et de synergie maximales.
Il faut en effet renforcer la coordination des pôles sur des thématiques communes ou à l'intersection de plusieurs pôles pour éviter les redondances et donner une taille critique à certains projets, renforcer le rayonnement des pôles et leur attractivité.
L'inter-pôle c'est :
* un rapprochement pérenne et structuré entre les pôles d'un même secteur avec l'élaboration d'une stratégie coordonnée commune à l'ensemble des pôles impliqués, le partage d'une marque unique et d'actions communes à l'international, l'élaboration et la conduite de projets communs ;
* une coordination sur les thèmes émergents à fort potentiel (TIC et Santé, TIC et ville durable par exemple), pour encourager le travail collaboratif en filières. Pour illustrer, cela permettrait de stimuler les coopérations croisées entre pôles « fournisseurs » de technologies génériques transverses et pôles utilisateurs de ces technologies.
Je propose d'ailleurs que l'enveloppe de 500 millions d'euros de l'Emprunt national allouée aux projets structurants des pôles de compétitivité soit d'abord focalisée sur les projets qui s'inscrivent dans cette démarche de coopération inter-pôles.
Les comités stratégiques filière, en cours de constitution dans le prolongement des États généraux de l'industrie, traiteront des rapprochements autour des grands enjeux technologiques et de marchés. A ce titre, ils pourraient donc intégrer des représentants des inter-pôles constitués dans les mêmes thématiques.
Pour moi, il faudrait tenir compte de ce travail inter-pôle pour la deuxième évaluation des pôles prévue en 2011 et la définition du soutien public à leur animation.
Je pilote depuis le 4 mars dernier la mise en oeuvre des décisions du Président de la République prises à l'issue des États généraux de l'industrie.
Le premier objectif est de créer une « équipe de France » de l'industrie où grands groupes et PME interagissent en partenaires pour constituer de véritables filières. Les pôles de compétitivité doivent être les catalyseurs de cette révolution culturelle.
300 millions d'euro seront consacrés à la structuration de ces filières stratégiques.
100 millions d'euros sur ces 300, seront consacrés en région aux projets structurants associant PME et grands groupes de pôles de compétitivité.
De façon prioritaire, je propose que les projets sélectionnés soient ceux qui associent plusieurs pôles de compétitivité et visent à renforcer la compétitivité des PME notamment et la réindustrialisation des territoires.
Je propose enfin qu'une partie de cette enveloppe serve à créer des fonds interrégionaux, intervenant en co-investisseurs avec des investisseurs privé, qui prendraient le relai du FUI pour se concentrer sur la phase aval de l'innovation de mise sur le marché des solutions innovantes. Là encore, priorité à l'innovation industrielle qui génère de la croissance et de l'emploi.
Je vous remercie,
source http://www.economie.gouv.fr, le 3 mai 2010