Texte intégral
C. Roux et M. Biraben.- M. Biraben : Point de gravité dans ce qui va suivre, nous allons recevoir F. Baroin maintenant, le ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui depuis son arrivée à Bercy subit l'économie européenne qui traverse une zone de turbulences. Hier encore, nouveau vent de panique sur les marchés financiers, les 110 milliards débloqués pour la Grèce ne rassurent pas, et aujourd'hui, le plan d'austérité grec va passer l'épreuve de la rue ou pas. F. Baroin, bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : Vous êtes dans le soleil de « La Matinale ».
Ah oui, bien, dans l'axe, comme vous.
M. Biraben : Oui.
C. Roux : Alors, Maïtena le rappelait, hier, les marchés financiers ont une nouvelle fois cédé à la panique, Paris, Londres, Lisbonne, Athènes. Pourquoi les 110 milliards ne rassurent pas les marchés financiers ?
Une part d'irrationnel et de spéculations, et c'est aussi absurde qu'injuste, et il faut, à la fois, garder ses distances et beaucoup de sang-froid sur cette histoire. La situation grecque, on la connaît bien maintenant, c'est un pays qui est en déficit structurel depuis longtemps, qui a mis en place des politiques publiques avec des chiffres qui étaient insincères, aussi bien au moment de l'entrée dans l'euro que dans l'évolution, le Gouvernement - c'est le gouvernement précédent - a d'une certaine manière menti sur les chiffres, ça a fait exploser le modèle grec, l'Europe a tiré le constat que non seulement c'était un pays membre de la zone euro, mais en même temps, que c'était aussi notre monnaie unique qui était attaquée. Et c'est la raison pour laquelle...
C. Roux : Le problème - et je vous arrête - le problème, c'est que ça ne suffit pas. Le problème c'est que les marchés financiers restent fébriles, ont cédé à une panique sur la situation financière de l'Espagne ; est-ce qu'il faudra mettre plus que 110 milliards pour rassurer les marchés financiers, c'est la question ?
Non, le plan qui a été défini par les ministres des Finances dimanche dernier, membres de l'Eurogroupe, est parfaitement adapté, ça a été discuté avec le Fonds monétaire international, et que ça ne rassure pas, on ne va pas rassurer des gens qui font de la spéculation, qui sont amoraux et qui ne se posent jamais la question de savoir si la dépense publique, le financement de l'argent des contribuables ne va pas aussi provoquer des douleurs sociales. Donc vous n'allez pas donner à boire à un âne qui n'a pas soif. Un trader qui veut faire de l'argent et qui spécule sur un Etat pour s'en mettre plein les poches, vous n'allez pas lui faire comprendre...
C. Roux : Et le politique est impuissant face à ça ?
Le politique, il est déterminé, il est déterminé à ne pas se laisser impressionner par des spéculations hâtives et d'une turbulence qui est irrationnelle, il est déterminé à ne pas se laisser entraîner sur un toboggan avec un effet de domino, les attaques contre l'Espagne ou contre le Portugal sont parfaitement injustes parce que, alors, pour le coup, la situation grecque, vous savez que le niveau de déficits, de dettes à plus de 115% de la richesse nationale n'a rien à voir avec la situation espagnole.
C. Roux : Est-ce que vous en êtes sûr de ça, est-ce qu'il y a une parfaite transparence, on a appris la situation financière...
M. Biraben : Grecque...
C. Roux : De la Grèce qui avait triché sur ses comptes publics...
C'est toute la différence...
C. Roux : Est-ce que vous pouvez nous dire ce matin que vous êtes absolument sûr de la santé financière de l'Espagne sur ses comptes publics ?
C'est toute la différence entre la Grèce et les autres. La Grèce, on avait des doutes, mais on s'est un peu caché la vérité parce qu'on voulait, pour des raisons politiques et économiques, élargir cette zone euro. Ça n'a rien à voir avec l'Espagne qui, non seulement, a une situation des finances publiques qui est tendue, mais qui est victime en réalité d'un niveau de chômage très élevé et d'une bulle spéculative immobilière. Mais l'Espagne est déjà rentrée dans un processus de redressement de ses finances publiques. Ils produisent des efforts autour de la TVA, autour des retraites des fonctionnaires. Le Portugal, idem. Et le Portugal est sincère dans ses chiffres ; donc ça n'a rien à voir, et c'est pour ça que cette spéculation est aussi amorale qu'absurde.
C. Roux : Alors, le problème, vous dites : 110 milliards, c'est le bon chiffre, on va dire. Les Allemands estiment les besoins d'Athènes à 150 milliards. Est-ce que vous dites ce matin, encore une fois, qu'on restera à cette somme-là, ou si par exemple il y a une mobilisation générale très attendue aujourd'hui en Grèce, que vous allez suivre avec, j'imagine, autant d'attention que nous, est-ce que ce chiffre de 110 milliards ne bougera pas, quoi qu'il arrive ?
On a fait un premier plan sur une première année, la demande grecque était une demande de mobilisation pour un an. Il a fallu accélérer, pour inscrire dans la durée, sur trois ans, ce plan de 110 milliards, 110 milliards sur trois ans, c'est déjà pas mal. Nous allons, nous, la France, apporter notre quote-part, à hauteur de plus de 20% sur cette affaire. Voyons année après année comment se déroule ce dispositif de redressement des finances publiques, et on fera le point régulièrement. Tous les trois mois, les Grecs vont revenir devant le Fonds monétaire international et l'Euro-groupe pour faire un état des lieux, un état d'avancement de ce redressement. Donc ça va prendre du temps, mais c'est ça ou alors, ce sont des décennies de marasme économique pour les Grecs...
C. Roux : C'est ça que vous leur dites ce matin à ceux qui vont manifester en Grèce, c'est ça ou la banqueroute, quoi ?
Malheureusement.
C. Roux : Alors, D. Strauss-Kahn dans une interview ce matin au Parisien, affirme que les Européens auraient pu faire un effort pour baisser leur taux : « moins on prête cher, mieux on aide les Grecs » ; il vous fait la leçon, D. Strauss-Kahn, aux Européens en tout cas ?
M. Biraben : On est à 5%...
On est à 5% à taux fixe, le FMI est à 3,75 à taux variable, donc globalement, c'est à peu près la même chose. Et c'est bien tout le sens de ce plan, ce n'est pas une dépense budgétaire, le contribuable qui nous regarde ce matin, ici, à « La Matinale », très nombreux d'ailleurs, ne doit pas se dire : c'est de l'argent du contribuable, on va aider les Grecs, alors que nous-mêmes, on a déjà des difficultés, non. C'est un prêt. Et le fonctionnement d'un prêt, c'est un fonctionnement autour de la confiance, c'est la restauration de la confiance. Et quand on prête de l'argent, il y a un loyer de l'argent, et ce décalage ne doit pas être interprété comme une volonté de mettre un couteau sous la gorge des Grecs, mais plutôt comme une pression vertueuse, on va le dire comme ça, pour que les Grecs mènent vraiment de concert et pendant quelques années cette politique de redressement.
C. Roux : Alors dernière question sur ce sujet, c'est l'exposition des banques. La Société Générale - c'est un communiqué de ce matin -, affirme qu'elle est exposée à hauteur de trois milliards d'euros. Est-ce que l'exposition des banques françaises sur la dette grecque suscite une inquiétude ?
Pour bien comprendre, l'an dernier, on avait une crise financière mondiale très importante, et au fond, les Etats ont racheté, en quelque sorte, pour aller à l'essentiel, des dettes privées. Ces dettes privées sont allées sur les dettes publiques, et donc les marchés qui ont spéculé sur des activités privées, en détruisant de la valeur, des emplois, énormément, spéculent aujourd'hui sur les Etats. Il y a dans cette situation grecque des positions solidaires qui vont alourdir globalement l'évolution du soutien financier, et il y a des positions privées, c'est vrai pour les banques françaises, c'est vrai pour les banques allemandes.
C. Roux : Est-ce que ça suscite de l'inquiétude pour le ministre du Budget ?
Ça susciterait beaucoup plus d'inquiétude s'il n'y avait pas ce plan déterminé de l'Euro-groupe à soutenir la Grèce ; raisonnons à l'envers, il n'y aurait pas de plan, l'Europe se dit : après tout, les Grecs, ils nous ont menti, ils n'ont pas fait leur boulot, on les laisse tomber. Alors là, c'est non seulement la garantie que l'euro serait menacé en profondeur, monnaie unique très attaquée, et peut-être même menacée de vie ou de mort, et des activités privées qui, elles, s'effondreraient. Donc c'est un dispositif qui a pour objectif, non seulement d'aider les Grecs à s'en sortir, mais d'aider aussi les privés qui ont pris des positions en Grèce à pouvoir revenir un peu dans l'argent...
C. Roux : Vous leur demandez de la solidarité aussi aux banques, d'une certaine manière, dans ce moment de tension ?
Ça, c'est indiscutable, et c'est d'ailleurs leur intérêt.
M. Biraben : On passe à votre quotidien, le déficit.
C. Roux : Oui, le déficit, parce que c'est vrai que... alors, il y a quelque temps, c'était il n'y a pas si longtemps que ça, on disait : non, non, il faut faire du déficit, il faut faire de la dette, il faut relancer l'économie. Vous préparez une conférence sur les déficits, qui aura lieu le 20 mai, je crois, c'est ça, la date est arrêtée, du 20 mai ? Le 20 mai est la date très, très probable. C. Roux : Bon. Est-ce que vous considérez que la France a fait suffisamment d'efforts pour lutter contre les déficits dans ces dernières années, et quelles leçons on doit tirer, nous, en France, de ce qui se passe aujourd'hui en Grèce ?
On doit en tirer beaucoup de leçons, on doit en tirer beaucoup de leçons au niveau européen, en terme de gouvernance, en terme de surveillance d'agences de notations, et la France, elle a, avec l'Allemagne, et peut-être les autres grands pays de l'Europe, un devoir d'exemplarité. Nous allons être, pour la loi de Finances 2011, exemplaires dans la détermination à tenir nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens, et à produire une réelle inflexion des déficits publics. Dans cette affaire de déficits, on a des déficits structurels, c'est vrai, depuis trente ou quarante ans, il n'y a pas un budget en France qui a été voté en équilibre, peut-être même que le dernier en excédent, ça devait être en 65 avec Giscard. Et De Gaulle lui avait demandé, et Pompidou n'était pas tout à fait d'accord. C'est dire que ça vient de loin, et puis, la crise a fait exploser ces déficits. Donc nous avons, dans les trois, quatre années qui viennent, un devoir de maîtrise d'inflexion. Alors...
C. Roux : Où est-ce qu'on trouve des recettes ?
Il y a trois sources de dépenses, vous avez les dépenses de l'Etat, vous avez les dépenses sociales, vous avez les dépenses vis-à-vis des collectivités locales, nous allons jouer sur ces trois leviers. Nous réfléchissons, et c'est le travail que va demander le président de la République, de lui proposer une matrice qui réduise de près de deux points le niveau de déficits par rapport à notre richesse nationale, pourquoi...
C. Roux : Deux points à quelle échéance ?
Pour cette année, nous avons un objectif de réduction et de ramener aux critères de Maastricht dans les trois années qui viennent, nous allons le faire avec beaucoup de détermination.
C. Roux : Alors deux informations qui sont parues dans la presse, et je voudrais vérifier avec vous ce matin : le gel des dotations de l'Etat, donc comme recettes qu'on pourrait trouver pour redresser les finances publiques, une position évoquée par G. Carrez ; est-ce que c'est une piste que vous privilégiez ou qui est étudiée ?
Pendant très longtemps...
C. Roux : Gel des dotations de l'Etat aux collectivités locales...
Pendant très longtemps, on a dépensé, on a arrosé le sable parfois, on a dépensé vraiment sans trop regarder, par facilité, en partant du principe qu'un Etat est gagé sur l'éternité. Alors, oui, la piste des relations entre l'Etat et les collectivités locales est une piste très sérieuse, ne pas faire l'inflation est un élément de débat, et, mais avec un système de bonus/malus, et je suis maire aussi, je n'ai pas augmenté mes impôts depuis douze ans, un système vertueux pour les intercommunalités, les communes, les départements, les régions qui n'auraient pas augmenté leurs impôts et qui n'auraient pas trop embauché, ils seront peut-être bénéficiaires, et ceux qui auront trop alourdi la fiscalité seront peut-être même en dessous de l'inflation.
C. Roux : Deuxième information, qui est parue et qu'on voudrait vérifier avec vous ce matin : la taxation des titres restaurants et des chèques vacances, donc c'est étendre le forfait social de 4%, est-ce que ça, c'est une piste sérieuse ?
Alors, on va s'entendre sur une méthode, si vous êtes d'accord : jusqu'à début juillet, tout ce qui va sortir ne fera l'objet d'aucun arbitrage, pas une piste plus qu'une autre n'est privilégiée à ce stade, que ce soit le forfait social, que ce soit les taxes. On a globalement entre quatre et cinq milliards de dépenses fiscales en plus des efforts à trouver sur les dépenses sociales à récupérer. Donc il y aura des ballons, ça va retomber, ça fera quelques débats, des lobbies vont monter, ça n'altèrera ni notre détermination ni notre volonté à recouvrir ces sommes.
C. Roux : On pourrait tenter le coup, on avait le droit de tenter le coup ?
Tentez le coup.
M. Biraben : Eh bien, on va reprendre la main...
On va essayer.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mai 2010
Bonjour.
M. Biraben : Vous êtes dans le soleil de « La Matinale ».
Ah oui, bien, dans l'axe, comme vous.
M. Biraben : Oui.
C. Roux : Alors, Maïtena le rappelait, hier, les marchés financiers ont une nouvelle fois cédé à la panique, Paris, Londres, Lisbonne, Athènes. Pourquoi les 110 milliards ne rassurent pas les marchés financiers ?
Une part d'irrationnel et de spéculations, et c'est aussi absurde qu'injuste, et il faut, à la fois, garder ses distances et beaucoup de sang-froid sur cette histoire. La situation grecque, on la connaît bien maintenant, c'est un pays qui est en déficit structurel depuis longtemps, qui a mis en place des politiques publiques avec des chiffres qui étaient insincères, aussi bien au moment de l'entrée dans l'euro que dans l'évolution, le Gouvernement - c'est le gouvernement précédent - a d'une certaine manière menti sur les chiffres, ça a fait exploser le modèle grec, l'Europe a tiré le constat que non seulement c'était un pays membre de la zone euro, mais en même temps, que c'était aussi notre monnaie unique qui était attaquée. Et c'est la raison pour laquelle...
C. Roux : Le problème - et je vous arrête - le problème, c'est que ça ne suffit pas. Le problème c'est que les marchés financiers restent fébriles, ont cédé à une panique sur la situation financière de l'Espagne ; est-ce qu'il faudra mettre plus que 110 milliards pour rassurer les marchés financiers, c'est la question ?
Non, le plan qui a été défini par les ministres des Finances dimanche dernier, membres de l'Eurogroupe, est parfaitement adapté, ça a été discuté avec le Fonds monétaire international, et que ça ne rassure pas, on ne va pas rassurer des gens qui font de la spéculation, qui sont amoraux et qui ne se posent jamais la question de savoir si la dépense publique, le financement de l'argent des contribuables ne va pas aussi provoquer des douleurs sociales. Donc vous n'allez pas donner à boire à un âne qui n'a pas soif. Un trader qui veut faire de l'argent et qui spécule sur un Etat pour s'en mettre plein les poches, vous n'allez pas lui faire comprendre...
C. Roux : Et le politique est impuissant face à ça ?
Le politique, il est déterminé, il est déterminé à ne pas se laisser impressionner par des spéculations hâtives et d'une turbulence qui est irrationnelle, il est déterminé à ne pas se laisser entraîner sur un toboggan avec un effet de domino, les attaques contre l'Espagne ou contre le Portugal sont parfaitement injustes parce que, alors, pour le coup, la situation grecque, vous savez que le niveau de déficits, de dettes à plus de 115% de la richesse nationale n'a rien à voir avec la situation espagnole.
C. Roux : Est-ce que vous en êtes sûr de ça, est-ce qu'il y a une parfaite transparence, on a appris la situation financière...
M. Biraben : Grecque...
C. Roux : De la Grèce qui avait triché sur ses comptes publics...
C'est toute la différence...
C. Roux : Est-ce que vous pouvez nous dire ce matin que vous êtes absolument sûr de la santé financière de l'Espagne sur ses comptes publics ?
C'est toute la différence entre la Grèce et les autres. La Grèce, on avait des doutes, mais on s'est un peu caché la vérité parce qu'on voulait, pour des raisons politiques et économiques, élargir cette zone euro. Ça n'a rien à voir avec l'Espagne qui, non seulement, a une situation des finances publiques qui est tendue, mais qui est victime en réalité d'un niveau de chômage très élevé et d'une bulle spéculative immobilière. Mais l'Espagne est déjà rentrée dans un processus de redressement de ses finances publiques. Ils produisent des efforts autour de la TVA, autour des retraites des fonctionnaires. Le Portugal, idem. Et le Portugal est sincère dans ses chiffres ; donc ça n'a rien à voir, et c'est pour ça que cette spéculation est aussi amorale qu'absurde.
C. Roux : Alors, le problème, vous dites : 110 milliards, c'est le bon chiffre, on va dire. Les Allemands estiment les besoins d'Athènes à 150 milliards. Est-ce que vous dites ce matin, encore une fois, qu'on restera à cette somme-là, ou si par exemple il y a une mobilisation générale très attendue aujourd'hui en Grèce, que vous allez suivre avec, j'imagine, autant d'attention que nous, est-ce que ce chiffre de 110 milliards ne bougera pas, quoi qu'il arrive ?
On a fait un premier plan sur une première année, la demande grecque était une demande de mobilisation pour un an. Il a fallu accélérer, pour inscrire dans la durée, sur trois ans, ce plan de 110 milliards, 110 milliards sur trois ans, c'est déjà pas mal. Nous allons, nous, la France, apporter notre quote-part, à hauteur de plus de 20% sur cette affaire. Voyons année après année comment se déroule ce dispositif de redressement des finances publiques, et on fera le point régulièrement. Tous les trois mois, les Grecs vont revenir devant le Fonds monétaire international et l'Euro-groupe pour faire un état des lieux, un état d'avancement de ce redressement. Donc ça va prendre du temps, mais c'est ça ou alors, ce sont des décennies de marasme économique pour les Grecs...
C. Roux : C'est ça que vous leur dites ce matin à ceux qui vont manifester en Grèce, c'est ça ou la banqueroute, quoi ?
Malheureusement.
C. Roux : Alors, D. Strauss-Kahn dans une interview ce matin au Parisien, affirme que les Européens auraient pu faire un effort pour baisser leur taux : « moins on prête cher, mieux on aide les Grecs » ; il vous fait la leçon, D. Strauss-Kahn, aux Européens en tout cas ?
M. Biraben : On est à 5%...
On est à 5% à taux fixe, le FMI est à 3,75 à taux variable, donc globalement, c'est à peu près la même chose. Et c'est bien tout le sens de ce plan, ce n'est pas une dépense budgétaire, le contribuable qui nous regarde ce matin, ici, à « La Matinale », très nombreux d'ailleurs, ne doit pas se dire : c'est de l'argent du contribuable, on va aider les Grecs, alors que nous-mêmes, on a déjà des difficultés, non. C'est un prêt. Et le fonctionnement d'un prêt, c'est un fonctionnement autour de la confiance, c'est la restauration de la confiance. Et quand on prête de l'argent, il y a un loyer de l'argent, et ce décalage ne doit pas être interprété comme une volonté de mettre un couteau sous la gorge des Grecs, mais plutôt comme une pression vertueuse, on va le dire comme ça, pour que les Grecs mènent vraiment de concert et pendant quelques années cette politique de redressement.
C. Roux : Alors dernière question sur ce sujet, c'est l'exposition des banques. La Société Générale - c'est un communiqué de ce matin -, affirme qu'elle est exposée à hauteur de trois milliards d'euros. Est-ce que l'exposition des banques françaises sur la dette grecque suscite une inquiétude ?
Pour bien comprendre, l'an dernier, on avait une crise financière mondiale très importante, et au fond, les Etats ont racheté, en quelque sorte, pour aller à l'essentiel, des dettes privées. Ces dettes privées sont allées sur les dettes publiques, et donc les marchés qui ont spéculé sur des activités privées, en détruisant de la valeur, des emplois, énormément, spéculent aujourd'hui sur les Etats. Il y a dans cette situation grecque des positions solidaires qui vont alourdir globalement l'évolution du soutien financier, et il y a des positions privées, c'est vrai pour les banques françaises, c'est vrai pour les banques allemandes.
C. Roux : Est-ce que ça suscite de l'inquiétude pour le ministre du Budget ?
Ça susciterait beaucoup plus d'inquiétude s'il n'y avait pas ce plan déterminé de l'Euro-groupe à soutenir la Grèce ; raisonnons à l'envers, il n'y aurait pas de plan, l'Europe se dit : après tout, les Grecs, ils nous ont menti, ils n'ont pas fait leur boulot, on les laisse tomber. Alors là, c'est non seulement la garantie que l'euro serait menacé en profondeur, monnaie unique très attaquée, et peut-être même menacée de vie ou de mort, et des activités privées qui, elles, s'effondreraient. Donc c'est un dispositif qui a pour objectif, non seulement d'aider les Grecs à s'en sortir, mais d'aider aussi les privés qui ont pris des positions en Grèce à pouvoir revenir un peu dans l'argent...
C. Roux : Vous leur demandez de la solidarité aussi aux banques, d'une certaine manière, dans ce moment de tension ?
Ça, c'est indiscutable, et c'est d'ailleurs leur intérêt.
M. Biraben : On passe à votre quotidien, le déficit.
C. Roux : Oui, le déficit, parce que c'est vrai que... alors, il y a quelque temps, c'était il n'y a pas si longtemps que ça, on disait : non, non, il faut faire du déficit, il faut faire de la dette, il faut relancer l'économie. Vous préparez une conférence sur les déficits, qui aura lieu le 20 mai, je crois, c'est ça, la date est arrêtée, du 20 mai ? Le 20 mai est la date très, très probable. C. Roux : Bon. Est-ce que vous considérez que la France a fait suffisamment d'efforts pour lutter contre les déficits dans ces dernières années, et quelles leçons on doit tirer, nous, en France, de ce qui se passe aujourd'hui en Grèce ?
On doit en tirer beaucoup de leçons, on doit en tirer beaucoup de leçons au niveau européen, en terme de gouvernance, en terme de surveillance d'agences de notations, et la France, elle a, avec l'Allemagne, et peut-être les autres grands pays de l'Europe, un devoir d'exemplarité. Nous allons être, pour la loi de Finances 2011, exemplaires dans la détermination à tenir nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens, et à produire une réelle inflexion des déficits publics. Dans cette affaire de déficits, on a des déficits structurels, c'est vrai, depuis trente ou quarante ans, il n'y a pas un budget en France qui a été voté en équilibre, peut-être même que le dernier en excédent, ça devait être en 65 avec Giscard. Et De Gaulle lui avait demandé, et Pompidou n'était pas tout à fait d'accord. C'est dire que ça vient de loin, et puis, la crise a fait exploser ces déficits. Donc nous avons, dans les trois, quatre années qui viennent, un devoir de maîtrise d'inflexion. Alors...
C. Roux : Où est-ce qu'on trouve des recettes ?
Il y a trois sources de dépenses, vous avez les dépenses de l'Etat, vous avez les dépenses sociales, vous avez les dépenses vis-à-vis des collectivités locales, nous allons jouer sur ces trois leviers. Nous réfléchissons, et c'est le travail que va demander le président de la République, de lui proposer une matrice qui réduise de près de deux points le niveau de déficits par rapport à notre richesse nationale, pourquoi...
C. Roux : Deux points à quelle échéance ?
Pour cette année, nous avons un objectif de réduction et de ramener aux critères de Maastricht dans les trois années qui viennent, nous allons le faire avec beaucoup de détermination.
C. Roux : Alors deux informations qui sont parues dans la presse, et je voudrais vérifier avec vous ce matin : le gel des dotations de l'Etat, donc comme recettes qu'on pourrait trouver pour redresser les finances publiques, une position évoquée par G. Carrez ; est-ce que c'est une piste que vous privilégiez ou qui est étudiée ?
Pendant très longtemps...
C. Roux : Gel des dotations de l'Etat aux collectivités locales...
Pendant très longtemps, on a dépensé, on a arrosé le sable parfois, on a dépensé vraiment sans trop regarder, par facilité, en partant du principe qu'un Etat est gagé sur l'éternité. Alors, oui, la piste des relations entre l'Etat et les collectivités locales est une piste très sérieuse, ne pas faire l'inflation est un élément de débat, et, mais avec un système de bonus/malus, et je suis maire aussi, je n'ai pas augmenté mes impôts depuis douze ans, un système vertueux pour les intercommunalités, les communes, les départements, les régions qui n'auraient pas augmenté leurs impôts et qui n'auraient pas trop embauché, ils seront peut-être bénéficiaires, et ceux qui auront trop alourdi la fiscalité seront peut-être même en dessous de l'inflation.
C. Roux : Deuxième information, qui est parue et qu'on voudrait vérifier avec vous ce matin : la taxation des titres restaurants et des chèques vacances, donc c'est étendre le forfait social de 4%, est-ce que ça, c'est une piste sérieuse ?
Alors, on va s'entendre sur une méthode, si vous êtes d'accord : jusqu'à début juillet, tout ce qui va sortir ne fera l'objet d'aucun arbitrage, pas une piste plus qu'une autre n'est privilégiée à ce stade, que ce soit le forfait social, que ce soit les taxes. On a globalement entre quatre et cinq milliards de dépenses fiscales en plus des efforts à trouver sur les dépenses sociales à récupérer. Donc il y aura des ballons, ça va retomber, ça fera quelques débats, des lobbies vont monter, ça n'altèrera ni notre détermination ni notre volonté à recouvrir ces sommes.
C. Roux : On pourrait tenter le coup, on avait le droit de tenter le coup ?
Tentez le coup.
M. Biraben : Eh bien, on va reprendre la main...
On va essayer.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mai 2010