Texte intégral
L. Bazin.- Notre invité politique, ce matin, c'est L. Wauquiez. Bonjour.
Bonjour.
Secrétaire d'Etat à l'Emploi, maire du Puy-en-Velay, vous étiez hier au sommet social où le Président a annoncé un certain nombre de mesures d'économies, et aussi le fait que les plus riches et le capital seraient mis à contribution pour financer la réforme des retraites. Hier soir, sur France 2, un ministre, P. Lellouche, qui est proche du président de la République, ou réputé proche du président de la République a dit qu'à titre personnel, il souhaite la suppression du bouclier pour les plus favorisés. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
Moi, ce sur quoi je suis d'accord, c'est que un, le financement de la réforme des retraites doit être équitablement réparti sur tout le monde.
Donc tout le monde doit payer ?
Donc tout le monde doit payer.
Donc fini le bouclier fiscal ?
Alors ça peut être sous la forme du bouclier fiscal, ça peut être sous d'autres formes aussi, ça on verra. Ce qui compte à ce stade, c'est le principe sur l'effort pour financer les retraites, personne ne restera à côté. Ca me semble juste comme principe, et c'est un bon principe, pour essayer de se fixer un cadre sur les réformes des retraites.
De facto, si on a dit ça, on a dit : fini le bouclier fiscal à 50 %, non ? Mais pourquoi vous avez du mal, disons les mots ? De facto non ?
Je vais vous dire pourquoi ? Parce que je pense que, que ça passe par le bouclier fiscal ou que ça passe par un autre système, ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte, c'est juste : ok, est-ce qu'il y a des revenus qui seront exonérés des formes de solidarité pour les retraites ? Non. Tous les revenus devront participer à l'effort de solidarité pour les retraites. Moi, qui suis de sensibilité droite sociale, c'est un point qui me va bien. Après de savoir...
Donc plus de bouclier fiscal, P. Lellouche à titre personnel, il a raison de dire que c'est terminé ?
Non, Pierre a exprimé...
Il a fait une bourde ?
Non, il n'a pas du tout fait de bourde. La seule chose qu'il a exprimée, c'est une conviction personnelle. Moi, ce que je vous dis, c'est que ces espèces de débat, de vocabulaire, ou de posture de savoir est-ce qu'on passe par ceci ou cela, ce n'est pas ce qui m'intéresse. Ce qui m'intéresse, c'est sur les retraites, il y en a qui s'exonèrent de l'effort ou non ? C'est une réforme juste, qui repose sur un effort partagé par tous les Français ou non ? Là, le Président a clairement fixé le principe, lors du sommet social, tout le monde participe. Ca me va bien.
Il a fait ça, le président, il a aussi annoncé la fin d'un certain nombre dispositifs d'aide, qui avaient été précieux pour traverser la crise. Et vous êtes bien placé pour le savoir. Je les énumère et puis vous répondez.
Bien sûr !
L'aide à l'embauche dans les Très Petites Entreprises, qu'on avait appelé « zéro charges » qui a coûté 480 millions d'euros, sous votre contrôle...
Les mesures en faveur de l'apprentissage, maintenues.
Ils sont maintenues, mais attendez ! Je prends la suppression d'abord, on va vous faire crédit du reste. Et puis la suppression d'un certain nombre de mesures de soutien aux ménages les plus modestes, notamment, la suppression de deux tiers d'impôts sur le revenu et d'autres mesures de primes qui avaient utiles, 2,6 milliards selon les calculs effectués. Est-ce que c'est le moment de fragiliser les plus fragiles, que ce soit les petites entreprises ou les ménages les plus modestes ?
Alors quel est l'esprit qui a habité le sommet ? D'abord, la première chose, c'est que ce sommet a marqué très clairement la priorité accordée à l'emploi. La très grande majorité de toutes les mesures emplois ont été gardées. La reconversion...
Jusqu'à la fin de l'année.
C'est un point d'étape.
D'accord !
La reconversion des demandeurs d'emploi, qui ont perdu leur emploi, vous considérez que ce n'est pas les plus fragiles...
Non, non, très bien, on peut faire la liste : aide au chômage partiel... Les aides à l'embauche des apprentis, l'alternance, bien sûr !
Les jeunes en faveur de l'apprentissage, l'aide au secteur géographique, les régions les plus touchées. Essayer de faire en sorte que les entreprises, dans lesquelles il y a des risques de licenciement puissent continuer à bénéficier de l'activité partielle. La vérité, c'est que ce sommet a été marqué par un point très fort : notre priorité est l'emploi, et reste l'emploi sur 2010.
Sur 2010.
Après, la deuxième chose, c'est qu'un dispositif exceptionnel n'a pas vocation à devenir permanent. La mesure « zéro charges » a été utile pour nous, au coeur de la crise, c'était un dispositif exceptionnel, il n'a pas vocation à devenir permanent. Parce que si tous nos dispositifs exceptionnels qui valaient en 2009, sur une année très dure de crise, sont prolongées en 2010, puis en 2011, puis en 2012, ce vers quoi on s'achemine, ce n'est pas une politique de rigueur, c'est une politique de déficit récurrent. Donc ce sommet avait pour but d'avoir un esprit de responsabilité, consistant à voir les mesures qui ont marché, et les mesures dont on a moins besoin.
« Zéro charges » ça ne marchait pas de votre point de vue, suffisamment, voilà ce que j'entends ?
Non, pas du tout. 2010 n'est pas 2009. « Zéro charges » était une mesure exceptionnelle pour une année, où on était au coeur de crise. En sortie de crise, ce n'est pas là-dessus qu'on doit mettre l'accent.
D'accord !
Mais pour l'essentiel, priorité emploi. Et le sommet social a confirmé la quasi totalité de nos outils, on sort du sommet avec une politique de l'emploi qui a été confirmée et réarmée.
Jusqu'à quand ? Vous avez la charge d'établir une feuille de route, dans les semaines qui viennent, le président vous l'a demandé, si j'ai bien compris. Ces dispositifs, qu'on vient d'évoquer, ceux qui sont maintenus, sont maintenus jusqu'à fin 2010. Lesquels seront supprimés, à la fin 2010 ?
Une chose après l'autre.
Il faut s'attendre, non, mais, il faut avoir un peu de visibilité ?
Bien sûr !
Quand on est soit un chef d'entreprise, soit un ménage, on a besoin de savoir, sur quel pied on peut marcher ?
Prenons un point par exemple, « zéro charges. » « Zéro charges » on n'arrête pas du jour au lendemain : « zéro charges » la mesure était prévue pour s'arrêter fin juin, donc les choses étaient déjà annoncées. Et ce qui est très important à préciser, c'est que les entreprises qui continuent à signer des contrats d'embauche jusque fin juin, bénéficieront de l'exonération pendant un an. Donc on n'est absolument pas sur une mesure brutale, où tout d'un coup ça s'arrêterait. Une entreprise qui signe...
D'accord, d'accord, est-ce que l'aide au chômage partiel, est-ce que l'aide à l'embauche des apprentis, est-ce que l'aide à l'alternance, est-ce que les conventions de reclassements seront maintenues en 2011 ?
Pour l'instant, le but, c'est de se concentrer sur la sortie de crise. Donc on ne sait pas ? Donc, on a un intervalle...
On verra ?
Ça va jusque fin 2010, après pourquoi est-ce que je vous dis ça...
Vous le direz quand, si c'est maintenu ou pas ?
On verra, sans doute lors une deuxième rencontre qui nous permettra avec les partenaires sociaux, de faire un point sur où est-ce qu'on en est, sur tous nos dispositifs, sur une sortie de crise. On a eu un pilotage, qui a été très pragmatique, dans une crise comme celle-ci, ça se regarde au fur et à mesure que la situation de l'emploi s'améliore. Là, on a une situation de l'emploi qui est meilleure qu'en 2009, on ajuste le tir, mais on garde le cap : emploi, emploi, emploi.
Mais vous n'envisagez pas, si j'ai bien compris, d'en rajouter, si la situation de l'emploi venait à se détériorer ?
On verra ! C'est-à-dire que pour l'instant...
« On verra », « on est prêt » : le sarkozysme est un pragmatisme ?
Ce n'est pas une question de sarkozysme, hier autour de la table, il y avait les partenaires sociaux, aussi.
Qui vous ont demandé de remettre au pot ?
Pas sur les mesures « emploi », la plupart des partenaires sociaux, sur les mesures « emploi », ont d'ailleurs souligné, comme F. Chérèque, à la sortie du sommet...
Oui, ils ont demandé des mesures de pouvoir d'achat, vous avez raison, notamment.
Oui, mais sur l'emploi, ils ont souligné qu'effectivement le sommet sortait avec cette priorité emploi.
Vous avez parlé tout à l'heure des mots qu'on emploie, dans lesquels on s'empêtre, où les journalistes peut-être qui sont méchants, veulent vous empêtrer.
Ou les politiques.
Ou les politiques... oui, oui, visiblement, c'est un effort partagé de droite comme de gauche, d'ailleurs, dans cette affaire, écoutons, ce matin, la suite du débat sur rigueur ou pas rigueur. H. Guaino, J.- M. Le Guen.
H. Guaino, conseiller spécial de N. Sarkozy, document RTL : Il n'y a pas de rigueur, ni d'austérité, parce que la rigueur ou l'austérité, c'est l'ajustement économique par la baisse du pouvoir d'achat et des revenus, que ça n'est tout simplement pas le cas.
J.-M. Aphatie : Ce n'est pas bien de nommer ce que l'on fait... H. Guaino : Non, ce n'est pas ce qu'on fait. Ce qu'on fait, c'est le Gouvernement n'a pas changé de politique, il apure tranquillement, il s'apprête à apurer tranquillement les dettes qui ont été accumulées pendant la crise. Voilà, tout ça, sans casser la croissance. Ce n'est pas Laval en 1935. J.-M. Le Guen, document Canal+ : Je crois qu'effectivement le Gouvernement est d'une hypocrisie sans nom. Tout le monde a bien compris qu'il va vers un plan de rigueur et j'allais dire, une rigueur qui sera inégalement dure pour les uns et pour les autres. Il y a aussi rigueur et injustice.
Ce sera la rigueur ou est-ce que vous avez peur de ce mot-là ?
Non, mais enfin, ces querelles de mots, dont la politique est spécialiste, me semble totalement...
Les circonlocutions, dit A. Juppé, qui vous demande de ne pas avoir peur des mots et de dire : c'est la rigueur, on en a besoin ?
Belle expression d'A. Juppé d'ailleurs là-dessus. Mais...
Le normalien que vous êtes, apprécie, vous voulez dire ?
Oui, juste soyons, prenons par exemple ce qui s'est fait sur l'emploi. Est-ce que c'est la rigueur ? On a 600 milliards de dépenses sociales, c'est la rigueur ? Non ! On ne taille pas dedans. La seule chose qu'on a regardée, c'est des dépenses exceptionnelles, qui avaient été faites pour le coeur de crise, sur lequel, on a essayé de faire le point, c'est tout.
Et vous me dites, ce matin : on n'ira pas au-delà ?
Non, ce n'est pas du tout, ce que je vous dis...
C'est bien ce que j'entends, donc il y a bien une rigueur, qui se profile, il y a bien un plan qui se profile ?
Mais non, on essaie de chercher une espèce de plan caché, ou un fantasme de la rigueur, qui viendrait. La seule chose, c'est qu'on a pris des mesures qui étaient des mesures urgentes dans la crise - la crise a touché l'équilibre de notre budget, on a un esprit de responsabilité - sur la sortie de crise, consistant à la fois à faire le tri sur nos mesures exceptionnelles et à remettre l'équilibre budgétaire. C'est normal. Je pense que c'est juste un effort sain de gestion du patrimoine. Et là-dessus, enfin, je crois que tout Français qui nous regarde le comprend en terme de bon sens, si la rigueur, si l'esprit de responsabilité socialiste consiste à dire : pas de problème, il faut laisser filer à vau-l'eau l'argent et faire valser l'anse du panier, je ne crois pas que ce soit ça une bonne gestion de notre économie.
J.-F. Copé à qui on demandait comment il qualifiait les mesures qui sont prises en ce moment, a répondu : moi, j'appelle ça, la rigueur.
Là encore, ce qui compte, pour moi, c'est les actes. Et c'est les actes qui suivent, les paroles.
Peu importe les mots ? Pourtant c'est important les mots dans la conquête du pouvoir de N. Sarkozy, dans son exercice du pouvoir ?
Ce qui est important dans l'exercice du pouvoir, c'est l'action. Et l'action pour moi, c'est la défense de la politique de l'emploi, ça, ça compte. Le reste, c'est des rideaux de fumée, qui amusent certains politiques, ce n'est pas ce qui m'intéresse.
F. Fillon, dans un livre publié en 2006 dit : « un pays ça réagit comme un cheval, lorsqu'il ne sent pas où veut le mener son cavalier, il le désarçonne. » Est-ce que vous pensez que les Français sentent où vous voulez les emmener ?
Le cap, il est clair, on a vécu la pire crise des 30 dernières années. Le président de la République comme il l'avait fait lors de la crise bancaire, en 2008, comme il l'a fait avec la crise géorgienne en 2009, comme il vient de le faire avec la crise de 2010, essaie de protéger notre pays des turbulences financières. Le cap c'est de sortir de la crise, de sortir de la crise en terme d'emplois, et de le faire en restaurant nos équilibres financiers. Parce que notre pays ne peut pas continuer à dépenser structurellement plus que ce qu'il gagne. Le cap il est là, c'est sortir de la crise et sortir de la crise en bon état. Je pense que tous les Français peuvent comprendre ça.
Les Français peuvent supporter la vérité, disait F. Fillon, pour autant qu'on la leur dise.
Mais c'est bien ce qu'on fait ! C'est-à-dire que ce qu'on fait, c'est de dire qu'on n'est pas là pour désarmer la politique de l'emploi, mais on n'est pas là non plus pour signer des chèques en blanc non-stop, parce que ce n'est pas une bonne gestion du pays.
Vous avez parlé de la « fusée à deux étages » ou du « coussin raisonnable », dont parlait madame Lagarde : 750 milliards pour rassurer les marchés, on l'a beaucoup entendu, et ça a fonctionné d'ailleurs hier, sur les places financières, écoutez, ce qu'en dit C. Duflot ce matin.
C. Duflot, secrétaire nationale des Verts, (document France Inter) : Moi, je pense que cette formule, qui consiste à dire « ouf ! Nous avons rassuré les spéculateurs » en fait, c'est très inquiétant. On est dans une logique où avant-hier les marchés plongent, le surlendemain c'est l'euphorie, on est dans l'ultra court-termiste, on est dans l'irrationnel. Aujourd'hui, ces grandes décisions prises par des gens qui font ça, entre eux, avec des conséquences sur la vie concrète, de millions de personnes, deviennent littéralement irrationnelles. Et on voit bien que plus personne n'arrive à avoir de bonne clé d'explication, donc non, je ne suis pas ni optimiste, ni rassurée.
Parce qu'on a cédé aux marchés, a dit C. Duflot ?
C'est exactement l'inverse. Si on n'avait pas bougé, si le président de la République n'avait pas été capable de donner cette initiative et cette force d'entraînement, oui, on était sous la pression des marchés financiers. Eh oui, depuis 15 jours, 3 semaines, on voyait très bien que les marchés financiers mettaient la pression sur nous. Mais depuis ce week-end, la donne s'est inversée. Et ce que je trouve d'intéressant, c'est que dans cette crise, comme celle de 2008, qu'on évoquait, bancaire, comme celle de 2009, sur la Géorgie, le président a clairement montré ce que de Gaulle appelait « l'homme de caractère » c'est-à-dire celui qui dans une crise réagit, a une capacité d'entraînement et entraîne avec lui un mouvement. Qu'est-ce qui se passait depuis trois semaines ? Tous les dirigeants européens se regardaient entre eux en chiens de faïence. Chacun disait qui va faire le premier mouvement, qui va bouger.
En vérité depuis 18 mois, L. Wauquiez, quand on a lu Le Point de la semaine dernière, il y avait ces turbulences et il y avait ce sc??nario qui se profilait depuis 18 mois.
Bien sûr, et d'ailleurs la France a été le pays qui le plus a porté la volonté de dire : il faut qu'on régule les marchés financiers. Là, non seulement, on a réussi à sauver l'euro dans cette période. L'euro contrairement à ce que dit C. Duflot, ce n'est pas des gens qui se regardent dans une petite chambre, c'est ce avec quoi vous achetez chaque jour votre baguette de pain, c'est ce qui fait tourner votre famille, c'est votre pouvoir d'achat. Quand l'euro est attaqué, c'est la vie quotidienne des Français, qui est attaquée.
Autrement dit, quand les gens disent : on met 750 milliards sur la table pour sauver l'euro, mais on n'est pas capable de garder 3 milliards pour aider les ménages les plus modestes, vous trouvez ça injuste ?
Il n'y a pas d'un côté une tirelire ouverte pour les marchés financiers et un coffre-fort fermé pour les Français. La réalité, c'est que d'une part, quand l'euro est attaqué, c'est le pouvoir d'achat de la vie quotidienne des Français qui est attaqué. Et la deuxième chose, c'est que cette intervention comme d'ailleurs ce qu'on avait fait pour les banques se fait sous forme de garantie. Ce n'est pas de l'argent qui est décaissé, et c'est même, on peut le penser, des garanties qui finiront par nous rapporter de l'argent. Un rappel, la crise des banques sur lesquelles on avait encore eu les Cassandre qui s'étaient agités là-dessus...
Y compris à droite.
...Y compris à droite, nous avait rapporté 2,5 milliards d'euros. Ca n'a rien coûté aux Français, ça a sauvé nos économies, ça a rapporté 2,5 milliards d'euros. Alors voilà, il y a, vous l'avez dit les spécialistes des petits mots, les conseillers politiques en chambre, et puis il y a ceux qui essaient d'agir dans la crise. Je préfère être du côté de ceux qui agissent.
8 secondes : 23 noms, ce soir pour une équipe de France de foot à la Coupe du Monde. Il y en a un que vous voulez absolument voir, pas oublié par R. Domenech ?
Moi, il y en a un que j'aimerais bien ne pas voir oublier, c'est S. Govou, puisqu'il est de Haute-Loire. Mais j'ai cru comprendre...
Ce n'est pas gagné !
Que ce n'était pas gagné !
Merci d'avoir été notre invité, ce matin. Bonne journée !
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 mai 2010
Bonjour.
Secrétaire d'Etat à l'Emploi, maire du Puy-en-Velay, vous étiez hier au sommet social où le Président a annoncé un certain nombre de mesures d'économies, et aussi le fait que les plus riches et le capital seraient mis à contribution pour financer la réforme des retraites. Hier soir, sur France 2, un ministre, P. Lellouche, qui est proche du président de la République, ou réputé proche du président de la République a dit qu'à titre personnel, il souhaite la suppression du bouclier pour les plus favorisés. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
Moi, ce sur quoi je suis d'accord, c'est que un, le financement de la réforme des retraites doit être équitablement réparti sur tout le monde.
Donc tout le monde doit payer ?
Donc tout le monde doit payer.
Donc fini le bouclier fiscal ?
Alors ça peut être sous la forme du bouclier fiscal, ça peut être sous d'autres formes aussi, ça on verra. Ce qui compte à ce stade, c'est le principe sur l'effort pour financer les retraites, personne ne restera à côté. Ca me semble juste comme principe, et c'est un bon principe, pour essayer de se fixer un cadre sur les réformes des retraites.
De facto, si on a dit ça, on a dit : fini le bouclier fiscal à 50 %, non ? Mais pourquoi vous avez du mal, disons les mots ? De facto non ?
Je vais vous dire pourquoi ? Parce que je pense que, que ça passe par le bouclier fiscal ou que ça passe par un autre système, ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte, c'est juste : ok, est-ce qu'il y a des revenus qui seront exonérés des formes de solidarité pour les retraites ? Non. Tous les revenus devront participer à l'effort de solidarité pour les retraites. Moi, qui suis de sensibilité droite sociale, c'est un point qui me va bien. Après de savoir...
Donc plus de bouclier fiscal, P. Lellouche à titre personnel, il a raison de dire que c'est terminé ?
Non, Pierre a exprimé...
Il a fait une bourde ?
Non, il n'a pas du tout fait de bourde. La seule chose qu'il a exprimée, c'est une conviction personnelle. Moi, ce que je vous dis, c'est que ces espèces de débat, de vocabulaire, ou de posture de savoir est-ce qu'on passe par ceci ou cela, ce n'est pas ce qui m'intéresse. Ce qui m'intéresse, c'est sur les retraites, il y en a qui s'exonèrent de l'effort ou non ? C'est une réforme juste, qui repose sur un effort partagé par tous les Français ou non ? Là, le Président a clairement fixé le principe, lors du sommet social, tout le monde participe. Ca me va bien.
Il a fait ça, le président, il a aussi annoncé la fin d'un certain nombre dispositifs d'aide, qui avaient été précieux pour traverser la crise. Et vous êtes bien placé pour le savoir. Je les énumère et puis vous répondez.
Bien sûr !
L'aide à l'embauche dans les Très Petites Entreprises, qu'on avait appelé « zéro charges » qui a coûté 480 millions d'euros, sous votre contrôle...
Les mesures en faveur de l'apprentissage, maintenues.
Ils sont maintenues, mais attendez ! Je prends la suppression d'abord, on va vous faire crédit du reste. Et puis la suppression d'un certain nombre de mesures de soutien aux ménages les plus modestes, notamment, la suppression de deux tiers d'impôts sur le revenu et d'autres mesures de primes qui avaient utiles, 2,6 milliards selon les calculs effectués. Est-ce que c'est le moment de fragiliser les plus fragiles, que ce soit les petites entreprises ou les ménages les plus modestes ?
Alors quel est l'esprit qui a habité le sommet ? D'abord, la première chose, c'est que ce sommet a marqué très clairement la priorité accordée à l'emploi. La très grande majorité de toutes les mesures emplois ont été gardées. La reconversion...
Jusqu'à la fin de l'année.
C'est un point d'étape.
D'accord !
La reconversion des demandeurs d'emploi, qui ont perdu leur emploi, vous considérez que ce n'est pas les plus fragiles...
Non, non, très bien, on peut faire la liste : aide au chômage partiel... Les aides à l'embauche des apprentis, l'alternance, bien sûr !
Les jeunes en faveur de l'apprentissage, l'aide au secteur géographique, les régions les plus touchées. Essayer de faire en sorte que les entreprises, dans lesquelles il y a des risques de licenciement puissent continuer à bénéficier de l'activité partielle. La vérité, c'est que ce sommet a été marqué par un point très fort : notre priorité est l'emploi, et reste l'emploi sur 2010.
Sur 2010.
Après, la deuxième chose, c'est qu'un dispositif exceptionnel n'a pas vocation à devenir permanent. La mesure « zéro charges » a été utile pour nous, au coeur de la crise, c'était un dispositif exceptionnel, il n'a pas vocation à devenir permanent. Parce que si tous nos dispositifs exceptionnels qui valaient en 2009, sur une année très dure de crise, sont prolongées en 2010, puis en 2011, puis en 2012, ce vers quoi on s'achemine, ce n'est pas une politique de rigueur, c'est une politique de déficit récurrent. Donc ce sommet avait pour but d'avoir un esprit de responsabilité, consistant à voir les mesures qui ont marché, et les mesures dont on a moins besoin.
« Zéro charges » ça ne marchait pas de votre point de vue, suffisamment, voilà ce que j'entends ?
Non, pas du tout. 2010 n'est pas 2009. « Zéro charges » était une mesure exceptionnelle pour une année, où on était au coeur de crise. En sortie de crise, ce n'est pas là-dessus qu'on doit mettre l'accent.
D'accord !
Mais pour l'essentiel, priorité emploi. Et le sommet social a confirmé la quasi totalité de nos outils, on sort du sommet avec une politique de l'emploi qui a été confirmée et réarmée.
Jusqu'à quand ? Vous avez la charge d'établir une feuille de route, dans les semaines qui viennent, le président vous l'a demandé, si j'ai bien compris. Ces dispositifs, qu'on vient d'évoquer, ceux qui sont maintenus, sont maintenus jusqu'à fin 2010. Lesquels seront supprimés, à la fin 2010 ?
Une chose après l'autre.
Il faut s'attendre, non, mais, il faut avoir un peu de visibilité ?
Bien sûr !
Quand on est soit un chef d'entreprise, soit un ménage, on a besoin de savoir, sur quel pied on peut marcher ?
Prenons un point par exemple, « zéro charges. » « Zéro charges » on n'arrête pas du jour au lendemain : « zéro charges » la mesure était prévue pour s'arrêter fin juin, donc les choses étaient déjà annoncées. Et ce qui est très important à préciser, c'est que les entreprises qui continuent à signer des contrats d'embauche jusque fin juin, bénéficieront de l'exonération pendant un an. Donc on n'est absolument pas sur une mesure brutale, où tout d'un coup ça s'arrêterait. Une entreprise qui signe...
D'accord, d'accord, est-ce que l'aide au chômage partiel, est-ce que l'aide à l'embauche des apprentis, est-ce que l'aide à l'alternance, est-ce que les conventions de reclassements seront maintenues en 2011 ?
Pour l'instant, le but, c'est de se concentrer sur la sortie de crise. Donc on ne sait pas ? Donc, on a un intervalle...
On verra ?
Ça va jusque fin 2010, après pourquoi est-ce que je vous dis ça...
Vous le direz quand, si c'est maintenu ou pas ?
On verra, sans doute lors une deuxième rencontre qui nous permettra avec les partenaires sociaux, de faire un point sur où est-ce qu'on en est, sur tous nos dispositifs, sur une sortie de crise. On a eu un pilotage, qui a été très pragmatique, dans une crise comme celle-ci, ça se regarde au fur et à mesure que la situation de l'emploi s'améliore. Là, on a une situation de l'emploi qui est meilleure qu'en 2009, on ajuste le tir, mais on garde le cap : emploi, emploi, emploi.
Mais vous n'envisagez pas, si j'ai bien compris, d'en rajouter, si la situation de l'emploi venait à se détériorer ?
On verra ! C'est-à-dire que pour l'instant...
« On verra », « on est prêt » : le sarkozysme est un pragmatisme ?
Ce n'est pas une question de sarkozysme, hier autour de la table, il y avait les partenaires sociaux, aussi.
Qui vous ont demandé de remettre au pot ?
Pas sur les mesures « emploi », la plupart des partenaires sociaux, sur les mesures « emploi », ont d'ailleurs souligné, comme F. Chérèque, à la sortie du sommet...
Oui, ils ont demandé des mesures de pouvoir d'achat, vous avez raison, notamment.
Oui, mais sur l'emploi, ils ont souligné qu'effectivement le sommet sortait avec cette priorité emploi.
Vous avez parlé tout à l'heure des mots qu'on emploie, dans lesquels on s'empêtre, où les journalistes peut-être qui sont méchants, veulent vous empêtrer.
Ou les politiques.
Ou les politiques... oui, oui, visiblement, c'est un effort partagé de droite comme de gauche, d'ailleurs, dans cette affaire, écoutons, ce matin, la suite du débat sur rigueur ou pas rigueur. H. Guaino, J.- M. Le Guen.
H. Guaino, conseiller spécial de N. Sarkozy, document RTL : Il n'y a pas de rigueur, ni d'austérité, parce que la rigueur ou l'austérité, c'est l'ajustement économique par la baisse du pouvoir d'achat et des revenus, que ça n'est tout simplement pas le cas.
J.-M. Aphatie : Ce n'est pas bien de nommer ce que l'on fait... H. Guaino : Non, ce n'est pas ce qu'on fait. Ce qu'on fait, c'est le Gouvernement n'a pas changé de politique, il apure tranquillement, il s'apprête à apurer tranquillement les dettes qui ont été accumulées pendant la crise. Voilà, tout ça, sans casser la croissance. Ce n'est pas Laval en 1935. J.-M. Le Guen, document Canal+ : Je crois qu'effectivement le Gouvernement est d'une hypocrisie sans nom. Tout le monde a bien compris qu'il va vers un plan de rigueur et j'allais dire, une rigueur qui sera inégalement dure pour les uns et pour les autres. Il y a aussi rigueur et injustice.
Ce sera la rigueur ou est-ce que vous avez peur de ce mot-là ?
Non, mais enfin, ces querelles de mots, dont la politique est spécialiste, me semble totalement...
Les circonlocutions, dit A. Juppé, qui vous demande de ne pas avoir peur des mots et de dire : c'est la rigueur, on en a besoin ?
Belle expression d'A. Juppé d'ailleurs là-dessus. Mais...
Le normalien que vous êtes, apprécie, vous voulez dire ?
Oui, juste soyons, prenons par exemple ce qui s'est fait sur l'emploi. Est-ce que c'est la rigueur ? On a 600 milliards de dépenses sociales, c'est la rigueur ? Non ! On ne taille pas dedans. La seule chose qu'on a regardée, c'est des dépenses exceptionnelles, qui avaient été faites pour le coeur de crise, sur lequel, on a essayé de faire le point, c'est tout.
Et vous me dites, ce matin : on n'ira pas au-delà ?
Non, ce n'est pas du tout, ce que je vous dis...
C'est bien ce que j'entends, donc il y a bien une rigueur, qui se profile, il y a bien un plan qui se profile ?
Mais non, on essaie de chercher une espèce de plan caché, ou un fantasme de la rigueur, qui viendrait. La seule chose, c'est qu'on a pris des mesures qui étaient des mesures urgentes dans la crise - la crise a touché l'équilibre de notre budget, on a un esprit de responsabilité - sur la sortie de crise, consistant à la fois à faire le tri sur nos mesures exceptionnelles et à remettre l'équilibre budgétaire. C'est normal. Je pense que c'est juste un effort sain de gestion du patrimoine. Et là-dessus, enfin, je crois que tout Français qui nous regarde le comprend en terme de bon sens, si la rigueur, si l'esprit de responsabilité socialiste consiste à dire : pas de problème, il faut laisser filer à vau-l'eau l'argent et faire valser l'anse du panier, je ne crois pas que ce soit ça une bonne gestion de notre économie.
J.-F. Copé à qui on demandait comment il qualifiait les mesures qui sont prises en ce moment, a répondu : moi, j'appelle ça, la rigueur.
Là encore, ce qui compte, pour moi, c'est les actes. Et c'est les actes qui suivent, les paroles.
Peu importe les mots ? Pourtant c'est important les mots dans la conquête du pouvoir de N. Sarkozy, dans son exercice du pouvoir ?
Ce qui est important dans l'exercice du pouvoir, c'est l'action. Et l'action pour moi, c'est la défense de la politique de l'emploi, ça, ça compte. Le reste, c'est des rideaux de fumée, qui amusent certains politiques, ce n'est pas ce qui m'intéresse.
F. Fillon, dans un livre publié en 2006 dit : « un pays ça réagit comme un cheval, lorsqu'il ne sent pas où veut le mener son cavalier, il le désarçonne. » Est-ce que vous pensez que les Français sentent où vous voulez les emmener ?
Le cap, il est clair, on a vécu la pire crise des 30 dernières années. Le président de la République comme il l'avait fait lors de la crise bancaire, en 2008, comme il l'a fait avec la crise géorgienne en 2009, comme il vient de le faire avec la crise de 2010, essaie de protéger notre pays des turbulences financières. Le cap c'est de sortir de la crise, de sortir de la crise en terme d'emplois, et de le faire en restaurant nos équilibres financiers. Parce que notre pays ne peut pas continuer à dépenser structurellement plus que ce qu'il gagne. Le cap il est là, c'est sortir de la crise et sortir de la crise en bon état. Je pense que tous les Français peuvent comprendre ça.
Les Français peuvent supporter la vérité, disait F. Fillon, pour autant qu'on la leur dise.
Mais c'est bien ce qu'on fait ! C'est-à-dire que ce qu'on fait, c'est de dire qu'on n'est pas là pour désarmer la politique de l'emploi, mais on n'est pas là non plus pour signer des chèques en blanc non-stop, parce que ce n'est pas une bonne gestion du pays.
Vous avez parlé de la « fusée à deux étages » ou du « coussin raisonnable », dont parlait madame Lagarde : 750 milliards pour rassurer les marchés, on l'a beaucoup entendu, et ça a fonctionné d'ailleurs hier, sur les places financières, écoutez, ce qu'en dit C. Duflot ce matin.
C. Duflot, secrétaire nationale des Verts, (document France Inter) : Moi, je pense que cette formule, qui consiste à dire « ouf ! Nous avons rassuré les spéculateurs » en fait, c'est très inquiétant. On est dans une logique où avant-hier les marchés plongent, le surlendemain c'est l'euphorie, on est dans l'ultra court-termiste, on est dans l'irrationnel. Aujourd'hui, ces grandes décisions prises par des gens qui font ça, entre eux, avec des conséquences sur la vie concrète, de millions de personnes, deviennent littéralement irrationnelles. Et on voit bien que plus personne n'arrive à avoir de bonne clé d'explication, donc non, je ne suis pas ni optimiste, ni rassurée.
Parce qu'on a cédé aux marchés, a dit C. Duflot ?
C'est exactement l'inverse. Si on n'avait pas bougé, si le président de la République n'avait pas été capable de donner cette initiative et cette force d'entraînement, oui, on était sous la pression des marchés financiers. Eh oui, depuis 15 jours, 3 semaines, on voyait très bien que les marchés financiers mettaient la pression sur nous. Mais depuis ce week-end, la donne s'est inversée. Et ce que je trouve d'intéressant, c'est que dans cette crise, comme celle de 2008, qu'on évoquait, bancaire, comme celle de 2009, sur la Géorgie, le président a clairement montré ce que de Gaulle appelait « l'homme de caractère » c'est-à-dire celui qui dans une crise réagit, a une capacité d'entraînement et entraîne avec lui un mouvement. Qu'est-ce qui se passait depuis trois semaines ? Tous les dirigeants européens se regardaient entre eux en chiens de faïence. Chacun disait qui va faire le premier mouvement, qui va bouger.
En vérité depuis 18 mois, L. Wauquiez, quand on a lu Le Point de la semaine dernière, il y avait ces turbulences et il y avait ce sc??nario qui se profilait depuis 18 mois.
Bien sûr, et d'ailleurs la France a été le pays qui le plus a porté la volonté de dire : il faut qu'on régule les marchés financiers. Là, non seulement, on a réussi à sauver l'euro dans cette période. L'euro contrairement à ce que dit C. Duflot, ce n'est pas des gens qui se regardent dans une petite chambre, c'est ce avec quoi vous achetez chaque jour votre baguette de pain, c'est ce qui fait tourner votre famille, c'est votre pouvoir d'achat. Quand l'euro est attaqué, c'est la vie quotidienne des Français, qui est attaquée.
Autrement dit, quand les gens disent : on met 750 milliards sur la table pour sauver l'euro, mais on n'est pas capable de garder 3 milliards pour aider les ménages les plus modestes, vous trouvez ça injuste ?
Il n'y a pas d'un côté une tirelire ouverte pour les marchés financiers et un coffre-fort fermé pour les Français. La réalité, c'est que d'une part, quand l'euro est attaqué, c'est le pouvoir d'achat de la vie quotidienne des Français qui est attaqué. Et la deuxième chose, c'est que cette intervention comme d'ailleurs ce qu'on avait fait pour les banques se fait sous forme de garantie. Ce n'est pas de l'argent qui est décaissé, et c'est même, on peut le penser, des garanties qui finiront par nous rapporter de l'argent. Un rappel, la crise des banques sur lesquelles on avait encore eu les Cassandre qui s'étaient agités là-dessus...
Y compris à droite.
...Y compris à droite, nous avait rapporté 2,5 milliards d'euros. Ca n'a rien coûté aux Français, ça a sauvé nos économies, ça a rapporté 2,5 milliards d'euros. Alors voilà, il y a, vous l'avez dit les spécialistes des petits mots, les conseillers politiques en chambre, et puis il y a ceux qui essaient d'agir dans la crise. Je préfère être du côté de ceux qui agissent.
8 secondes : 23 noms, ce soir pour une équipe de France de foot à la Coupe du Monde. Il y en a un que vous voulez absolument voir, pas oublié par R. Domenech ?
Moi, il y en a un que j'aimerais bien ne pas voir oublier, c'est S. Govou, puisqu'il est de Haute-Loire. Mais j'ai cru comprendre...
Ce n'est pas gagné !
Que ce n'était pas gagné !
Merci d'avoir été notre invité, ce matin. Bonne journée !
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 mai 2010