Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les grandes orientations de la politique de la ville, à Paris le 25 mai 2010.

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Texte intégral

Madame et Monsieur les Ministres,
Mesdames et Messieurs les élus et parlementaires,
Mesdames et Messieurs les vice-présidents,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous accueille au moment où vous installez le nouveau Conseil National des Villes et au moment où vous avez acceptez de mettre votre expertise et vos compétences au service de ce Conseil National. Vous êtes des élus locaux, des Parlementaires, des représentants des associations et des partenaires sociaux, des personnalités qualifiées et vous avez une connaissance du terrain que personne d'autres n'a à votre place. Une connaissance du terrain irremplaçable, qui illustre bien au fond ce que nous voulions faire avec ce Conseil : éclairer les choix du pays en matière de politique de la ville.
Je veux d'abord rendre hommage au travail accompli par le précédent Conseil sous la houlette de ses deux vice-présidents Agathe CAHIERRE et Maurice CHARRIER qui sont membres toujours de la nouvelle équipe. Je ne doute pas que votre assemblée saura assumer son rôle avec la même efficacité sous l'impulsion de Nathalie APPÉRÉ et de Xavier LEMOINE qui ont accepté de reprendre le flambeau.
De la «Dynamique espoir banlieue» lancée avec Fadela AMARA jusqu'aux investissements d'avenir, nous avons mobilisé depuis 2007, plusieurs leviers au service de l'amélioration de la vie de ces quartiers et nous continuons et nous allons continuer à le faire. Et c'est la mission de Fadela de relancer sans cesse cet effort et de tenter de surmonter les résistances et les conservatismes, qui naturellement ne manquent pas.
Il y a d'abord la politique de rénovation urbaine qui concerne, je veux le rappeler, quatre millions d'habitants. Le Plan national de rénovation urbaine, mis en oeuvre par l'ANRU a été doté de 12 milliards d'euros pour restructurer les quartiers, ce qui génère à peu près 42 milliards d'euros d'investissements.
Aujourd'hui, on n'en est plus à parler seulement des projets, on est aux réalisations concrètes et pour que ces réalisations concrètes voient le jour plus rapidement, nous avons donné un coup d'accélérateur : à peu près 500 quartiers auront ainsi été rénovés dans le cadre de ce plan, d'ici à 2013. Avec un apport de 350 millions d'euros, le Plan de Relance a permis de stimuler davantage de projets. Les engagements mensuels ont été doublés par rapport à 2008, en 2009 et des investissements de plus de 3 milliards d'euros ont pu être engagés au bénéfice de 235 quartiers. Entre la fin 2009 et le début 2010, c'est donc une soixantaine de conventions ANRU qui vont complètement s'achever.
Sur le terrain, les premières réalisations complètes montrent des transformations urbaines qui sont parfois spectaculaires. Je pense, parce qu'ils sont dans la salle, au Havre ou à Clichy-Montfermeil, dont les élus peuvent témoigner. Mais la rénovation urbaine, ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, ne doit pas s'arrêter aux murs. Et vous êtes mieux placés que quiconque pour savoir que les bulldozers, les pelleteuses ne suffisent pas : l'emploi, l'éducation, la sécurité, les transports, la mixité, le civisme, c'est tout un tissu républicain auquel il faut veiller et qui parfois doit même être recréé. Fadela AMARA a l'habitude de dire qu'il faut remettre la République au centre des quartiers. C'est d'ailleurs tout le sens de la «Dynamique espoir banlieue».
Nos quartiers exigent un projet de développement économique et social. Lors des opérations de rénovation, 12 000 habitants ont bénéficié des clauses d'insertion pour l'emploi prévues à leur effet. Et pour veiller à la synergie entre la rénovation urbaine et la transformation sociale, un partenariat entre l'ANRU et l'ACSE a été noué. Je sais que c'est un sujet sur lequel nous devons encore beaucoup progresser. Et je pense qu'au moment où la rénovation urbaine s'achève dans plusieurs communes, il serait utile que votre Conseil examine l'articulation entre le volet social et la rénovation urbaine pour que nous puissions ensemble proposer des pistes d'amélioration.
La politique de la ville, c'est aussi faire en sorte que l'Etat et les services publics puissent les réinvestir et y garantir les fondamentaux ; ce que votre Conseil avait appelé les « incontournables ». C'est la raison pour laquelle nous avons notamment décidé de créer les délégués du Préfet dans les quartiers. Il s'agit de faire appel à des hommes et à des femmes qui par leur expérience sont des relais pour organiser les interventions en complément des associations, pour identifier les difficultés locales en matière d'insertion, ou encore repérer les jeunes qui peuvent bénéficier des « Cordées de la réussite ». Ils sont aujourd'hui 300 en poste dans les 215 quartiers prioritaires de la « Dynamique espoir banlieue ». Parmi les préalables indispensables au développement de ces territoires, il y a évidemment la sécurité et le désenclavement des quartiers par des équipements de transports structurants.
Nous avons fortement investi sur chacun d'eux. Il y a dans les quartiers des richesses, des talents, des initiatives qui ne demandent qu'à s'exprimer, pour peu qu'on le leur permette. On parle beaucoup des quartiers lorsque cela va mal et beaucoup moins lorsque la réussite et le courage sont au rendez-vous.
Il ne s'agit pas d'être angélique. Mais simplement d'être juste dans le regard qu'on porte sur les quartiers, sur leurs habitudes. Pas d'angélisme parce que dans ces quartiers difficiles la violence, la délinquance, l'exclusion, l'échec scolaire, le chômage, les discriminations sont des réalités. Des réalités qui bousculent la République au plus profond d'elle-même. Ces sombres réalités, ce serait évidemment être coupable que de les taire. Mais en même temps il faut être juste et chasser les clichés. A côté de ces réalités difficiles, il y a aussi et j'ai envie de dire, il y a surtout dans les quartiers, une immense majorité de nos concitoyens qui travaillent dur, qui éduquent leurs enfants, montent des projets, qui rêvent tout simplement d'une vie meilleure où les valeurs du respect et de l'effort seraient vraiment considérées et récompensées. Permettre aux jeunes de trouver leur voie, leur permettre d'accéder à un emploi ou de créer leur entreprise, voilà ce que nous devons ensemble chercher à faire. Les contrats d'autonomie que nous avons créés séduisent 500 jeunes par semaine. Plus de 28 000 contrats ont été signés et près de la moitié des jeunes qui suivent le parcours de 6 mois trouvent ensuite un emploi ou une formation qualifiante. Nous avons aussi obtenu de 102 grandes entreprises et Fédérations professionnelles qu'elles s'engagent en faveur de l'emploi des jeunes des quartiers. Malgré la crise économique, ce partenariat a permis de recruter plus de 36 000 jeunes et notre objectif c'est qu'il y ait près de 21 000 nouvelles embauches cette année.
Mais favoriser l'emploi et la réussite professionnelle, cela exige aussi d'agir en amont, c'est-à-dire d'agir sur la formation. C'est ce que nous avons commencé à faire avec Fadela AMARA et Luc CHATEL, notamment avec l'accompagnement éducatif et les programmes de réussite éducative. Il s'agit d'abord de détecter le plus tôt possible, les potentiels des jeunes. C'est le but des «Cordées de la réussite» et de les accompagner vers des filières d'excellence afin de briser cette forme d'auto-censure qui trop souvent peut freiner leur parcours. Et en même temps leur permettre d'entraîner l'ensemble des jeunes des quartiers par leur exemple.
A la rentrée 2009, 142 cordées ont été labellisées. Notre objectif pour la rentrée prochaine, c'est de passer à 250, en incluant les collèges et les lycées professionnels des 215 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Et je vais très prochainement signer une nouvelle Charte des «Cordées de la réussite», qui renforcera l'engagement du Gouvernement en lien avec les représentants des universités, des grandes écoles, des entreprises et des associations. Les « internats d'excellence » vont aussi connaître un nouvel élan. Dans le cadre des investissements d'avenir, nous avons réservé, vous le savez, un financement à ces opérations. Il s'agit d'abord de financer les projets lancés en 2008, avec la labellisation de places d'internat et puis la création de l'internat de Sourdun. Ce que nous voulons, à terme, c'est que 20 000 places d'internat soient offertes aux jeunes dans les quartiers. C'est donc 11 nouveaux « internats d'excellence » qui sont actuellement en cours de construction. La vérité m'oblige à dire qu'il faudrait qu'on fasse des efforts pour en réduire un tout petit peu les coûts, parce qu'il faudrait en réaliser plus, et plus vite et les coûts auxquels on est arrivé sont parfois très, très élevés. Pas de la faute des élus locaux, la faute simplement de la rapidité avec laquelle l'opération a été lancée.
Mesdames et Messieurs,
Les initiatives que nous avons lancées produisent progressivement des effets. Mais je veux vous dire qu'avec Eric WOERTH et Fadela AMARA nous ne sous-estimons absolument pas les difficultés de ces quartiers. Nous savons bien qu'ils sont sévèrement touchés par la crise économique et par le chômage. Nous savons aussi combien les enjeux de sécurité et la question du respect de la loi républicaine sont prégnants. En la matière, ni la complaisance, ni la démagogie, ni la démission ne servent nos concitoyens qui aspirent à la tranquillité publique. Vous savez toute l'importance que le Président de la République, le Ministre de l'Intérieur et moi-même accordons à ce sujet. Notre effort passe par la modernisation des moyens et des modes opératoires des forces de sécurité. Cet effort passe aussi par le partenariat avec les maires et les élus municipaux ; par le recours à des technologies adaptées comme la vidéo-protection ; par la prévention de la délinquance ; par la lutte contre la discrimination et la promotion des talents. Enfin, je veux insister sur la participation et l'association des habitants des quartiers. L'un des risques pour la vitalité et pour l'harmonie de ces quartiers, comme ne cesse de le rappeler Fadela AMARA, c'est le retrait, la défiance, c'est la non-expression dans l'espace public de ses habitants.
Le Conseil National des Villes est explicitement chargé de suivre le développement des nouvelles formes de démocratie de proximité et de participation des habitants. Le secrétariat général du Comité interministériel des villes a lancé des travaux d'étude sur ce thème. Je souhaite que le Conseil National des Villes puisse s'en saisir et qu'il puisse nous faire des propositions applicables, que l'on puisse mettre en oeuvre dans ce domaine.
Les défis ne manquent pas. Les champs de réflexion et d'action non plus, parce que naturellement, nous devons constamment adapter nos politiques d'intervention. Je sais que vous avez commencé à réfléchir à la question de la péréquation financière et de la fiscalité locale. Je veux dire que dans le contexte actuel des finances publiques, nous avons annoncé lors de la Conférence du déficit que les concours de l'Etat aux collectivités locales seraient gelés en valeur sur la période 2011-2013. Pour rétablir nos comptes publics, tout le monde doit s'engager ! Je veux cependant à vous assurer que le Gouvernement poursuivra ses efforts en faveur de la péréquation et des territoires les plus en difficulté. La dotation de solidarité urbaine sera maintenue au même niveau qu'en 2011. Il est en effet prématuré de procéder à sa réforme avant d'avoir analysé les effets de la suppression de la Taxe Professionnelle.
Nous aurons un rapport de bilan sur cette réforme dans les semaines qui viennent et alors on pourra procéder le cas échéant, à des ajustements à l'occasion du vote de la Loi de Finances. Nous aurons d'autres échéances à préparer. Je pense notamment aux zones franches urbaines, qui concernent 100 territoires et qui arrivent à échéance à la fin 2011. Il faut examiner les modalités de sortie de ce dispositif, pour assurer la meilleure continuité possible dans le développement des territoires. Nous devrons mener ce travail en étroite concertation avec les autorités communautaires, puisque vous savez que toute modification devra être notifiée à la Commission européenne.
Concernant la réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville, je voudrais vous dire combien je souhaite que nous prenions le temps de préparer une réforme ambitieuse qui s'appuiera sur les premières expérimentations des nouveaux contrats urbains de cohésion sociale ; et qui pourra tenir compte de la réforme en cours des collectivités territoriales. Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Une meilleure articulation entre région et département est absolument indispensable et nous voulons l'obtenir grâce à la création des Conseillers territoriaux. La clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivités devrait favoriser le dynamisme de notre politique de la ville.
Mon objectif c'est de concentrer davantage les interventions de la politique de la ville, de les adapter aux évolutions des territoires, parce que depuis... les dernières années, alors même que cette politique a été mise en place avec un certain délai, il y a eu des changements, il y a eu des évolutions, il y a des quartiers qui sont sortis des difficultés dans lesquels ils étaient ou en tout cas qui ne rencontrent plus les mêmes. Il y en a d'autres au contraire, qui ont vu leur situation s'aggraver. Il y a des situations financières des collectivités locales qui ont évolué. Il faut revoir l'attribution de ces soutiens et les concentrer sur les territoires qui en ont le plus besoin. Et dans une logique de subsidiarité, il est logique que la solidarité nationale concentre d'abord ses efforts là où les solidarités locales ne peuvent s'exercer. C'est d'ailleurs une des préconisations du Conseil National des Villes en juillet dernier. C'était aussi le sens du rapport de Pierre ANDRÉ - que je veux saluer ici - et de Gérard HAMEL. Ce rapport qu'ils m'ont remis en novembre dernier et qui préconisait d'ailleurs une mise en oeuvre progressive de la réforme.
Aussi, je veux vous dire que je souhaite que nous mettions à profit cette période 2010-2011 pour expérimenter et pour affiner la réforme. Afin qu'il n'y ait pas de modification précipitée des zonages pour les acteurs de la politique de la ville, nous allons prolonger, en Loi de Finances, les zones urbaines sensibles actuelles et les Contrats Urbains de Cohésion Sociale. Il a été d'ailleurs trop reproché aux Contrats Urbains de Cohésion Sociale actuels un temps limité de diagnostic et de négociations, pour qu'on ne tire pas tous les enseignements de cette expérience.
Je souhaite qu'on expérimente un nouveau type de contrats, en négociant des avenants aux Contrats Urbains de Cohésion Sociale actuels dans une cinquantaine de villes ou d'agglomérations. Comme l'avaient souhaité le Conseil National des Villes et le rapport de Messieurs ANDRÉ et HAMEL, ces contrats devront comporter des engagements sur les politiques de droit commun - notamment l'emploi, la sécurité, l'éducation - et se fonder sur un véritable projet territorial. Je pense que l'expérience de ces premiers contrats, élaborés en très étroite collaboration avec les élus locaux, nous permettra d'affiner le dispositif. Et l'objectif sera ensuite de finaliser une réforme cohérente et globale qui concerne à la fois le zonage de la politique de la ville, les modalités de contractualisation mais aussi la péréquation et la Dotation de Solidarité Urbaine. Et je souhaite que nous puissions être en mesure de présenter un projet de loi en 2011.
Voilà, je crois Mesdames et Messieurs, que l'installation de cette nouvelle équipe marque une nouvelle étape dans notre engagement au service de nos villes. Cet engagement, il exige beaucoup de ténacité, beaucoup de continuité. Je mesure parfaitement le découragement, parfois la colère qui peut être celle de ceux qui sont confrontés tous les jours à des difficultés considérables et qui, naturellement, ne sont pas réconfortés par l'idée qu'il faille mettre en place une politique globale, qui avance de façon cohérente et qui puisse être soutenable, par l'ensemble du pays et par les finances publiques. C'est la raison pour laquelle je compte beaucoup sur le dialogue et entre les acteurs de terrain et les responsables du gouvernement, à l'intérieur de votre conseil. Et je veux vous dire qu'avec Eric WOERTH et Fadela AMARA, nous comptons sur votre expertise, nous comptons sur vos propositions pour ensemble faire en sorte que la vie dans nos quartiers s'améliore.
Source http://www.gouvernement.fr, le 26 mai 2010