Texte intégral
G. Durand.- Avec vous, Monsieur de Raincourt, vous êtes ministre en charge des Relations avec le Parlement. On est ravi de vous accueillir sur l'antenne de Radio Classique. Il y a quelques jours, B. Accoyer se plaignait un petit peu du fonctionnement du groupe UMP à l'Assemblée, alors, ce matin, on va parler de tous les grands sujets d'actualité avec des extraits. Est-ce que vous considérez que c'est un peu rentré dans l'ordre, que J.-F. Copié n'en fait pas trop, parce que c'est ce que sous-entendait B. Accoyer ; je vois que ça vous fait sourire...
Je vois que ça commence fort, si je puis dire, et votre question est bien intéressante. Je crois qu'il faut quand même laisser un groupe parlementaire mener sa vie propre et son existence, parce que sinon, d'abord, au Parlement, on s'ennuie, c'est de nature à décourager les parlementaires, et puis, il faut bien montrer aussi à l'opinion publique que les parlementaires ne sont pas des suiveurs mais sont en avance, également, comme la famille politique, le parti politique...
C'est Accoyer qui a un peu tort alors ?
Non, mais non, tout est une question toujours d'équilibre entre les uns et les autres. Le président de l'Assemblée nationale, il est le président de tous les députés, le président du groupe, lui, il a pour mission de mettre en avant le puissant groupe à la tête duquel il a été porté, et l'un et l'autre remplissent fort bien leur mission.
Est-ce que vous avez le sentiment que sur les grands sujets, dont on va parler ce matin et qui vont animer justement la réflexion politique des prochains mois, le groupe va suivre, c'est-à-dire, aussi bien sur la burqa, sur les retraites ou est-ce qu'il va y avoir les petits tiraillements qu'on a connus ces dernières semaines ?
Je crois qu'il y a deux choses. D'abord, sur tous ces grands sujets, dont on va parler dans un instant, la réflexion elle est engagée depuis longtemps. Et le groupe parlementaire, par exemple, comme le parti politique, l'UMP, ont pris l'habitude de constituer des groupes de travail spécifiques, réunissant les gens passionnés, les spécialistes, etc., qui étudient le plus en amont possible, et ça, c'est lié tout à fait à la réforme de la Constitution du mois de juillet 2008, qui a complètement modifié les rapports, et on ne le regarde pas suffisamment de près, entre l'exécutif et le législatif, qui a modifié nos méthodes de travail, donc on est, certes, un petit peu encore en rodage, mais aujourd'hui, le secret de la vie parlementaire qui résulte de cette réforme de la Constitution, c'est réfléchir et prendre, proposer des mesures le plus en amont possible.
Mais, parce que vous vous souvenez par exemple que concernant la burqa, parce qu'on en parle ce matin, c'est au Conseil des ministres, E. Raoult était quand même un petit peu vert que J.F. Copé annonce un certain nombre de décisions avant même que ce fameux groupe, dont vous parlez justement, ait donné ses conclusions, lui qui a réfléchi en amont...
Bien sûr...
... Donc il y a quand même des tensions.
Il y a des tensions, elles sont inévitables, le groupe, la mission parlementaire réunissait toutes les familles politiques. Elle était d'ailleurs présidée par un député qui est membre du Parti communiste, monsieur A. Gérin. La famille UMP n'est pas calée sur le calendrier spécifique de cette mission parlementaire. Donc il peut y avoir des tensions, mais ce n'est pas grave, c'est la vie, et c'est la vie politique en général. Il ne faut pas attacher plus d'importance à tout ça que ça n'en a. Ce qui compte, c'est d'arriver à résoudre les problèmes, voilà.
Est-ce que vous considérez qu'à terme, le projet de loi qui va être proposé donc ce matin au Conseil des ministres, qui ne prononce pas le mot de burqa, mais qui interdit la dissimulation du visage dans l'espace public, est-ce que tout ça sera voté, d'abord, est-ce que c'est une bonne chose pour vous, et est-ce que ça sera définitivement voté, et quand ?
Je crois que c'est très important que les valeurs de la République soient clairement exprimées, et si c'est nécessaire au travers de l'élaboration et du vote d'un texte, en l'occurrence, le projet de loi, qui interdira, qui va interdire la dissimulation du visage effectivement dans l'espace public, c'est normal de défendre les valeurs de la République à partir du moment où on considère qu'en matière de dignité de la personne, en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, les choses sont en train de dériver. Donc on va remettre ça d'aplomb. Ça va être discuté en Conseil des ministres ce matin, ça va être discuté à l'Assemblée nationale avant la suspension de l'été, ça sera sur le bureau du Sénat dès la reprise des travaux, au mois de septembre, et ce sera voté à ce moment-là.
Est-ce que vous avez l'impression que c'est nécessaire dans le contexte d'aujourd'hui, la bataille de l'euro, les rapports avec la Chine, le commerce international, de s'intéresser à cette affaire, qui concerne 2.000 personnes en France ?
Eh bien, je crois quand même justement qu'on a besoin des deux, parce que l'euro, la mondialisation, etc., etc., les retraites, ce sont des énormes problèmes qui se posent à notre société, l'avenir de la place de l'homme dans la société, et donc sur des choses comme ça, il ne faut pas caler, et il faut montrer qu'il y a des principes, et qu'on ne vit pas en société sans règles, sans valeurs partagées, c'est la vie démocratique, c'est la République, c'est la démocratie, et il faut ne pas hésiter à l'affirmer et à le confirmer.
Et sur les retraites justement, qui est le grand projet de la fin de l'année, on a eu donc depuis hier le contre-projet du Parti socialiste, avec une taxation accentuée, notamment concernant les banques, et puis, le maintien, a dit M. Aubry, de l'âge de départ à 60 ans ; est-ce que vous avez l'impression que... d'abord, est-ce que vous considérez que ce contre-projet a un intérêt, une réflexion, est-ce qu'il peut contribuer à la réflexion générale, et là aussi, est-ce que vous sentez que les parlementaires vont se fiche des progrès du président de la République ?
Je crois que la question des retraites, elle est fondamentale, et elle fait également partie de notre socle social républicain. On a un système qui est un système de répartition, qui est celui de la solidarité. Comment peut-on faire fonctionner un système alors qu'aujourd'hui, il y a un déficit annuel de 30 milliards d'euros, que dans dix ans, il sera de 40, et que dans vingt ans, il sera de 70 milliards ? C'est ça...
C'est le grand argument de la gauche, ils disent : justement, on ne va pas prélever assez dans le projet du Gouvernement ; nous, on va prélever plus, donc on règlera plus vite.
La gauche n'en sait rien du tout d'ailleurs, puisqu'on n'en est pas encore là. On en est au stade de la concertation. Simplement, d'imaginer - d'imaginer ! - Que, finalement, il n'y a pas de problème démographique, il n'y a pas de problème d'allongement de la vie, et qu'on va régler la question des retraites en alourdissant les cotisations, les charges, les taxations de toute nature, suivant les bonnes vieilles recettes et les bonnes vieilles méthodes socialistes, eh bien, je crois que le passé ne plaide pas pour la crédibilité de ce qu'a annoncé M. Aubry, hier. Elle nous a quand même mis dans les pattes - excusez-moi d'utiliser l'expression - les 35 heures, on n'en est toujours pas remis... la retraite à 60 ans...
Il fallait les abroger...
Eh bien, on a fait beaucoup d'efforts pour...
Oui, pour les amender, mais pas pour les abroger...
Ah oui, mais on a quand même pris des mesures qui permettent aujourd'hui justement de contourner cette difficulté... la retraite à 60 ans, et tout ça, tout ça, on n'en est pas remis. On est les seuls, la France est la seule dans les grandes démocraties à fonctionner de cette manière-là. Je vous rappelle qu'on est dans la mondialisation, on est dans une situation où tout est ouvert, donc si les autres pays passent la retraite à 62, 63, 61, je ne sais pas, et que nous, on reste toujours à 60, et qu'on ne veut rien bouger, et qu'on ne veut rien changer, qui est-ce qui paie l'addition à l'arrivée, les Français.
Je voudrais que vous écoutiez E. Woerth, justement, qui est chargé des négociations pour le gouvernement, parce que c'est la tradition à Radio Classique, à partir de 08h30, on passe les grands entretiens sur toutes les autres radios. Il était à France Info, donc, 08h15, et donc il réagit aux propositions du PS sur les retraites. E. Woerth.
E. Woerth (document France Info) : C'est un choc fiscal sans précédent, les propositions du Parti socialiste ; c'est 20, 30, 40 milliards d'euros de fiscalité et de cotisations en plus. Ce choc fiscal sans précédent, curieusement, est là pour répondre à un choc démographique, il n'y a pas de réponse démographique, alors qu'il y a une réponse par l'impôt et par les cotisations. La « Dame des 35 heures » se transforme en « Dame des impôts ».
Je voudrais préciser que vous trouverez le détail du projet du PS dans les pages des Echos aujourd'hui. Je vais les redonner, c'est-à-dire que, effectivement, maintien de l'âge de départ à 60 ans, taxation des hauts revenus, il s'agit des stock-options évidemment et des bonus, application de la CSG aux revenus du capital, mais aussi augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et surtout, c'est beaucoup souligné par les journaux ce matin, relever l'impôt sur les sociétés, notamment dans le domaine bancaire, de 15%, avec l'objectif pour le PS de dégager 45 milliards. Est-ce que vous avez l'impression, Monsieur de Raincourt, qu'on va se battre au Parlement entre la gauche et la droite sur cette affaire des retraites, ou est-ce que, à terme, une sorte de consensus pourrait, malgré les différences, voir le jour ?
Je pense que le débat va être vif, mais que la ligne de partage entre les opinions des uns et des autres ne se fera pas exclusivement sur la base de l'appartenance...
Politique...
... à telle ou telle famille politique. Nous avons des personnalités qui appartiennent à la gauche, je pense à A. Filippetti, je pense à M. Valls, etc.
Et à M. Valls, qui n'a pas apporté son soutien hier à ce contreprojet du PS sur les retraites.
Oui, mais on a quand même quelque part l'impression qu'au niveau du PS, c'est le combat des anciens et des modernes. J'ai l'impression vraiment que M. Aubry, avec ce qu'elle a annoncé hier, a pris encore un sérieux coup de vieux, et qu'elle n'a pas compris que la société avait évolué, qu'on ne peut pas répondre avec des outils d'hier, qui nous ont plombés, et dont on n'arrive pas à se sortir, en les réutilisant comme aujourd'hui. On ne peut pas indéfiniment ajouter des cotisations à des cotisations, des impôts à des impôts. On a envie de dire : mais halte-là, halte-là, on n'en peut plus !
Je voudrais que vous écoutiez donc sur Europe 1, puisqu'on parle maintenant des grands entretiens, J.-M. Ayrault, qui est président du groupe socialiste à l'Assemblée, et que vous connaissez bien. Lui, il évoquait le sujet qui sera présenté ce matin au Conseil des ministres, à savoir la burqa.
J.-M. Ayrault (document Europe 1) : Nous sommes prêts à voter la loi, nous avons déposé une loi, une proposition de loi, nous voulons une loi contre la burqa, nous voulons faire régresser la burqa en France. Mais moi, je pose la question au Gouvernement : est-ce que le Gouvernement veut faire un coup tactique, parce qu'il dit on va prendre une loi d'interdiction générale, contrairement à ce que le Conseil d'Etat, lui, dit, j'aimerais d'ailleurs que le Gouvernement publie l'avis du Conseil d'Etat, pour éclairer l'opinion. Et donc nous voulons faire une loi utile, je n'ai pas du tout l'intention de proposer au groupe socialiste de faire un recours au Conseil constitutionnel là-dessus, simplement, il faut savoir que maintenant, un simple citoyen peut faire un recours. Donc à un moment ou à un autre, le Conseil constitutionnel sera saisi. Donc c'est pour ça qu'il faut faire une loi qui soit juridiquement viable, et qui soit applicable. C'est pour ça que nos propositions seront très claires : interdiction de la burqa dans les services publics de l'Etat, les collectivités locales, les hôpitaux, les transports, les banques.
Voilà, je vous rappelle que nous sommes en direct avec monsieur de Raincourt, qui est ministre en charge des Relations avec le Parlement. Ayrault, lui, parle beaucoup justement de cet obstacle du Conseil d'Etat, qui pourrait se traduire, dit-il, par un obstacle du Conseil constitutionnel. Visiblement, le président de la République a pris le pari que le Conseil constitutionnel ne s'opposerait pas à ce texte. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Je pense qu'en réalité on n'a pas le choix. Ce que propose monsieur Ayrault ce matin, et qu'on connaît bien, est quasiment inapplicable. Comment ? Alors, vous montez dans l'autobus, vous n'avez pas le droit de porter la burqa, si c'est public ; vous descendez chez le boulanger acheter votre baguette, vous pouvez porter la burqa ? Donc je veux dire ce n'est pas envisageable, ça n'est pas possible. Seule la mesure générale est applicable, est réaliste, est faisable et donne clairement la vision qui est la nôtre du vivre ensemble, voilà. Et donc c'est la raison pour laquelle nous pensons...
Mais est-ce que vous considérez qu'il y a quand même un risque que le Conseil constitutionnel re-toque le texte, ce qui a déjà été le cas depuis que l'équipe à laquelle vous appartenez est au pouvoir ?
On ne fait pas de politique sans risque, et donc nous assumons pleinement le risque, si risque il y a. Le Conseil constitutionnel se prononcera, et nous avons confiance qu'il le fera sur la base du respect strict de la Constitution.
Il peut être utile monsieur Charasse, dans ce domaine-là ?
Mais je pense que dans tous les domaines, monsieur M. Charasse est une personnalité qui sur le plan de la connaissance, de l'imprégnation de la Constitution, est aujourd'hui un des plus avisés en France.
Je voudrais vous faire écouter quelque chose, alors, là, qui n'a strictement aucun rapport avec l'actualité, mais qui était chez nos confrères de RTL, et vous savez que nous sommes en plein festival de Cannes, qu'il y a un film d'Olivier Assayas, qui est consacré au terroriste Carlos, d'ailleurs, ça, c'est une des premières... enfin, ça a probablement déjà eu lieu, mais enfin, c'est quand même assez étonnant, voici que Carlos, qui est un bon coup journalistique de nos confrères de RTL, et on les félicite, parle de son film à la radio, vous allez nous dire - enfin, de son film, du film qui lui est consacré à la radio - si tout ça ne vous choque pas quand même qu'un terroriste s'exprime en tant qu'une sorte de critique de cinéma, Carlos, le vrai !
Carlos (document RTL) : J'ai été étonné, vraiment, par la désinvolture des gens qui ont été interrogés ou interviewés. C'est subjectif, c'est mon point de vue, c'est désolant. Par exemple, il y a une question (...) des armes. J'ai remarqué comment ils l'utilisaient, ce n'est pas des combattants, c'est des Guignols !
Ca fait toujours bizarre d'entendre Carlos à la radio. Est-ce que vous trouvez ça choquant, déplacé ? Je sens que vous réfléchissez...
Eh bien, je réfléchis, parce que ça me surprend un petit peu, effectivement, qu'une personne qui est considérée et qui a été jugée comme terroriste, puisse s'exprimer comme ça, et finalement, vendre sa propre expérience, au travers d'un film. Quelque part, on en voit quand même des vertes et des pas mûres dans notre société.
Oui, ça vous choque quand même ?
Ca me surprend déjà, dans un premier temps...
Et quand vous allez rentrer justement au Parlement, tout à l'heure, vous avez l'impression que les parlementaires vont vous en parler de ça ?
A mon avis, les parlementaires ne vont pas être très favorables à ce genre d'exercice médiatique.
Je vois que vous avez le sourire et la certitude.
Le sourire et la certitude... Le sourire m'habite d'une manière assez générale, la certitude, en revanche, je doute.
Merci en tout cas d'être venu nous voir ce matin sur l'antenne de Radio Classique, Monsieur de Raincourt. Je rappelle que vous êtes ministre en charge des relations avec le Parlement.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 mai 2010
Je vois que ça commence fort, si je puis dire, et votre question est bien intéressante. Je crois qu'il faut quand même laisser un groupe parlementaire mener sa vie propre et son existence, parce que sinon, d'abord, au Parlement, on s'ennuie, c'est de nature à décourager les parlementaires, et puis, il faut bien montrer aussi à l'opinion publique que les parlementaires ne sont pas des suiveurs mais sont en avance, également, comme la famille politique, le parti politique...
C'est Accoyer qui a un peu tort alors ?
Non, mais non, tout est une question toujours d'équilibre entre les uns et les autres. Le président de l'Assemblée nationale, il est le président de tous les députés, le président du groupe, lui, il a pour mission de mettre en avant le puissant groupe à la tête duquel il a été porté, et l'un et l'autre remplissent fort bien leur mission.
Est-ce que vous avez le sentiment que sur les grands sujets, dont on va parler ce matin et qui vont animer justement la réflexion politique des prochains mois, le groupe va suivre, c'est-à-dire, aussi bien sur la burqa, sur les retraites ou est-ce qu'il va y avoir les petits tiraillements qu'on a connus ces dernières semaines ?
Je crois qu'il y a deux choses. D'abord, sur tous ces grands sujets, dont on va parler dans un instant, la réflexion elle est engagée depuis longtemps. Et le groupe parlementaire, par exemple, comme le parti politique, l'UMP, ont pris l'habitude de constituer des groupes de travail spécifiques, réunissant les gens passionnés, les spécialistes, etc., qui étudient le plus en amont possible, et ça, c'est lié tout à fait à la réforme de la Constitution du mois de juillet 2008, qui a complètement modifié les rapports, et on ne le regarde pas suffisamment de près, entre l'exécutif et le législatif, qui a modifié nos méthodes de travail, donc on est, certes, un petit peu encore en rodage, mais aujourd'hui, le secret de la vie parlementaire qui résulte de cette réforme de la Constitution, c'est réfléchir et prendre, proposer des mesures le plus en amont possible.
Mais, parce que vous vous souvenez par exemple que concernant la burqa, parce qu'on en parle ce matin, c'est au Conseil des ministres, E. Raoult était quand même un petit peu vert que J.F. Copé annonce un certain nombre de décisions avant même que ce fameux groupe, dont vous parlez justement, ait donné ses conclusions, lui qui a réfléchi en amont...
Bien sûr...
... Donc il y a quand même des tensions.
Il y a des tensions, elles sont inévitables, le groupe, la mission parlementaire réunissait toutes les familles politiques. Elle était d'ailleurs présidée par un député qui est membre du Parti communiste, monsieur A. Gérin. La famille UMP n'est pas calée sur le calendrier spécifique de cette mission parlementaire. Donc il peut y avoir des tensions, mais ce n'est pas grave, c'est la vie, et c'est la vie politique en général. Il ne faut pas attacher plus d'importance à tout ça que ça n'en a. Ce qui compte, c'est d'arriver à résoudre les problèmes, voilà.
Est-ce que vous considérez qu'à terme, le projet de loi qui va être proposé donc ce matin au Conseil des ministres, qui ne prononce pas le mot de burqa, mais qui interdit la dissimulation du visage dans l'espace public, est-ce que tout ça sera voté, d'abord, est-ce que c'est une bonne chose pour vous, et est-ce que ça sera définitivement voté, et quand ?
Je crois que c'est très important que les valeurs de la République soient clairement exprimées, et si c'est nécessaire au travers de l'élaboration et du vote d'un texte, en l'occurrence, le projet de loi, qui interdira, qui va interdire la dissimulation du visage effectivement dans l'espace public, c'est normal de défendre les valeurs de la République à partir du moment où on considère qu'en matière de dignité de la personne, en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, les choses sont en train de dériver. Donc on va remettre ça d'aplomb. Ça va être discuté en Conseil des ministres ce matin, ça va être discuté à l'Assemblée nationale avant la suspension de l'été, ça sera sur le bureau du Sénat dès la reprise des travaux, au mois de septembre, et ce sera voté à ce moment-là.
Est-ce que vous avez l'impression que c'est nécessaire dans le contexte d'aujourd'hui, la bataille de l'euro, les rapports avec la Chine, le commerce international, de s'intéresser à cette affaire, qui concerne 2.000 personnes en France ?
Eh bien, je crois quand même justement qu'on a besoin des deux, parce que l'euro, la mondialisation, etc., etc., les retraites, ce sont des énormes problèmes qui se posent à notre société, l'avenir de la place de l'homme dans la société, et donc sur des choses comme ça, il ne faut pas caler, et il faut montrer qu'il y a des principes, et qu'on ne vit pas en société sans règles, sans valeurs partagées, c'est la vie démocratique, c'est la République, c'est la démocratie, et il faut ne pas hésiter à l'affirmer et à le confirmer.
Et sur les retraites justement, qui est le grand projet de la fin de l'année, on a eu donc depuis hier le contre-projet du Parti socialiste, avec une taxation accentuée, notamment concernant les banques, et puis, le maintien, a dit M. Aubry, de l'âge de départ à 60 ans ; est-ce que vous avez l'impression que... d'abord, est-ce que vous considérez que ce contre-projet a un intérêt, une réflexion, est-ce qu'il peut contribuer à la réflexion générale, et là aussi, est-ce que vous sentez que les parlementaires vont se fiche des progrès du président de la République ?
Je crois que la question des retraites, elle est fondamentale, et elle fait également partie de notre socle social républicain. On a un système qui est un système de répartition, qui est celui de la solidarité. Comment peut-on faire fonctionner un système alors qu'aujourd'hui, il y a un déficit annuel de 30 milliards d'euros, que dans dix ans, il sera de 40, et que dans vingt ans, il sera de 70 milliards ? C'est ça...
C'est le grand argument de la gauche, ils disent : justement, on ne va pas prélever assez dans le projet du Gouvernement ; nous, on va prélever plus, donc on règlera plus vite.
La gauche n'en sait rien du tout d'ailleurs, puisqu'on n'en est pas encore là. On en est au stade de la concertation. Simplement, d'imaginer - d'imaginer ! - Que, finalement, il n'y a pas de problème démographique, il n'y a pas de problème d'allongement de la vie, et qu'on va régler la question des retraites en alourdissant les cotisations, les charges, les taxations de toute nature, suivant les bonnes vieilles recettes et les bonnes vieilles méthodes socialistes, eh bien, je crois que le passé ne plaide pas pour la crédibilité de ce qu'a annoncé M. Aubry, hier. Elle nous a quand même mis dans les pattes - excusez-moi d'utiliser l'expression - les 35 heures, on n'en est toujours pas remis... la retraite à 60 ans...
Il fallait les abroger...
Eh bien, on a fait beaucoup d'efforts pour...
Oui, pour les amender, mais pas pour les abroger...
Ah oui, mais on a quand même pris des mesures qui permettent aujourd'hui justement de contourner cette difficulté... la retraite à 60 ans, et tout ça, tout ça, on n'en est pas remis. On est les seuls, la France est la seule dans les grandes démocraties à fonctionner de cette manière-là. Je vous rappelle qu'on est dans la mondialisation, on est dans une situation où tout est ouvert, donc si les autres pays passent la retraite à 62, 63, 61, je ne sais pas, et que nous, on reste toujours à 60, et qu'on ne veut rien bouger, et qu'on ne veut rien changer, qui est-ce qui paie l'addition à l'arrivée, les Français.
Je voudrais que vous écoutiez E. Woerth, justement, qui est chargé des négociations pour le gouvernement, parce que c'est la tradition à Radio Classique, à partir de 08h30, on passe les grands entretiens sur toutes les autres radios. Il était à France Info, donc, 08h15, et donc il réagit aux propositions du PS sur les retraites. E. Woerth.
E. Woerth (document France Info) : C'est un choc fiscal sans précédent, les propositions du Parti socialiste ; c'est 20, 30, 40 milliards d'euros de fiscalité et de cotisations en plus. Ce choc fiscal sans précédent, curieusement, est là pour répondre à un choc démographique, il n'y a pas de réponse démographique, alors qu'il y a une réponse par l'impôt et par les cotisations. La « Dame des 35 heures » se transforme en « Dame des impôts ».
Je voudrais préciser que vous trouverez le détail du projet du PS dans les pages des Echos aujourd'hui. Je vais les redonner, c'est-à-dire que, effectivement, maintien de l'âge de départ à 60 ans, taxation des hauts revenus, il s'agit des stock-options évidemment et des bonus, application de la CSG aux revenus du capital, mais aussi augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et surtout, c'est beaucoup souligné par les journaux ce matin, relever l'impôt sur les sociétés, notamment dans le domaine bancaire, de 15%, avec l'objectif pour le PS de dégager 45 milliards. Est-ce que vous avez l'impression, Monsieur de Raincourt, qu'on va se battre au Parlement entre la gauche et la droite sur cette affaire des retraites, ou est-ce que, à terme, une sorte de consensus pourrait, malgré les différences, voir le jour ?
Je pense que le débat va être vif, mais que la ligne de partage entre les opinions des uns et des autres ne se fera pas exclusivement sur la base de l'appartenance...
Politique...
... à telle ou telle famille politique. Nous avons des personnalités qui appartiennent à la gauche, je pense à A. Filippetti, je pense à M. Valls, etc.
Et à M. Valls, qui n'a pas apporté son soutien hier à ce contreprojet du PS sur les retraites.
Oui, mais on a quand même quelque part l'impression qu'au niveau du PS, c'est le combat des anciens et des modernes. J'ai l'impression vraiment que M. Aubry, avec ce qu'elle a annoncé hier, a pris encore un sérieux coup de vieux, et qu'elle n'a pas compris que la société avait évolué, qu'on ne peut pas répondre avec des outils d'hier, qui nous ont plombés, et dont on n'arrive pas à se sortir, en les réutilisant comme aujourd'hui. On ne peut pas indéfiniment ajouter des cotisations à des cotisations, des impôts à des impôts. On a envie de dire : mais halte-là, halte-là, on n'en peut plus !
Je voudrais que vous écoutiez donc sur Europe 1, puisqu'on parle maintenant des grands entretiens, J.-M. Ayrault, qui est président du groupe socialiste à l'Assemblée, et que vous connaissez bien. Lui, il évoquait le sujet qui sera présenté ce matin au Conseil des ministres, à savoir la burqa.
J.-M. Ayrault (document Europe 1) : Nous sommes prêts à voter la loi, nous avons déposé une loi, une proposition de loi, nous voulons une loi contre la burqa, nous voulons faire régresser la burqa en France. Mais moi, je pose la question au Gouvernement : est-ce que le Gouvernement veut faire un coup tactique, parce qu'il dit on va prendre une loi d'interdiction générale, contrairement à ce que le Conseil d'Etat, lui, dit, j'aimerais d'ailleurs que le Gouvernement publie l'avis du Conseil d'Etat, pour éclairer l'opinion. Et donc nous voulons faire une loi utile, je n'ai pas du tout l'intention de proposer au groupe socialiste de faire un recours au Conseil constitutionnel là-dessus, simplement, il faut savoir que maintenant, un simple citoyen peut faire un recours. Donc à un moment ou à un autre, le Conseil constitutionnel sera saisi. Donc c'est pour ça qu'il faut faire une loi qui soit juridiquement viable, et qui soit applicable. C'est pour ça que nos propositions seront très claires : interdiction de la burqa dans les services publics de l'Etat, les collectivités locales, les hôpitaux, les transports, les banques.
Voilà, je vous rappelle que nous sommes en direct avec monsieur de Raincourt, qui est ministre en charge des Relations avec le Parlement. Ayrault, lui, parle beaucoup justement de cet obstacle du Conseil d'Etat, qui pourrait se traduire, dit-il, par un obstacle du Conseil constitutionnel. Visiblement, le président de la République a pris le pari que le Conseil constitutionnel ne s'opposerait pas à ce texte. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Je pense qu'en réalité on n'a pas le choix. Ce que propose monsieur Ayrault ce matin, et qu'on connaît bien, est quasiment inapplicable. Comment ? Alors, vous montez dans l'autobus, vous n'avez pas le droit de porter la burqa, si c'est public ; vous descendez chez le boulanger acheter votre baguette, vous pouvez porter la burqa ? Donc je veux dire ce n'est pas envisageable, ça n'est pas possible. Seule la mesure générale est applicable, est réaliste, est faisable et donne clairement la vision qui est la nôtre du vivre ensemble, voilà. Et donc c'est la raison pour laquelle nous pensons...
Mais est-ce que vous considérez qu'il y a quand même un risque que le Conseil constitutionnel re-toque le texte, ce qui a déjà été le cas depuis que l'équipe à laquelle vous appartenez est au pouvoir ?
On ne fait pas de politique sans risque, et donc nous assumons pleinement le risque, si risque il y a. Le Conseil constitutionnel se prononcera, et nous avons confiance qu'il le fera sur la base du respect strict de la Constitution.
Il peut être utile monsieur Charasse, dans ce domaine-là ?
Mais je pense que dans tous les domaines, monsieur M. Charasse est une personnalité qui sur le plan de la connaissance, de l'imprégnation de la Constitution, est aujourd'hui un des plus avisés en France.
Je voudrais vous faire écouter quelque chose, alors, là, qui n'a strictement aucun rapport avec l'actualité, mais qui était chez nos confrères de RTL, et vous savez que nous sommes en plein festival de Cannes, qu'il y a un film d'Olivier Assayas, qui est consacré au terroriste Carlos, d'ailleurs, ça, c'est une des premières... enfin, ça a probablement déjà eu lieu, mais enfin, c'est quand même assez étonnant, voici que Carlos, qui est un bon coup journalistique de nos confrères de RTL, et on les félicite, parle de son film à la radio, vous allez nous dire - enfin, de son film, du film qui lui est consacré à la radio - si tout ça ne vous choque pas quand même qu'un terroriste s'exprime en tant qu'une sorte de critique de cinéma, Carlos, le vrai !
Carlos (document RTL) : J'ai été étonné, vraiment, par la désinvolture des gens qui ont été interrogés ou interviewés. C'est subjectif, c'est mon point de vue, c'est désolant. Par exemple, il y a une question (...) des armes. J'ai remarqué comment ils l'utilisaient, ce n'est pas des combattants, c'est des Guignols !
Ca fait toujours bizarre d'entendre Carlos à la radio. Est-ce que vous trouvez ça choquant, déplacé ? Je sens que vous réfléchissez...
Eh bien, je réfléchis, parce que ça me surprend un petit peu, effectivement, qu'une personne qui est considérée et qui a été jugée comme terroriste, puisse s'exprimer comme ça, et finalement, vendre sa propre expérience, au travers d'un film. Quelque part, on en voit quand même des vertes et des pas mûres dans notre société.
Oui, ça vous choque quand même ?
Ca me surprend déjà, dans un premier temps...
Et quand vous allez rentrer justement au Parlement, tout à l'heure, vous avez l'impression que les parlementaires vont vous en parler de ça ?
A mon avis, les parlementaires ne vont pas être très favorables à ce genre d'exercice médiatique.
Je vois que vous avez le sourire et la certitude.
Le sourire et la certitude... Le sourire m'habite d'une manière assez générale, la certitude, en revanche, je doute.
Merci en tout cas d'être venu nous voir ce matin sur l'antenne de Radio Classique, Monsieur de Raincourt. Je rappelle que vous êtes ministre en charge des relations avec le Parlement.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 mai 2010