Interview de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, dans "Les Nouvelles Calédonniennes" du 5 juin 2010, sur le bilan des accords de Nouméa et la justice fiscale dans les TOM.

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Média : Les Nouvelles calédoniennes

Texte intégral

La ministre souhaite un bilan complet de l'accord de Nouméa ainsi qu'une réflexion sur l'après accord. Elle confirme par ailleurs que le comité des signataires se déroulera à Matignon le 24 juin. Comme en 2008, Nicolas Sarkozy pourrait recevoir les signataires à l'Elysée.
Le comité des signataires prévu initialement fin mai a été reporté. Est-ce que tout est prêt aujourd'hui pour qu'il puisse se tenir fin juin ?
La réunion du comité des signataires se déroulera le 24 juin à Matignon. En conclusion de mon séjour, je m'exprimerai sur l'ordre du jour et le contenu de ce comité.
Un consensus se dégage-t-il ?
Des points convergents se dégagent sur les questions habituellement abordées lors du comité des signataires : je pense aux transferts de compétences et aux contrats de développement. Pour le reste, j'ai débuté des consultations à Paris pour préparer cet ordre du jour. Je les poursuivrai ici de manière à parvenir à un consensus entre toutes les sensibilités.
Faut-il faire un bilan de l'accord avant de penser à sa sortie ?
L'idée qui consiste à savoir où nous en sommes me paraît pertinente. Nous ne devons pas nous limiter à un seul bilan politique. Un bilan sur les transferts de compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie permettrait d'établir une analyse sur ce qui a été fait. Sous réserve de ce bilan, je peux vous dire que les dossiers ont bien progressé, même si on peut toujours faire mieux. Ce bilan doit être politique, économique, social, et il doit s'intéresser au rééquilibrage dans ses différents aspects.
On parle beaucoup d'alliances de circonstance Rassemblement-UMP - Union Calédonienne et Palika - Calédonie ensemble. Les ressentez-vous ?
Ce n'est pas mon rôle en tant que ministre chargée de l'Outre-Mer, de me prononcer sur des alliances politiques. Je n'ai pas à avoir une position partisane.
La réflexion doit-elle porter aussi sur la question exacte qui pourra être posée à partir de 2014 ?
Il est prématuré de se poser la question. Les signataires devront préciser leur réflexion sur ce point, préciser quelle sera la méthode et le moment venu quel sera le calendrier. L'État accompagnera leur démarche.
L'attitude de l'UC (Union calédonienne), qui refuse d'autoriser le président du gouvernement à signer la convention cadre concernant les transferts de compétences, vous inquiète-t-elle ?
Ce problème doit être traité au plan local, au sein du gouvernement dans sa dimension collégiale. Il ne faudra pas que des retards de transferts de compétences constituent des obstacles, notamment par rapport à l'échéance de 2014. Il serait dommage que la Nouvelle-Calédonie se prive de cette assistance technique que lui propose l'État.
Quelques jours avant d'être reçu par le président de la République, Pierre Frogier affirmait ne pas être « dans la boucle » pour préparer le comité. Comment interprétez-vous cette déclaration ?
Pierre Frogier fait partie de la même famille politique que la mienne. Nous nous connaissons bien, et chaque fois qu'il vient à Paris, nous avons l'occasion de nous voir pour échanger. Il mène une action politique que je respecte, et on ne peut pas lui dénier un certain courage, notamment dans la période récente, pour faire évoluer les mentalités y compris à l'intérieur de son camp. Simplement, en tant que ministre de la République je dois veiller, et en Nouvelle-Calédonie sans doute plus qu'ailleurs, à ne pas prendre partie pour tel ou tel, pour un camp contre un autre. C'est la logique des accords de Nouméa, dont l'Etat est signataire et, partant, le garant.
Que pensez-vous de la proposition de Pierre Frogier (député et président du Rassemblement-UMP, NDLR) de voir les drapeaux indépendantiste et tricolore flotter l'un à côté de l'autre ?
Pierre Frogier a fait une proposition intéressante et courageuse. Les Calédoniens doivent avoir cette discussion entre eux, et puis le gouvernement fera connaître, le moment venu, sa position.
La question du drapeau doit-elle être réglée impérativement avant les jeux du Pacifique de 2011 ?
Cela constituerait un beau symbole pour les Calédoniens.
On parle toujours des signataires mais, au-delà, il y a la légitimité démocratique. Le comité doit-il s'ouvrir ?
Les précédents comités ont associé des non-signataires de l'accord de Nouméa. Il appartient aux délégations de savoir qui les représente. Des personnalités ont déjà été invitées à participer au comité et notamment les présidents des exécutifs et les parlementaires. C'est le bon sens s'agissant de discussions engageant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Vous avez rencontré le président du Parti travailliste, Louis Kotra Uregei, il y a quelques jours. Sera-t-il convié au comité ?
M. Uregei n'est pas signataire de l'accord, et je serai attentive à la constitution des délégations. Le comité a déjà été élargi à ces autorités qui émanent du suffrage universel. C'est pour cela que le président Gomès a participé au dernier comité des signataires.
Nicolas Sarkozy recevra-t-il les signataires à l'Élysée ?
"Nicolas Sarkozy est très attentif à l'avenir de la Nouvelle- Calédonie et souhaitera recevoir les participants du comité de suivi de l'accord de Nouméa à l'issue de leur réunion à Matignon."
Votre déplacement a-t-il pour objectif unique de préparer ce comité ?
Non. J'avais indiqué lors de ma première visite que je souhaitais privilégier des rencontres institutionnelles. Lors de ce second séjour, je souhaite rencontrer la population et surtout la jeunesse. Je me déplacerai en Grande Terre et à Maré. Je rencontrerai également les autorités coutumières. J'aborderai aussi le sujet de la biodiversité puisque j'ai fait de cet enjeu un axe majeur de mon action cette année.
Le durcissement des critères de l'aide à la continuité territoriale est perçu en Nouvelle-Calédonie comme un coup dur par la population et les voyagistes. Le nouveau dispositif est-il vraiment définitif ?
Des enseignements ont été tirés trop rapidement, sans connaître entièrement le dispositif. Par exemple, pour la Nouvelle- Calédonie, nous avons tenu compte de la situation du territoire en faisant un abattement de 15% pour le calcul des revenus.Mais j'aurai l'occasion de revenir en détail sur le nouveau dispositif. L'État a souhaité mieux aider les familles dans une répartition beaucoup plus juste. J'ai voulu que l'effort de l'État soit équitable entre tous les territoires. C'est dans ce souci d'équité entre les territoires que nous avons mis en place des critères sociaux pour prioritairement aider les familles aux revenus les plus modestes. Nous opérons un rééquilibrage vers les publics prioritaires.
Il y a eu la réforme des retraites majorées, probablement une nouvelle remise en cause de la défiscalisation dans le cadre de la prochaine loi de finances : l'État veut-il aussi faire des économies outre-mer ?
D'autres territoires d'outre-mer ne bénéficiaient pas des retraites majorées. L'État a toujours la volonté d'être juste et équitable dans son action. Cela ne passe pas uniquement par la recherche d'économie. Je vous rappelle que le budget consacré à l'outre-mer en 2010 était en hausse de 8%.
Les niches fiscales en général et celles sur l'outre-mer en particulier vont à nouveau être réformées...
La loi pour le développement économique de l'outre-mer a déjà réorienté la défiscalisation sur le logement social. L'effort n'était pas négligeable. Il a été fait. Nous ne manquerons pas de le rappeler lors de la discussion budgétaire. Si des efforts doivent être faits dans le cadre d'une réforme des niches fiscales, il n'est pas choquant que les ultramarins y contribuent dans des proportions raisonnables.
Propos recueillis par David Martin (Agence de presse GHM)source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 10 juin 2010