Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général, cher Xavier,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Chers amis,
Les Français sont inquiets pour leur retraite. Il y a ceux qui craignent une diminution de leur pension et il y a ceux, les plus jeunes, qui se demandent tout simplement s'ils en auront une. Cette inquiétude, je la comprends, et je vais même vous dire plus, je la partage. Comment pourrait-il en être autrement alors que nos régimes sont aujourd'hui confrontés à de tels niveaux de déséquilibre ?
Cette réforme voulue par le Président de la République est donc un rendez-vous capital : il s'agit tout simplement non seulement d'assurer l'avenir de notre système de retraites, en rétablissant leur situation financière, mais également de redonner confiance aux Français dans l'un des éléments les plus essentiels de notre protection sociale.
Je voudrais vous remercier d'avoir organisé cette convention qui permet à notre famille politique de rassembler ses propositions. Vous avez mené de nombreux débats sur le sujet au plan national et dans chacun de nos départements. Et dans le cadre de la concertation que je poursuis en tant que ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique auprès des organisations syndicales, des associations et de tous les partis politiques, je vous ai naturellement rencontré.
Il y a des formations politiques dans lesquelles on se dit d'accord sur l'essentiel, mais surtout pas sur les retraites. Je suis fier que dans la nôtre, on soit vraiment d'accord sur l'essentiel, parce que, par exemple, on est d'accord sur les retraites.
Cette convention le montre : dans notre formation politique, la vision partagée nous l'avons. Et aujourd'hui, nous sommes de notre côté capables de dire ce que nous voulons.
- Ce que nous voulons, c'est regarder la réalité en face.
- Ce que nous voulons, c'est que nos enfants n'aient pas moins que nous, mais au moins aussi bien que nous.
- Ce que nous voulons, c'est que la retraite ne soit plus l'un des principaux sujets d'inquiétude des Français.
- Ce que nous voulons, c'est que la solidarité ne soit pas le prétexte pour vivre au crédit des générations futures.
- Ce que nous voulons, c'est une société dans laquelle les générations ne sont pas égoïstes entre elles, mais généreuses entre elles.
Le Gouvernement n'a pas eu besoin de recourir à des concepts anglo-saxons pour bâtir les grandes lignes de son projet de réforme. Il est vrai que nous avons en matière de réformes des retraites une certaine expérience : c'est la droite qui est à l'origine de toutes les grandes réformes des retraites de ces dernières années. 1993, 2003, 2007 : 3 dates qui nous ont permis d'accomplir une part significative du chemin. Où serions-nous aujourd'hui si notre formation n'avait pas, à chaque fois, oser agir ?
Alors une nouvelle fois, notre majorité va prendre ses responsabilités. La réforme est nécessaire, et nous la ferons, parce qu'elle est dans l'intérêt de tous. Il ne peut pas y avoir d'idéologie. Il ne peut pas y avoir de démagogie. Il ne peut y avoir que de la responsabilité.
Nous avons mis sur la table un document d'orientation qui précise les convictions du Gouvernement, laisse ouvert un certain nombre de pistes et en ferme d'autres. Permettez-moi d'abord de vous les rappeler brièvement.
I. Mesdames et Messieurs, nous redonnerons un avenir à nos régimes de retraite en regardant la réalité en face, en osant répondre aux vraies questions et non pas à celles que l'on préfèrerait avoir à traiter. Le principal problème des retraites, c'est la démographie. Alors logiquement, la principale réponse du Gouvernement sera démographique
L'objectif du Gouvernement, c'est de garantir l'équilibre de nos régimes de retraite à moyen terme. Nous ne voulons pas baisser leur déficit, nous voulons l'annuler. Déficit 0, voilà l'engagement du Gouvernement.
Pour y parvenir, il y a aujourd'hui deux réponses. La première, c'est la nôtre, c'est celle que nous partageons ensemble, c'est celle qui consiste à tirer les conséquences du fait que nous vivons plus longtemps.
L'espérance de vie a augmenté de 15 ans depuis 1950. C'est une magnifique nouvelle pour la société, tout le monde le reconnait, d'autant plus que l'on vit également plus longtemps en bonne santé.
Mais cette bonne nouvelle ne doit pas nous exonérer de réfléchir à l'utilisation de ce temps supplémentaire. Dans un système de répartition comme le nôtre, la pérennité du système dépend de l'équilibre entre le temps passé au travail et celui passé à la retraite, de l'équilibre entre ceux qui travaillent et ceux qui sont à la retraite. Nier cette réalité, c'est tout simplement nier le fonctionnement du régime par répartition.
Je vois bien que certains ne parviennent pas à demander explicitement aux Français de travailler plus longtemps. Il est vrai que c'est toujours plus agréable, et surtout plus facile, pour un homme ou une femme politique de leur expliquer que leur avenir, c'est de travailler moins longtemps. Et imaginez la difficulté pour quelqu'un qui a expliqué pendant des années que l'avenir de la France, c'était de travailler moins !
Mais si tous les pays qui ont un régime par répartition ont augmenté la durée d'activité, si tous ont privilégié cette réponse démographique, c'est bien qu'il doit y avoir un certain bon sens à dire que si l'on vit plus longtemps, on doit aussi travailler plus longtemps !
Une partie du parti socialiste à vrai dire en est convaincue et le dit aujourd'hui franchement, même à Paris ou à Lyon, enfin je veux dire sans être installée à Washington ! Il leur faut bien du courage, d'ailleurs, pour « slalomer » au milieu des tabous, des symboles et des dogmes dont leurs collègues leur rappellent à longueur de journée qu'ils sont le fondement du parti socialiste ! Je leur dis « tenez-bon », car vous êtes dans le vrai.
Cette division du PS est beaucoup plus profonde qu'il n'y paraît, parce qu'elle reflète une approche très différente des défis auxquels la société française est confrontée. Il y a ceux qui ont compris l'ampleur du défi démographique, que ce soit en matière de retraite, mais également en matière d'assurance-maladie et de dépendance, et puis il y a ceux qui le nient.
Et ceux qui le nient, logiquement, se réfugient dans l'impôt. La réponse de Martine Aubry au défi démographique, c'est l'impôt. L'impôt pour la retraite aujourd'hui, et puis ensuite pour la maladie et la dépendance. La « société du care » version PS, je le dis franchement, c'est la société de l'impôt. Voilà le fond du concept anglo-saxon revisité par les socialistes.
Les impôts dans tous les sens et pour tout le monde. Pour le salarié, avec un grand signe « moins » sur sa fiche de paie pendant 10 ans. Pour l'entreprise, qui sera taxée quelle que soit sa taille. Pour le petit épargnant, qui est considéré comme une cible.
Vous étiez inquiets pour votre retraite ? Et bien inquiétez-vous aussi pour votre pouvoir d'achat et pour votre emploi, car le choc fiscal avec le PS sera frontal.
Pour notre part, nous n'avons pas dit qu'il n'y aurait pas un euro de recettes supplémentaires. Nous avons au contraire indiqué qu'il y aurait, au nom de l'équité, une contribution des hauts revenus et des revenus du capital. Mais ces recettes sont un élément complémentaire de la réforme, et pas son élément central ! L'élément central, c'est l'augmentation de la durée d'activité !
La première secrétaire du Parti socialiste, elle, nous dit qu'avec ses 37 Mdeuros d'impôts, le problème des retraites sera largement réglé. Mais je vais vous dire, je suis persuadé qu'elle n'y croit pas elle-même. J'en veux pour preuve ses propos incroyables sur la loi Fillon, qu'elle accuse de tous les maux, mais qu'elle respectera à la lettre, ce qui veut dire concrètement qu'elle laissera la durée de cotisation augmenter tout en contestant la nécessité de travailler plus longtemps !
II. Mesdames et Messieurs, la réforme des retraites est toujours un sujet de vigilance pour les Français. Au fond d'eux-mêmes, ils savent que l'inertie serait la pire des réponses, que le statu quo n'est pas une option. Mais ils attendent dans la réforme, je le sais, de la justice et de l'équité. Et cette réforme, je le dis solennellement, sera juste et équitable
2.1 Et aujourd'hui, je veux rassurer ceux qui ont peur d'une réforme brutale
Je pense aux salariés âgés, ceux qui sont à quelques mois de la retraite, et qui craignent que leur projet de vie change du tout au tout. Je le dis et je le répète, la réforme sera progressive, le changement s'étalera sur plusieurs années, les règles changeront au fur et à mesure. Rien ne sera brutal, rien ne sera soudain. Tous les salariés sauront à l'avance, au moment où nous présenterons notre réforme au mois de juin, les règles qui s'appliqueront à eux.
Je pense aussi aux personnes qui ont plus de 60 ans, qu'elles travaillent ou non. La réforme, je vous le dis, ne vous concerne pas. Aucune règle ne changera pour vous, que vous soyez déjà à la retraite ou non.
2.2 Je veux rassurer ceux qui ont peur que les pensions de retraite baissent
La France est l'un des rares pays d'Europe à avoir fait baisser la pauvreté des retraités à un tel niveau, et pour la première fois de l'histoire de notre pays, le niveau de vie des retraités est équivalent à celui des actifs.
Cette réussite est trop rarement soulignée. Ce gouvernement, qui y a largement contribué en revalorisant notamment le minimum vieillesse de 25 % sur le quinquennat, la confortera. C'est la raison pour laquelle il ne prendra aucune mesure susceptible de faire baisser les pensions.
Je le dis clairement, la baisse des pensions est une voie que le Gouvernement n'empruntera pas. D'autres l'ont choisie, en Europe, mais ce ne sera pas le cas en France. Les pensions ne baisseront pas ni pour les retraités d'aujourd'hui, ni pour les retraités de demain.
Pour les retraités d'aujourd'hui d'abord. Nous ne les « raboterons » pas pour réduire les déficits, et les pensions resteront indexées sur les prix, ce qui signifie concrètement que le pouvoir d'achat des retraités restera garanti.
Pour les retraités de demain ensuite. Sous l'effet de l'amélioration des carrières, le niveau des pensions va au contraire continuer de progresser, le Conseil d'orientation des retraites l'a lui-même bien montré. Mais à une condition : que l'on réforme aujourd'hui pour éviter que l'on soit contraint un jour de baisser les pensions.
2.3 Je veux rassurer ceux qui ont une vie professionnelle plus dure que les autres et qui ont peur de ne pas pouvoir travailler plus longtemps
Ceux qui ont commencé à travailler plus tôt que les autres pourront toujours partir à la retraite avant les autres, parce que c'est un élément indispensable de justice et de solidarité. Le dispositif « Carrières Longues » mis en place par un Gouvernement de droite en 2003 sera maintenu, je l'ai confirmé aux partenaires sociaux la semaine dernière.
Mais ceux qui ont une vie professionnelle plus dure que les autres, sans avoir commencé à travailler plus tôt, auront aussi une réponse.
Cette réponse, c'est la reconnaissance de la pénibilité, et nous allons l'intégrer dans la réforme. Nous nous appuierons sur la définition des partenaires sociaux, qui ont privilégié l'approche par les facteurs d'exposition, qui est la seule possible.
2.4 Je veux rassurer les salariés âgés, qui ont le sentiment de ne pas avoir leur place dans les entreprises
L'emploi des seniors ne doit pas être le prétexte pour ne pas réformer les retraites. C'est un sujet trop sérieux pour en faire la justification de l'inertie. La France n'a pas un problème avec le taux d'emploi des seniors en général, mais essentiellement à partir de 59 ans. Avant cet âge, elle est soit dans les premières positions en Europe (50-55), soit dans la moyenne (55-59).
Il est clair cependant qu'il faut continuer à avancer, comme le fait le Gouvernement depuis 3 ans, avec de premiers succès, puisque le taux d'emploi des seniors a augmenté ces dernières années.
A tous ceux qui ont eu le sentiment de quitter l'entreprise trop tôt, qui considèrent que l'entreprise ne tient pas suffisamment compte de l'âge dans la manière de faire travailler les gens ou qui se sont retrouvés au chômage à la fin de leur vie professionnelle, je veux dire que nous serons très précis sur cette question dans le projet de loi.
Et je veux dire en particulier aux salariés âgés qui sont actuellement au chômage que je proposerai, dans le cadre de la réforme, un dispositif permettant d'éviter que l'augmentation de la durée d'activité ne les conduise à rester plus longtemps au chômage, et donc à y perdre financièrement.
2.5 Je veux rassurer les jeunes, qui craignent que l'évolution des règles de retraite leur soit défavorable
Je veux d'abord leur dire que la pire des réponses pour eux, c'est celle qui passe par l'augmentation générale des impôts, car ils la paieront pendant 40 ans. Et ce que propose le PS est même pire, puisque l'augmentation des cotisations salariales pendant 10 ans signifie concrètement un impact négatif sur leur salaire net pendant 10 ans.
Je veux également dire aux jeunes qui regardent cette réforme des retraites, que nous leur garantirons le bénéfice de tous les mécanismes de protection que la France a construits au fur et à mesure pour faire face aux aléas professionnels. Nos régimes de retraite protègent contre les conséquences du chômage, de la maladie, du temps partiel subi ou encore de la maternité : tous ces mécanismes seront préservés. C'est essentiel parce que l'entrée des jeunes sur le marché du travail est aujourd'hui beaucoup plus difficile que du temps de leurs parents, notamment parce qu'ils sont beaucoup plus souvent confrontés au chômage, au temps partiel ou aux contrats de courte durée.
Je me suis à ce titre engagé, dans le cadre de la réforme, à améliorer certains de ces mécanismes, notamment la couverture du chômage non indemnisé, auquel les jeunes sont plus fréquemment exposés.
2.6 Je veux rassurer les femmes, qui se demandent si les écarts de pension de retraite sont un horizon indépassable
L'augmentation du travail des femmes et les mécanismes de protection contre les aléas de carrières qu'offrent nos régimes de retraite ont permis de réduire considérablement les écarts de durée de cotisation. Mais les écarts de salaires, eux, n'ont pas disparu loin de là. Or ils constituent désormais la principale explication à l'écart de pension de retraite entre les hommes et les femmes.
Les entreprises devaient ouvrir des négociations sur ce sujet. Force est de constater que cela n'a pas été le cas. A côté des retraites, il y a donc ce gigantesque sujet de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes qui reste à traiter. Je m'engage à le faire avancer de manière très concrète dans les prochains mois, parce que la situation actuelle et l'absence d'avancées concrètes depuis la loi de 2006 sont tout simplement inacceptables.
2.7 Enfin je veux rassurer les fonctionnaires, dont les règles différentes de retraite ne seront pas caricaturées
L'augmentation de la durée d'activité s'appliquera à tous les actifs, du public comme du privé. C'est un élément essentiel de justice et d'équité.
Les fonctionnaires ont néanmoins des règles de retraite qui restent différentes sur certains points. Le Gouvernement refuse qu'on oppose une France à une autre. Ce n'est pas parce qu'il y a des différences qu'elles sont inéquitables par nature, et parallèlement, ce n'est pas parce qu'il y a des différences qu'elles sont justifiées par nature.
La méthode qu'a retenue le Gouvernement sur ce sujet, c'est d'analyser avec les partenaires sociaux et les organisations syndicales de la Fonction publique chacune de ces spécificités, afin d'en éclairer l'origine et la pertinence. Certaines seront totalement justifiées, d'autres probablement moins : les premières seront maintenues, les secondes évolueront.
2.8 Enfin je veux rassurer tous les Français qui craignent que les règles de retraite soient, après la réforme, encore plus complexes qu'aujourd'hui
Je suis conscient de cette complexité, croyez-moi. J'en ai longuement discuté avec les partenaires sociaux et ai pris avec eux l'engagement de poursuivre le mouvement de simplification engagé en 2003.
Dans le cadre de la réforme, le Gouvernement proposera en conséquence un « point d'étape retraite » à 45 ans, afin que chacun anticipe ses futurs droits à retraite et puisse, en conséquence, faire des choix, par exemple celui de racheter des trimestres de retraite de manière anticipée.
Mesdames et Messieurs, nous faisons cette réforme pour que la répartition et la solidarité restent le coeur de notre système de retraite.
Nous n'allons pas redonner un avenir à un système moins généreux, nous allons donner un avenir au même régime qu'aujourd'hui. A ce régime qui protège tous ceux qui traversent des moments difficiles sur le marché du travail. A ce régime qui offre des protections qui dans bien des cas n'ont pas d'équivalent en Europe.
C'est une réforme d'une importance déterminante pour notre protection sociale. Elle peut rassembler bien au-delà de notre formation politique parce qu'elle concerne une réalité incontestable, celle de l'allongement de la vie.
Cette réforme nous l'abordons avec réalisme, responsabilité et justice. Nos objectifs sont sur la table, nos engagements aussi, je les ai présentés longuement dans notre document d'orientation.
J'entends certains dire que les dés sont jetés et que le Gouvernement a déjà tout décidé. Il n'en est rien: nous n'avons pris aucune décision, nous avons donné des orientations.
Alors bien sûr, nous n'empêcherons personne de prophétiser. Il y a toujours, dans les réformes d'ampleur, des sachants, des demi-sachants, des personnes soi disant bien informées qui connaissent les futures décisions. Ils ne sont les porte-parole de personne d'autre que d'eux-mêmes et sûrement pas du Gouvernement.
Notre calendrier, nous le respecterons parce qu'il est cohérent avec notre méthode, celle d'une concertation large et nourrie. Nous présenterons le projet de réforme à la mi-juin, avant le conseil des ministres en juillet et la discussion du texte devant le Parlement. D'ici là, la concertation continue, et je m'y emploie pleinement.
Merci pour votre engagement.Source http://www.lemouvementpopulaire.fr, le 26 mai 2010
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Chers amis,
Les Français sont inquiets pour leur retraite. Il y a ceux qui craignent une diminution de leur pension et il y a ceux, les plus jeunes, qui se demandent tout simplement s'ils en auront une. Cette inquiétude, je la comprends, et je vais même vous dire plus, je la partage. Comment pourrait-il en être autrement alors que nos régimes sont aujourd'hui confrontés à de tels niveaux de déséquilibre ?
Cette réforme voulue par le Président de la République est donc un rendez-vous capital : il s'agit tout simplement non seulement d'assurer l'avenir de notre système de retraites, en rétablissant leur situation financière, mais également de redonner confiance aux Français dans l'un des éléments les plus essentiels de notre protection sociale.
Je voudrais vous remercier d'avoir organisé cette convention qui permet à notre famille politique de rassembler ses propositions. Vous avez mené de nombreux débats sur le sujet au plan national et dans chacun de nos départements. Et dans le cadre de la concertation que je poursuis en tant que ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique auprès des organisations syndicales, des associations et de tous les partis politiques, je vous ai naturellement rencontré.
Il y a des formations politiques dans lesquelles on se dit d'accord sur l'essentiel, mais surtout pas sur les retraites. Je suis fier que dans la nôtre, on soit vraiment d'accord sur l'essentiel, parce que, par exemple, on est d'accord sur les retraites.
Cette convention le montre : dans notre formation politique, la vision partagée nous l'avons. Et aujourd'hui, nous sommes de notre côté capables de dire ce que nous voulons.
- Ce que nous voulons, c'est regarder la réalité en face.
- Ce que nous voulons, c'est que nos enfants n'aient pas moins que nous, mais au moins aussi bien que nous.
- Ce que nous voulons, c'est que la retraite ne soit plus l'un des principaux sujets d'inquiétude des Français.
- Ce que nous voulons, c'est que la solidarité ne soit pas le prétexte pour vivre au crédit des générations futures.
- Ce que nous voulons, c'est une société dans laquelle les générations ne sont pas égoïstes entre elles, mais généreuses entre elles.
Le Gouvernement n'a pas eu besoin de recourir à des concepts anglo-saxons pour bâtir les grandes lignes de son projet de réforme. Il est vrai que nous avons en matière de réformes des retraites une certaine expérience : c'est la droite qui est à l'origine de toutes les grandes réformes des retraites de ces dernières années. 1993, 2003, 2007 : 3 dates qui nous ont permis d'accomplir une part significative du chemin. Où serions-nous aujourd'hui si notre formation n'avait pas, à chaque fois, oser agir ?
Alors une nouvelle fois, notre majorité va prendre ses responsabilités. La réforme est nécessaire, et nous la ferons, parce qu'elle est dans l'intérêt de tous. Il ne peut pas y avoir d'idéologie. Il ne peut pas y avoir de démagogie. Il ne peut y avoir que de la responsabilité.
Nous avons mis sur la table un document d'orientation qui précise les convictions du Gouvernement, laisse ouvert un certain nombre de pistes et en ferme d'autres. Permettez-moi d'abord de vous les rappeler brièvement.
I. Mesdames et Messieurs, nous redonnerons un avenir à nos régimes de retraite en regardant la réalité en face, en osant répondre aux vraies questions et non pas à celles que l'on préfèrerait avoir à traiter. Le principal problème des retraites, c'est la démographie. Alors logiquement, la principale réponse du Gouvernement sera démographique
L'objectif du Gouvernement, c'est de garantir l'équilibre de nos régimes de retraite à moyen terme. Nous ne voulons pas baisser leur déficit, nous voulons l'annuler. Déficit 0, voilà l'engagement du Gouvernement.
Pour y parvenir, il y a aujourd'hui deux réponses. La première, c'est la nôtre, c'est celle que nous partageons ensemble, c'est celle qui consiste à tirer les conséquences du fait que nous vivons plus longtemps.
L'espérance de vie a augmenté de 15 ans depuis 1950. C'est une magnifique nouvelle pour la société, tout le monde le reconnait, d'autant plus que l'on vit également plus longtemps en bonne santé.
Mais cette bonne nouvelle ne doit pas nous exonérer de réfléchir à l'utilisation de ce temps supplémentaire. Dans un système de répartition comme le nôtre, la pérennité du système dépend de l'équilibre entre le temps passé au travail et celui passé à la retraite, de l'équilibre entre ceux qui travaillent et ceux qui sont à la retraite. Nier cette réalité, c'est tout simplement nier le fonctionnement du régime par répartition.
Je vois bien que certains ne parviennent pas à demander explicitement aux Français de travailler plus longtemps. Il est vrai que c'est toujours plus agréable, et surtout plus facile, pour un homme ou une femme politique de leur expliquer que leur avenir, c'est de travailler moins longtemps. Et imaginez la difficulté pour quelqu'un qui a expliqué pendant des années que l'avenir de la France, c'était de travailler moins !
Mais si tous les pays qui ont un régime par répartition ont augmenté la durée d'activité, si tous ont privilégié cette réponse démographique, c'est bien qu'il doit y avoir un certain bon sens à dire que si l'on vit plus longtemps, on doit aussi travailler plus longtemps !
Une partie du parti socialiste à vrai dire en est convaincue et le dit aujourd'hui franchement, même à Paris ou à Lyon, enfin je veux dire sans être installée à Washington ! Il leur faut bien du courage, d'ailleurs, pour « slalomer » au milieu des tabous, des symboles et des dogmes dont leurs collègues leur rappellent à longueur de journée qu'ils sont le fondement du parti socialiste ! Je leur dis « tenez-bon », car vous êtes dans le vrai.
Cette division du PS est beaucoup plus profonde qu'il n'y paraît, parce qu'elle reflète une approche très différente des défis auxquels la société française est confrontée. Il y a ceux qui ont compris l'ampleur du défi démographique, que ce soit en matière de retraite, mais également en matière d'assurance-maladie et de dépendance, et puis il y a ceux qui le nient.
Et ceux qui le nient, logiquement, se réfugient dans l'impôt. La réponse de Martine Aubry au défi démographique, c'est l'impôt. L'impôt pour la retraite aujourd'hui, et puis ensuite pour la maladie et la dépendance. La « société du care » version PS, je le dis franchement, c'est la société de l'impôt. Voilà le fond du concept anglo-saxon revisité par les socialistes.
Les impôts dans tous les sens et pour tout le monde. Pour le salarié, avec un grand signe « moins » sur sa fiche de paie pendant 10 ans. Pour l'entreprise, qui sera taxée quelle que soit sa taille. Pour le petit épargnant, qui est considéré comme une cible.
Vous étiez inquiets pour votre retraite ? Et bien inquiétez-vous aussi pour votre pouvoir d'achat et pour votre emploi, car le choc fiscal avec le PS sera frontal.
Pour notre part, nous n'avons pas dit qu'il n'y aurait pas un euro de recettes supplémentaires. Nous avons au contraire indiqué qu'il y aurait, au nom de l'équité, une contribution des hauts revenus et des revenus du capital. Mais ces recettes sont un élément complémentaire de la réforme, et pas son élément central ! L'élément central, c'est l'augmentation de la durée d'activité !
La première secrétaire du Parti socialiste, elle, nous dit qu'avec ses 37 Mdeuros d'impôts, le problème des retraites sera largement réglé. Mais je vais vous dire, je suis persuadé qu'elle n'y croit pas elle-même. J'en veux pour preuve ses propos incroyables sur la loi Fillon, qu'elle accuse de tous les maux, mais qu'elle respectera à la lettre, ce qui veut dire concrètement qu'elle laissera la durée de cotisation augmenter tout en contestant la nécessité de travailler plus longtemps !
II. Mesdames et Messieurs, la réforme des retraites est toujours un sujet de vigilance pour les Français. Au fond d'eux-mêmes, ils savent que l'inertie serait la pire des réponses, que le statu quo n'est pas une option. Mais ils attendent dans la réforme, je le sais, de la justice et de l'équité. Et cette réforme, je le dis solennellement, sera juste et équitable
2.1 Et aujourd'hui, je veux rassurer ceux qui ont peur d'une réforme brutale
Je pense aux salariés âgés, ceux qui sont à quelques mois de la retraite, et qui craignent que leur projet de vie change du tout au tout. Je le dis et je le répète, la réforme sera progressive, le changement s'étalera sur plusieurs années, les règles changeront au fur et à mesure. Rien ne sera brutal, rien ne sera soudain. Tous les salariés sauront à l'avance, au moment où nous présenterons notre réforme au mois de juin, les règles qui s'appliqueront à eux.
Je pense aussi aux personnes qui ont plus de 60 ans, qu'elles travaillent ou non. La réforme, je vous le dis, ne vous concerne pas. Aucune règle ne changera pour vous, que vous soyez déjà à la retraite ou non.
2.2 Je veux rassurer ceux qui ont peur que les pensions de retraite baissent
La France est l'un des rares pays d'Europe à avoir fait baisser la pauvreté des retraités à un tel niveau, et pour la première fois de l'histoire de notre pays, le niveau de vie des retraités est équivalent à celui des actifs.
Cette réussite est trop rarement soulignée. Ce gouvernement, qui y a largement contribué en revalorisant notamment le minimum vieillesse de 25 % sur le quinquennat, la confortera. C'est la raison pour laquelle il ne prendra aucune mesure susceptible de faire baisser les pensions.
Je le dis clairement, la baisse des pensions est une voie que le Gouvernement n'empruntera pas. D'autres l'ont choisie, en Europe, mais ce ne sera pas le cas en France. Les pensions ne baisseront pas ni pour les retraités d'aujourd'hui, ni pour les retraités de demain.
Pour les retraités d'aujourd'hui d'abord. Nous ne les « raboterons » pas pour réduire les déficits, et les pensions resteront indexées sur les prix, ce qui signifie concrètement que le pouvoir d'achat des retraités restera garanti.
Pour les retraités de demain ensuite. Sous l'effet de l'amélioration des carrières, le niveau des pensions va au contraire continuer de progresser, le Conseil d'orientation des retraites l'a lui-même bien montré. Mais à une condition : que l'on réforme aujourd'hui pour éviter que l'on soit contraint un jour de baisser les pensions.
2.3 Je veux rassurer ceux qui ont une vie professionnelle plus dure que les autres et qui ont peur de ne pas pouvoir travailler plus longtemps
Ceux qui ont commencé à travailler plus tôt que les autres pourront toujours partir à la retraite avant les autres, parce que c'est un élément indispensable de justice et de solidarité. Le dispositif « Carrières Longues » mis en place par un Gouvernement de droite en 2003 sera maintenu, je l'ai confirmé aux partenaires sociaux la semaine dernière.
Mais ceux qui ont une vie professionnelle plus dure que les autres, sans avoir commencé à travailler plus tôt, auront aussi une réponse.
Cette réponse, c'est la reconnaissance de la pénibilité, et nous allons l'intégrer dans la réforme. Nous nous appuierons sur la définition des partenaires sociaux, qui ont privilégié l'approche par les facteurs d'exposition, qui est la seule possible.
2.4 Je veux rassurer les salariés âgés, qui ont le sentiment de ne pas avoir leur place dans les entreprises
L'emploi des seniors ne doit pas être le prétexte pour ne pas réformer les retraites. C'est un sujet trop sérieux pour en faire la justification de l'inertie. La France n'a pas un problème avec le taux d'emploi des seniors en général, mais essentiellement à partir de 59 ans. Avant cet âge, elle est soit dans les premières positions en Europe (50-55), soit dans la moyenne (55-59).
Il est clair cependant qu'il faut continuer à avancer, comme le fait le Gouvernement depuis 3 ans, avec de premiers succès, puisque le taux d'emploi des seniors a augmenté ces dernières années.
A tous ceux qui ont eu le sentiment de quitter l'entreprise trop tôt, qui considèrent que l'entreprise ne tient pas suffisamment compte de l'âge dans la manière de faire travailler les gens ou qui se sont retrouvés au chômage à la fin de leur vie professionnelle, je veux dire que nous serons très précis sur cette question dans le projet de loi.
Et je veux dire en particulier aux salariés âgés qui sont actuellement au chômage que je proposerai, dans le cadre de la réforme, un dispositif permettant d'éviter que l'augmentation de la durée d'activité ne les conduise à rester plus longtemps au chômage, et donc à y perdre financièrement.
2.5 Je veux rassurer les jeunes, qui craignent que l'évolution des règles de retraite leur soit défavorable
Je veux d'abord leur dire que la pire des réponses pour eux, c'est celle qui passe par l'augmentation générale des impôts, car ils la paieront pendant 40 ans. Et ce que propose le PS est même pire, puisque l'augmentation des cotisations salariales pendant 10 ans signifie concrètement un impact négatif sur leur salaire net pendant 10 ans.
Je veux également dire aux jeunes qui regardent cette réforme des retraites, que nous leur garantirons le bénéfice de tous les mécanismes de protection que la France a construits au fur et à mesure pour faire face aux aléas professionnels. Nos régimes de retraite protègent contre les conséquences du chômage, de la maladie, du temps partiel subi ou encore de la maternité : tous ces mécanismes seront préservés. C'est essentiel parce que l'entrée des jeunes sur le marché du travail est aujourd'hui beaucoup plus difficile que du temps de leurs parents, notamment parce qu'ils sont beaucoup plus souvent confrontés au chômage, au temps partiel ou aux contrats de courte durée.
Je me suis à ce titre engagé, dans le cadre de la réforme, à améliorer certains de ces mécanismes, notamment la couverture du chômage non indemnisé, auquel les jeunes sont plus fréquemment exposés.
2.6 Je veux rassurer les femmes, qui se demandent si les écarts de pension de retraite sont un horizon indépassable
L'augmentation du travail des femmes et les mécanismes de protection contre les aléas de carrières qu'offrent nos régimes de retraite ont permis de réduire considérablement les écarts de durée de cotisation. Mais les écarts de salaires, eux, n'ont pas disparu loin de là. Or ils constituent désormais la principale explication à l'écart de pension de retraite entre les hommes et les femmes.
Les entreprises devaient ouvrir des négociations sur ce sujet. Force est de constater que cela n'a pas été le cas. A côté des retraites, il y a donc ce gigantesque sujet de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes qui reste à traiter. Je m'engage à le faire avancer de manière très concrète dans les prochains mois, parce que la situation actuelle et l'absence d'avancées concrètes depuis la loi de 2006 sont tout simplement inacceptables.
2.7 Enfin je veux rassurer les fonctionnaires, dont les règles différentes de retraite ne seront pas caricaturées
L'augmentation de la durée d'activité s'appliquera à tous les actifs, du public comme du privé. C'est un élément essentiel de justice et d'équité.
Les fonctionnaires ont néanmoins des règles de retraite qui restent différentes sur certains points. Le Gouvernement refuse qu'on oppose une France à une autre. Ce n'est pas parce qu'il y a des différences qu'elles sont inéquitables par nature, et parallèlement, ce n'est pas parce qu'il y a des différences qu'elles sont justifiées par nature.
La méthode qu'a retenue le Gouvernement sur ce sujet, c'est d'analyser avec les partenaires sociaux et les organisations syndicales de la Fonction publique chacune de ces spécificités, afin d'en éclairer l'origine et la pertinence. Certaines seront totalement justifiées, d'autres probablement moins : les premières seront maintenues, les secondes évolueront.
2.8 Enfin je veux rassurer tous les Français qui craignent que les règles de retraite soient, après la réforme, encore plus complexes qu'aujourd'hui
Je suis conscient de cette complexité, croyez-moi. J'en ai longuement discuté avec les partenaires sociaux et ai pris avec eux l'engagement de poursuivre le mouvement de simplification engagé en 2003.
Dans le cadre de la réforme, le Gouvernement proposera en conséquence un « point d'étape retraite » à 45 ans, afin que chacun anticipe ses futurs droits à retraite et puisse, en conséquence, faire des choix, par exemple celui de racheter des trimestres de retraite de manière anticipée.
Mesdames et Messieurs, nous faisons cette réforme pour que la répartition et la solidarité restent le coeur de notre système de retraite.
Nous n'allons pas redonner un avenir à un système moins généreux, nous allons donner un avenir au même régime qu'aujourd'hui. A ce régime qui protège tous ceux qui traversent des moments difficiles sur le marché du travail. A ce régime qui offre des protections qui dans bien des cas n'ont pas d'équivalent en Europe.
C'est une réforme d'une importance déterminante pour notre protection sociale. Elle peut rassembler bien au-delà de notre formation politique parce qu'elle concerne une réalité incontestable, celle de l'allongement de la vie.
Cette réforme nous l'abordons avec réalisme, responsabilité et justice. Nos objectifs sont sur la table, nos engagements aussi, je les ai présentés longuement dans notre document d'orientation.
J'entends certains dire que les dés sont jetés et que le Gouvernement a déjà tout décidé. Il n'en est rien: nous n'avons pris aucune décision, nous avons donné des orientations.
Alors bien sûr, nous n'empêcherons personne de prophétiser. Il y a toujours, dans les réformes d'ampleur, des sachants, des demi-sachants, des personnes soi disant bien informées qui connaissent les futures décisions. Ils ne sont les porte-parole de personne d'autre que d'eux-mêmes et sûrement pas du Gouvernement.
Notre calendrier, nous le respecterons parce qu'il est cohérent avec notre méthode, celle d'une concertation large et nourrie. Nous présenterons le projet de réforme à la mi-juin, avant le conseil des ministres en juillet et la discussion du texte devant le Parlement. D'ici là, la concertation continue, et je m'y emploie pleinement.
Merci pour votre engagement.Source http://www.lemouvementpopulaire.fr, le 26 mai 2010