Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat aux technologies vertes et aux négociations sur le climat, sur les raisons de la suspension de la mise sur le marché de biberons contenant du Bisphénol A, à l'Assemblée nationale le 17 juin 2010.

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Circonstance : Examen de la proposition de loi visant à suspendre la commercialisation de biberons à base de Bisphénol A, à l'Assemblée nationale le 17 juin 2010

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le président de la Commission des Affaires Sociales,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Permettez-moi tout d'abord de vous prier d'excuser mes collègues, Roselyne Bachelot, Ministre de la santé, actuellement en Afrique du Sud et Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat à l'écologie, retenue par le débat qui se tient actuellement au Sénat sur les nanotechnologies.
La question de la sécurité sanitaire est une question primordiale pour tout Etat qui a le devoir de protéger sa population contre les risques de santé publique. Et à cet égard, le Gouvernement accorde une attention toute particulière au problème du bisphénol A. Cette préoccupation, nous la partageons avec tous les élus de la représentation nationale, comme en témoigne aujourd'hui la proposition de loi dont nous allons débattre et que la Haute Assemblée a adoptée le 24 mars dernier.
Dès 2008, Roselyne Bachelot avait saisi l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) de ce sujet , et notamment de la question de la migration du bisphénol A des biberons vers leur contenu.
Plus récemment, et comme vous l'avez fort bien rappelé dans votre rapport, Monsieur le Rapporteur, l'AFSSA a rendu une série d'avis sur la question, pour tenir compte des dernières données scientifiques publiées dans ce domaine, et rend compte très régulièrement des travaux qu'elle conduit dans ce cadre. Dans ce contexte, elle a organisé des échanges avec les associations qui se sont mobilisées sur ce sujet.
De son côté, le ministère chargé du développement durable a également saisi l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail pour évaluer plus largement l'exposition potentielle au Bisphénol A, de la population générale, due à l'environnement, et pour évaluer les substituts potentiels à cette substance.
Je voudrais également signaler, en préambule, que le gouvernement a bien entendu la demande du Parlement et a d'ailleurs donné un avis favorable à l'inclusion, dans les dispositions de la loi Grenelle 2, de l'article 1er de cette proposition de loi, qui en constitue l'essentiel.
La vigilance du Gouvernement sur cette question est donc totale et je souhaite que ce débat vous permette de la mesurer.
Le sujet posé est donc celui de l'impact des substances chimiques, notamment sur le développement hormonal des enfants. C'est un vrai sujet et nous devons le traiter de manière raisonnée.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler les termes du débat.
Le bisphénol A (BPA) est un produit entrant dans la fabrication du polycarbonate et de certaines résines. Il est aujourd'hui largement utilisé dans des matériaux qui rentrent en contact avec des aliments : biberons, vaisselle et récipients plastiques ou revêtement intérieur de boîtes de conserve. Il est aussi utilisé dans d'autres produits comme les papiers thermiques.
Le caractère de perturbateur endocrinien du bisphénol A est connu dès le début de son utilisation. Cela veut dire que l'on sait, depuis longtemps, qu'un organisme exposé à une certaine quantité de bisphénol A peut voir son système hormonal perturbé. Ce type d'effets des substances chimiques suscite une attention croissante de la part des experts et des pouvoirs publics. Le Gouvernement a d'ailleurs récemment saisi l'INSERM d'une étude sur l'ensemble des perturbateurs endocriniens.
L'usage courant du Bisphénol A a cependant toujours été considéré comme étant sans conséquences sanitaires : ce produit ne migre qu'en de faibles quantités du contenant, dans lequel il se trouve, vers le contenu, qui est consommé.
Le polycarbonate est largement utilisé dans des dispositifs au contact des aliments et des liquides : biberons, vaisselle, récipients destinés au four à micro-ondes et boîtes pour la conservation des aliments.
Les résines, quant à elles, font l'objet de deux types d'emploi.
Elles sont utilisées en tant que revêtement de surfaces, notamment dans les canettes, les boîtes de conserves, et dans certaines canalisations d'eau, conteneurs d'eau potable et cuves à vin. Elles assurent également l'étanchéité de récipients en verre.
Toutes les études scientifiques confirment la très faible migration du bisphénol A dans les contenus. Elles montrent en effet que la quantité de bisphénol A qui peut être trouvée dans les solides ou les liquides avec lesquels il est en contact est largement inférieure à la dose journalière tolérable (DJT) définie par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Quel que soit le mode d'alimentation, l'exposition des nourrissons est très inférieure à cette dose journalière tolérable.
Toutefois des questions nouvelles sont désormais posées sur les effets de ce produit à faibles doses. En effet des publications récentes portant notamment sur le rat font état de « signaux d'alerte » après une exposition in utero et postnatale, et ceci à des doses inférieures à la dose journalière tolérable.
Les conséquences de ces signaux d'alerte sur la santé humaine ne sont pas avérées à ce stade, et ce d'autant que le métabolisme du bisphénol A est très différent chez le rat (sur lequel les expérimentations ont été menées) et chez l'homme.
Face à ces signaux d'alerte, l'Etat s'est mobilisé :
- l'AFSSA s'est lancée dans un travail de recueil de données concernant l'exposition de la femme enceinte et du nourrisson au Bisphénol A ;
- L'AFSSA travaille également aujourd'hui sur les questions d'interprétation des effets subtils observés sur des animaux de laboratoire ;
- L'AFSSET a été saisie par le ministère de l'environnement pour évaluer l'ensemble des usages pouvant conduire à une exposition environnementale au bisphénol A, et pour identifier l'existence de substituts ainsi que les dangers associés à ces substituts.
C'est aussi la raison pour laquelle le gouvernement a accepté un amendement suspendant la mise sur le marché de biberons contenant du bisphénol A lors de la discussion dans votre assemblée du projet de loi Grenelle 2, suite à l'adoption de la proposition de loi sénatoriale à l'unanimité au Sénat. Des substituts au Bisphénol A dans ces biberons existent et sont largement commercialisés.
Mais aller au-delà de ces dispositions, en revanche, ne serait pas justifié à ce stade : nous devons en effet asseoir nos décisions sur des processus d'expertise robustes, et agir en lien avec les autres pays européens.
Plusieurs amendements vont en effet proposer d'aller vers une interdiction plus vaste du Bisphénol A et je sais que la Commission des affaires sociales, lors de l'examen de ce texte en commission, a rejeté ces propositions mais qu'elle a exprimé, en particulier par la voix de son Président, que je remercie pour son implication très forte sur ce sujet, la commission a donc clairement exprimé son souhait de disposer de davantage d'informations quant aux actions mises en oeuvre par le Gouvernement. Je vais m'efforcer de répondre à votre demande.
Nous nous engageons donc à revenir vers vous dès la fin de l'année pour faire un point sur ces sujets : c'est d'ailleurs prévu par l'article 2 de la proposition de loi.
C'est pourquoi, partant du principe que les décisions publiques sont d'autant meilleurs qu'elles sont éclairées par tous les avis techniques nécessaires, le Gouvernement s'engage à revenir devant vous en janvier 2011, Mesdames, Messieurs les Députés, pour vous rendre compte du résultat de l'ensemble de ces travaux et pouvoir, avec l'ensemble de la représentation nationale, décider, sur la base des éléments dont nous disposerons, de l'opportunité d'aller vers une évolution de la réglementation de ce produit.
Je vous remercie.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 21 juin 2010