Texte intégral
PLAN DU DISCOURS
1. Introduction
2. Les attentes de la société
3. Le dispositif de sécurité sanitaire : une réponse à ces attentes
4. Dispositifs médicaux et sécurité sanitaire : le rôle de l'AFSSAPS
5. Dispositifs médicaux et sécurité sanitaire : encadrer la pratique
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de venir introduire votre réflexion sur la gestion du risque sanitaire lié aux dispositifs médicaux.
La lecture du programme de cette journée permet d'embrasser d'un seul coup d'oeil la variété des questions soulevées par ce thème.
Le domaine des dispositifs médicaux permet d'illustrer parfaitement la problématique de la gestion du risque sanitaire en France :
- la nécessité de répondre à des attentes nouvelles de la société ;
- la mise à l'épreuve d'un nouveau mode de fonctionnement de l'Etat ;
- la prise en compte globale du risque lié au produit d'une part, à son usage d'autre part ;
- l'articulation du dispositif français avec la réglementation européenne.
Cette politique de gestion du risque sanitaire lié aux dispositifs médicaux implique de nombreux acteurs, la loi et son application y joue un rôle central.
La société demande davantage de sécurité dans bien des domaines : c'est une évidence. Le succès du principe de précaution en est le témoin le plus marquant. Cette attente concerne aussi bien l'environnement, les produits de consommation que les pratiques de soins ou les produits de santé.
La société prend conscience que des risques qu'elle ignore peuvent la menacer. Face à ces risques, elle demande une plus grande transparence : elle veut être informée, avoir le droit de choisir.
Il nous appartient de répondre à cette attente :
- en réduisant les risques sanitaires
- en exerçant pleinement nos responsabilités de police sanitaire.
Depuis 1992-1993 nous n'avons cessé d'oeuvrer mon prédécesseur, Bernard Kouchner puis moi-même avec Martine Aubry à la réorganisation de l'administration de la santé et au renforcement de la sécurité sanitaire : de nouvelles institutions ont été créées, de nouvelles réglementations ont été édictées, nous avons mis en place ou renforcé les procédures de vigilance et d'évaluation, l'inspection et les contrôles avec un souci de responsabilité de transparence appuyés sur une technicité, une expertise et une déontologie auxquels adhère l'ensemble des professionnels qui inventent ces nouveaux services pour le public et pour l'Etat.
La France dispose maintenant d'une organisation cohérente d'agences. La tutelle que le ministère chargé de la Santé exerce sur chacune d'entre elles témoigne de ce que les préoccupations de santé publique ne sont plus reléguées au second plan, effacées par des intérêts qui seraient supérieurs. Le dispositif ainsi constitué permet à la sécurité sanitaire de s'imposer désormais comme pilier incontournable de toute politique de santé publique.
Quatre principes fondent son action :
- un principe d'évaluation : évaluation qui -sauf exception- ne se fait pas a priori pour les dispositifs médicaux du fait de la certification CE et réévaluation régulière des risques et des bénéfices. En matière d'évaluation, la compétence et l'expérience sont évidemment essentielles. Le choix que nous avons fait d'allier expertise interne et expertise externe à l'autorité sanitaire me semble être le bon, car il garantit cette expérience indispensable à l'efficacité et à la fiabilité de l'expertise.
- un principe de précaution : qui doit constituer un principe d'action évaluée, réfléchie et non d'abstention pour la gestion du risque ;
- un principe d'indépendance : indépendance de l'expertise vis-à-vis du décideur, séparation des fonctions de police de celles accompagnant le développement économique du secteur concerné. La rigueur déontologique est une condition sine qua non de l'efficacité et de la crédibilité des autorités sanitaires. Elle s'impose, mais ne va pas de soi. L'autorité de police sanitaire, par son action, remet en cause des habitudes, des intérêts, des pouvoirs.
- un principe de transparence : pour permettre l'alerte précoce, le débat contradictoire, la confrontation des expertises et l'information partagée avec le citoyen au moment de la décision.
Le Comité National de Sécurité Sanitaire vient apporter une cohérence à cet ensemble. Son secrétariat étant assuré par la DGS, il coordonne les politiques scientifiques des agences et est le lieu d'un retour d'expérience sur la gestion du risque sanitaire, en particulier quand celle-ci a été réalisée dans un cadre interministériel ou dans un contexte d'urgence et de crise.
L'action de l'Etat dans le domaine des dispositifs médicaux renvoit, d'une part, au contrôle et à la veille concernant la sécurité des dispositifs médicaux mis sur le marché en France, d'autre part, à la sécurité de leur utilisation et à la réduction du risque de iatrogènie qu'ils représentent. En effet les premières leçons des 2 premières années de matériovigilance nous montrent que les incidents observés avec les dispositifs médicaux sont souvent liés à leurs conditions d'utilisation.
L'encadrement de la sécurité est spécifique pour ce qui concerne les réactifs de laboratoire avec un régime d'autorisation unique en Europe assuré par l'AFSSAPS.
L'Agence est compétente à la fois en matière d'évaluation et de police sanitaire pour tous ces produits.
Cette double compétence me paraît nécessaire car le régime des organismes notifiés est loin d'être stabilisé et harmonisé et cohérente dans la mesure où un certain degré d'expertise est de toute façon nécessaire au bon exercice d'une autorité de police. De surcroît, elle reste compatible avec le principe intangible de séparation entre pouvoir de police et accompagnement du développement économique du secteur. A cet égard, l'évaluation médico-économique faite par l'agence pour les médicaments et qui se met en place pour les dispositifs médicaux, concourra bien à la décision mais ne s'y substitue pas ; l'Agence n'exerçant aucun pouvoir tarifaire vis-à-vis de ces produits.
Les dispositifs médicaux constituent le nouveau grand chantier de l'agence. Une direction unique a été créée en son sein pour développer les actions d'évaluation et de contrôle du marché, mais aussi de matériovigilance.
L'évaluation des bénéfices et des risques des produits disponibles sur le marché, une évaluation particulière des dispositifs médicaux plus sensibles car à l'origine du plus grand nombre d'incidents signalés en matériovigilance, une adaptation de son activité dans le domaine des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sont les priorités de l'agence aujourd'hui.
La cohérence de notre système de gestion du risque sanitaire avec ce qui existe au niveau européen est essentielle.
La transposition en droit national de la directive 98/79 sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro en constitue un excellent exemple.
Comme vous le savez, le contrôle, au regard du risque sanitaire, de l'entrée sur le marché européen des dispositifs médicaux de nouveaux produits, repose désormais uniquement sur les organismes notifiés à la Commission Européenne par les autorités compétentes des différents Etats-membres. Ces organismes, en attribuant à ces nouveaux produits le marquage CE, leur permettent d'être diffusés dans toute l'Union européenne.
Dans ce contexte, il convient de développer les échanges entre les autorités compétentes pour mieux s'assurer de la sécurité que confère ce dispositif. La présidence française du Conseil de l'Europe sera l'occasion, avec l'AFSSAPS, de dynamiser ces échanges. Une prochaine réunion aura lieu à Paris sur ce thème début juillet.
Il me paraît également nécessaire de renforcer la visibilité du marché de ces produits en poursuivant la mise en place de la base de données EUDAMED de manière à pouvoir mieux l'appréhender et le contrôler. Enfin les règles de contrôle des organismes notifiés doivent être harmonisées entre les autorités sanitaires compétentes des différents Etats-membres.
Nous avons insisté, lors de l'élaboration de la directive 98/79, pour qu'apparaisse de façon explicite la clause de sauvegarde qui permet le retrait d'un dispositif qui aurait, par exemple, été à l'origine d'incidents pouvant mettre en danger la santé des patients. L'application de cette disposition, essentielle pour la sécurité sanitaire, va de pair avec un dispositif de matériovigilance performant au plan national, ce qui est déjà le cas, comme au plan européen. Cela suppose aussi le développement de coopérations étroites entre les autorités compétentes des différents Etats-membres.
Comme je vous le disais un aspect essentiel pour réduire le risque sanitaire lié aux dispositifs médicaux est la façon dont ils sont utilisés : la pratique clinique. J'associe aux règles de bonne utilisation les conditions de désinfection et de stérilisation de ces produits qu'il s'agisse des procédés classiques ou des dispositions prises vis à vis du risque de maladie de Creutzfeldt-Jakob.
J'attends le rapport de la mission qui a été confiée à Madame SINEGRE et Monsieur PLASSAIS et qui doit m'être remis prochainement. Leur travail a d'ores et déjà été pris en compte pour la rédaction du décret qui permettra, conformément à la loi du 1er juillet 1998 d'assurer la qualité de la stérilisation dans les établissements de santé et de venir compléter utilement le dispositif de gestion du risque sanitaire dans ce domaine.
Autre nouveauté, la réforme du TIPS qui verra dorénavant prendre en compte l'évaluation du service médical rendu pour l'admission au remboursement par l'assurance maladie.
Enfin, pour mieux assurer la sécurité de l'usage des dispositifs médicaux, en particulier quand ils sont potentiellement à risque, nous soumettrons prochainement au vote du Parlement, dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, des dispositions visant à imposer dans certains cas des conditions d'utilisation particulières qu'il s'agisse par exemple de la formation des utilisateurs ou des caractéristiques de qualité de l'environnement technique pour leur utilisation.
Vous le voyez l'encadrement des dispositifs médicaux par l'autorité sanitaire est à un tournant dans notre pays.
Je vous remercie.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 29 mai 2000)