Texte intégral
J.-J. Bourdin.- L. Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, est notre invité ce matin. L. Wauquiez, bonjour.
Bonjour.
Merci d'être avec nous. N. Sarkozy va parler, ce soir, sur France 2. Il était temps ?
Je crois juste que c'est le bon moment. C'est le bon moment parce que...
J.-F. Copé qui lui demandait la semaine dernière de parler et au plus vite.
Oui, enfin, heureusement, ça n'est ni les médias, ni les parlementaires, ni les hommes politiques...
...qui décident, oui !
Ben non ! La relation du Président avec les Français, c'est à lui de décider. Mais, ce que je pense c'est que c'est le bon moment parce que depuis trois semaines qu'est-ce qu'on a vu ? En fait, on s'est gavés avec cette affaire Bettencourt. La classe politique a un peu perdu ses repères, son bon sens, si je devais revenir à une expression simple, et je crois que ce qu'on attend c'est juste...
C'est toute la classe politique qui a perdu son bon sens ?
Collectivement ! Qu'est-ce qui s'est passé ? On n'a plus absolument discuté des vrais sujets. Enfin, on s'est retrouvés pris dans un espèce de malstrom, on a lancé sur la place publique des rumeurs, des accusations, dont on voit aujourd'hui a posteriori qu'elles sont loin d'être toutes étayées. Donc, voilà, je pense que l'on est à un moment où on a besoin avant les vacances de reprendre de la hauteur, reprendre un peu d'équilibre, se refixer un cap, voilà.
Oui, c'est pour ça que le président de la République parle ce soir. Qu'attendez-vous de lui ?
Moi, ce que j'attends en tant que membre du Gouvernement c'est...
...oui, qu'est-ce que vous attendez, vous ?
Moi, en tant que membre du Gouvernement ce que j'attends c'est de voir refixer la feuille de route. Le moment où le président de la République quand il s'adresse aux Français, c'est le moment où il redit : voilà, le sens du travail qu'on fait.
C'est-à-dire que vous avez besoin d'un horizon, d'un nouvel horizon, vous, L. Wauquiez, ministre de la République, aujourd'hui ?
Evidemment que non ! Mon horizon je le connais, c'est la bataille sur l'emploi. Mais, je pense que à intervalles réguliers, rappeler et expliquer aux Français c'est quoi le sens de l'effort collectif qu'on fait et de ce qu'on essaie de mener, c'est important.
Bien. Avant de parler des sujets essentiels, sujets pour lesquels vous êtes venu ce matin, on va parler des centres d'appels, on va parler de l'emploi, évidemment, qui est le sujet n° 1, je voudrais rappeler encore une fois que c'est quand même le sujet n° 1 l'emploi, et ça reste le sujet n° 1, L. Wauquiez. Quelques mots encore sur cette affaire Bettencourt/Woerth. Moi, j'ai simplement une question à vous poser : comment se fait-il qu'aucun juge d'instruction indépendant n'ait été désigné dans cette affaire ? Ca permettrait à tout le monde, que ce soit ceux qui accusent ou ceux qui sont accusés, d'y voir peut-être plus clair et de connaître la vérité.
Ca, c'est le travail de la justice. Moi, juste ce que je pense, c'est qu'on est arrivés maintenant à une phase où on voit que depuis que le travail d'objectivisation, de preuves, s'est mis en marche, et notamment avec le rapport de l'Inspection des finances, avec les premières auditions de C. Thibout, cette affaire se dégonfle. Je pense qu'on est donc vraiment à un moment où c'est le temps de la justice. Et d'ailleurs, c'est ce que E. Woerth lui-même souhaite...
... Mais oui, justement E. Woerth souhaite...
... puisque E. Woerth lui-même a dit, « moi, je souhaite être entendu ».
Alors, pourquoi est-ce qu'aucun juge d'instruction indépendant n'est désigné ? Aux Etats-Unis, grosse affaire, l'affaire Clinton/Lewinsky, un procureur indépendant a été désigné. Pourquoi aucun juge d'instruction ? Le procureur de la République, aujourd'hui, qui conduit l'examen de ces affaires, le procureur de la République a pour supérieur hiérarchique le ministre de la Justice ou la ministre de la Justice. Est-ce logique ? Pourquoi pas désigner un juge d'instruction indépendant ? Je ne comprends pas !
Il y a un travail de la justice qui est en cours, la preuve c'est qu'ils ont commencé à faire une enquête préliminaire, qu'il y a eu des perquisitions. Je crois qu'il faut juste laisser les choses se faire. Mais, une remarque de ce point de vue : ce qui est intéressant, c'est que le temps médiatique et médiatico-politique n'est pas le même que le temps de la justice. Le temps de la justice, il prend plus de temps, c'est un temps qui est plus long.
Mais vous souhaitez qu'un juge d'instruction indépendant soit désigné, sincèrement ?
Monsieur Bourdin, ce n'est pas à moi de m'exprimer là-dessus. Je ne suis ni ministre de la Justice, ni en cause dans cette affaire, ce n'est pas mon job. Donc, voilà ! Après, la seule chose que je pense c'est que ce qu'on voit dans cette affaire...
...mais ça serait bien ou pas qu'on désigne un juge d'instruction indépendant ?
Je comprends que vous me posiez la question...
... mais oui !
Vous comprendrez que ce n'est pas à moi de vous répondre.
Bon, d'accord, vous ne voulez pas me répondre...
Par contre, rassurez-vous, sur l'emploi et sur les centres d'appels, je vais vous répondre.
Mais, j'ai compris ! Sur ce point, vous ne voulez pas me répondre, mais vous allez me répondre sur les centres d'appels, bien. Alors, parlons des centres d'appels. Justement, ces centres d'appels. Ce matin, j'avais plusieurs responsables de sociétés...
...j'ai écouté.
Vous avez entendu, dont l'un, à 7h40, qui me disait : « mais, attendez, on parle de délocalisation, mais ce ne sont pas des délocalisations puisque ce sont des emplois que nous allons créer à l'étranger, ce ne sont pas des emplois que nous avons créés en France qui sont délocalisés à l'étranger, ce sont des emplois qui sont créés à l'étranger », L. Wauquiez.
Il y a un moment où il faut qu'on arrête de se payer de mots. Quelle est la situation sur les centres d'appels ? D'abord, c'est un sujet qui pèse lourd.
Mais, bien sûr !
C'est 250 000 emplois en France - 250 000 - c'est un gros sujet. Deuxièmement, qu'est-ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années ? Les emplois à l'étranger ont été multipliés par dix. Quand je dis emplois à l'étranger, c'est des emplois à l'étranger mais des personnes qui vous répondent à vous, c'est-à-dire, vous êtes en France, vous appelez, et la personne qui vous répond, elle, n'est pas en France, fois 10. Et en France, qu'est-ce qui s'est passé...
... d'ailleurs, je ne le sais même pas que la personne n'est pas en France, je ne sais pas où elle est quand elle me répond.
On va y revenir parce que c'est ce point-là qui me choque, notamment. Et en France, aucun emploi en plus. Deuxième point, il y a eu une affaire récente, Télé-Peformance, un des gros opérateurs de centres d'appels, il licencie 850 emplois en France - c'est pas rien ! Il a sept sites offshore, aucun emploi diminué - offshore ça va veut dire à l'étranger - aucun emploi diminué à l'étranger. Troisième point, il y a cinq ans, Borloo avait passé un accord avec le secteur, et le secteur s'était engagé...
...oui, 2004.
... à créer 100 000 emplois en France. Ils en ont créé combien en cinq ans ?
Je ne sais pas. Aucun. Aucun !
Donc, on est exactement en France au même niveau que ce qu'on était il y a cinq ans, et on a multiplié par dix les emplois à l'étranger.
Vous allez donc sévir.
Ca ne me va pas, voilà. Je le dis clairement, ça ne me va pas.
Donc, vous allez sévir ?
Oui, parce que je pense que sur ce secteur-là, il y a une bataille que l'on peut gagner. Les délocalisations c'est toujours compliqué, c'est difficile à appréhender, mais là je crois vraiment qu'il y a un secteur où on peut porter le fer et ramener les emplois chez nous.
Alors, comment ? Quelles mesures préparez-vous ?
Alors, comment ramener les emplois chez nous ? Vous l'avez dit, il y a une hypocrisie. Qu'est-ce qui est choquant ? En fait, ce qui est choquant c'est que non seulement on ne vous dit pas où est situé le centre d'appels que vous appelez, mais pire que ça, on vous le cache. Il faut bien se dire les choses à un moment. Il y a des centres qui sont situés à l'étranger, où on demande à ceux qui vous répondent de changer leur nom.
Exact.
De dire c'est Thomas ou c'est Marie au téléphone, pour vous faire croire qu'ils sont en France. Le but c'est donc d'en finir avec cette hypocrisie.
Comment ?
Et de faire clairement apparaître ceux qui jouent le jeu de l'emploi en France, et ceux qui ne jouent pas le jeu, avec une idée simple : vous appelez, on va imposer, obligatoirement, le fait de dire où je suis situé. « Bonjour, mon centre d'appels est situé en France ; bonjour, mon centre d'appels est situé dans telle ville ailleurs ».
Donc, celui qui vous répond, celui qui va me répondre, sera obligé de me dire où il est situé.
Exactement.
Où il est installé.
Exactement. Alors, ça n'a l'air de rien, et pourquoi ça va tout changer ? Les opérateurs en la matière c'est des grands noms : c'est les grands de l'assurance, c'est les grands de la banque, c'est les grands de la téléphonie. Ils ont une image à porter, ils veulent montrer qu'ils sont socialement responsables, il veulent montrer qu'ils jouent le jeu de l'emploi dans notre pays, et donc ils ne peuvent pas tolérer, si jamais on déchire ce voile d'hypocrisie, que apparaisse au grand jour le fait que, ben non, en réalité les emplois ils ne les développent pas chez nous. Donc, ça va obliger tout le monde à assumer. Et le consommateur va pouvoir juger, « lui, il joue le jeu, lui il ne joue pas le jeu ». Et donc, ça va nous permettre de mettre la pression. Et j'ai commencé à en discuter avec les opérateurs, par exemple Orange, qui est un des opérateurs responsables en la matière. S. Richard m'a dit : « nous, on est prêts à travailler avec vous là-dessus, sur nos commandes, nos appels d'offres, pour faire en sorte de re-localiser les emplois en France ».
Alors, donc, ça va être obligatoire.
Oui.
Ca va être obligatoire, c'est-à-dire qu'à chaque fois que j'appellerai, mon interlocuteur sera dans l'obligation de me dire où il est installé. A partir de quand ?
Monsieur Bourdin...
...oui, allez-y !
Je prends ce téléphone.
Oui, qui est fabriqué en Chine.
Oui ! Sauf que c'est clairement mis. Ici, là, il est marqué « fabriqué en Chine ».
Oui, c'est un iPhone.
Quand vous appelez au téléphone, là par contre personne ne vous dit les choses.
C'est vrai.
Là, c'est camouflé.
C'est vrai.
Ca, ça ne marche pas. Moi, ce que je veux c'est qu'il y ait de la transparence et que le consommateur puisse juger.
A partir de quand ?
Alors, je vais répondre, mais je voudrais aller au-delà. Le point qui est important, nos achats ce sont nos emplois. Et mon objectif c'est que autant que possible la consommation des Français servent à créer de l'emploi en France. Il faut tout, tout, pour faire en sorte que notre consommation bénéficie à l'emploi en France. Et c'est ça ma logique. Alors, à partir de quand ? On met la proposition sur la table, dès la rentrée, mais vraiment au tout début de la rentrée...
...septembre.
...je convoque des assises des centres d'appels, tous les partenaires autour de la table. Je leur dis « voilà, il y a des engagements que vous aviez pris, vous ne les avez pas respectés, il y a des emplois qui se sont développés, ils se sont mis ailleurs ». On a des grands responsables, des grands acteurs qui sont prêts à avancer, EDF m'a dit aussi qu'ils étaient prêts à avancer, EDF qui est très responsable, 100 % des emplois en France ; la SNCF aussi fait partie des responsables ; Gaz de France que j'ai sollicité, est aussi prêt à avancer ; Orange, je vous l'ai indiqué. Je ne doute pas non plus que des opérateurs comme Bouygues Télécom sont prêts à aller de l'avant. Donc, dire, « ok, on prend tous un engagement et nous on met en place l'arrêté ». Mon but est que l'arrêté soit opérationnel dès automne, dès le début de l'automne. Alors, il ne faut pas exclure que les opérateurs d'ailleurs aient d'autres propositions. Nous, si on peut accompagner la relocalisation des emplois en France, pourquoi pas.
Oui, il y a d'autres possibilités, hein ?
Oui !
Possibilités de sanctions, possibilités de, je ne sais pas moi, de créer un label, on avait dit. Enfin, c'est en quelque sorte ça, c'est de créer un label, quoi.
Exactement, mais je pense aussi qu'il faut qu'on aille plus loin.
Obliger, vous les obligez là.
Ah oui, oui !
Ca sera une obligation.
Ce n'est pas juste un petit truc pour amuser la galerie.
Ce n'est pas une recommandation.
Non ! Il faut qu'on porte le fer là-dessus. Un dernier point, ce que je souhaite aussi c'est que l'Etat et la commande publique montrent l'exemple, et à mon avis on a une réflexion à faire sur les marchés publics : comment faire en sorte que quand ce sont des appels, qui sont des appels de service public, on ait la garantie que non seulement les emplois sont en France mais aussi avec des entreprises qui jouent le jeu de l'emploi et qui sont socialement responsables.
Mais est-ce qu'on pourrait aider financièrement ou fiscalement ces entreprises qui créent les emplois en France ? Je ne sais pas si Bruxelles va accepter, je ne sais pas si on a les moyens de cela, mais, enfin, bon.
Je vais dire les choses clairement : cette idée-là c'est une bonne idée d'Auvergnat, elle ne coûte rien.
J'ai compris, oui.
Elle ne coûte rien, et elle permet de relocaliser les emplois. On ne va pas commencer à mettre et à nouveau dépenser des milles et des cents sur des sujets comme ça. Là, on a un sujet où on peut simplement remettre de l'ordre dans un secteur et faire en sorte d'aider les centres d'appels, parce que somme toute ils sont preneurs. S'ils peuvent développer leur activité en France, pourquoi pas.
Oui, enfin, les centres d'appels vont vous dire, « attendez, nous, le coût horaire de la main d'oeuvre est à 10 ou 12 euros au Maroc, et à 24 ou 25 euros en France ».
C'est pour ça que le but c'est de créer une prime à l'emploi en France. Quand je dis une prime, c'est une prime symbolique, c'est-à-dire que pour l'opérateur qu'est-ce qui est intéressant ? C'est précisément d'offrir cette valorisation de l'image.
Est-ce que vous croyez que le consommateur...oui.
Après, et là vous posez la bonne question...
... vous savez ce que va faire l'opérateur ? Il va augmenter ses tarifs.
Non, pas nécessairement. Pourquoi ? Parce que le service clients...
L. Wauquiez, c'est le consommateur qui va payer.
Non ! Mais par contre, ce que je pense c'est qu'il faut que le consommateur mette la pression parce que c'est là-dessus que ça va se jouer, c'est-à-dire que quand vous appellerez au téléphone et qu'on vous dira « mon centre d'appels n'est pas situé en France », là il faudra faire des réclamations. Et c'est pour ça que c'est important que je vienne l'expliquer et que les auditeurs de RMC...
...mais qu'est-ce qu'il va pouvoir faire le consommateur ? Qu'est-ce qu'il va pouvoir faire si on lui dit « ben, oui, je suis au Sénégal », par exemple ?
Inonder de mails, inonder de courrier la boîte qui fait ça, et leur dire, « c'est irresponsable ce que vous faites ». Et là où on aura besoin, c'est qu'il faut qu'on ait des consommateurs en France qui soient aussi des forces de pression et qui nous aident à accompagner les entreprises qui jouent le jeu de l'emploi en France et à l'inverse mettre la pression sur ceux qui s'en fichent et pour des euros supplémentaires de bénéfice préfèrent délocaliser. Et je crois que c'est aussi sur ce dossier-là, ce qui est très symbolique, comment notre consommation peut être un levier d'emploi.
Il est 8 h 46. L. Wauquiez est notre invité ce matin. (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 juillet 2010
Bonjour.
Merci d'être avec nous. N. Sarkozy va parler, ce soir, sur France 2. Il était temps ?
Je crois juste que c'est le bon moment. C'est le bon moment parce que...
J.-F. Copé qui lui demandait la semaine dernière de parler et au plus vite.
Oui, enfin, heureusement, ça n'est ni les médias, ni les parlementaires, ni les hommes politiques...
...qui décident, oui !
Ben non ! La relation du Président avec les Français, c'est à lui de décider. Mais, ce que je pense c'est que c'est le bon moment parce que depuis trois semaines qu'est-ce qu'on a vu ? En fait, on s'est gavés avec cette affaire Bettencourt. La classe politique a un peu perdu ses repères, son bon sens, si je devais revenir à une expression simple, et je crois que ce qu'on attend c'est juste...
C'est toute la classe politique qui a perdu son bon sens ?
Collectivement ! Qu'est-ce qui s'est passé ? On n'a plus absolument discuté des vrais sujets. Enfin, on s'est retrouvés pris dans un espèce de malstrom, on a lancé sur la place publique des rumeurs, des accusations, dont on voit aujourd'hui a posteriori qu'elles sont loin d'être toutes étayées. Donc, voilà, je pense que l'on est à un moment où on a besoin avant les vacances de reprendre de la hauteur, reprendre un peu d'équilibre, se refixer un cap, voilà.
Oui, c'est pour ça que le président de la République parle ce soir. Qu'attendez-vous de lui ?
Moi, ce que j'attends en tant que membre du Gouvernement c'est...
...oui, qu'est-ce que vous attendez, vous ?
Moi, en tant que membre du Gouvernement ce que j'attends c'est de voir refixer la feuille de route. Le moment où le président de la République quand il s'adresse aux Français, c'est le moment où il redit : voilà, le sens du travail qu'on fait.
C'est-à-dire que vous avez besoin d'un horizon, d'un nouvel horizon, vous, L. Wauquiez, ministre de la République, aujourd'hui ?
Evidemment que non ! Mon horizon je le connais, c'est la bataille sur l'emploi. Mais, je pense que à intervalles réguliers, rappeler et expliquer aux Français c'est quoi le sens de l'effort collectif qu'on fait et de ce qu'on essaie de mener, c'est important.
Bien. Avant de parler des sujets essentiels, sujets pour lesquels vous êtes venu ce matin, on va parler des centres d'appels, on va parler de l'emploi, évidemment, qui est le sujet n° 1, je voudrais rappeler encore une fois que c'est quand même le sujet n° 1 l'emploi, et ça reste le sujet n° 1, L. Wauquiez. Quelques mots encore sur cette affaire Bettencourt/Woerth. Moi, j'ai simplement une question à vous poser : comment se fait-il qu'aucun juge d'instruction indépendant n'ait été désigné dans cette affaire ? Ca permettrait à tout le monde, que ce soit ceux qui accusent ou ceux qui sont accusés, d'y voir peut-être plus clair et de connaître la vérité.
Ca, c'est le travail de la justice. Moi, juste ce que je pense, c'est qu'on est arrivés maintenant à une phase où on voit que depuis que le travail d'objectivisation, de preuves, s'est mis en marche, et notamment avec le rapport de l'Inspection des finances, avec les premières auditions de C. Thibout, cette affaire se dégonfle. Je pense qu'on est donc vraiment à un moment où c'est le temps de la justice. Et d'ailleurs, c'est ce que E. Woerth lui-même souhaite...
... Mais oui, justement E. Woerth souhaite...
... puisque E. Woerth lui-même a dit, « moi, je souhaite être entendu ».
Alors, pourquoi est-ce qu'aucun juge d'instruction indépendant n'est désigné ? Aux Etats-Unis, grosse affaire, l'affaire Clinton/Lewinsky, un procureur indépendant a été désigné. Pourquoi aucun juge d'instruction ? Le procureur de la République, aujourd'hui, qui conduit l'examen de ces affaires, le procureur de la République a pour supérieur hiérarchique le ministre de la Justice ou la ministre de la Justice. Est-ce logique ? Pourquoi pas désigner un juge d'instruction indépendant ? Je ne comprends pas !
Il y a un travail de la justice qui est en cours, la preuve c'est qu'ils ont commencé à faire une enquête préliminaire, qu'il y a eu des perquisitions. Je crois qu'il faut juste laisser les choses se faire. Mais, une remarque de ce point de vue : ce qui est intéressant, c'est que le temps médiatique et médiatico-politique n'est pas le même que le temps de la justice. Le temps de la justice, il prend plus de temps, c'est un temps qui est plus long.
Mais vous souhaitez qu'un juge d'instruction indépendant soit désigné, sincèrement ?
Monsieur Bourdin, ce n'est pas à moi de m'exprimer là-dessus. Je ne suis ni ministre de la Justice, ni en cause dans cette affaire, ce n'est pas mon job. Donc, voilà ! Après, la seule chose que je pense c'est que ce qu'on voit dans cette affaire...
...mais ça serait bien ou pas qu'on désigne un juge d'instruction indépendant ?
Je comprends que vous me posiez la question...
... mais oui !
Vous comprendrez que ce n'est pas à moi de vous répondre.
Bon, d'accord, vous ne voulez pas me répondre...
Par contre, rassurez-vous, sur l'emploi et sur les centres d'appels, je vais vous répondre.
Mais, j'ai compris ! Sur ce point, vous ne voulez pas me répondre, mais vous allez me répondre sur les centres d'appels, bien. Alors, parlons des centres d'appels. Justement, ces centres d'appels. Ce matin, j'avais plusieurs responsables de sociétés...
...j'ai écouté.
Vous avez entendu, dont l'un, à 7h40, qui me disait : « mais, attendez, on parle de délocalisation, mais ce ne sont pas des délocalisations puisque ce sont des emplois que nous allons créer à l'étranger, ce ne sont pas des emplois que nous avons créés en France qui sont délocalisés à l'étranger, ce sont des emplois qui sont créés à l'étranger », L. Wauquiez.
Il y a un moment où il faut qu'on arrête de se payer de mots. Quelle est la situation sur les centres d'appels ? D'abord, c'est un sujet qui pèse lourd.
Mais, bien sûr !
C'est 250 000 emplois en France - 250 000 - c'est un gros sujet. Deuxièmement, qu'est-ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années ? Les emplois à l'étranger ont été multipliés par dix. Quand je dis emplois à l'étranger, c'est des emplois à l'étranger mais des personnes qui vous répondent à vous, c'est-à-dire, vous êtes en France, vous appelez, et la personne qui vous répond, elle, n'est pas en France, fois 10. Et en France, qu'est-ce qui s'est passé...
... d'ailleurs, je ne le sais même pas que la personne n'est pas en France, je ne sais pas où elle est quand elle me répond.
On va y revenir parce que c'est ce point-là qui me choque, notamment. Et en France, aucun emploi en plus. Deuxième point, il y a eu une affaire récente, Télé-Peformance, un des gros opérateurs de centres d'appels, il licencie 850 emplois en France - c'est pas rien ! Il a sept sites offshore, aucun emploi diminué - offshore ça va veut dire à l'étranger - aucun emploi diminué à l'étranger. Troisième point, il y a cinq ans, Borloo avait passé un accord avec le secteur, et le secteur s'était engagé...
...oui, 2004.
... à créer 100 000 emplois en France. Ils en ont créé combien en cinq ans ?
Je ne sais pas. Aucun. Aucun !
Donc, on est exactement en France au même niveau que ce qu'on était il y a cinq ans, et on a multiplié par dix les emplois à l'étranger.
Vous allez donc sévir.
Ca ne me va pas, voilà. Je le dis clairement, ça ne me va pas.
Donc, vous allez sévir ?
Oui, parce que je pense que sur ce secteur-là, il y a une bataille que l'on peut gagner. Les délocalisations c'est toujours compliqué, c'est difficile à appréhender, mais là je crois vraiment qu'il y a un secteur où on peut porter le fer et ramener les emplois chez nous.
Alors, comment ? Quelles mesures préparez-vous ?
Alors, comment ramener les emplois chez nous ? Vous l'avez dit, il y a une hypocrisie. Qu'est-ce qui est choquant ? En fait, ce qui est choquant c'est que non seulement on ne vous dit pas où est situé le centre d'appels que vous appelez, mais pire que ça, on vous le cache. Il faut bien se dire les choses à un moment. Il y a des centres qui sont situés à l'étranger, où on demande à ceux qui vous répondent de changer leur nom.
Exact.
De dire c'est Thomas ou c'est Marie au téléphone, pour vous faire croire qu'ils sont en France. Le but c'est donc d'en finir avec cette hypocrisie.
Comment ?
Et de faire clairement apparaître ceux qui jouent le jeu de l'emploi en France, et ceux qui ne jouent pas le jeu, avec une idée simple : vous appelez, on va imposer, obligatoirement, le fait de dire où je suis situé. « Bonjour, mon centre d'appels est situé en France ; bonjour, mon centre d'appels est situé dans telle ville ailleurs ».
Donc, celui qui vous répond, celui qui va me répondre, sera obligé de me dire où il est situé.
Exactement.
Où il est installé.
Exactement. Alors, ça n'a l'air de rien, et pourquoi ça va tout changer ? Les opérateurs en la matière c'est des grands noms : c'est les grands de l'assurance, c'est les grands de la banque, c'est les grands de la téléphonie. Ils ont une image à porter, ils veulent montrer qu'ils sont socialement responsables, il veulent montrer qu'ils jouent le jeu de l'emploi dans notre pays, et donc ils ne peuvent pas tolérer, si jamais on déchire ce voile d'hypocrisie, que apparaisse au grand jour le fait que, ben non, en réalité les emplois ils ne les développent pas chez nous. Donc, ça va obliger tout le monde à assumer. Et le consommateur va pouvoir juger, « lui, il joue le jeu, lui il ne joue pas le jeu ». Et donc, ça va nous permettre de mettre la pression. Et j'ai commencé à en discuter avec les opérateurs, par exemple Orange, qui est un des opérateurs responsables en la matière. S. Richard m'a dit : « nous, on est prêts à travailler avec vous là-dessus, sur nos commandes, nos appels d'offres, pour faire en sorte de re-localiser les emplois en France ».
Alors, donc, ça va être obligatoire.
Oui.
Ca va être obligatoire, c'est-à-dire qu'à chaque fois que j'appellerai, mon interlocuteur sera dans l'obligation de me dire où il est installé. A partir de quand ?
Monsieur Bourdin...
...oui, allez-y !
Je prends ce téléphone.
Oui, qui est fabriqué en Chine.
Oui ! Sauf que c'est clairement mis. Ici, là, il est marqué « fabriqué en Chine ».
Oui, c'est un iPhone.
Quand vous appelez au téléphone, là par contre personne ne vous dit les choses.
C'est vrai.
Là, c'est camouflé.
C'est vrai.
Ca, ça ne marche pas. Moi, ce que je veux c'est qu'il y ait de la transparence et que le consommateur puisse juger.
A partir de quand ?
Alors, je vais répondre, mais je voudrais aller au-delà. Le point qui est important, nos achats ce sont nos emplois. Et mon objectif c'est que autant que possible la consommation des Français servent à créer de l'emploi en France. Il faut tout, tout, pour faire en sorte que notre consommation bénéficie à l'emploi en France. Et c'est ça ma logique. Alors, à partir de quand ? On met la proposition sur la table, dès la rentrée, mais vraiment au tout début de la rentrée...
...septembre.
...je convoque des assises des centres d'appels, tous les partenaires autour de la table. Je leur dis « voilà, il y a des engagements que vous aviez pris, vous ne les avez pas respectés, il y a des emplois qui se sont développés, ils se sont mis ailleurs ». On a des grands responsables, des grands acteurs qui sont prêts à avancer, EDF m'a dit aussi qu'ils étaient prêts à avancer, EDF qui est très responsable, 100 % des emplois en France ; la SNCF aussi fait partie des responsables ; Gaz de France que j'ai sollicité, est aussi prêt à avancer ; Orange, je vous l'ai indiqué. Je ne doute pas non plus que des opérateurs comme Bouygues Télécom sont prêts à aller de l'avant. Donc, dire, « ok, on prend tous un engagement et nous on met en place l'arrêté ». Mon but est que l'arrêté soit opérationnel dès automne, dès le début de l'automne. Alors, il ne faut pas exclure que les opérateurs d'ailleurs aient d'autres propositions. Nous, si on peut accompagner la relocalisation des emplois en France, pourquoi pas.
Oui, il y a d'autres possibilités, hein ?
Oui !
Possibilités de sanctions, possibilités de, je ne sais pas moi, de créer un label, on avait dit. Enfin, c'est en quelque sorte ça, c'est de créer un label, quoi.
Exactement, mais je pense aussi qu'il faut qu'on aille plus loin.
Obliger, vous les obligez là.
Ah oui, oui !
Ca sera une obligation.
Ce n'est pas juste un petit truc pour amuser la galerie.
Ce n'est pas une recommandation.
Non ! Il faut qu'on porte le fer là-dessus. Un dernier point, ce que je souhaite aussi c'est que l'Etat et la commande publique montrent l'exemple, et à mon avis on a une réflexion à faire sur les marchés publics : comment faire en sorte que quand ce sont des appels, qui sont des appels de service public, on ait la garantie que non seulement les emplois sont en France mais aussi avec des entreprises qui jouent le jeu de l'emploi et qui sont socialement responsables.
Mais est-ce qu'on pourrait aider financièrement ou fiscalement ces entreprises qui créent les emplois en France ? Je ne sais pas si Bruxelles va accepter, je ne sais pas si on a les moyens de cela, mais, enfin, bon.
Je vais dire les choses clairement : cette idée-là c'est une bonne idée d'Auvergnat, elle ne coûte rien.
J'ai compris, oui.
Elle ne coûte rien, et elle permet de relocaliser les emplois. On ne va pas commencer à mettre et à nouveau dépenser des milles et des cents sur des sujets comme ça. Là, on a un sujet où on peut simplement remettre de l'ordre dans un secteur et faire en sorte d'aider les centres d'appels, parce que somme toute ils sont preneurs. S'ils peuvent développer leur activité en France, pourquoi pas.
Oui, enfin, les centres d'appels vont vous dire, « attendez, nous, le coût horaire de la main d'oeuvre est à 10 ou 12 euros au Maroc, et à 24 ou 25 euros en France ».
C'est pour ça que le but c'est de créer une prime à l'emploi en France. Quand je dis une prime, c'est une prime symbolique, c'est-à-dire que pour l'opérateur qu'est-ce qui est intéressant ? C'est précisément d'offrir cette valorisation de l'image.
Est-ce que vous croyez que le consommateur...oui.
Après, et là vous posez la bonne question...
... vous savez ce que va faire l'opérateur ? Il va augmenter ses tarifs.
Non, pas nécessairement. Pourquoi ? Parce que le service clients...
L. Wauquiez, c'est le consommateur qui va payer.
Non ! Mais par contre, ce que je pense c'est qu'il faut que le consommateur mette la pression parce que c'est là-dessus que ça va se jouer, c'est-à-dire que quand vous appellerez au téléphone et qu'on vous dira « mon centre d'appels n'est pas situé en France », là il faudra faire des réclamations. Et c'est pour ça que c'est important que je vienne l'expliquer et que les auditeurs de RMC...
...mais qu'est-ce qu'il va pouvoir faire le consommateur ? Qu'est-ce qu'il va pouvoir faire si on lui dit « ben, oui, je suis au Sénégal », par exemple ?
Inonder de mails, inonder de courrier la boîte qui fait ça, et leur dire, « c'est irresponsable ce que vous faites ». Et là où on aura besoin, c'est qu'il faut qu'on ait des consommateurs en France qui soient aussi des forces de pression et qui nous aident à accompagner les entreprises qui jouent le jeu de l'emploi en France et à l'inverse mettre la pression sur ceux qui s'en fichent et pour des euros supplémentaires de bénéfice préfèrent délocaliser. Et je crois que c'est aussi sur ce dossier-là, ce qui est très symbolique, comment notre consommation peut être un levier d'emploi.
Il est 8 h 46. L. Wauquiez est notre invité ce matin. (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 juillet 2010