Interview de M. Georges Tron, secrétaire d'Etat à la fonction publique, à RFI le 20 juillet 2010, sur la réforme des retraites, l'augmentation des prélèvements obligatoires et le recul de l'âge légal de départ en retraite au-delà de 62 ans après 2018.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral


 
 
 
F. Rivière.- Bonjour G. Tron.
 
Bonjour.
 
Le projet de réforme des retraites est examiné à partir d'aujourd'hui par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale. Est-ce que vous vous attendez aux premières passes d'armes avec l'opposition ?
 
On a déjà eu l'occasion, avec E. Woerth, de présenter le texte devant la commission des Affaires sociales, mais le marathon parlementaire c'est long. Je trouve que jusqu'à présent, même s'il y a eu des moments de tensions, les débats ont plutôt montré une volonté de travailler sérieusement. Donc on aura incontestablement des points de désaccord avec l'opposition, mais c'est presque logique et, me semble-t-il également, quelques points avec la majorité.
 
Justement, en effet, les amendements ne viendront pas que de l'opposition. Le président de la commission des Affaires sociales, P. Méhaignerie, souhaite que les hauts revenus soient mis à contribution dans une proportion plus importante que ce qui est prévu aujourd'hui par le projet de loi. Est-ce que vous pourriez le suivre dans cette direction ?
 
On peut toujours écouter et entendre, il faut ensuite savoir dans quelle logique on se situe. Nous sommes dans une logique de système par répartition. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ce sont les cotisations des actifs du moment qui payent les retraites des retraités du moment. A partir du moment où le Gouvernement a décidé de commencer à taxer les plus hauts revenus, il complétait le dispositif de façon mesurée, ça veut dire qu'en réalité on restait dans une logique par répartition. Si on arrive à taxer les hauts revenus de façon supérieure à ce qui est prévu, il y aura deux effets : un effet qui sera un effet d'augmentation des prélèvements obligatoires, donc d'affaiblissement de la compétitivité de la France - il faut quand même savoir que la France est le pays, à économie comparable, qui prélève le plus aujourd'hui, nettement plus que ses voisins, 5 à 6 points de plus que la moyenne de l'Union Européenne. Et il faut savoir en second lieu que, petit à petit, on va s'éloigner du système par répartition, c'est-à-dire qu'on aboutira dans une logique qui se décline sur plusieurs années, à ne plus avoir un système de retraite assis sur des cotisations des actifs du moment, mais assis sur la fiscalité. C'est la porte ouverte, si vous voulez c'est une autre logique, c'est la porte ouverte à la mise en place d'un nouveau système.
 
Mais faire participer plus largement les hauts revenus, c'est une mesure qui est bien comprise, bien admise, et considérée comme juste par une grande partie de la population.
 
Tout est possible. Moi je ne mets jamais de barrières par principe, j'essaie simplement d'être cohérent et d'être logique. On a toujours tendance à considérer qu'il faut taxer ceux qui ont de l'argent, très bien. Je répète ce que j'ai indiqué : au niveau des prélèvements obligatoires de la France, les hauts revenus, en France, sont taxés déjà très nettement au dessus de ce qu'ils le sont partout ailleurs. On va les taxer pour toute une série de secteurs dans lesquels on a besoin de trouver des sources de financement. Attention au moment où il y aura en France une véritable tentation de sortir, si j'ose dire, du carcan fiscal dans lequel on risque de les enserrer, ces hauts revenus.
 
Autre modification qui pourrait venir des rangs de la droite : le rapport de l'UMP sur les retraites préconise l'instauration, après 2018, d'un recul automatique de l'âge légal au-delà de 62 ans, en fonction de l'évolution de l'espérance de vie. Concrètement, si on estime que l'espérance de vie a augmenté de X années, on pourrait passer à 63, puis 64 ans. Est-ce que vous souhaitez que le texte soit amendé dans ce sens ?
 
Je suis plus favorable, en ce qui me concerne, à des rendez-vous qui permettent de faire le point de façon assez régulière, parce que toutes les procédures automatiques peuvent s'avérer dangereuses. On peut avoir un moment où, malgré l'augmentation de l'espérance de vie, il sera opportun de décider qu'on considère qu'on ne recule pas pour autant l'âge d'ouverture des droits à la retraite. Donc, toutes les procédures automatiques déclinent, si j'ose dire, un dispositif que je trouve plus dangereux. Donc pour ma part je ne suis pas favorable à cet amendement. Je suis favorable en revanche à ce qu'il y ait des rendez-vous qui, de façon récurrente, permettent de faire le point et de voir si oui ou non on doit maintenir l'idée d'une ouverture retardée de l'âge de départ à la retraite.
 
Une journée de mobilisation est prévue pour le 7 septembre, date à laquelle le texte sera examiné en séance publique à l'Assemblée nationale. Le président de la République a dit la semaine dernière que, je le cite « qu'il y aura une influence à l'idée que le gouvernement se fera de la justice et non pas l'importance des manifestations ». Est-ce que ça veut dire que l'ampleur de la mobilisation n'aura aucune incidence sur la version finale de la réforme ?
 
Moi je ne dis pas les choses de cette façon. Ma conviction personnelle, et je le dis en observant bien ce qui se passe dans la Fonction publique, c'est que, évidemment, les syndicats préféreraient qu'il n'y ait pas de réforme qui recule notamment les âges d'ouverture des droits, mais qu'au fond d'eux-mêmes, les syndicats comme d'ailleurs l'immense majorité des Français, ils sont parfaitement conscients qu'il s'agit de sauver le système par répartition. Donc je suis confiant sur la capacité des uns et des autres, quelles que soient les divergences d'appréciation qu'on porte sur ce texte, confiant sur notre capacité à pouvoir trouver quand même le minimum de consensus sans que ça devienne un affrontement. Et d'ailleurs les manifestations qui se sont déroulées pendant ce printemps, la dernière était plus importante que les autres, montrent qu'on est quand même loin des chiffres de 2003, simplement, j'en suis convaincu, parce que les Français voient bien que si on ne fait rien, c'est tout le système de la retraite qui va s'effondrer.
 
Vous serez aux côtés du ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique, aujourd'hui, devant la commission des Affaires sociales, et demain et après-demain également d'ailleurs. E. Woerth qui est au coeur d'une tourmente, qui n'en finit pas depuis plusieurs semaines maintenant, sur de possibles conflits d'intérêts entre ses activités de trésorier de l'UMP et de ministre, entre les activités de sa femme qui gérait une partie de la fortune de L. Bettencourt, et ses fonctions au Gouvernement. Dans ce contexte, est-ce qu'E. Woerth est encore l'homme de la situation pour conduire cette réforme ?
 
Il est dans une situation personnelle extrêmement difficile, et il fait preuve d'un courage absolument remarquable. Il a été attaqué sur une dizaine de fronts en l'espace de quelques jours, à peu près à chaque fois il apporte dans les 24 heures qui suivent tous les éléments d'information pour prouver que les allégations sont mensongères, et quand ce n'est pas lui qui le fait, ce sont des organismes parfaitement indépendants et que personne ne s'avise de critiquer, comme l'Inspection Générale des Finances, qui le font à sa place. Le problème c'est que c'est une machine dans laquelle, tous les jours, une déclaration, tous les jours une présentation de faits, vous oblige à recommencer le même exercice, et c'est très fatiguant. Ce que je constate en revanche, c'est que, par exemple dans les discussions que nous avons menées avec les syndicats, et qu'il a menées personnellement - j'étais à ses côtés mais il était lui-même à la manoeuvre - il y a quand même un respect qui lui a été manifesté de la part des dites organisations syndicales. Au Parlement, en commission, il n'y a pas eu la moindre allusion, le moindre propos déplacé de la part des parlementaires. Donc je dirai qu'il y a quand même une déconnexion qui existe entre ce qu'on lit, ce que l'on entend, et puis ce qui se passe dans le cadre de ses fonctions.
 
Le fait que sa femme ait démissionné du poste qu'elle occupait dans la gestion de fortune de L. Bettencourt, le fait que lui-même démission de son poste de trésorier de l'UMP, est-ce que ça ne donne pas raison, a posteriori, à l'opposition, qui disait qu'il y avait là des conflits d'intérêts ?
 
Oui, ça donne raison à ceux - et je suis à la limite d'en être - qui se disent que de toute façon il ne sert à rien de montrer qu'on peut être soucieux d'apaiser les choses, puisque de toute façon si vous ne faites rien, vous êtes entêté, et si vous faites vous êtes faible. En réalité, c'est une situation dans laquelle on ne peut jamais se sortir. En réalité sa femme, tout le monde le sait, avait programmé sa démission depuis belle lurette, puisqu'elle ne s'entendait plus avec monsieur de Maistre, c'était d'ailleurs de notoriété publique et ça a été, non pas révélé, mais ça a été confirmé au début de cette affaire. Quant à E. Woerth, il a considéré qu'après 8 ans comme trésorier de l'UMP, il fallait éviter d'avoir une poche de polémique, il décide de démissionner, ce n'est pas pour autant qu'il reconnaît quelques mauvaises actions que cela ne soit dans ses fonctions.
 
Merci G. Tron. Bientôt les vacances, seront-elles calmes ?
 
En principe elles devraient l'être, souhaitons-le.
 
Bonne journée.
 
Merci.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 juillet 2010