Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les accords de Matignon et de Nouméa et sur la nouvelle génération des contrats de développement pour la période 2011-2013, à Wé (Nouvelle-Calédonie) le 18 juillet 2010.

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Circonstance : Déplacement du Premier ministre en Nouvelle-Calédonie du 17 au 19 juillet 2010 : allocution à l'Hôtel de la province des Iles Loyauté à Wé, le 18

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, je voudrais d'abord vous remercier très chaleureusement de m'accueillir un dimanche après-midi dans votre Assemblée. J'y suis particulièrement sensible et je veux vous dire tout le prix que j'attache au temps que vous avez décidé de me consacrer à cette occasion.
Je passe trois jours en Nouvelle-Calédonie, j'ai voulu en effet - autant que c'est possible pour le chef du Gouvernement - m'imprégner de la diversité des terres calédoniennes.
J'étais ce matin en province nord, à Tiendanite, dans la tribu de Jean-Marie Tjibaou. J'y suis allé parce que je voulais me recueillir sur sa tombe. J'ai eu l'occasion de planter un pin à proximité, comme le firent avant moi Michel Rocard et Lionel Jospin. Je veux vous dire que ça a été pour moi un grand moment d'émotion, une émotion sincère, une émotion forte, une émotion devant la tombe d'un homme qui a joué un si grand rôle pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et pour la nature même de la relation entre la France et votre territoire.
J'ai pu ressentir à cette occasion l'esprit qui habite cette vallée, après Yengen, après Tiendanite dans le Nord, je serai demain à Goro en province sud. Ici, dans les îles Loyauté, à Lifou, nous sommes sur des terres coutumières, sur des terres d'une grande tradition.
Ceux qui y vivent, ceux qui les ont habitées par le passé ont forgé leur identité, la coutume symbolise le respect qui leur est dû. Les îles Loyauté savent le poids de l'histoire qui est commune à la Nouvelle-Calédonie et à la France. C'est dans l'une de ces quatre îles à Ouvéa qu'eut lieu en 1988 la tragédie qui nous a conduit à engager un dialogue historique. C'est à Ouvéa aussi que Jean-Marie Tjibaou perdit la vie l'année suivante, de la main d'un homme qui refusait le dialogue.
Depuis 22 ans, les accords de Matignon et de Nouméa ont permis de renouer un véritable lien de confiance. Ils ont permis à la Nouvelle-Calédonie de se réconcilier avec elle-même, et parce qu'elle est réconciliée avec elle-même, de pouvoir se projeter dans l'avenir. Il reviendra aux Calédoniens et seulement aux Calédoniens, à la fin de cette décennie, de se prononcer sur une solution autour de laquelle ils pourront tous se retrouver.
Je veux vous dire une nouvelle fois - et je veux le dire ici - que le respect de ce processus est pour mon gouvernement un engagement essentiel. Ici à Lifou, je mesure ce qu'est la vie au quotidien dans l'archipel, je mesure aussi l'importance et les contraintes de l'action publique. Il y a la Grande Terre et il y a les îles avec leur cortège de contraintes, comme la desserte maritime, la desserte aérienne qui sont évidemment pour ces territoires des services absolument vitaux. Sur la Grande Terre, on peut se trouver très loin de Nouméa, mais sauf événement météorologique majeur il y a toujours une route plus ou moins longue, plus ou moins confortable mais il y a toujours une route pour rejoindre le chef-lieu. Ici à Lifou comme à Maré, à Ouvéa, à Tiga, les tempêtes peuvent à tout moment interrompre ce lien essentiel vers Nouméa. Depuis plus de 20 ans, l'action de l'Etat, des collectivités locales et des partenaires privés a fait beaucoup pour améliorer la situation, mais souvent la nature est plus forte que tous ces efforts.
Depuis les accords de Matignon, l'Etat et la Nouvelle-Calédonie se sont engagés dans une politique résolue de rééquilibrage territorial. Au travers de la clé de répartition provinciale des contrats de développement, au travers des aides de l'Etat à la province, il y a un effort intense qui a été réalisé en direction de la population des îles Loyauté.
Vivre dans les îles, c'est se confronter quotidiennement à des enjeux d'égalité territoriale et à des enjeux d'égalit?? sociale. En dehors des soins courants, il faut encore aller à Nouméa pour accéder aux services de santé les plus élaborés, la situation est la même lorsqu'il s'agit de se former au-delà de l'enseignement secondaire ; et les jeunes qui partent à la conquête de Nouméa - et pour certains la conquête du monde - n'éprouvent pas forcément tout de suite le besoin de revenir dans les îles.
Alors dans ces conditions difficiles, je veux tout particulièrement saluer votre engagement.
Vous avez la responsabilité de parvenir en permanence à concilier les règles coutumières, et en même temps les exigences de l'action publique. Vous avez l'obligation d'assurer la permanence, la continuité de ce lien vital avec la Grande Terre. Vous devez utiliser les outils à votre disposition pour former vos jeunes, pour aider certains d'entre eux à devenir des cadres et, en même temps, les convaincre que leur place peut tout aussi bien être dans le vaste monde, à Nouméa ou ici, chez eux.
L'enjeu du rééquilibrage, dont je sais à quel point il est essentiel pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, est manifeste dans les îles Loyauté, c'est une évidence.
Dans la nouvelle génération de contrats de développement qui va couvrir la période 2011-2013, j'ai indiqué que, quelles que soient les contraintes financières qui pèsent sur notre pays, l'Etat maintiendra son niveau d'engagement financier. Il adaptera également ses taux d'intervention à la réalité financière des collectivités avec lesquelles il signera ces contrats.
Nous nous adapterons aux capacités de chacun pour faire en sorte que le rééquilibrage soit une réalité. Et si nous avons décidé, alors même que presque tous les budgets de l'Etat vont baisser, si nous avons décidé de maintenir les concours à la Nouvelle-Calédonie au même niveau que ceux de la période précédente, c'est parce que nous pensons que nous sommes engagés ensemble dans une aventure historique, sur un chemin historique. Et qu'on ne peut pas gâcher cette aventure ou en retarder l'issue, quelles que soient les contraintes financières qui pèsent sur nous. La province des îles bénéficiera comme par le passé d'un contrat provincial et d'un contrat avec les communes. C'est vous qui allez en discuter prochainement le contenu, je souhaite simplement (si je peux émettre un souhait) que les projets qui en résulteront favorisent encore plus le développement de votre province et soient tout simplement des projets porteurs d'avenir.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chacun d'entre-vous dans vos fonctions d'élus, dans vos fonctions d'élus de proximité, vous tenez un rôle essentiel auprès de la population.
Vous tenez un rôle de médiation, vous tenez un rôle de conciliation, mais vous tenez aussi - et c'est la noblesse de votre fonction - un rôle de décision. J'ai moi-même exercé plusieurs mandats locaux pendant des années, dans un département qui naturellement est très loin d'ici et qui n'est pas enclavé, mais il n'empêche que je sais combien les fonctions d'élu local peuvent être difficiles. Parce que quelles que soient les raisons qui amènent à annoncer des mauvaises nouvelles, c'est toujours l'élu qui en est le responsable. Et l'élu, il est aussi et surtout le responsable de l'avenir.
Et en cela, je veux vous dire et je veux terminer par-là que nous avons ensemble en charge d'écrire une partie de l'histoire de cette terre, nous avons en charge ensemble la responsabilité d'écrire une partie de l'histoire de cette terre magnifique qui, parce qu'elle a connu des blessures, nous invite à la sagesse des compromis et nous invite à la volonté d'agir pour tous.
Bien sûr, ce n'est pas en 48 h 00 ou en trois jours passés en Nouvelle-Calédonie que j'en comprendrai toutes le traditions, toutes les coutumes, toutes les contraintes, mais je peux vous dire que le contact que j'ai eu depuis maintenant deux jours me rend très optimiste.
Et il me laisse penser que la Nouvelle-Calédonie, alors qu'elle a pu être à un moment au bord d'un affrontement terrible, est aujourd'hui un véritable laboratoire de la coexistence pacifique entre des cultures différentes, entre des peuples qui ont des histoires différentes, mais qui peuvent - parce qu'ils sont sages et parce qu'ils ont trouvé les voies de la sagesse - construire un avenir commun qui sera un avenir radieux pour tous ceux qui viendront après nous, et en particulier pour tous ces jeunes enfants qui étaient si nombreux à chaque fois que je me suis déplacé aujourd'hui dans votre île.
Merci de votre accueil, et je veux que vous sachiez que la mission première du chef du Gouvernement français - s'agissant de la Nouvelle-Calédonie - c'est de faire respecter à la lettre les accords qui ont été signés, d'être l'arbitre de la mise en oeuvre de ces accords pour le bien général, pour l'intérêt de la Nouvelle-Calédonie et pour l'intérêt de la France.Source http://www.gouvernement.fr, le 19 juillet 2010