Interview de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, à "RTL" le 14 septembre 2010, sur l'affaire de la traque des sources des journalistes par le contre-espionnage français, sur la préparation du budget 2011 et les suppressions de niches fiscales.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- On a appris que le contre-espionnage français traquait les sources des journalistes. Est-ce que c'est son travail ?

Je crois qu'il faut remettre les choses dans l'ordre. Je viens d'écouter A. Duhamel ; je crois que sa thèse de la croisade du Monde est très avérée. Le pouvoir est à droite, Le Monde est orienté à gauche, il se lance dans un combat avec des accusations assez graves, assez graves, parce que là aussi, je trouve qu'il y a une curieuse inversion des valeurs. Si nous sommes à la confluence dans cette affaire de deux libertés fondamentales : la liberté du journaliste dans l'expression de leur travail et la protection des sources, le secret de l'instruction, ce n'est pas le secret de Polichinelle, c'est aussi une liberté fondamentale. Et cette confluence-là, elle doit trouver sa juste place.

Il n'y a pas d'instruction, là, on est en enquête préliminaire. Pas de magistrat instructeur saisi. Donc là, on est dans un cadre qui n'est pas celui du secret de l'instruction.

Enquête préliminaire, enquête en cours. Lorsqu'on est un serviteur de l'Etat, que l'on soit dans un cabinet, que l'on soit dans un service, on est au service de l'Etat. On est astreint à un certain nombre de règles. Que l'on s'interroge sur la question de savoir qui est à l'origine des fuites, ça ne me choque pas dans un Etat de droit, c'est même la moindre des choses et c'est un rappel à l'ordre et aux règles fondamentales de tout serviteur de l'Etat.

Et on se dit quand même que le contre-espionnage français a peut être autre chose à faire que de s'intéresser aux sources des journalistes. Ce n'est pas un peu inquiétant quand même ?

Vous dites, "ce n'est pas une instruction en cours", il y a une enquête, il y a des informations, la police fait son travail. Le directeur général de la Police nationale a lui-même expliqué le cadre général de l'intervention des éléments de sa direction, la Direction centrale du Renseignement intérieur. Nous sommes dans un Etat de droit, et je voudrais aller plus loin. Il faut que Le Monde démontre ce qu'il accuse. On ne peut pas accuser sans preuve. On ne peut pas accuser sans preuve, même l'Elysée, même le président de la République. L'Elysée a démenti, le DGPN a donné tous les éléments d'information. Maintenant en quelque sorte, le mistigri est revenu du côté du Monde.

Et on lira Le Monde dans les jours qui viennent. Vous mettez la dernière main au budget et beaucoup de gens ont peur que les dons faits aux associations soient refiscalisés.

Cette solution avait été envisagée avant l'été. Elle ne l'est pas et les dons resteront dans un niveau d'exonération fiscale tel que c'était prévu et tel que c'est le cas à l'heure actuelle. Parce que le don ce n'est pas tout à fait un élément d'une niche fiscale. Lorsque l'on fait un don, c'est un acte fort. On peut faire, par un intérêt un peu cynique, le bénéfice d'exonérations fiscales mais la plupart des gens qui nous écoutent et qui pratiquent le don, le font de manière sociale. Ca peut être "les Restos du Coeur", ça peut être d'autres types d'associations et le président de la République a rendu son arbitrage. Nous ne toucherons pas aux dons, parce que c'est un lien de la politique sociale et puis, il n'y a pas de retour sur l'investissement, contrairement à d'autres investissements qui peuvent être produits à travers ces réductions de crédit d'impôt.

Donc, on enregistre l'information ; on ne touche pas aux dons ou du moins à la fiscalité des dons. Décidément, il n'est pas facile de toucher aux niches fiscales en général, il y en a plusieurs centaines en France. Vous aviez promis un coup de rabot général et puis finalement, ce rabot ne concernera qu'une vingtaine de niches et il ne devrait rapporter, selon les spécialistes, que 500 millions d'euros dans le budget 2011 auquel vous mettez la dernière main. "Ce n'est plus un rabot, s'est moqué G. Carrez, le rapporteur UMP du Budget à l'Assemblée nationale, c'est une lime à ongles". Il se moque de vous F. Baroin.

J'adore G. Carrez. On est rentrés ensemble à l'Assemblée nationale mais j'ai l'impression quand même d'être plus proche du menuisier que de la manucure dans cette affaire parce que le gouvernement français avait proposé en début d'année, 2 milliards de réductions de niches fiscales pour l'année prochaine, 2 milliards l'année suivante, 2 milliards la troisième année. C'est-à-dire qu'on devait faire 6 milliards sur trois ans. Là, on va faire 10 milliards en un exercice budgétaire. C'est un effort considérable, ça ne s'est jamais fait.

On parle de la fiscalité sur certains produits d'assurance, par exemple, mais pas en limitant les niches fiscales...

Non, non, non... Vous avez, par exemple, 2 milliards dans l'annualisation des charges pour la question des retraites. Vous avez ce que j'ai présenté hier en loi organique au Sénat, des éléments de dispositif de réductions d'affectation de niches fiscales. Dix milliards sur 40 milliards d'économies que j'ai à trouver comme ministre du Budget, c'est un effort considérable. Et l'affaire du rabot sur les 500 millions, ce sont des choix qui répondent à un objectif politique. Le Budget, c'est un acte politique. Nous faisons des choix politiques. On épargne les publics les plus fragiles, on épargne les publics qui ont besoin aussi d'être accompagnés, c'est le sens du choix des arbitrages du président de la République, aussi bien pour l'affaire des étudiants, l'APL que pour l'AAH, où il souhaitait coûte que coûte tenir l'engagement qu'il avait pris pendant la campagne présidentielle, d'augmenter à hauteur de 25 % sur les cinq années qui viennent la prestation pour les handicapés. Bref, ce sont des choix politiques qui sont assumés. Et vraiment, c'est un rabot qui est très important.

Vous vous expliquerez avec G. Carrez...

Oui, on va avoir des débats. On va avoir un numéro de claquettes avec le rapporteur général du Budget.

Vous allez respecter les hypothèses de déficit budgétaire que vous aviez prévues, par exemple 8 % en 2010 ?

Je pense qu'on aura même de meilleures nouvelles, tout comme tous les indicateurs sont en train de se mettre au vert progressivement, nous allons dans la bonne direction, la stratégie de sortie de crise était la bonne, la stratégie du plan de relance a produit ses effets. Nous aurons une croissance, comme l'a affirmé le Premier ministre la semaine dernière, légèrement supérieure à ce que nous avions prévue. Nous avions prévu 1,4 %, on sera probablement à 1,5 %. Et dans la mesure où nous avons tous ces indicateurs, nous pouvons dire aujourd'hui que nous serons en-dessous des 8 % de déficit à la fin de l'année. Cela veut dire que la marche à franchir pour l'année prochaine et qui est intangible et qui doit nous ramener à 6 % de déficit par rapport à la richesse nationale, sera moins haute que prévu.

En dessous de 8, c'est quel chiffre ?

Vous dire qu'on tombe à 7,9 %, 7,8 %, c'est prématuré, mais on sera en dessous de 8, ça c'est certain.

C'est de cet ordre-là : 7,8 %, 7,9 %, c'est ce que vous espérez ?

Si c'est moins - et si c'est moins, c'est très bien -, tous les surplus de recettes liés à la relance de l'activité économique, je le dis aussi à votre micro aujourd'hui, seront affectés intégralement à la réduction de l'endettement du pays.

Enregistré. Quel est le montant du chèque que le Trésor Public va faire à B. Tapie ?

Alors, là c'est encore une autre histoire... Ah oui, ça c'est sûr, oui ! Il y a une procédure...

Ca, c'est pas des recettes, c'est des dépenses !

Oui, les affaires reprennent.

Oui... Il y a une procédure arbitrale qui a été engagée. Alors, certains contestent le caract??re judiciaire mais en tout cas, cette décision des arbitres s'impose à l'Etat.

Là, on en est au chèque...

Et on a parlé du secret des sources des journalistes, on a parlé du secret de l'instruction, mais moi je vais vous parler du secret fiscal. Le secret fiscal, c'est une autre liberté fondamentale, même monsieur Tapie, même les époux Tapie, ont le droit de ne pas entendre le matin, au micro de RTL, la réalité de ce qu'ils paient au fisc. Ce n'est pas pour couvrir quoi que ce soit...

Vous ne pensez pas devoir aux contribuables le montant du chèque tout simplement que le Trésor Public va faire à B. Tapie ?

Eh bien voyez, et si monsieur Aphatie m'interroge sur monsieur Tapie, je n'ai pas le droit de répondre sur monsieur Tapie. Si monsieur Duhamel m'interroge sur monsieur Aphatie, ce qui pourrait arriver, je n'ai pas le droit de donner des informations concernant votre situation fiscale. Et c'est protecteur.

Le Canard Enchaîné l'a fait. Il a publié un chiffre de 210 millions d'euros...

Le Canard, il assume ses responsabilités. Et toutes celles et tous ceux qui dévoilent les éléments du secret fiscal sont susceptibles de rendre des comptes devant un tribunal.

On posera la question au contre-espionnage pour le chèque de B. Tapie !

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 septembre 2010