Interview de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à RMC le 10 septembre 2010, sur l'exercice du métier de gendarme et de policier.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Merci d'être avec nous ! Vous savez ce que nous allons faire ? Nous allons regarder ensemble la Une du Nouvel Observateur, « Cet homme est-il dangereux ? », N. Sarkozy en l'occurrence...
 
Oui, évidemment, c'est assez curieux. Et la vérité c'est que précisément, cet homme-là, a un objectif, c'est d'assurer la protection, la sécurité de nos concitoyens en matière sociale, bien sûr, c'est le débat du moment, mais aussi dans la vie quotidienne avec la sécurité. Donc au contraire...
 
Mais ça vous choque une telle Une ?
 
Oui, mais bien sûr, c'est provocateur. Mais à vrai dire, ce n'est que la suite d'une série d'autres Unes pour essayer sans doute pour de raisons commerciales, mais après tout, pourquoi pas, c'est la vie. Simplement, la réalité c'est que N. Sarkozy, lui, a une ambition, c'est de protéger et de rassembler, voilà.
 
On va entrer dans les détails de toutes les mesures et de tout cet été un peu mouvementé que vous avez passé, que nous avons passé. J'ai une question générale que je pose aux auditeurs de RMC, ce matin : est-ce que la justice est bien rendue en France ? Oui ou non ? C'est la question que je pose aux auditeurs. Ils me disent majoritairement « non » pour l'instant.
 
Moi, je suis ministre de l'Intérieur, je vais me garder, naturellement de commenter de trop près la justice.
 
Oui, mais quand même...
 
Parce que quand je m'y aventure, généralement, ça ne passe pas totalement inaperçu. D'ailleurs, la vérité, c'est que je dis ce que je pense. Je rappelle simplement un principe, c'est que dans notre pays, les magistrats rendent la justice au nom du peuple français et que j'imagine...
 
Et d'une manière totalement indépendante.
 
Et de manière indépendante, et j'imagine d'ailleurs qu'ils doivent avoir toujours cela en mémoire quand ils prononcent la justice.
 
Un policier blessé en Seine-Saint-Denis, à Aulnay-sous-Bois, c'était hier en début de soirée. C'est un automobiliste qui a refusé de répondre à un contrôle et qui a foncé sur la police. Ca arrive souvent ? Trop souvent ?
 
Non mais ça rappelle surtout une réalité, c'est que le métier de policier, le métier de gendarme, ce ne sont pas des métiers comme les autres, ce ne sont pas des métiers, j'allais dire, comme les nôtres. Ce sont des métiers où chaque jour, effectivement, on peut risquer sa vie. Vous avez eu depuis le 1er janvier, quinze policiers et gendarmes qui sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions. Hier matin, j'étais d'ailleurs aux obsèques d'un jeune garçon qui s'appelle N. Debarge, qui avait 25 ans, et qui s'est tué en se noyant. Il s'est noyé en voulant secourir un individu qui était vraisemblablement d'ailleurs en état d'ébriété et qui avait plongé. Et cet épisode extrêmement douloureux, vous savez, je suis allé voir la famille, j'ai vu ses collègues, j'ai vu l'ensemble de tous ceux qui travaillaient avec lui, ce sont des moments extrêmement durs. Vous savez, ce n'est pas des mots qu'on aligne les uns à après les autres quand on s'adresse à eux, ça vous tien au coeur et aux tripes. Eh bien, ça rappelle aussi que la police, la gendarmerie, naturellement, ils sont là pour lutter contre la délinquance. Mais en même temps, plus largement, c'est secourir les autres. Et je voudrais dire, ce matin, que je suis content de pouvoir rendre hommage à ce jeune garçon qui a fait plus que son devoir.
 
Oui, et la police et la gendarmerie sont là aussi peut-être pour dire la vérité. Juillet, L. Duquenet, jeune gitan de 22 ans, est tué dans le Loir-et-Cher, il était recherché pour avoir volé 20 euros. Le gendarme a tiré sur la voiture, aurait tiré sur la voiture sans sommation et latéralement. Doit-il être mis en examen ce gendarme ?
 
Moi, très généralement, je rends hommage à la présentation des faits, mais là, vous oubliez quand même quelque chose. Puisque vous rappelez quelques faits, il faut rappeler l'ensemble, que s'était-il passé ? Il y avait un jeune garçon de 17 ans qui était en train de retirer de l'argent à un distributeur et qui s'est fait agresser. Le point de départ c'est cela. Ensuite, effectivement...
 
Agressé et on lui a volé 20 euros.
 
Agressé et volé, mais enfin ils ne savaient pas que c'était 20 euros ceux qui l'ont agressé, ils l'ont vu en train de retirer de l'argent. C'est parti de là, le point de départ c'est un acte de délinquance. Il faut commencer par cela, et ensuite, effectivement, il y a un policier qui a...
 
Un gendarme.
 
Un gendarme, pardon. Un gendarme qui a demandé à ce que les deux personnes qui étaient là s'arrêtent. Ils ont foncé, apparemment ils ont refusé de s'arrêter, ils ont foncé et il y a un gendarme qui a tiré. Bon, aujourd'hui, que se passe-t-il ? Vraisemblablement, d'après ce qui est indiqué, ce gendarme devrait être mis en examen. La réalité c'est que...
 
Est-ce qu'il doit être mise en examen ?
 
Non mais, en tout cas, si mise en examen il y a, dans ce cas, comme dans tous les autres, d'abord c'est une procédure qui est relativement classique, et surtout il faut savoir que cela permet d'avoir accès à l'ensemble du dossier. Mais, je vous le dis très honnêtement, moi, ça ne me fait pas oublier le travail remarquable que font les 95.000 gendarmes dans la réalité de nos territoires.
 
On est d'accord, mais je me souviens qu'à l'époque vous avez soutenu la thèse de la légitime défense, et toutes les autorités d'ailleurs l'ont fait. Evidemment, ce qui s'est passé à Saint-Aignan, est tout à fait condamnable et tout le monde l'a condamné. Et puis la réaction du président de la République et ce fameux discours après Grenoble, enfin il y a eu Grenoble après. Enfin bon, cet engrenage, tout est parti de là quand même !
 
Oui, mais c'est pas que des mots...
 
Tout est parti, si j'ai bien compris, sur peut-être une bavure.
 
Mais ce ne sont pas que des mots. Moi, je me suis rendu sur place à Saint-Aignan. Je suis allé rencontrer la boulangère qui avait été agressée, rencontrer les gendarmes, la gendarmerie avait été attaquée, il y a eu certaines dégradations. Tout ça, c'était totalement inacceptable. Moi, les éléments qui m'ont été communiqués, m'indiquent un certain nombre de choses. J'ai vu les camarades de cette gendarmerie, j'ai entendu ce qu'ils m'avaient expliqué. Maintenant, naturellement, il appartiendra à la justice de se prononcer. Mais, encore une fois, quoi qu'il arrive, cela ne doit pas faire oublier la qualité remarquable du travail des gendarmes qui, je le rappelle, couvrent 95 % du territoire.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre 2010