Interview de M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à France 2 le 13 septembre 2010, sur la polémique à propos de la circulaire du 5 août sur les Roms.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour E. Besson.
 
Bonjour R. Sicard.
 
Depuis hier, la polémique fait rage autour d'une circulaire, circulaire du ministère de l'Intérieur, du mois dernier, qui demande aux préfets de démanteler les camps illégaux, et en particulier - et c'est là qu'il y a polémique - les camps de Roms. Jusqu'ici, le Gouvernement parlait simplement de démantèlement de camps ; vous-même vous aviez dit qu'il s'agissait de démanteler des camps de citoyens de pays différents. Qu'est-ce qui s'est passé ? Vous étiez mal informé ou vous n'avez pas dit toute la vérité ?
 
Quand vous m'aviez invité il y a quelques jours, ce n'était pas pour parler de ça, de l'action que je mène depuis plusieurs mois et des objectifs que je m'assigne pour les mois qui viennent. Mais, convenons, vous venez de le dire...
 
L'actualité a changé.
 
... que c'est dans l'actualité, donc je vous réponds. D'abord, très clairement, cette circulaire, je ne la connaissais pas, je n'en étais pas destinataire et donc je n'avais pas à en connaître. Simplement la presse, en ayant fait état ce week-end...
 
On ne vous avait pas informé de ça ?
 
Non, mais c'est normal, puisque, apparemment, elle...
 
Ça paraît incroyable ! Ça vous concerne.
 
Non, c'est une note du directeur de cabinet du ministère de l'Intérieur aux préfets, donc je n'avais pas à en connaître. Sur le fond, les choses sont extrêmement claires. B. Hortefeux et moi, avons signé le 24 juin, une circulaire qui a un pouvoir normatif, c'est-à-dire qu'elle donne très clairement les règles du jeu pour le démantèlement des campements illégaux. Elle dit ce qu'est la loi, et la loi républicaine est extrêmement simple : nous ne connaissons pas le concept de minorité ethnique, et toute l'action que je mène est en droit fil avec ce respect des principes républicains. Les fonctionnaires de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration sur lesquels j'ai autorité, qui dépendent de mon ministère, ont mené tout cet été, les travaux consécutifs au démantèlement des campements, sur une base strictement, j'allais dire de façon orthodoxe, républicaine. On ne connaît pas, en France, autre chose que des étrangers en situation irrégulière, et pas des minorités ethniques, c'est un concept qui n'existe pas chez nous.
 
Autrement dit, cette deuxième circulaire, celle qui fait polémique, c'est au moins une maladresse.
 
Je ne sais pas, ce n'est pas...
 
En tout cas, vous êtes en désaccord avec elle.
 
C'est au ministre de l'Intérieur, ou plus exactement à son directeur de cabinet, d'en répondre. Personnellement, je n'ai pas de commentaire à faire sur les notes internes...
 
Mais, il découle de ce que vous dites que c'est une maladresse.
 
Je ne sais pas si c'est une maladresse, je vous ai dit ce qu'est le contexte dans lequel nous agissons. Le président de la République, à Grenoble, a dit : « Je demande le démantèlement des campements illicites de Roms, mais je ne veux pas que l'on stigmatise les Roms ». Et par ailleurs il ajoute cette phrase : « Les Roms qui respectent la loi, les Roms qui viendraient sur des campements légaux, sont les bienvenus en France ». Donc, le cadre, il est fixé et il a été fixé le 18 juillet, à une réunion à laquelle j'ai participé, comme mon collègue ministre de l'Intérieur, B. Hortefeux, le contexte est très clair, la loi est très claire, pour le reste, le reste des questions, il faut les poser au directeur du cabinet du ministre.
 
Mais ça fait quand même un gros désaccord avec B. Hortefeux.
 
Non, alors, la circonstance, ça ne serait pas avec B. Hortefeux, avec lequel je travaille et je coopère en permanence. Il y a cette note de son directeur de cabinet, c'est à lui qu'il faut poser la question.
 
Cette circulaire, qu'est-ce qu'il faut en faire ? Il faut la modifier, il faut la supprimer ?
 
Je ne sais pas. Franchement, je suis allé au bout de tout ce que je peux vous dire sur le sujet, elle n'émane pas de mes services. Je connais la loi, je sais ce qu'a dit le président de la République, je sais l'action que nous menons, je sais, au demeurant, ce que nous avons dit à la Commission, les bases sur lesquelles nous avons travaillé, et c'est un discours que j'ai tenu, qui a été validé sur le plan interministériel, avec l'Elysée et avec Matignon, donc c'est lui qui engage le gouvernement français, c'est l'action que mènent mes services, et je suis... je sais ce que nous sommes allés dire avec P. Lellouche aux Roumains, au gouvernement roumain, vis-à-vis desquels nous avons pris des engagements et avec lesquels nous avons décidé de coopérer. Voilà le contexte, je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela.
 
Simplement, les associations parlent de démarche raciale, qu'est-ce que vous leur répondez ?
 
Franchement, je vous ai dit, le contexte dans lequel nous sommes, les lois de la République sont extrêmement claires, l'action du Gouvernement n'est pas suspecte de ce que vous venez de dire. Voilà, c'est tout ce que je peux dire à ce stade.
 
Toujours les associations, elles demandent au Conseil d'Etat d'annuler cette circulaire.
 
Très franchement, je pense qu'il faut qu'on passe à un autre sujet, parce que je suis allé au bout de ce que je pouvais vous dire sur le sujet, je...
 
Ça vous gêne un petit peu aux entournures.
 
Eh bien, ce n'est pas le... J'aurais aimé vous parler d'autre chose ce matin, oui, j'avais beaucoup de sujets sur l'immigration légale, que nous essayons de promouvoir, sur le projet de loi que je porte, sur la lutte contre les filières mafieuses de l'immigration illégale, sur comment valoriser l'attachement à la Nation des étrangers qui entrent dans la nationalité française, sur l'action que je mène et qui porte des résultats, puisque nous avons empêché 12.000 étrangers en situation irrégulière d'embarquer dans des avions, et je pense que c'est mieux d'empêcher à l'extérieur que de reconduire lorsqu'ils sont là, mais, convenons que tout cela est un peu pollué ce matin.
 
Sur ce projet de loi, il sera défendu à la fin septembre...
 
Dès après demain en commission, oui.
 
C'est le 5ème projet, je crois, en sept ans. C'est n'est pas un petit peu beaucoup ?
 
Non, mais, là-dessus, il ne faut pas se tromper. La France veut une politique de l'immigration et de l'asile, harmonisée en Europe. C'est la France qui a été à l'initiative du Pacte de l'immigration et de l'asile, signé par mon prédécesseur, et qui prétend qu'à partir du moment où on est dans l'espace Schengen, un espace de libre circulation, les règles du jeu doivent être les mêmes et il y a ce que l'on appelle des directives. Quand il y a des directives européennes, vous êtes obligé de les traduire en droit français, et là, il y a des sanctions contre les employeurs qui emploient des étrangers en situation irrégulière, il y a une directive qui dit que nous allons devoir, nous allons pouvoir être plus attractifs pour ceux qui ont les qualifications importantes, et puis il y a une directive qui dit comment nous allons harmoniser nos politiques de lutte contre l'immigration illégale. Il est bien que l'Europe se dote des mêmes règles du jeu et c'est normal de le transposer, comme on dit, c'est-à-dire le traduire en droit français.
 
Sur les chiffres de l'immigration, vous allez les publier ce matin, qu'est-ce qu'il y a de nouveau par rapport à l'année dernière ?
 
Ce que je vous ai dit, il y a un instant. Au lieu, j'allais dire, de reconduire des étrangers en situation irrégulière, nous avons fait un très gros effort pour le démantèlement des filières de l'immigration clandestine, donc un travail bien en amont, pour lequel nous menons une coopération avec nos partenaires européens, et nous avons des policiers et des officiers de liaison qui, dans les aéroports, font un travail accentué pour empêcher ceux qui sont en situation irrégulière, de monter dans des avions. Ça c'est pour la lutte contre l'immigration irrégulière. Pour le reste, la France continue à être généreuse en matière d'octroi de sa nationalité. Il y a de plus en plus d'étrangers, respectant la loi, qui deviennent français, c'est normal, c'est bien, et nous allons aller plus loin, nous allons, comment dire, raffermir le pacte républicain, en demandant à tous les étrangers qui vont entrer dans la nationalité française, de bien vouloir signer une charte des droits et des devoirs, c'est un des points qui va être discuté à l'Assemblée, très prochainement.
 
Et toute cette politique, elle n'est pas un petit peu affaiblie par la polémique de ce matin ?
 
Non, je ne le crois pas, il ne faut pas varier du cap républicain qui est le nôtre. Vous savez, la France est ferme mais elle est généreuse. Je veux rappeler en permanence, par exemple, un seul exemple, que la France est le pays européen le plus généreux en matière d'asile, c'est nous qui accueillons en Europe le plus grand nombre de réfugiés politiques, et nous sommes désormais les seconds dans le monde, seconds derrière les Etats-Unis, alors que nous étions troisième jusqu'il y a deux ans, et je pourrais multiplier d'autres exemples. Mais cette ligne de fermeté et d'humanité, d'équilibre entre droits et devoirs, je crois qu'elle devrait réunir tous les Républicains, quelle que soit leur sensibilité, de droite ou de gauche.
 
Merci E. Besson.
 
Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 septembre 2010