Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur la situation énergétique de la France, la politique énergétique orientée vers la maîtrise de l'énergie, à l'Assemblée nationale, le 21 juin 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Premières rencontres parlementaires sur la maîtrise de l'énergie à l'Assemblée nationale, le 21 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs,
La maîtrise de l'énergie est, vous le savez, une préoccupation de longue date et constante de la politique énergétique française. Sans cesse, toutefois, il convient de rappeler sa nécessité, telle une " ardente obligation " qui pèse sur notre avenir. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : maîtriser l'énergie, c'est préparer l'avenir. C'est pourquoi je veux encore remercier vivement le député Yves COCHET d'avoir pris l'initiative de ces " Premières rencontres parlementaires sur la maîtrise de l'énergie " qui contribueront à entretenir le débat. C'est dans un esprit voisin que j'ai voulu organiser, auprès du grand public, les Journées de l'énergie qui se sont déroulées avec succès du 14 au 20 mai dernier. En ouverture de ce colloque, je souhaiterais maintenant rappeler quelques données de base qui pourront utilement enrichir les travaux qui vont être menés tout au long de cette journée.
1. La situation énergétique de la France.
À la différence de plusieurs de nos voisins européens, la France est quasiment dépourvue de ressources d'énergies fossiles. Ainsi, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas disposent de réserves importantes de charbon, de pétrole ou de gaz et d'autres pays, plus petits par leur population, bénéficient de conditions géologiques favorables. En période de prix élevés pour le gaz et le pétrole, de lutte contre le changement climatique et de compétition économique mondiale grandissante, la maîtrise de l'énergie est devenue un impératif que le Gouvernement s'efforce de promouvoir de deux manières :
1. en agissant sur l'offre, c'est-à-dire, d'une part les énergies renouvelables, dont la France est le premier producteur européen, d'autre part, les énergies modernes, telles que l'électricité nucléaire et, dans un futur qui se rapproche, l'hydrogène ;
2. en agissant sur la demande, notamment en faveur des économies d'énergie. En effet il n'y a pas plus propre qu'un baril de pétrole non consommé.
La volatilité des conditions économiques entourant l'énergie est un facteur d'inquiétude pour de nombreux pays qui craignent ses effets sur la croissance économique et le bien-être de leurs habitants. Elle est à l'origine de rapports et d'analyses qui remettent à l'ordre du jour une intervention publique dans ce secteur, tant sur l'offre que sur la demande. Ainsi peut-on citer le Livre vert de la Commission européenne sur la sécurité d'approvisionnement énergétique.
Du fait de sa population et de son niveau de développement, la France est inévitablement grosse consommatrice d'énergie. Elle est le quatrième plus gros consommateur des 29 pays membres de l'OCDE, avec un peu plus de 250 millions de tonnes d'équivalent pétrole par an, loin cependant derrière l'Allemagne, le Japon et surtout les États-Unis. Par contre, avec 4,2 tonnes d'équivalent pétrole consommées par habitant et par an, la France se place en 13ème position. Mieux encore, s'agissant des émissions de gaz carbonique, la France est 23ème sur 29, avec seulement 1,8 tonne de carbone émise par habitant et par an.
Ces résultats honorables se confirment au vu du bilan énergétique 2000 que j'ai présenté à la presse fin avril. Ainsi, la consommation totale d'énergie primaire n'a augmenté que de 1,7% après correction climatique, soit nettement moins que le PIB qui a crû de 3,2%. Nos émissions de CO2 ont même baissé de 0,3%, alors que, dans le même temps, la production totale d'électricité progressait de 3,1% et que la consommation de gaz augmentait de 5,8%.
Cependant, les évolutions tendancielles sont beaucoup moins favorables au niveau des secteurs, notamment dans le résidentiel-tertiaire et les transports, malgré, dans ce dernier cas, la stabilisation conjoncturelle de consommation connue en 2000, en raison des prix élevés des carburants. Des logements plus grands et plus confortables, l'accès à des usages nouveaux, tels que le téléphone portable, des voyages plus fréquents, des automobiles plus sûres, plus spacieuses, à air conditionné : voici quelques exemples d'aspirations légitimes de nos concitoyens qui, si l'on n'y prend garde, et si l'on ne prend pas des mesures d'accompagnement risqueraient de conduire à des dérives de consommation énergétique.
Depuis une vingtaine d'années, l'intensité énergétique primaire de la France, c'est-à-dire le ratio entre la consommation totale d'énergie primaire et le PIB, s'améliore, en décroissant à un taux moyen d'environ -0,5% par an, ce qui recouvre l'action des pouvoirs publics, les effets du progrès technique, les effets de structure et les économies volontaires d'énergie. Il est particulièrement important de connaître les facteurs de baisse de cette intensité et les moyens dont on dispose pour agir en ce sens.
Il convient aussi de disposer de données fiables pour suivre l'évolution des consommations d'énergie, de façon à pouvoir détecter puis corriger les dérives éventuelles et à s'inscrire dans un cadre européen qui fait de plus en plus référence à des indicateurs de convergence. La publication prochaine, par la Commission européenne et l'Agence Internationale de l'Énergie, d'un corps harmonisé d'indicateurs d'efficacité énergétique, développé - pour la France - avec le concours de l'ADEME et de l'Observatoire de l'énergie, va permettre de disposer d'une grille d'analyse fiable et objective qui complète les nombreux ouvrages déjà publiés par la France, notamment par mon Département ministériel.
2. Une politique énergétique équilibrée.
Pour faire face à cette situation énergétique qui nous incite à ne pas rester inactif, le Gouvernement a développé une politique énergétique équilibrée, autour de trois piliers et deux préoccupations :
1. la sécurité d'approvisionnement, à court et moyen terme, de façon à éviter toute rupture préjudiciable à la santé et au bien-être de nos concitoyens, ainsi qu'à l'activité économique ;
2. la compétitivité de l'économie française, en tenant compte de l'imperfection intrinsèque des marchés de l'énergie qui résulte de l'inégalité de répartition des ressources sur la planète ;
3. la prise en compte des externalités négatives dues à la production et à l'usage de l'énergie, c'est-à-dire les dommages causés à l'environnement ;
4. la préoccupation de l'emploi et de la solidarité, qui renvoie à la compétitivité de l'économie française, mais aussi à la fiscalité ou aux tarifs sociaux de l'électricité ;
5. la préoccupation des missions de service public, telles que l'universalité, la continuité, l'obligation de fourniture ainsi que le maintien de l'électricité pour les plus démunis.
En 2000, la facture énergétique de la France s'est élevée à 155 milliards de francs, en hausse de 102% sur 1999. Cette ponction sur l'économie française facilite aujourd'hui la prise de conscience des citoyens sur la vulnérabilité de notre situation énergétique. Une approche ancrée sur le long terme est nécessaire car si l'on remonte à décembre 1998, soit à peine deux ans et demi, au moment où le Brent valait moins de 10 dollars par baril, les sirènes du laisser-faire énergétique faisaient entendre leurs voix, en France comme à l'étranger.
Comme j'ai eu l'occasion de l'exposer le 12 juin au Colloque " Énergies renouvelables et aménagement du territoire " organisé par le Syndicat des énergies renouvelables, les énergies renouvelables sont une priorité de la politique énergétique française. Il s'agit en effet de disposer d'une énergie de qualité, assurée dans son approvisionnement sur le long terme, respectueuse de l'environnement, créatrice d'emplois et disponible pour les générations futures. Le Gouvernement s'est doté d'une stratégie d'action claire, au service d'une volonté politique déterminée, en s'inspirant des recommandations que, notre hôte, le député Yves COCHET, a proposé au Gouvernement dans le cadre de la mission de réflexion que le Premier ministre lui avait confiée à ma demande l'an passé. Sans revenir sur cette stratégie, je voudrais rappeler que les moyens budgétaires confiés à l'ADEME pour ses actions énergétiques ont de nouveau augmenté de 600 MF. Ils s'élèvent désormais à plus de 1,2 GF par an.
D'autre part, le Gouvernement s'est attaché à mettre en place un régime fiscal favorable aux énergies renouvelables et s'agissant du prix d'achat de l'électricité, la loi du 10 février 2000 sur le service public de l'électricité prévoit que les énergies renouvelables pourront bénéficier de l'obligation d'achat de l'électricité produite à des tarifs préférentiels. Depuis quelques jours, l'éolien bénéficie d'un tarif de rachat avantageux. Et doivent suivre de manière imminente l'hydraulique et l'électricité produite par les installations utilisant les déchets ménagers.
Enfin, mais vous aurez l'occasion d'en parler, la nouvelle Réglementation thermique des bâtiments ou le Plan national d'amélioration de l'efficacité énergétique sont autant d'exemples témoignant de la volonté du Gouvernement d'agir avec détermination en faveur de la maîtrise de l'énergie.
Je remercie le député Yves COCHET pour son initiative et je formule des vux de réussite pour les travaux que vous allez conduire tout au long de cette journée. Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 3 juillet 2001)