Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Cher Jean-Michel LEMÉTAYER,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous retrouver ici au Salon de l'Elevage, et de revenir pour la cinquième ou sixième fois, comme Ministre de l'agriculture, en Bretagne, région qui me tient à coeur, région agricole majeure en France, où je souhaite pouvoir tracer des perspectives pour l'agriculture de notre pays. Je tiens à remercier l'ensemble des organisateurs du salon et avoir un mot particulier pour Jean-Michel LEMÉTAYER avec lequel je travaille maintenant étroitement depuis plusieurs mois. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous travaillons toujours en bonne intelligence et sur la base d'un dialogue constructif, je tiens à l'en remercier. Il y a des tensions dans le monde agricole français, il y a des inquiétudes. Comment est-ce qu'il n'y aurait pas d'inquiétudes dans un monde dans lequel le revenu n'a cessé de baisser en 2009, qui se trouve confronté à des défis de plus en plus difficiles à relever, dans une période de crise économique qui touche particulièrement les producteurs. Et je pense notamment aux producteurs dans le secteur de l'élevage porcin ou bovin. Je suis venu ici comme l'a indiqué Jean-Michel LEMÉTAYER, pour apporter des réponses aux questions et aux inquiétudes de tous les producteurs qui souffrent, en particulier dans le secteur de l'élevage.
Je suis venu vous proposer une stratégie et un cap pour l'agriculture française.
Les difficultés de notre agriculture ne datent pas d'hier, ni même d'avant d'hier. Et je crois qu'il faut être lucide sur le diagnostic. Elles remontent à beaucoup plus loin. Mais elles ont été aggravées au cours des tous derniers mois par :
* L'émergence de nombreux concurrents européens ou mondiaux, certains que nous n'avons pas vu venir, comme l'Allemagne.
* Aggravées par la crise économique qui a frappé des milliers d'exploitations en France.
* Aggravée aussi, et il faut le reconnaître, car nous sommes ici pour faire une fois encore le constat le plus lucide possible par une certaine méconnaissance de la réalité agricole dans notre pays, qui a fait croire à certains que vous pouviez tout supporter : supporter des nouvelles normes, supporter des nouvelles règles, supporter des nouvelles contraintes sans tenir compte de votre réalité économique.
Je suis ici aussi, pour remettre la réalité agricole au coeur du débat politique national.
Il y a un malentendu agricole en France : on parle souvent d'agriculture sans trop savoir très bien de quoi on parle, on chante les louanges de l'agriculture française mais on oublie la réalité, on oublie le quotidien, on oublie les difficultés des agriculteurs. On dit partout vouloir aider les agriculteurs, mais on ne leur dit pas la vérité sur la réalité européenne. On ne leur dit pas la vérité sur la concurrence mondiale. On ne leur dit pas toujours la vérité sur les défis économiques de demain.
Comme depuis le premier jour de la mission que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre, je suis venu pour aider les agriculteurs en leur tenant un discours de vérité.
La vérité, c'est qu'il n'y a pas de solution individuelle : il n'y a que des solutions collectives qui associent l'ensemble des acteurs des filières et l'Etat, qui jouera, cher Jean-Michel LEMÉTAYER, tout son rôle dans le soutien aux agriculteurs.
La vérité, c'est qu'il n'y a pas que des solutions nationales : il y a des solutions européennes, il y a des solutions internationales qui doivent vous garantir un cadre stable pour votre avenir.
La vérité, enfin, c'est qu'il n'y a pas de solution miracle, il n'y a qu'un effort de long terme, suivant des choix stratégiques clairs, des choix stratégiques constants, qui donneront des résultats.
Tout cela évidemment n'interdit pas de soutenir les plus faibles, tout cela n'interdit pas de soutenir ceux qui ont rencontré le plus de difficultés au cours des mois passés. Vous le savez, je suis élu en Normandie, élu dans l'Eure, je suis au contact quotidien de la réalité des paysans français, je sais que certains sont dans la détresse, je sais que certains sont au bord de l'épuisement, de l'épuisement économique, de l'épuisement moral et personnel. Nous ne laisserons tomber personne.
C'est la raison pour laquelle je vous annonce que 30 millions d'euros supplémentaires sont débloqués aujourd'hui, dans le cadre du DACS Agri, pour répondre aux difficultés notamment pour des éleveurs les plus fragiles. J'ai entendu ce matin un éleveur disant sur RTL que le Ministre allait distribuer des sucrettes. Je tiens à préciser que 30 millions d'euros de crédit budgétaire supplémentaire, immédiat, dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, ce ne sont pas des sucrettes. C'est une main tendue par l'Etat à tous ceux qui sont aujourd'hui dans situation la plus difficile.
Je vous annonce également qu'une avance sur les aides de la PAC sera versée dès demain pour l'ICHN et le 16 octobre pour les autres aides, notamment la PMTVA. Cela représente 3 milliards d'euros versés en avance aux trésoreries des exploitations françaises.
Vous le voyez, des solutions existent et ces solutions, nous allons les construire ensemble.
Regardez déjà le chemin qui a été parcouru en un an, regardez ce qui paraissait impossible il y a encore un an et qui est aujourd'hui la réalité :
Qui aurait dit, il y a un an, en septembre 2009, que la régulation des marchés agricoles serait au coeur du débat européen ? Elle l'est aujourd'hui, grâce à la France, au coeur du débat européen.
Qui aurait parié un euro sur une position commune franco-allemande sur la PAC ? Alors que la PAC a toujours divisé la France et l'Allemagne.
Qui aurait cru que nous puissions obtenir un accord volontaire de réduction des marges à la grande distribution pour la filière des fruits et légumes ? Accord qui a été signé sous l'autorité du Président de la République il y a quelques mois, et à fonctionné concrètement cet été pour aider les producteurs de fruits et légumes.
Qui aurait cru que nous aurions pu réorganiser la filière viticole ? Je le dis devant Jérôme DESPEY, que je vois ici, en quelques mois, la filière viticole a réussi à se réorganiser en profondeur.
Qui aurait cru que la filière ovine parvienne à contractualiser avec la grande distribution ? C'est désormais chose faite.
Un chemin est donc possible à force de volonté. Un chemin est nécessaire parce que l'agriculture, je l'ai déjà dit, n'est pas seulement le passé de la France. L'agriculture est l'avenir de la France. Les agriculteurs ne sont pas uniquement, comme je l'entends trop souvent dire, nos parents et nos grands-parents, les agriculteurs ce sont d'abord nos enfants. Et je pense ici, en particulier, aux jeunes agriculteurs que j'ai rencontrés dans la Somme dimanche et qui ont donné un exemple formidable de ce qu'est l'avenir de l'agriculture française.
Au-delà des ces mesures d'urgence que je viens d'annoncer, DACS Agri et versements anticipés des aides de la PAC, nous avons besoin de plans de développement pour consolider l'avenir de certaines filières, je pense en particulier à la filière bovine, à la filière porcine et à la filière laitière.
Sur décision du Président de la République et du Premier ministre, 300 millions d'euros sur 3 ans, vont être débloqués pour financer ces plans de développement. C'est une somme considérable dans une période de réduction budgétaire comme celle que nous vivons actuellement. Je souhaite que chacun prenne la mesure de l'effort consenti par l'Etat.
Ces plans sont une nécessité absolue car je le redis : je ne laisserai tomber aucune filière, je ne laisserai tomber aucune exploitation, je ne laisserai tomber aucun paysan.
J'ai vu trop de drames personnels autour de moi, trop de détresse, pour ne pas me battre chaque heure, de chaque jour, de chaque semaine pour les paysans français.
- La filière bovine
S'agissant de la filière bovine, que j'ai rencontrée il y a seulement quelques heures, nous en avons parlé très longuement avec l'interprofession et notamment avec Pierre CHEVALIER que je salue au passage.
Cette filière connaît une crise structurelle depuis des années. Elle a dû affronter :
* Une concurrence allemande et italienne de plus en plus forte.
* L'émergence de nouvelles puissances agricoles comme le Brésil.
* La volatilité croissante des prix de l'alimentation qui pèse terriblement sur les coûts de production : en quelques semaines, le coût de l'alimentation animale a augmenté de 15 à 20 %. Ce n'est pas supportable pour les producteurs, ce n'est pas supportable pour l'équilibre financier des exploitations.
* La filière a dû également mettre en oeuvre des règles administratives et environnementales toujours plus exigeantes.
* Elle a été confrontée, je le rappelle, à des attaques systématiques contre la consommation de viande, notamment de la part de chanteurs célèbres que je préfère entendre sur scène plutôt qu'à la tribune du Parlement européen.
Malgré ces difficultés structurelles, je veux dire toute ma confiance dans l'avenir de la filière bovine :
* La filière bovine, ce sont des milliers d'emplois.
* La filière bovine, c'est un savoir faire exceptionnel.
* La filière bovine, c'est un atout économique majeur pour la France.
* La filière bovine c'est une condition de l'aménagement de notre territoire : est-ce qu'on imagine un instant la Bretagne, le Limousin, ou la Saône-et-Loire sans l'élevage bovin ? Est-ce qu'on imagine un instant les Pyrénées sans élevage ? Ou les Alpes ? Qu'est ce que deviendraient les départements isolés, sans outils économiques industriels s'ils n'avaient pas l'élevage ?
Il est donc hors de question de laisser tomber la filière bovine. Je ferai tout pour lui redonner des perspectives. Mais soyons clairs, seul un engagement collectif de toute la filière, producteurs, marchands, industriels, coopératives, abatteurs, bouchers, grande distribution permettra de construire des solutions réalistes et efficaces. Assez avec les divisions ! Assez avec les querelles de chapelles ! Nous devons poursuivre notre travail dans le même état d'esprit constructif que celui qui a présidé à notre réunion de l'interprofession hier au ministère. Vous pouvez compter sur mon engagement total en ce sens. Nous nous verrons le nombre de fois qu'il faudra pour mettre en oeuvre les recommandations que je vais maintenant formuler devant vous.
La solution, c'est d'abord d'avoir un prix pour le producteur. Il manque plusieurs centimes d'euros pour que les producteurs parviennent à couvrir leurs coûts de production.
Ces centimes, nous irons les chercher un à un pour les rendre aux producteurs.
Je souhaite donc que, dans le cadre de l'interprofession, une discussion s'ouvre avec la transformation et la grande distribution pour mieux rémunérer le travail des producteurs. Il n'est pas normal que depuis 15 ans le prix payé par le consommateur ne cesse d'augmenter, en matière de viande bovine, quand le prix payé aux producteurs ne cesse de stagner ou de baisser. Le producteur est le perdant systématique depuis 15 ans. Cela doit changer.
Je souhaite également que l'observatoire des prix et des marges rétablisse un juste équilibre dans la répartition de la valeur ajoutée dans la filière au profit des producteurs. En accord avec Christine LAGARDE, un économiste de renom, spécialiste des questions agricoles, Philippe CHALMIN assurera la présidence de cet observatoire. Je veillerai à ce qu'il dispose de tous les moyens nécessaires pour faire toute la transparence sur les prix et sur les marges dans cette filière, comme dans toutes les filières agricoles.
La solution passe aussi par une meilleure réponse aux attentes des consommateurs. Je souhaite donc que l'interprofession modifie la grille de cotations qui date des années soixante et qui valorise des animaux trop lourds. Ces animaux ne correspondent plus aux attentes des consommateurs.
La solution passe encore par une plus grande compétitivité en matière d'abattage. J'engagerai donc un audit de l'ensemble de la filière abattage en France pour moderniser notre outil de production.
Je tiens à le préciser : un abattoir performant, ce n'est pas forcément un abattoir de dimension exagérée. Un abattoir performant, c'est un abattoir où les coûts de production sont maîtrisés et où les produits sont valorisés pour ajuster la juste rémunération des éleveurs. Je crois dans les abattoirs de proximité, j'en ai visité un encore récemment à Paray le Monial en Saône-et-Loire qui fonctionne bien et qui est parfaitement rentable malgré sa taille réduite.
La solution passe enfin par une stratégie agressive de valorisation de nos produits bovins.
Je crois à la qualité des produits français. Je crois à l'étiquetage « Viande bovine française » comme je crois à la mise en place des AOC comme celle du « boeuf de Charolles » que j'ai installé il y a quelques jours.
Je crois à l'engraissement en France des jeunes bovins. Nous avons 1 million de jeunes bovins qui partent chaque année se faire engraisser en Italie et en Espagne avec autant de valeur ajoutée perdue au passage. Je souhaite que 100 000 de ces bovins puissent se faire engraisser en France, tout simplement pour que la valeur ajoutée reste en France pour nos producteurs.
Je crois aussi à la défense des intérêts français à l'exportation. Nous prendrons donc avec l'accord du Président de la République toutes les mesures diplomatiques nécessaires pour lever l'embargo sur les viandes françaises à destination de la Russie et du Japon qui n'a plus aucun lieu d'être. Cette mesure d'embargo n'est une mesure sanitaire c'est tout simplement une mesure protectionniste.
Je crois enfin aux nouveaux outils économiques prévus par la loi de modernisation agricole qui permettront de stabiliser le revenu des producteurs. On peut toujours tout miser sur la spéculation. Mais la spéculation fait la ruine des agriculteurs depuis des années. Je crois plus raisonnable et plus sage de miser sur la sécurité et sur la prévoyance.
La sécurité, ce sont les contrats, car seuls les contrats, dans cette filière comme les autres, permettront de stabiliser le revenu des producteurs.
La prévoyance ce sont des dispositifs assurantiels pour faire face à des aléas économiques, sanitaires et climatiques de plus en plus fréquents. La terrible sécheresse que vient d'évoquer Jean-Michel LEMÉTAYER, que les éleveurs ont subie, en particulier dans le grand Ouest, en est l'exemple le plus frappant. Comment voulez-vous vous en sortir dans votre exploitation avec la tonne de paille à 100 euros ? Comment voulez-vous vous en sortir avec des fourrages dont le prix augmente chaque jour alors que le prix de la viande stagne ou baisse ? Pour la première fois, nous avons mis en place par voie législative un dispositif de réassurance publique qui permettra de créer pour la première fois dans l'histoire de l'agriculture française un dispositif assuranciel pour les fourrages. Je souhaite que ce dispositif assuranciel soit disponible le plus rapidement possible pour que tous les éleveurs puissent en bénéficier et faire face à ce type de calamité.
- La filière porcine
Nous mettrons aussi en place, comme je l'ai indiqué, un plan de développement pour la filière porcine. Nous en avons beaucoup parlé avec Jean-Michel SERRES, nous avons beaucoup travaillé avec l'interprofession et je pense que nous avons beaucoup progressé grâce au dialogue que nous avons ouvert ensemble.
Le constat est sans appel : nous ne cessons de perdre des parts de marché au profit de l'Allemagne. Des millions de porcs sont produits en plus chaque année en Allemagne, des millions de porcs sont produits en moins en France. Je ne vois aucune raison pour que cette situation perdure. Nous pouvons, nous devons inverser la tendance et remonter la pente.
Pour cela nous devons commencer par valoriser la viande porc française. Je tiens à me réjouir ici de l'accord qui a été trouvé entre les producteurs, les abatteurs, les transformateurs et les distributeurs sur la mention de l'origine de la viande de porc à travers le logo VPF.
C'est la première fois dans l'histoire de la filière que l'ensemble des acteurs arrive à se mettre d'accord sur un label. C'est un atout majeur pour notre production car cela va permettre de donner un meilleur prix aux producteurs et de valoriser tous les efforts consentis par la filière en matière de qualité et de sécurité sanitaire. Poursuivons maintenant ce travail sur tous les produits. Vous savez qu'en tout état de cause, je le dis pour ceux qui seraient réticents à avancer dans cette direction, nous porterons cette demande d'étiquetage de tous les produits au niveau européen. Cela à été un grand sujet de discussion lors du débat sur la loi de modernisation agricole, qui d'ailleurs à fait l'objet d'un consensus droite et gauche confondues.
Mais nous ne pourrons remonter la pente que si nous définissons aussi, je le reconnais bien volontiers, un cadre administratif simplifié en matière d'installations classées.
Je veillerai donc au respect des nouveaux délais d'instruction fixés par la loi dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture, en matière d'instruction des dossiers. Un an c'est un an, et je le dis devant le Préfet de la région de Bretagne, un an c'est un an, et il n'est pas question de laisser dépasser ces délais en matière de traitements des dossiers administratifs.
Je me battrai également au sein du Gouvernement pour que le nouveau décret sur les installations classées, prévu par la LMAP, favorise le regroupement des installations porcines dans le respect des règles européennes et de leur seuil, ni plus, ni moins. C'est une question de bon sens, c'est une question de cohérence, c'est une question d'équité pour les producteurs de porc en France par rapport à leurs concurrents européens.
Ce décret a été prévu par la loi. Il doit maintenant sortir rapidement suivant les règles que j'ai fixées. Les règles européennes, ni plus, ni moins en matière de regroupement des élevages.
Je souhaite enfin que ces règles soient fixées une fois pour toutes. Rien n'est plus dommageable à la visibilité des producteurs que les changements incessants de réglementation, les changements incessants de seuil, et d'exigences environnementales ou autres. Ils ont besoin de stabilité ! Ils ont besoin de savoir où ils vont !
Rien n'est plus dommageable non plus à la visibilité des producteurs que les exigences exagérées et incompatibles avec le principe même de leur production. 10 milligrammes de nitrates par litre d'eau, ce n'est pas un seuil réaliste. Oui au respect de l'environnement. Non au découragement des producteurs.
Remonter la pente, cela suppose encore de soutenir les éleveurs en matière de mise aux normes sur le bien-être animal. Cette mise aux normes elle a un coût considérable pour les éleveurs de porcs. Mais nous ne pouvons pas reporter le délai de 2013, car ce ne serait compatible avec nos engagements européens. En revanche, nous pouvons renforcer l'accompagnement financier des producteurs.
Je vous annonce donc que nous doublerons l'aide financière de l'Etat par truie gestante de 100 à 200 euros. Nous porterons également le seuil par élevage de 15 000 à 50 000 euros pour que cette mesure soit la plus efficace possible. Un effort supplémentaire sera également fait en faveur des jeunes agriculteurs et des agriculteurs en zone de montagne. Au total ce soutien à la mise aux normes des installations porcines avant 2013 représente une dépense de 60 millions d'euros pour l'Etat.
Je sais par ailleurs que des difficultés similaires se posent pour les filières avicoles. Nous serons, je tiens à le dire, également au rendez-vous.
Enfin comme l'a indiqué Jean-Michel LEMÉTAYER, nous devons stabiliser les coûts de production, en particulier le coût de l'alimentation animale. Cela passe par le développement de contrats entre les filières de l'élevage et les filières de grandes cultures de manière à lisser les prix de l'alimentation sur plusieurs années. Il faut que le producteur de porc sache à quoi s'en tenir en matière de coût de son alimentation qui représente 60% de son coût de production. Je ne connais pas une autre filière économique dans laquelle lorsqu'un coût dépend à 60% d'une matière première, on ne stabilise pas sur plusieurs années le coût de cette matière première. Seuls les contrats inter-filières permettront de la faire et je tiens d'ailleurs à saluer les premiers pas qui ont été faits en ce domaine par les producteurs de blé et de maïs et par les responsables de l'alimentation animale.
- La filière laitière
S'agissant de la filière laitière, un plan de développement est également nécessaire même si un travail considérable a déjà été mené depuis plusieurs mois qui commence à donner des résultats.
Je me félicite de l'accord conclu le 18 août qui permet de garantir le revenu des producteurs jusqu'à la fin de l'année, mais je ne me tiendrai pas à cette seule solution. Ici aussi les producteurs ont besoin de visibilité. Et je rencontre trop souvent chez moi en Normandie des jeunes producteurs, qui en 2008, parce que les prix du lait étaient au plus haut, ont investis en achetant des robots de traite ou en mettant aux normes leur installation, pour 100 000, 150 000, 200 000 ou 300 000 euros, en pensant que les cours se maintiendraient et qui ne sont pas arrivés à rembourser leurs investissements en 2009 lorsque les prix se sont effondrés. Ce sont souvent les plus dynamiques, ceux qui ont le plus investis, qui ont le plus souffert de la crise en 2009. Eux aussi ont besoin de stabilité, eux aussi ont besoin de visibilité.
La visibilité sur le revenu, c'est le contrat. Nous avons laissé à l'interprofession le soin de les négocier et je souhaite qu'elle aboutisse. Mais l'Etat prendra toutes ses responsabilités si un accord interprofessionnel n'est pas possible. Le dispositif doit être prêt avant la fin de l'année pour que ces contrats soient mis en oeuvre au début de la prochaine campagne laitière, en avril 2011.
Puisque je parle de l'interprofession, permettez-moi un mot sur les événements récents. Je tiens à condamner l'occupation par la force des locaux de l'interprofession laitière. La force n'est jamais la solution. Maintenant, je crois qu'il serait dans l'intérêt de chacun de renouer les fils du dialogue. Les interprofessions sont des organismes de droit privé, cela a été rappelé pendant le débat parlementaire et les décisions n'appartiennent qu'à elles. Cela ne m'empêche pas de penser que des discussions informelles au sein du collège des producteurs entre les éleveurs de tous les organismes représentatifs seraient utiles. Je note d'ailleurs qu'Henri BRICHART avait ouvert une porte il y a quelques semaines en ce sens. Le dialogue est toujours utile, surtout dans les périodes que nous traversons aujourd'hui.
Nous devons aussi nous préparer à la fin des quotas en 2015. Le constat est très clair : la gestion par département ne règle pas les difficultés des producteurs les plus fragiles, elle ne freine pas la désertification laitière comme dans le Sud-Ouest et elle interdit en même temps le renforcement de la filière à certains endroits du territoire. Le modèle de gestion à la française a certainement ses avantages puisqu'il permet une redistribution uniforme des volumes. Mais il a aussi un défaut considérable, qui a favorisé l'importation massive de lait en provenance d'Allemagne : il ne tient pas compte de la compétitivité des exploitations et de la filière.
Comme je suis quelqu'un de pragmatique, je ne vois pas pourquoi nous nous interdirions de réfléchir à une organisation plus efficace. Je propose donc que nous examinions tous ensemble le passage à une gouvernance par bassin, comme cela à d'ailleurs été fait, comme me l'indiquait le Préfet dans la région du Grand-Ouest. Je suis évidement attaché au maintien de la production sur tout le territoire. Je ne crois pas à l'agrandissement à outrance des exploitations. Je crois à des exploitations de taille raisonnable, je crois à des exploitations qui maîtrisent leurs coûts de productions et qui valorisent leurs produits. Mais je crois aussi à une meilleure cohérence entre l'outil de production et l'outil de collecte et de transformation en matière laitière et il me semble que la gestion par bassin est le meilleur moyen de parvenir à cet objectif, de renforcer la compétitivité de la filière, de freiner les importations de lait en provenance d'Allemagne et de reprendre notre position dans ce domaine.
Le plan de développement permettra aussi de financer les investissements pour moderniser les exploitations. Je crois au développement des plans de performance énergétique, comme au développement de la méthanisation que nous soutiendrons financièrement, qui apporte un surcroît de revenus aux producteurs tout en contribuant aux enjeux environnementaux. Cela fera partie de l'enveloppe de 300 millions d'euros.
Enfin, toujours sur la base de ces 300 millions d'euros, nous encouragerons les investissements dans l'innovation pour l'industrie laitière. Et je veux saluer ici au passage la qualité de notre industrie agro-alimentaire, dans le secteur laitier comme dans les autres secteurs, car c'est la réussite de l'industrie agro-alimentaire qui fait aussi la réussite et le revenu de l'ensemble des producteurs.
De ce point de vue, je suis heureux de vous annoncer que Sodiaal et les banques créancières d'Entremont Alliance ont abouti hier à la signature de l'accord de principe sur la reprise d'Entremont Alliance par Sodiaal. Le processus de rachat se poursuit avec l'information et la consultation des instances représentatives du personnel qui ont débuté fin juin.
Une de mes premières visites en Bretagne s'était déroulée sur ce sujet-là. J'avais fait une promesse, j'avais pris un engagement. La promesse a été tenue, et l'engagement à été respecté.
Derrière tous ces plans de développement : plan de développement de la filière bovine, plan de développement de la filière porcine, plan de développement de la filière du lait. Il y a, vous le voyez, une certaine idée de l'agriculture française que je voudrais préciser.
Une agriculture française qui doit d'abord être une agriculture diversifiée : le modèle des exploitations de taille démesurée avec des produits uniformes n'est pas pour nous, n'est pas pour la France. Il n'est pas conforme à notre tradition. Il n'est pas dans notre intérêt économique. Il est néfaste pour l'emploi. Une production diversifiée, cela suppose des circuits de commercialisation renouvelés, en particulier le développement des circuits courts qui sont intégrés dans la loi. Cela suppose enfin un engagement des collectivités locales en matière de restauration collective. Et je suis prêt à y réfléchir avec elles.
Notre agriculture française est aussi une agriculture durable. Ce cap a été fixé depuis plusieurs années. Il a été rappelé par le Président de la République. Il est conforme aux attentes de la société française. Il doit donc être tenu. Mais il doit être tenu en tenant compte de la réalité économique des producteurs comme de la concurrence européenne, de la réalité économique des producteurs comme de la concurrence européenne. Vous avez connu en 2009 une crise du revenu sans précédent : il me paraît sage par conséquent de faire un moratoire sur toutes nouvelles règles environnementales en matière agricole. Il me paraît sage également de se donner du temps pour appliquer certaines décisions qui avaient été envisagées avant la crise, qui ne sont plus pertinentes après la crise : 5 % de particularité topographiques en 2012 ce n'est pas raisonnable. Il me paraît sage également de faire preuve de souplesse et tout simplement de pragmatisme agronomique : 100 % de couvert hivernal cela n'a pas de sens sur certaines terres comme sur les terres argileuses. Enfin tenons nos engagements. Le Président de la République a annoncé que les 44 tonnes pourraient circuler en France prochainement et transporter toutes les matières agricoles ou agro-alimentaires. Que ces 44 tonnes circulent rapidement en France pour transporter toutes les matières agricoles et agro-alimentaires ! Le feuilleton à multiples épisodes du 44 tonnes cela suffit ! Le décret doit maintenant sortir rapidement et vous permettre de bénéficier des avantages concurrentiels qui seront liés à cette circulation.
Notre agriculture française est donc une agriculture diversifiée. C'est une agriculture durable. C'est aussi et enfin une agriculture qui doit être compétitive. La compétitivité est la condition du maintien du modèle français. Si nous ne sommes pas compétitifs, nous ne cesserons de nous affaiblir au profit de nos concurrents européens ou internationaux. On peut toujours rêver d'un prix fixé administrativement pour le lait à 400 euros la tonne. Mais si c'est pour que cet engagement ne soit pas respecté, cela ne vaut pas la peine. Si c'est pour que cet engagement favorise l'importation massive de lait en provenance de l'Allemagne, cela ne vaut pas la peine. La compétitivité est une condition du maintien de notre modèle agricole français. Si nous sommes compétitifs, tout au long de la filière agricole. Car la compétitivité n'est pas que l'affaire des producteurs, c'est aussi l'affaire des transformateurs, c'est aussi l'affaire des industriels, c'est aussi l'affaire de la distribution, c'est l'affaire de la filière alimentaire dans son ensemble.
Si nous sommes compétitifs du producteur jusqu'au transformateur, nous pourrons non seulement sauver mais surtout affirmer notre modèle agricole.
Toutes les pistes doivent êtres ouvertes. Y compris la question difficile du coût du travail. Nous avons réussi à résoudre presque la moitié de la difficulté, en exonérant de toutes charges sociales et patronales le coût du travail occasionnel en France. Je souhaite désormais que les parlementaires, comme le propose la loi, nous fassent des propositions concrètes sur le travail permanent. Je sais que Marc LE FUR travaille attentivement sur ce sujet comme sur d'autres, j'attends les propositions en ce domaine pour que nous puissions renforcer la compétitivité agricole française.
Enfin, au-delà de ces plans de développement, au-delà de ce modèle agricole français je sais peut-être mieux que personne combien vous avez besoin d'un cadre européen et d'un cadre international stable.
La première de mes responsabilités c'est de me battre en Europe et dans le monde pour défendre les intérêts agricoles français, pour défendre les intérêts agricoles des producteurs. Vous pouvez compter sur mon engagement total et sur l'engagement total du Président de la République en la matière.
L'Europe est l'horizon de notre agriculture. L'Europe est notre marché commun. L'Europe est notre avenir agricole. C'est là que vos intérêts vitaux sont en jeu. C'est sur ce front que je me bats avec le soutien du Président de la République et aussi des députés européens à qui je veux rendre hommage car ils nous apportent un soutien précieux au Parlement sur nos vues notamment en matière de régulation.
Pour l'emporter en Europe, il y a un certain nombre de conditions. Ca n'est pas dans un claquement de doigts, en proclamant que nous sommes la France, que nous seront nécessairement écoutés. Pour l'emporter en Europe, et j'estime que depuis un an nous avons parcouru un chemin considérable dans ce sens, il faut d'abord montrer que nous sommes en mouvement, que nous ne sommes pas figés sur nos certitudes, que nous sommes capables de bouger. L'adoption de la loi de modernisation a montré que nous étions capable de bouger, a montré que nous étions capable de nous moderniser, et nous a permis de sortir d'un certain isolement pour affirmer la modernité de l'agriculture française.
Pour l'emporter en Europe, il faut aussi des propositions nouvelles. Nous avons mis depuis un an la régulation des marchés agricoles au coeur du débat. Et je veux le redire ici, devant vous, à Rennes, avec beaucoup de force. La libéralisation totale des marchés agricoles n'est pas seulement une erreur, c'est une faute. Il faut des règles. Il faut de la transparence. Il faut une organisation des marchés. Il faut des capacités d'intervention sur les marchés agricoles quand cela va mal. La régulation, ça n'est pas lutter contre le marché. La régulation c'est organiser le marché. La régulation ce n'est pas contre les agriculteurs. La régulation, c'est pour les agriculteurs. La régulation ce n'est pas contre l'agriculture d'un pays ou d'un autre. La régulation c'est pour défendre l'agriculture européenne pour défendre les intérêts de tous les agriculteurs européens.
Pour l'emporter en Europe, il nous faut enfin des alliés. La France qui fait cavalier seul c'est très chevaleresque, c'est très beau mais en général ça se finit par des défaites cinglantes. La France avec des alliés, c'est encore plus beau, et à la fin on peut avoir la victoire. Pour la première fois de l'histoire de la PAC, nous aurons cet après-midi une position commune entre la France et l'Allemagne sur l'agriculture. J'ai eu hier soir mon homologue Ilse AIGNER, qui m'a confirmé que le gouvernement allemand et la Chancelière allemande étaient prêts à signer cette position commune. Je partirai dans moins de deux heures à Berlin, signer la première position commune dans l'histoire de la politique commune européenne, entre la France et l'Allemagne sur l'avenir de la PAC après 2013. C'est la meilleure nouvelle que je pouvais annoncer aujourd'hui à tous les agriculteurs français.
Il faut aussi être ferme dans les négociations internationales. L'agriculture n'est pas une monnaie d'échange. L'agriculture n'est pas une variable d'ajustements dans les négociations internationales, on n'échange pas des rafales contre un certain nombre de biens agricoles, notamment des bovins. Nous n'irons pas plus loin sur les négociations au sein de l'OMC, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler au Conseiller du Prédisent OBAMA il y a quelques jours à Washington. Nous n'irons pas plus loin sur les négociations avec le MERCOSUR et je veux redire au moment où le Commissaire européen s'en va le coeur vaillant négocier l'accord entre l'Union européenne et le MERCOSUR, l'opposition totale de la France à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et le MERCOSUR qui se ferait sur le dos des éleveurs et des producteurs agricoles français ou européens. L'Europe n'est pas le marché d'écoulement de tous les produits agricoles des pays d'Amérique du Sud.
Enfin toujours sur des questions internationales, le Président de la République a mis la régulation du marché des matières premières agricoles au coeur du G20. C'est la première fois que le G20 s'occupe de ces questions. C'est la première fois qu'au niveau des chefs d'Etats on va parler d'agriculture et de régulation des marchés agricoles. Halte à la spéculation sur les matières premières agricoles ! Halte à la spéculation sur ce qui fait l'alimentation du monde ! Nous avons dit halte à la spéculation financière. Il serait peut être temps de dire halte à une spéculation qui touche des biens encore plus vitaux qui sont l'alimentation de l'ensemble des habitants de la planète. La spéculation ça veut dire quoi :
* Ca veut dire des agriculteurs en France et en Europe qui ne s'en sortent pas.
* Ca veut dire une agriculture qui n'arrive pas à se développer en voie de développement.
* Ca veut dire des pays qui ne savent plus comment s'approvisionner lorsque la Russie décide de fermer ses exportations de blé.
* Ca veut dire des émeutes de la faim.
* Ca veut dire l'instabilité stratégique dans un certain nombre de pays.
Il est temps d'y mettre fin.
Je fais donc trois propositions, que j'ai eu l'occasion de présenter au gouvernement chinois, au gouvernement américain il y a quelques jours et que je présenterai au gouvernement russe dans quelques semaines :
* Limiter le nombre d'acteurs purement financiers sur les marchés agricoles.
* Limiter le nombre de contrats à terme.
* Encadrer les prises de positions sur les marchés pour éviter les effets spéculatifs.
Chers amis,
Vous le voyez, le Gouvernement français, le Président de la République, le Ministre de l'Agriculture ont une détermination sans faille pour soutenir l'agriculture française, notamment le secteur de l'élevage qui traverse aujourd'hui les difficultés les plus grandes. Nous avons une détermination sans faille pour permettre à chacun de s'en sortir, Nous avons une détermination sans faille pour offrir un avenir constructif à l'agriculture française.
Nous avons un cap, nous avons des idées, nous avons une vision, nous avons un engagement européen et international que nous tiendrons et sur lequel nous arriverons à faire bouger les lignes.
Le dernier mot que j'aurais à vous dire, c'est que j'ai besoin de vous, car ça n'est que rassemblés, ce n'est qu'en travaillant tous ensemble, ce n'est qu'à force de dialogue et de rassemblement de l'ensemble du monde agricole français que nous parviendront à défendre l'avenir de notre agriculture.
Je vous remercie.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 septembre 2010
Cher Jean-Michel LEMÉTAYER,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous retrouver ici au Salon de l'Elevage, et de revenir pour la cinquième ou sixième fois, comme Ministre de l'agriculture, en Bretagne, région qui me tient à coeur, région agricole majeure en France, où je souhaite pouvoir tracer des perspectives pour l'agriculture de notre pays. Je tiens à remercier l'ensemble des organisateurs du salon et avoir un mot particulier pour Jean-Michel LEMÉTAYER avec lequel je travaille maintenant étroitement depuis plusieurs mois. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous travaillons toujours en bonne intelligence et sur la base d'un dialogue constructif, je tiens à l'en remercier. Il y a des tensions dans le monde agricole français, il y a des inquiétudes. Comment est-ce qu'il n'y aurait pas d'inquiétudes dans un monde dans lequel le revenu n'a cessé de baisser en 2009, qui se trouve confronté à des défis de plus en plus difficiles à relever, dans une période de crise économique qui touche particulièrement les producteurs. Et je pense notamment aux producteurs dans le secteur de l'élevage porcin ou bovin. Je suis venu ici comme l'a indiqué Jean-Michel LEMÉTAYER, pour apporter des réponses aux questions et aux inquiétudes de tous les producteurs qui souffrent, en particulier dans le secteur de l'élevage.
Je suis venu vous proposer une stratégie et un cap pour l'agriculture française.
Les difficultés de notre agriculture ne datent pas d'hier, ni même d'avant d'hier. Et je crois qu'il faut être lucide sur le diagnostic. Elles remontent à beaucoup plus loin. Mais elles ont été aggravées au cours des tous derniers mois par :
* L'émergence de nombreux concurrents européens ou mondiaux, certains que nous n'avons pas vu venir, comme l'Allemagne.
* Aggravées par la crise économique qui a frappé des milliers d'exploitations en France.
* Aggravée aussi, et il faut le reconnaître, car nous sommes ici pour faire une fois encore le constat le plus lucide possible par une certaine méconnaissance de la réalité agricole dans notre pays, qui a fait croire à certains que vous pouviez tout supporter : supporter des nouvelles normes, supporter des nouvelles règles, supporter des nouvelles contraintes sans tenir compte de votre réalité économique.
Je suis ici aussi, pour remettre la réalité agricole au coeur du débat politique national.
Il y a un malentendu agricole en France : on parle souvent d'agriculture sans trop savoir très bien de quoi on parle, on chante les louanges de l'agriculture française mais on oublie la réalité, on oublie le quotidien, on oublie les difficultés des agriculteurs. On dit partout vouloir aider les agriculteurs, mais on ne leur dit pas la vérité sur la réalité européenne. On ne leur dit pas la vérité sur la concurrence mondiale. On ne leur dit pas toujours la vérité sur les défis économiques de demain.
Comme depuis le premier jour de la mission que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre, je suis venu pour aider les agriculteurs en leur tenant un discours de vérité.
La vérité, c'est qu'il n'y a pas de solution individuelle : il n'y a que des solutions collectives qui associent l'ensemble des acteurs des filières et l'Etat, qui jouera, cher Jean-Michel LEMÉTAYER, tout son rôle dans le soutien aux agriculteurs.
La vérité, c'est qu'il n'y a pas que des solutions nationales : il y a des solutions européennes, il y a des solutions internationales qui doivent vous garantir un cadre stable pour votre avenir.
La vérité, enfin, c'est qu'il n'y a pas de solution miracle, il n'y a qu'un effort de long terme, suivant des choix stratégiques clairs, des choix stratégiques constants, qui donneront des résultats.
Tout cela évidemment n'interdit pas de soutenir les plus faibles, tout cela n'interdit pas de soutenir ceux qui ont rencontré le plus de difficultés au cours des mois passés. Vous le savez, je suis élu en Normandie, élu dans l'Eure, je suis au contact quotidien de la réalité des paysans français, je sais que certains sont dans la détresse, je sais que certains sont au bord de l'épuisement, de l'épuisement économique, de l'épuisement moral et personnel. Nous ne laisserons tomber personne.
C'est la raison pour laquelle je vous annonce que 30 millions d'euros supplémentaires sont débloqués aujourd'hui, dans le cadre du DACS Agri, pour répondre aux difficultés notamment pour des éleveurs les plus fragiles. J'ai entendu ce matin un éleveur disant sur RTL que le Ministre allait distribuer des sucrettes. Je tiens à préciser que 30 millions d'euros de crédit budgétaire supplémentaire, immédiat, dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, ce ne sont pas des sucrettes. C'est une main tendue par l'Etat à tous ceux qui sont aujourd'hui dans situation la plus difficile.
Je vous annonce également qu'une avance sur les aides de la PAC sera versée dès demain pour l'ICHN et le 16 octobre pour les autres aides, notamment la PMTVA. Cela représente 3 milliards d'euros versés en avance aux trésoreries des exploitations françaises.
Vous le voyez, des solutions existent et ces solutions, nous allons les construire ensemble.
Regardez déjà le chemin qui a été parcouru en un an, regardez ce qui paraissait impossible il y a encore un an et qui est aujourd'hui la réalité :
Qui aurait dit, il y a un an, en septembre 2009, que la régulation des marchés agricoles serait au coeur du débat européen ? Elle l'est aujourd'hui, grâce à la France, au coeur du débat européen.
Qui aurait parié un euro sur une position commune franco-allemande sur la PAC ? Alors que la PAC a toujours divisé la France et l'Allemagne.
Qui aurait cru que nous puissions obtenir un accord volontaire de réduction des marges à la grande distribution pour la filière des fruits et légumes ? Accord qui a été signé sous l'autorité du Président de la République il y a quelques mois, et à fonctionné concrètement cet été pour aider les producteurs de fruits et légumes.
Qui aurait cru que nous aurions pu réorganiser la filière viticole ? Je le dis devant Jérôme DESPEY, que je vois ici, en quelques mois, la filière viticole a réussi à se réorganiser en profondeur.
Qui aurait cru que la filière ovine parvienne à contractualiser avec la grande distribution ? C'est désormais chose faite.
Un chemin est donc possible à force de volonté. Un chemin est nécessaire parce que l'agriculture, je l'ai déjà dit, n'est pas seulement le passé de la France. L'agriculture est l'avenir de la France. Les agriculteurs ne sont pas uniquement, comme je l'entends trop souvent dire, nos parents et nos grands-parents, les agriculteurs ce sont d'abord nos enfants. Et je pense ici, en particulier, aux jeunes agriculteurs que j'ai rencontrés dans la Somme dimanche et qui ont donné un exemple formidable de ce qu'est l'avenir de l'agriculture française.
Au-delà des ces mesures d'urgence que je viens d'annoncer, DACS Agri et versements anticipés des aides de la PAC, nous avons besoin de plans de développement pour consolider l'avenir de certaines filières, je pense en particulier à la filière bovine, à la filière porcine et à la filière laitière.
Sur décision du Président de la République et du Premier ministre, 300 millions d'euros sur 3 ans, vont être débloqués pour financer ces plans de développement. C'est une somme considérable dans une période de réduction budgétaire comme celle que nous vivons actuellement. Je souhaite que chacun prenne la mesure de l'effort consenti par l'Etat.
Ces plans sont une nécessité absolue car je le redis : je ne laisserai tomber aucune filière, je ne laisserai tomber aucune exploitation, je ne laisserai tomber aucun paysan.
J'ai vu trop de drames personnels autour de moi, trop de détresse, pour ne pas me battre chaque heure, de chaque jour, de chaque semaine pour les paysans français.
- La filière bovine
S'agissant de la filière bovine, que j'ai rencontrée il y a seulement quelques heures, nous en avons parlé très longuement avec l'interprofession et notamment avec Pierre CHEVALIER que je salue au passage.
Cette filière connaît une crise structurelle depuis des années. Elle a dû affronter :
* Une concurrence allemande et italienne de plus en plus forte.
* L'émergence de nouvelles puissances agricoles comme le Brésil.
* La volatilité croissante des prix de l'alimentation qui pèse terriblement sur les coûts de production : en quelques semaines, le coût de l'alimentation animale a augmenté de 15 à 20 %. Ce n'est pas supportable pour les producteurs, ce n'est pas supportable pour l'équilibre financier des exploitations.
* La filière a dû également mettre en oeuvre des règles administratives et environnementales toujours plus exigeantes.
* Elle a été confrontée, je le rappelle, à des attaques systématiques contre la consommation de viande, notamment de la part de chanteurs célèbres que je préfère entendre sur scène plutôt qu'à la tribune du Parlement européen.
Malgré ces difficultés structurelles, je veux dire toute ma confiance dans l'avenir de la filière bovine :
* La filière bovine, ce sont des milliers d'emplois.
* La filière bovine, c'est un savoir faire exceptionnel.
* La filière bovine, c'est un atout économique majeur pour la France.
* La filière bovine c'est une condition de l'aménagement de notre territoire : est-ce qu'on imagine un instant la Bretagne, le Limousin, ou la Saône-et-Loire sans l'élevage bovin ? Est-ce qu'on imagine un instant les Pyrénées sans élevage ? Ou les Alpes ? Qu'est ce que deviendraient les départements isolés, sans outils économiques industriels s'ils n'avaient pas l'élevage ?
Il est donc hors de question de laisser tomber la filière bovine. Je ferai tout pour lui redonner des perspectives. Mais soyons clairs, seul un engagement collectif de toute la filière, producteurs, marchands, industriels, coopératives, abatteurs, bouchers, grande distribution permettra de construire des solutions réalistes et efficaces. Assez avec les divisions ! Assez avec les querelles de chapelles ! Nous devons poursuivre notre travail dans le même état d'esprit constructif que celui qui a présidé à notre réunion de l'interprofession hier au ministère. Vous pouvez compter sur mon engagement total en ce sens. Nous nous verrons le nombre de fois qu'il faudra pour mettre en oeuvre les recommandations que je vais maintenant formuler devant vous.
La solution, c'est d'abord d'avoir un prix pour le producteur. Il manque plusieurs centimes d'euros pour que les producteurs parviennent à couvrir leurs coûts de production.
Ces centimes, nous irons les chercher un à un pour les rendre aux producteurs.
Je souhaite donc que, dans le cadre de l'interprofession, une discussion s'ouvre avec la transformation et la grande distribution pour mieux rémunérer le travail des producteurs. Il n'est pas normal que depuis 15 ans le prix payé par le consommateur ne cesse d'augmenter, en matière de viande bovine, quand le prix payé aux producteurs ne cesse de stagner ou de baisser. Le producteur est le perdant systématique depuis 15 ans. Cela doit changer.
Je souhaite également que l'observatoire des prix et des marges rétablisse un juste équilibre dans la répartition de la valeur ajoutée dans la filière au profit des producteurs. En accord avec Christine LAGARDE, un économiste de renom, spécialiste des questions agricoles, Philippe CHALMIN assurera la présidence de cet observatoire. Je veillerai à ce qu'il dispose de tous les moyens nécessaires pour faire toute la transparence sur les prix et sur les marges dans cette filière, comme dans toutes les filières agricoles.
La solution passe aussi par une meilleure réponse aux attentes des consommateurs. Je souhaite donc que l'interprofession modifie la grille de cotations qui date des années soixante et qui valorise des animaux trop lourds. Ces animaux ne correspondent plus aux attentes des consommateurs.
La solution passe encore par une plus grande compétitivité en matière d'abattage. J'engagerai donc un audit de l'ensemble de la filière abattage en France pour moderniser notre outil de production.
Je tiens à le préciser : un abattoir performant, ce n'est pas forcément un abattoir de dimension exagérée. Un abattoir performant, c'est un abattoir où les coûts de production sont maîtrisés et où les produits sont valorisés pour ajuster la juste rémunération des éleveurs. Je crois dans les abattoirs de proximité, j'en ai visité un encore récemment à Paray le Monial en Saône-et-Loire qui fonctionne bien et qui est parfaitement rentable malgré sa taille réduite.
La solution passe enfin par une stratégie agressive de valorisation de nos produits bovins.
Je crois à la qualité des produits français. Je crois à l'étiquetage « Viande bovine française » comme je crois à la mise en place des AOC comme celle du « boeuf de Charolles » que j'ai installé il y a quelques jours.
Je crois à l'engraissement en France des jeunes bovins. Nous avons 1 million de jeunes bovins qui partent chaque année se faire engraisser en Italie et en Espagne avec autant de valeur ajoutée perdue au passage. Je souhaite que 100 000 de ces bovins puissent se faire engraisser en France, tout simplement pour que la valeur ajoutée reste en France pour nos producteurs.
Je crois aussi à la défense des intérêts français à l'exportation. Nous prendrons donc avec l'accord du Président de la République toutes les mesures diplomatiques nécessaires pour lever l'embargo sur les viandes françaises à destination de la Russie et du Japon qui n'a plus aucun lieu d'être. Cette mesure d'embargo n'est une mesure sanitaire c'est tout simplement une mesure protectionniste.
Je crois enfin aux nouveaux outils économiques prévus par la loi de modernisation agricole qui permettront de stabiliser le revenu des producteurs. On peut toujours tout miser sur la spéculation. Mais la spéculation fait la ruine des agriculteurs depuis des années. Je crois plus raisonnable et plus sage de miser sur la sécurité et sur la prévoyance.
La sécurité, ce sont les contrats, car seuls les contrats, dans cette filière comme les autres, permettront de stabiliser le revenu des producteurs.
La prévoyance ce sont des dispositifs assurantiels pour faire face à des aléas économiques, sanitaires et climatiques de plus en plus fréquents. La terrible sécheresse que vient d'évoquer Jean-Michel LEMÉTAYER, que les éleveurs ont subie, en particulier dans le grand Ouest, en est l'exemple le plus frappant. Comment voulez-vous vous en sortir dans votre exploitation avec la tonne de paille à 100 euros ? Comment voulez-vous vous en sortir avec des fourrages dont le prix augmente chaque jour alors que le prix de la viande stagne ou baisse ? Pour la première fois, nous avons mis en place par voie législative un dispositif de réassurance publique qui permettra de créer pour la première fois dans l'histoire de l'agriculture française un dispositif assuranciel pour les fourrages. Je souhaite que ce dispositif assuranciel soit disponible le plus rapidement possible pour que tous les éleveurs puissent en bénéficier et faire face à ce type de calamité.
- La filière porcine
Nous mettrons aussi en place, comme je l'ai indiqué, un plan de développement pour la filière porcine. Nous en avons beaucoup parlé avec Jean-Michel SERRES, nous avons beaucoup travaillé avec l'interprofession et je pense que nous avons beaucoup progressé grâce au dialogue que nous avons ouvert ensemble.
Le constat est sans appel : nous ne cessons de perdre des parts de marché au profit de l'Allemagne. Des millions de porcs sont produits en plus chaque année en Allemagne, des millions de porcs sont produits en moins en France. Je ne vois aucune raison pour que cette situation perdure. Nous pouvons, nous devons inverser la tendance et remonter la pente.
Pour cela nous devons commencer par valoriser la viande porc française. Je tiens à me réjouir ici de l'accord qui a été trouvé entre les producteurs, les abatteurs, les transformateurs et les distributeurs sur la mention de l'origine de la viande de porc à travers le logo VPF.
C'est la première fois dans l'histoire de la filière que l'ensemble des acteurs arrive à se mettre d'accord sur un label. C'est un atout majeur pour notre production car cela va permettre de donner un meilleur prix aux producteurs et de valoriser tous les efforts consentis par la filière en matière de qualité et de sécurité sanitaire. Poursuivons maintenant ce travail sur tous les produits. Vous savez qu'en tout état de cause, je le dis pour ceux qui seraient réticents à avancer dans cette direction, nous porterons cette demande d'étiquetage de tous les produits au niveau européen. Cela à été un grand sujet de discussion lors du débat sur la loi de modernisation agricole, qui d'ailleurs à fait l'objet d'un consensus droite et gauche confondues.
Mais nous ne pourrons remonter la pente que si nous définissons aussi, je le reconnais bien volontiers, un cadre administratif simplifié en matière d'installations classées.
Je veillerai donc au respect des nouveaux délais d'instruction fixés par la loi dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture, en matière d'instruction des dossiers. Un an c'est un an, et je le dis devant le Préfet de la région de Bretagne, un an c'est un an, et il n'est pas question de laisser dépasser ces délais en matière de traitements des dossiers administratifs.
Je me battrai également au sein du Gouvernement pour que le nouveau décret sur les installations classées, prévu par la LMAP, favorise le regroupement des installations porcines dans le respect des règles européennes et de leur seuil, ni plus, ni moins. C'est une question de bon sens, c'est une question de cohérence, c'est une question d'équité pour les producteurs de porc en France par rapport à leurs concurrents européens.
Ce décret a été prévu par la loi. Il doit maintenant sortir rapidement suivant les règles que j'ai fixées. Les règles européennes, ni plus, ni moins en matière de regroupement des élevages.
Je souhaite enfin que ces règles soient fixées une fois pour toutes. Rien n'est plus dommageable à la visibilité des producteurs que les changements incessants de réglementation, les changements incessants de seuil, et d'exigences environnementales ou autres. Ils ont besoin de stabilité ! Ils ont besoin de savoir où ils vont !
Rien n'est plus dommageable non plus à la visibilité des producteurs que les exigences exagérées et incompatibles avec le principe même de leur production. 10 milligrammes de nitrates par litre d'eau, ce n'est pas un seuil réaliste. Oui au respect de l'environnement. Non au découragement des producteurs.
Remonter la pente, cela suppose encore de soutenir les éleveurs en matière de mise aux normes sur le bien-être animal. Cette mise aux normes elle a un coût considérable pour les éleveurs de porcs. Mais nous ne pouvons pas reporter le délai de 2013, car ce ne serait compatible avec nos engagements européens. En revanche, nous pouvons renforcer l'accompagnement financier des producteurs.
Je vous annonce donc que nous doublerons l'aide financière de l'Etat par truie gestante de 100 à 200 euros. Nous porterons également le seuil par élevage de 15 000 à 50 000 euros pour que cette mesure soit la plus efficace possible. Un effort supplémentaire sera également fait en faveur des jeunes agriculteurs et des agriculteurs en zone de montagne. Au total ce soutien à la mise aux normes des installations porcines avant 2013 représente une dépense de 60 millions d'euros pour l'Etat.
Je sais par ailleurs que des difficultés similaires se posent pour les filières avicoles. Nous serons, je tiens à le dire, également au rendez-vous.
Enfin comme l'a indiqué Jean-Michel LEMÉTAYER, nous devons stabiliser les coûts de production, en particulier le coût de l'alimentation animale. Cela passe par le développement de contrats entre les filières de l'élevage et les filières de grandes cultures de manière à lisser les prix de l'alimentation sur plusieurs années. Il faut que le producteur de porc sache à quoi s'en tenir en matière de coût de son alimentation qui représente 60% de son coût de production. Je ne connais pas une autre filière économique dans laquelle lorsqu'un coût dépend à 60% d'une matière première, on ne stabilise pas sur plusieurs années le coût de cette matière première. Seuls les contrats inter-filières permettront de la faire et je tiens d'ailleurs à saluer les premiers pas qui ont été faits en ce domaine par les producteurs de blé et de maïs et par les responsables de l'alimentation animale.
- La filière laitière
S'agissant de la filière laitière, un plan de développement est également nécessaire même si un travail considérable a déjà été mené depuis plusieurs mois qui commence à donner des résultats.
Je me félicite de l'accord conclu le 18 août qui permet de garantir le revenu des producteurs jusqu'à la fin de l'année, mais je ne me tiendrai pas à cette seule solution. Ici aussi les producteurs ont besoin de visibilité. Et je rencontre trop souvent chez moi en Normandie des jeunes producteurs, qui en 2008, parce que les prix du lait étaient au plus haut, ont investis en achetant des robots de traite ou en mettant aux normes leur installation, pour 100 000, 150 000, 200 000 ou 300 000 euros, en pensant que les cours se maintiendraient et qui ne sont pas arrivés à rembourser leurs investissements en 2009 lorsque les prix se sont effondrés. Ce sont souvent les plus dynamiques, ceux qui ont le plus investis, qui ont le plus souffert de la crise en 2009. Eux aussi ont besoin de stabilité, eux aussi ont besoin de visibilité.
La visibilité sur le revenu, c'est le contrat. Nous avons laissé à l'interprofession le soin de les négocier et je souhaite qu'elle aboutisse. Mais l'Etat prendra toutes ses responsabilités si un accord interprofessionnel n'est pas possible. Le dispositif doit être prêt avant la fin de l'année pour que ces contrats soient mis en oeuvre au début de la prochaine campagne laitière, en avril 2011.
Puisque je parle de l'interprofession, permettez-moi un mot sur les événements récents. Je tiens à condamner l'occupation par la force des locaux de l'interprofession laitière. La force n'est jamais la solution. Maintenant, je crois qu'il serait dans l'intérêt de chacun de renouer les fils du dialogue. Les interprofessions sont des organismes de droit privé, cela a été rappelé pendant le débat parlementaire et les décisions n'appartiennent qu'à elles. Cela ne m'empêche pas de penser que des discussions informelles au sein du collège des producteurs entre les éleveurs de tous les organismes représentatifs seraient utiles. Je note d'ailleurs qu'Henri BRICHART avait ouvert une porte il y a quelques semaines en ce sens. Le dialogue est toujours utile, surtout dans les périodes que nous traversons aujourd'hui.
Nous devons aussi nous préparer à la fin des quotas en 2015. Le constat est très clair : la gestion par département ne règle pas les difficultés des producteurs les plus fragiles, elle ne freine pas la désertification laitière comme dans le Sud-Ouest et elle interdit en même temps le renforcement de la filière à certains endroits du territoire. Le modèle de gestion à la française a certainement ses avantages puisqu'il permet une redistribution uniforme des volumes. Mais il a aussi un défaut considérable, qui a favorisé l'importation massive de lait en provenance d'Allemagne : il ne tient pas compte de la compétitivité des exploitations et de la filière.
Comme je suis quelqu'un de pragmatique, je ne vois pas pourquoi nous nous interdirions de réfléchir à une organisation plus efficace. Je propose donc que nous examinions tous ensemble le passage à une gouvernance par bassin, comme cela à d'ailleurs été fait, comme me l'indiquait le Préfet dans la région du Grand-Ouest. Je suis évidement attaché au maintien de la production sur tout le territoire. Je ne crois pas à l'agrandissement à outrance des exploitations. Je crois à des exploitations de taille raisonnable, je crois à des exploitations qui maîtrisent leurs coûts de productions et qui valorisent leurs produits. Mais je crois aussi à une meilleure cohérence entre l'outil de production et l'outil de collecte et de transformation en matière laitière et il me semble que la gestion par bassin est le meilleur moyen de parvenir à cet objectif, de renforcer la compétitivité de la filière, de freiner les importations de lait en provenance d'Allemagne et de reprendre notre position dans ce domaine.
Le plan de développement permettra aussi de financer les investissements pour moderniser les exploitations. Je crois au développement des plans de performance énergétique, comme au développement de la méthanisation que nous soutiendrons financièrement, qui apporte un surcroît de revenus aux producteurs tout en contribuant aux enjeux environnementaux. Cela fera partie de l'enveloppe de 300 millions d'euros.
Enfin, toujours sur la base de ces 300 millions d'euros, nous encouragerons les investissements dans l'innovation pour l'industrie laitière. Et je veux saluer ici au passage la qualité de notre industrie agro-alimentaire, dans le secteur laitier comme dans les autres secteurs, car c'est la réussite de l'industrie agro-alimentaire qui fait aussi la réussite et le revenu de l'ensemble des producteurs.
De ce point de vue, je suis heureux de vous annoncer que Sodiaal et les banques créancières d'Entremont Alliance ont abouti hier à la signature de l'accord de principe sur la reprise d'Entremont Alliance par Sodiaal. Le processus de rachat se poursuit avec l'information et la consultation des instances représentatives du personnel qui ont débuté fin juin.
Une de mes premières visites en Bretagne s'était déroulée sur ce sujet-là. J'avais fait une promesse, j'avais pris un engagement. La promesse a été tenue, et l'engagement à été respecté.
Derrière tous ces plans de développement : plan de développement de la filière bovine, plan de développement de la filière porcine, plan de développement de la filière du lait. Il y a, vous le voyez, une certaine idée de l'agriculture française que je voudrais préciser.
Une agriculture française qui doit d'abord être une agriculture diversifiée : le modèle des exploitations de taille démesurée avec des produits uniformes n'est pas pour nous, n'est pas pour la France. Il n'est pas conforme à notre tradition. Il n'est pas dans notre intérêt économique. Il est néfaste pour l'emploi. Une production diversifiée, cela suppose des circuits de commercialisation renouvelés, en particulier le développement des circuits courts qui sont intégrés dans la loi. Cela suppose enfin un engagement des collectivités locales en matière de restauration collective. Et je suis prêt à y réfléchir avec elles.
Notre agriculture française est aussi une agriculture durable. Ce cap a été fixé depuis plusieurs années. Il a été rappelé par le Président de la République. Il est conforme aux attentes de la société française. Il doit donc être tenu. Mais il doit être tenu en tenant compte de la réalité économique des producteurs comme de la concurrence européenne, de la réalité économique des producteurs comme de la concurrence européenne. Vous avez connu en 2009 une crise du revenu sans précédent : il me paraît sage par conséquent de faire un moratoire sur toutes nouvelles règles environnementales en matière agricole. Il me paraît sage également de se donner du temps pour appliquer certaines décisions qui avaient été envisagées avant la crise, qui ne sont plus pertinentes après la crise : 5 % de particularité topographiques en 2012 ce n'est pas raisonnable. Il me paraît sage également de faire preuve de souplesse et tout simplement de pragmatisme agronomique : 100 % de couvert hivernal cela n'a pas de sens sur certaines terres comme sur les terres argileuses. Enfin tenons nos engagements. Le Président de la République a annoncé que les 44 tonnes pourraient circuler en France prochainement et transporter toutes les matières agricoles ou agro-alimentaires. Que ces 44 tonnes circulent rapidement en France pour transporter toutes les matières agricoles et agro-alimentaires ! Le feuilleton à multiples épisodes du 44 tonnes cela suffit ! Le décret doit maintenant sortir rapidement et vous permettre de bénéficier des avantages concurrentiels qui seront liés à cette circulation.
Notre agriculture française est donc une agriculture diversifiée. C'est une agriculture durable. C'est aussi et enfin une agriculture qui doit être compétitive. La compétitivité est la condition du maintien du modèle français. Si nous ne sommes pas compétitifs, nous ne cesserons de nous affaiblir au profit de nos concurrents européens ou internationaux. On peut toujours rêver d'un prix fixé administrativement pour le lait à 400 euros la tonne. Mais si c'est pour que cet engagement ne soit pas respecté, cela ne vaut pas la peine. Si c'est pour que cet engagement favorise l'importation massive de lait en provenance de l'Allemagne, cela ne vaut pas la peine. La compétitivité est une condition du maintien de notre modèle agricole français. Si nous sommes compétitifs, tout au long de la filière agricole. Car la compétitivité n'est pas que l'affaire des producteurs, c'est aussi l'affaire des transformateurs, c'est aussi l'affaire des industriels, c'est aussi l'affaire de la distribution, c'est l'affaire de la filière alimentaire dans son ensemble.
Si nous sommes compétitifs du producteur jusqu'au transformateur, nous pourrons non seulement sauver mais surtout affirmer notre modèle agricole.
Toutes les pistes doivent êtres ouvertes. Y compris la question difficile du coût du travail. Nous avons réussi à résoudre presque la moitié de la difficulté, en exonérant de toutes charges sociales et patronales le coût du travail occasionnel en France. Je souhaite désormais que les parlementaires, comme le propose la loi, nous fassent des propositions concrètes sur le travail permanent. Je sais que Marc LE FUR travaille attentivement sur ce sujet comme sur d'autres, j'attends les propositions en ce domaine pour que nous puissions renforcer la compétitivité agricole française.
Enfin, au-delà de ces plans de développement, au-delà de ce modèle agricole français je sais peut-être mieux que personne combien vous avez besoin d'un cadre européen et d'un cadre international stable.
La première de mes responsabilités c'est de me battre en Europe et dans le monde pour défendre les intérêts agricoles français, pour défendre les intérêts agricoles des producteurs. Vous pouvez compter sur mon engagement total et sur l'engagement total du Président de la République en la matière.
L'Europe est l'horizon de notre agriculture. L'Europe est notre marché commun. L'Europe est notre avenir agricole. C'est là que vos intérêts vitaux sont en jeu. C'est sur ce front que je me bats avec le soutien du Président de la République et aussi des députés européens à qui je veux rendre hommage car ils nous apportent un soutien précieux au Parlement sur nos vues notamment en matière de régulation.
Pour l'emporter en Europe, il y a un certain nombre de conditions. Ca n'est pas dans un claquement de doigts, en proclamant que nous sommes la France, que nous seront nécessairement écoutés. Pour l'emporter en Europe, et j'estime que depuis un an nous avons parcouru un chemin considérable dans ce sens, il faut d'abord montrer que nous sommes en mouvement, que nous ne sommes pas figés sur nos certitudes, que nous sommes capables de bouger. L'adoption de la loi de modernisation a montré que nous étions capable de bouger, a montré que nous étions capable de nous moderniser, et nous a permis de sortir d'un certain isolement pour affirmer la modernité de l'agriculture française.
Pour l'emporter en Europe, il faut aussi des propositions nouvelles. Nous avons mis depuis un an la régulation des marchés agricoles au coeur du débat. Et je veux le redire ici, devant vous, à Rennes, avec beaucoup de force. La libéralisation totale des marchés agricoles n'est pas seulement une erreur, c'est une faute. Il faut des règles. Il faut de la transparence. Il faut une organisation des marchés. Il faut des capacités d'intervention sur les marchés agricoles quand cela va mal. La régulation, ça n'est pas lutter contre le marché. La régulation c'est organiser le marché. La régulation ce n'est pas contre les agriculteurs. La régulation, c'est pour les agriculteurs. La régulation ce n'est pas contre l'agriculture d'un pays ou d'un autre. La régulation c'est pour défendre l'agriculture européenne pour défendre les intérêts de tous les agriculteurs européens.
Pour l'emporter en Europe, il nous faut enfin des alliés. La France qui fait cavalier seul c'est très chevaleresque, c'est très beau mais en général ça se finit par des défaites cinglantes. La France avec des alliés, c'est encore plus beau, et à la fin on peut avoir la victoire. Pour la première fois de l'histoire de la PAC, nous aurons cet après-midi une position commune entre la France et l'Allemagne sur l'agriculture. J'ai eu hier soir mon homologue Ilse AIGNER, qui m'a confirmé que le gouvernement allemand et la Chancelière allemande étaient prêts à signer cette position commune. Je partirai dans moins de deux heures à Berlin, signer la première position commune dans l'histoire de la politique commune européenne, entre la France et l'Allemagne sur l'avenir de la PAC après 2013. C'est la meilleure nouvelle que je pouvais annoncer aujourd'hui à tous les agriculteurs français.
Il faut aussi être ferme dans les négociations internationales. L'agriculture n'est pas une monnaie d'échange. L'agriculture n'est pas une variable d'ajustements dans les négociations internationales, on n'échange pas des rafales contre un certain nombre de biens agricoles, notamment des bovins. Nous n'irons pas plus loin sur les négociations au sein de l'OMC, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler au Conseiller du Prédisent OBAMA il y a quelques jours à Washington. Nous n'irons pas plus loin sur les négociations avec le MERCOSUR et je veux redire au moment où le Commissaire européen s'en va le coeur vaillant négocier l'accord entre l'Union européenne et le MERCOSUR, l'opposition totale de la France à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et le MERCOSUR qui se ferait sur le dos des éleveurs et des producteurs agricoles français ou européens. L'Europe n'est pas le marché d'écoulement de tous les produits agricoles des pays d'Amérique du Sud.
Enfin toujours sur des questions internationales, le Président de la République a mis la régulation du marché des matières premières agricoles au coeur du G20. C'est la première fois que le G20 s'occupe de ces questions. C'est la première fois qu'au niveau des chefs d'Etats on va parler d'agriculture et de régulation des marchés agricoles. Halte à la spéculation sur les matières premières agricoles ! Halte à la spéculation sur ce qui fait l'alimentation du monde ! Nous avons dit halte à la spéculation financière. Il serait peut être temps de dire halte à une spéculation qui touche des biens encore plus vitaux qui sont l'alimentation de l'ensemble des habitants de la planète. La spéculation ça veut dire quoi :
* Ca veut dire des agriculteurs en France et en Europe qui ne s'en sortent pas.
* Ca veut dire une agriculture qui n'arrive pas à se développer en voie de développement.
* Ca veut dire des pays qui ne savent plus comment s'approvisionner lorsque la Russie décide de fermer ses exportations de blé.
* Ca veut dire des émeutes de la faim.
* Ca veut dire l'instabilité stratégique dans un certain nombre de pays.
Il est temps d'y mettre fin.
Je fais donc trois propositions, que j'ai eu l'occasion de présenter au gouvernement chinois, au gouvernement américain il y a quelques jours et que je présenterai au gouvernement russe dans quelques semaines :
* Limiter le nombre d'acteurs purement financiers sur les marchés agricoles.
* Limiter le nombre de contrats à terme.
* Encadrer les prises de positions sur les marchés pour éviter les effets spéculatifs.
Chers amis,
Vous le voyez, le Gouvernement français, le Président de la République, le Ministre de l'Agriculture ont une détermination sans faille pour soutenir l'agriculture française, notamment le secteur de l'élevage qui traverse aujourd'hui les difficultés les plus grandes. Nous avons une détermination sans faille pour permettre à chacun de s'en sortir, Nous avons une détermination sans faille pour offrir un avenir constructif à l'agriculture française.
Nous avons un cap, nous avons des idées, nous avons une vision, nous avons un engagement européen et international que nous tiendrons et sur lequel nous arriverons à faire bouger les lignes.
Le dernier mot que j'aurais à vous dire, c'est que j'ai besoin de vous, car ça n'est que rassemblés, ce n'est qu'en travaillant tous ensemble, ce n'est qu'à force de dialogue et de rassemblement de l'ensemble du monde agricole français que nous parviendront à défendre l'avenir de notre agriculture.
Je vous remercie.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 septembre 2010