Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur les principaux axes du projet du Grand Paris, à l'Assemblée nationale le 29 septembre 2010.

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Circonstance : Premières Assises du Grand Paris, à l'Assemblée nationale le 29 septembre 2010

Texte intégral

Je suis très heureux de pouvoir aujourd’hui, devant vous, présenter la situation du Grand Paris et les perspectives actuelles.
La tenue de ces Premières Assises du Grand Paris, à l’initiative de Yannick Patternote, d’Yves Albarello et de Manuel Vals, que je salue, est la manifestation de la réussite de l’ambition du Président de la République, car nous sommes aujourd’hui à une étape importante du projet, forts d’un travail de conception déjà riche.
En entamant cette présentation, je voudrais commencer par saluer Christian Blanc qui a fait naître ce projet, l’a fait mûrir, a défendu et fait voter ici même une loi qui a donné les outils de la mise en oeuvre de ce projet.
Vous le savez, le chantier du Grand Paris, par son ampleur et son ambition, est l’un des dossiers majeurs de ce mandat, de cette législature. Avant de vous en souligner les lignes directrices, je voudrais d’abord insister sur un point.
Le Grand Paris n’est pas un projet qui doit nous diviser, mais bien au contraire nous réunir. Il s’agit d’un projet qui répond à des aspirations profondes de nos concitoyens, à commencer par celle du bien-être, et même – disons le – du bonheur au coeur de l’agglomération qui concentre aujourd’hui le 6ème de la population française, soit plus que les 14 premières agglomérations françaises réunies. Les transports – que ce soient ceux de demain ou ceux d’aujourd’hui – les projets de territoire, le développement économique,… ce ne sont là que des moyens de répondre à cette grande ambition.
Le Grand Paris, c’est aussi un projet que l’Etat ne peut ni ne veut conduire seul, c’est un projet qui a besoin de toutes les énergies, tout particulièrement de l’énergie des collectivités territoriales qui sont les plus à même de connaître les enjeux, les caractéristiques, le contexte propre à chacun de leur territoire.
Mais venons en au fond.
1/ Nous entrons dans la deuxième phase du Grand Paris…
Depuis quarante ans, aucune vision d’ensemble n’a été lancée par l’Etat pour l’ensemble de la région.
Dans une France territoriale dynamisée par la décentralisation et l’intercommunalité, le Bassin parisien avait, lui aussi, besoin d’un nouvel élan, de nouvelles perspectives.
Certes Paris a changé. Beaucoup a été fait sous l’impulsion de l’Etat ou des collectivités…mais sans véritable coordination, et sans le souci d’une plus grande unification des territoires.
Paris est un centre mondialement connu, reconnu et attractif. Aujourd’hui Paris ne peut se contenter de vivre de son passé de « Capitale du XIXème siècle », nous nous sommes donné un défi : en faire une métropole du XXIème siècle. Car dans la compétition que se livrent aujourd’hui les métropoles, rien n’est acquis. Il faut constamment se montrer ambitieux et inventif. Regarder toujours plus loin.
C’est en agissant en même temps sur tous les leviers du développement de la région capitale que nous donnerons ensemble ce nouveau souffle nécessaire.
Le Grand Paris doit dépasser les clivages, centre / périphérie, Paris / banlieue, Est/ Ouest, Nord / Sud…pour devenir une véritable métropole, fluide et cohérente, une ville au sens noble, avec ses multiples centralités, et non plus une simple agglomération.
Il s’agit d’une grande ambition pour l’ensemble des Français, un projet qui concerne l’ensemble de nos concitoyens sans exception.
Mais Paris et sa région accueillent aussi le monde entier tous les jours et sont tournés vers l’extérieur. C’est là l’extraordinaire atout de la région capitale, il est essentiel de ne pas le gâcher :
- Aujourd’hui la mondialisation se fait par et dans les métropoles,
- L’innovation se concentre autour de grands réseaux d’agglomération à l’interface entre les multiples composantes de la vie métropolitaine.
Il s’agit donc de faire de Paris une Ville-Monde, un moteur de la croissance pour toute la France dans la compétition internationale des territoires. Nous devons être conscients des concurrences européennes et mondiales, de la compétition des grandes villes du Nord et du Sud. Or il n’y a plus de grandes villes aujourd’hui sans un hinterland riche, dynamique et pluriel.
Cet enjeu méritait une réflexion collective et un engagement fort de l’Etat et du Gouvernement.
Par ailleurs, la complexité de la région parisienne, les différents points de vue territoriaux, économiques et politiques, la nécessité d’une approche globale et d’investissements très lourds justifient l’intervention et le soutien attentif de l’Etat.
Aujourd’hui, le dossier a bien avancé: une dizaine de projets de territoires, en petite comme en grande couronne, ont, pour l’heure, été préparés ou esquissés, un schéma de renouveau des transports est conçu, la concertation, avec un grand débat public, sera lancée dans deux jours, des « contrats de développement territorial » seront bientôt préparés. Nous avons enfin un agenda qui donne des perspectives pour les quinze années à venir.
Alors, certes, comme pour toute réforme, il y a des craintes et des résistances !
Mais y -a –t- il de véritables projets alternatifs ?
Qu’a-t-on fait pour régler la question des transports en région parisienne depuis des décennies – et il ne s’agit pas là de rejeter la pierre à qui que ce soit, droite et gauche se sont partagés les responsabilités à la tête du STIF depuis de longues années ? Peut-on se contenter de répondre – toujours a posteriori – aux difficultés de réseaux qui ont souffert d’un déficit chronique d’investissement durant tant d’années ?
Qu’a-t-on fait pour rendre visible les richesses, principalement immatérielles, présentes sur tous – je dis bien tous – les territoires de la région capitale ? L’action de l’Etat a-t-elle été suffisante pour favoriser le développement économique et pour un meilleur partage de ses fruits ?
Bien sûr le SDRIF, en cours d’examen par le conseil d’Etat, constitue une première étape et la contribution de la Région d’Ile de France sur ces questions. Mais, s’agissant d’un enjeu national, il fallait bien aller plus loin, définir une ambition plus haute et dépasser les frontières administratives et territoriales. C’est bien là le rôle de l’Etat stratège, garant de l’intérêt général et national. C’était aussi la volonté du Président de la République de faire de cette région un chantier exemplaire et exceptionnel de modernité, économique, technologique, environnementale, architecturale et sociétale. Et ce chantier il se fera à partir d’un matériau noble, les richesses déjà présentes localement et la vision et les projets que les élus portent comme fruit de leur connaissance intime de leur territoire et de leurs habitants.
2/ …En modernisant le réseau de transports urbains pour désenclaver les territoires…
Première brique de ce grand chantier, le déploiement d’un nouveau réseau de transports en région parisienne est une priorité, car c’est une nécessité.
Tout le monde le sait, le réseau des transports franciliens est à bout de souffle alors même que c’est le lot quotidien des plus nombreux et des plus modestes de ses habitants. Avec le logement, la mobilité est un des paramètres essentiels de la qualité de vie en ville, ou en banlieue. Or certaines lignes de métro sont saturées de voyageurs et d’autres sont techniquement datées.
Le désenclavement, le développement économique et la cohésion sociale de la région Ile de France passent par une révolution des transports comparable à celle qui vit naître le métro puis le RER et qui intègre nécessairement deux volets indissociables : le traitement des besoins quotidien des usagers d’aujourd’hui et l’anticipation des besoins de demains. Il faut à la fois résoudre les problèmes qui n’ont pas été anticipés jadis et éviter que de nouveaux problèmes naissent dans quinze ans.
L’Etat s’engage fortement sur ce projet.
Tout d’abord, il tient sa parole et investit pour l'amélioration des transports au quotidien puisque l’essentiel des projets de transports en Ile de France sont déjà cofinancés par l'Etat à hauteur de 30%, voir plus, dans le cadre du Contrat de Projet Etat-Région ou, plus récemment, dans le cadre du Plan Banlieue. Je le répète, dans ce domaine, l’Etat s’est toujours engagé aux côtés des collectivités territoriales et, lorsque les projets étaient prêts, il a toujours tenu ses engagements. Il n’y a aucune raison que cela change aujourd’hui.
Dans le cadre du Contrat de Projet Etat-Région 2007-2013, l’Etat participe ainsi à hauteur de 766 millions d’euros au financement des investissements en matière de transport. A cela il convient d’ajouter les 400 M€ prévus par l’Etat jusqu’en 2015 pour la rénovation du matériel roulant SNCF roulant en Ile de France et l’enveloppe de 220 millions d’euros destinée au Plan Espoir banlieue. Rien que pour 2010, l’Etat prévoit d’engager 115 millions d’euros pour le CPER et 25 millions d’euros pour le Plan Espoir banlieue.
Ces crédits sont affectés à un grand nombre de projets dont certains mis en service à brève échéance : prolongements de lignes de métro, modernisation des RER au travers du projet RER B+ ou des schémas directeurs des RER C et D, tangentielle Nord, tram-train Massy-Evry…
Ce qui est en jeu c’est l’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers, la bonne articulation des réseaux entre eux et bien sûr l’amélioration, à chaque fois que cela est possible, de l’accessibilité aux zones d’emploi de la région capitale.
Ensuite, l’autre grande priorité c’est de réaliser dès aujourd’hui les investissements indispensables aux besoins de demain. La crise du transport public en région Ile de France, crise qui se traduit par la saturation des réseaux existants, par des défaillances à répétition, par une qualité de service perçue comme insuffisante, provient essentiellement de ce que les investissements indispensables n’ont pas été réalisés en temps et heure.
Il importe qu’aujourd’hui la même erreur ne soit pas commise à nouveau. Nous pouvons dépenser des centaines de millions d’euros à essayer de régler les problèmes hérités des défaillances d’hier, cela ne sert à rien si – dans le même temps – nous ne réalisons pas les investissements qui éviteront demain les mêmes difficultés.
Je ne détaillerais pas plus avant le projet de métro automatique soumis au débat public. La Société du Grand Paris a réalisé un gigantesque travail d’études et de préparation, le débat public qui commence demain permettra d’en prendre toute la mesure.
Je voudrais toutefois insister sur un point : aujourd’hui il y a deux projets : celui porté par l’Etat, celui porté par la Région. Loin d’être incompatibles ils relèvent d’analyses souvent proches, parfois complémentaires. Les deux débats qui s’ouvrent demain doivent être l’occasion d’une discussion apaisée, sérieuse, porteuse de valeur ajoutée, qui puisse transcender les clivages politiques traditionnels. C’est là une condition nécessaire pour aboutir à leur issue, au projet unique que j’appelle de mes voeux, projet qui ne doit rien renier des objectifs fixés par l’Etat ou par la Région, mais qui peut évoluer quant à la manière de les atteindre.
3/. …Et en favorisant le développement de pôles économiques.
Faire que Paris demeure une Ville-Monde est l’un des enjeux de ce grand projet. Pour y arriver, revitaliser le système de transport de la région capitale est totalement insuffisant. Les architectes-urbanistes du Grand Paris l’ont parfaitement mis en exergue : il est essentiel de penser le développement économique, le développement urbain et les transports comme les facettes d’un grand tout.
Réunifier la région capitale est l’un des enjeux de ces chantiers : l’Est et l’Ouest, le Sud et le Nord, la Grande et la Petite couronne ne communiquent pas, ou très difficilement. On a trop souvent opposé de manière caricaturale l'idée de relier les pôles économiques d'une part, et de desservir les habitants là où ils vivent d'autre part. Or c’est oublier que les citoyens doivent accéder aux bassins d'emploi, et que les entreprises doivent trouver la ressource humaine là où elle vit. Unifier le grand bassin de l’emploi de la région capitale et y donner accès à ceux qui en sont aujourd’hui physiquement marginalisés ou exclus est un enjeu crucial de ce projet. Les difficultés d’accès à la plateforme aéroportuaire de Roissy pour les habitants du Val d’Oise ou de Seine et Marne, qui – je le sais – vous tiennent à coeur Messieurs les députés Yannick Paternotte et Yves Albarello, sont tristement emblématiques de ce à quoi il nous faut tous répondre.
Le Grand Paris vise également à renforcer et développer les moteurs de la croissance de la région capitale et de toute la France. Ces moteurs, ce sont les territoires où se côtoient d’ores et déjà des potentiels économiques, scientifiques, technologiques, culturels,… Ces potentiels, il s’agit de les marier, de les aider à se croiser car c’est des interfaces que naitront les innovations de demain. Les contrats de développement territoriaux qui seront négociés entre l’Etat et les collectivités sur chacun de ces territoires, viseront à permettre cette fertilisation croisée tout en redessinant la ville, en lui donnant une âme, là où elle n’est parfois que juxtaposition de bâtiments.
La négociation des « contrats de développement territorial » permettra une association plus étroite et concrète des collectivités, qui pourront instiller dans le projet les besoins locaux. Pour réussir le Grand Paris, l’Etat a besoin des collectivités, les collectivités ont besoin de l’Etat. Ces contrats sont l’esquisse d’une nouvelle gouvernance des projets en région parisienne. J’insiste sur un point : nous allons avancer ensemble. Avec ces contrats, l’Etat se fait le porteur de la volonté et des projets des élus.
Nous sommes aujourd’hui au milieu du gué. Personne ne peut dire que ce chantier prioritaire n’a pas avancé fermement et rapidement.
Simultanément, il n’est pas figé, il est au contraire en perpétuel mouvement !
Le développement du Grand Paris doit épouser les évolutions de notre temps, rapides et multiples, il doit pouvoir intégrer de nouveaux projets, accueillir de nouveaux investisseurs.
Il reste, et c’est notre responsabilité collective, acteurs publics et privés, nationaux et locaux, à réussir cette deuxième phase.Source http://www.datar.gouv.fr, le 4 octobre 2010