Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat au développement durable, sur les mesures visant la mise en oeuvre de la responsabilité sociétale des entreprises, à Paris le 6 octobre 2010.

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Circonstance : Cocktail à l'occasion de l'accueil par la France de la 5ème réunion du Governmental Advisoy Commitee (GAC) de la Global Reporting Initiative (GRI), à la Maison de l'Amérique latine, à Paris le 6 octobre 2010

Texte intégral

C'est avec beaucoup de plaisir que, au nom de Jean-Louis BORLOO, ministre d'Etat, j'accueille aujourd'hui les représentants de la Global Reporting Initiative et les membres du Governmental Advisory Committee. Je remercie les représentants de l'OCDE présents ce soir de leur venue, la réunion de la GRI se tenant en effet en marge d'une réunion de l'OCDE. Et cette réunion est importante puisqu'il s'agit de réviser, pour la deuxième fois, un instrument majeur de la gouvernance mondiale, les principes directeurs à l'attention des entreprises multinationales.
Je remercie enfin vous tous ici présents, qui êtes animés d'un intérêt commun, celui de faire évoluer les pratiques des entreprises à travers la mise en oeuvre de la RSE.
La responsabilité sociétale des entreprises est en effet un enjeu majeur, une clé de l'innovation et de la transformation de notre maison commune en une planète plus durable. La RSE est un sujet inscrit à l'agenda des organisations internationales et des gouvernements depuis une dizaine d'années. C'est devenu un sujet majeur pour les entreprises, pour les syndicats, pour les ONG, et en réalité pour toute la société puisque la RSE traite des impacts de l'entreprise sur la société, à travers ses modes de production et de consommation.
Pourquoi cette priorité s'accroît-elle au fil des années ?
La globalisation de nos économies, l'interdépendance de nos ressources naturelles et la mise en compétition, de fait, de nos systèmes sociaux ont conduit les gouvernements à faire appel aux acteurs économiques pour atteindre les objectifs de développement durable.
Je ne rappellerai pas à une audience aussi avertie que la vôtre, l'appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies en 2000, appel qui a donné naissance au Pacte Mondial (Global Compact). De leur côté, les entreprises avaient ouvert le chemin. Les codes de conduite qu'elles avaient édictés ont été leur réponse aux défis économiques, sociaux et environnementaux qu'elles rencontrent ; ces instruments de régulation leur donnent des repères pour agir quel que soit le lieu où elles interviennent.
Ce n'est pas un hasard si l'OCDE a révisé une première fois ses « principes directeurs » en 2000, alors qu'elle les avait adoptés en 1977. Elle l'a fait pour prendre en compte les impacts de l'économie mondialisée. Les Etats membres de l'OCDE se sont engagés à les faire respecter.
Ce sont les mêmes raisons qui ont donné lieu à la GRI, à la fin des années quatre vingt dix. Je voudrais saluer ici cette initiative, née de la détermination de quelques personnalités remarquables, appuyées par des Etats du nord de l'Europe et du Programme des nations unies pour l'environnement. Cette initiative aboutit au système de reporting le plus appliqué aujourd'hui dans le monde.
Où en sommes nous maintenant dix ans après, alors que nous préparons le 20ème anniversaire de la conférence fondatrice de RIO ?
A l'évidence, nous avons tous beaucoup progressé. Il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir. Je crois que nous abordons précisément une période de transition dans la mise en oeuvre de la RSE.
L'une des manifestations les plus évidentes des progrès accomplis réside indéniablement dans l'adoption très récente au plan international, du référentiel Iso 26000.
Ce document constitue une avancée significative en termes de gouvernance mondiale. Il a été rédigé selon une méthode de concertation que je qualifierai de « Grenelle », avec une gouvernance à 5 collèges, et même à 6, avec l'apport d'un collège « académique ». Nous entrons désormais dans la phase d'appropriation.
En France, où près de 600 entreprises adhèrent au Pacte Mondial (Global Compact), nous venons d'adopter une réforme importante de la RSE, dans les lois dites GRENELLE 1 et 2.
La France est connue pour être la première en Europe à avoir adopté un cadre législatif réglementaire pour favoriser les publications extra financières dans les rapports annuels des entreprises cotées en bourse. C'est le fameux article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques, adopté en 2001, avec son décret d'application datant de 2002. Ce dernier texte précise la liste des sujets sociaux et environnementaux que les entreprises doivent aborder.
Les informations extra-financières doivent être présentées dans le rapport annuel soumis à l'assemblée générale. La loi manifeste ainsi l'ambition de rapprocher les informations financières, sociales et environnementales en les regroupant dans le rapport annuel. Elle vise à rendre l'information donnée par les entreprises, crédible, claire et comparable.
Nous avons progressé grâce à ce texte, nous en avons fait le bilan, nous avons aussi regardé ce que nos partenaires avaient mis au point en matière de reporting, et notamment dans les pays que vous représentez ici. Et c'est pourquoi, nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape.
Dans le cadre des lois Grenelle 1 et 2, la France avance encore pour donner un cadre plus ambitieux aux publications des entreprises, afin de franchir une nouvelle étape vers une croissance plus respectueuse des hommes et de l'environnement, comme l'indique notre nouvelle stratégie nationale du développement durable.
Dorénavant donc, avec l'article 225 de la loi Grenelle 2, les informations extra-financières seront publiées sur un périmètre incluant la maison mère, ses filiales - en France ou à l'étranger - ainsi que les sociétés qu'elle contrôle. Les entreprises cotées étaient déjà concernées ; c'est maintenant l'ensemble des grandes entreprises qui sont visées, c'est à dire celles qui ont plus de 500 salariés, soit plus de 2500 sociétés.
La loi demande que les informations soient cohérentes avec les principaux textes internationaux, notamment pour assurer une comparabilité des données. Enfin les informations seront vérifiées par un organisme tiers indépendant.
Le gouvernement prépare actuellement les décrets d'application sur les modalités du reporting et sur la vérification. Pour ce faire, nous allons tenir compte des référentiels internationaux et des exemples étrangers.
Le monde bouge : à nous de nous adapter pour que nous tous, acteurs publics et privés, poursuivions ensemble les mêmes objectifs. Nous avons fort à faire dans ce contexte mondial fragile, où les valeurs essentielles doivent, plus que jamais, être notre capacité de transmettre une planète préservée à nos enfants et placer l'être humain au coeur du développement.
Notre ambition est claire : il ne s'agit pas de demander des rapports sur la démarche de RSE à la seule fin de disposer de documents intéressants. Un enjeu de ces rapports est de changer la gouvernance des entreprises et de faire en sorte que les conseils d'administration, les salariés ou leurs représentants et les actionnaires soient les premiers utilisateurs de ces informations, pour un meilleur pilotage des activités des entreprises. A cette fin, les directions exécutives des entreprises doivent être questionnées sur leurs pratiques et les cadres doivent être évalués à la fois sur leurs performances économiques, sociales et environnementales.
La partie RSE des rapports annuels est également un outil indispensable pour multiplier les occasions de dialogue des entreprises avec l'ensemble de leurs partenaires que ce soit les associations de protection de l'environnement, les consommateurs, les collectivités territoriales, les populations riveraines, etc.
Au-delà de la RSE, je souhaite aussi aborder avec vous la question des investisseurs et donc de l'investissement socialement responsable.
Multiplier la part de l'investissement socialement responsable dans le financement de l'économie est un levier majeur pour donner du sens à la publication d'informations de qualité par les entreprises. C'est pourquoi mon ministère a accordé son haut patronage à la semaine de l'ISR (investissement socialement responsable) qui a débuté ce lundi 4 octobre et qui mobilise, autour d'une soixantaine d'évènements, tous les acteurs de la place financière de Paris.
C'est l'occasion de convaincre les Français qu'en donnant du sens à leur épargne, ils deviennent aussi des acteurs du monde de demain. Je souhaite que cette édition soit la première d'une longue série et que la semaine de l'ISR prenne une dimension européenne dès l'année prochaine.
L'ISR et son pendant qui est le développement du reporting ESG (environnement, social et gouvernance) doivent en effet amener les entreprises à conjuguer performance financière, développement social et respect de l'environnement.
L'article 224 de la loi Grenelle 2 confirme nos ambitions en ce sens. Il prévoit que les gestionnaires de fonds de type OPCVM devront indiquer dans leurs documents comment ils prennent en compte le développement durable. Cette mesure doit garantir une transparence suffisante pour permettre aux investisseurs et aux épargnants de choisir en connaissance de cause des fonds ISR, en améliorant la qualité des informations extra-financières que publient les entreprises ou les produits financiers en cohérence avec les principaux référentiels internationaux.
Nous ne voulons bâtir pas un système franco-français, mais inscrire nos outils réglementaires dans un cadre international que nous souhaitons ambitieux en matière de comptabilité extra-financière. Car nous voulons vraiment diffuser un changement de pratiques pour aller vers une croissance verte et équitable.
Cette croissance, comme vous le savez , doit reposer sur ses 3 pieds, économique, environnemental et social, ce que rappellent d'ailleurs les dix principes du pacte mondial qui met sur le même plan, droits de l'homme, droit du travail et environnement.
Les entreprises en sont désormais bien conscientes qui savent qu'une absence de renseignements en matière de RSE de leur part peut être désormais perçu comme un signal négatif.
Le développement durable, cela passe par la lutte contre les discriminations ou l'abolition du travail des enfants au même titre que par la mise en oeuvre de technologies respectueuses de l'environnement
C'est ce message que le gouvernement français, fortement engagé par le Grenelle de Environnement, souhaite porter au niveau européen comme à l'international.
Je vous remercie pour votre attention.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 7 octobre 2010