Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, dans "La Montagne" le 5 octobre 2010, sur la nécessaire coopération internationale pour la stabilisation du cours des matières premières agricoles.

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La Montagne : Pourquoi, contrairement à ce qui avait été annoncé, ne serez-vous pas présent à Cournon ?
Bruno Le Maire : Mercredi, dès la fin du Conseil des ministres, je dois m'envoler pour l'Inde. J'ai été chargé par le chef de l'État de préparer la présidence française du G20 sur la question de la stabilisation du cours des matières premières agricoles. Je suis déjà allé en Chine, à Washington, et bientôt je me rendrai à Moscou. C'est un dossier très important si nous voulons arrêter d'avoir des variations de 20 à 30 % des prix des matières premières d'une année sur l'autre.
La Montagne : N'avez-vous pas peur que votre absence soit mal interprétée et déçoive les éleveurs ?
Non, ma responsabilité est d'apporter des solutions à la crise traversée par la profession. Je suis en contact permanent avec les éleveurs, sur le terrain et à Paris, qui sont la priorité absolue de ma rentrée 2010. Ils savent que je suis à leurs côtés et cela passe aussi par les négociations internationales. C'est comme cela que nous avons sécurisé l'avenir de la PAC après 2013, que nous nous battons contre la conclusion d'un accord avec le Mercosur, qui aurait des conséquences terribles pour la filière bovine. Dès la semaine prochaine, je recevrai pour la troisième fois depuis la rentrée les acteurs de la filière bovine.
La Montagne : Il y a pourtant dans le rang des éleveurs une attente forte concernant l'annonce de nouvelles mesures d'aide, comme celle d'une année blanche pour les intérêts d'emprunt...
Je suis très clair là-dessus. Nous ne pourrons pas faire plus en matière budgétaire. J'ai déjà annoncé des plans de développement de 300 millions d'euros sur 3 ans, au Space à Rennes. C'est un effort considérable. Nous sommes un des rares ministères, en ces temps de restriction, à pouvoir disposer d'une telle enveloppe. Mais le budget de la France n'est pas une caisse sans fond. L'État a pris ses responsabilités. C'est maintenant à la filière de prendre les siennes. Ce dont les éleveurs ont besoin, ils le disent eux-mêmes : ce sont des prix plus élevés, pas de nouvelle subvention.
La Montagne : Qu'entendez-vous par là ?
La réponse aux problèmes actuels ne peut venir uniquement de l'État. Les deux maîtres mots de la profession doivent être organisation et valorisation.
La Montagne : Vous ne niez pas le degré de gravité des difficultés rencontrées par les éleveurs ?
Non. Autant, le contexte dans les fruits et légumes, les grandes cultures ou la viticulture s'améliore. Autant, la situation de l'élevage est préoccupante depuis plusieurs années. Mais il ne faut pas se tromper de diagnostic. Les causes sont à la fois conjoncturelles, avec la hausse des aliments, et structurelles, avec la faiblesse des prix payés aux producteurs.
La Montagne : Comment remédier à ce problème de la faiblesse des prix ?
D'abord, il faut établir un diagnostic fondé sur la vérité. Il n'est pas acceptable que le consommateur paie de plus en plus cher son kilo de viande quand le producteur de viande bovine touche de moins en moins. Sur ce sujet, je souhaite que l'Observatoire des prix et les marges, que nous avons renforcé au travers de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, rende ses premières conclusions début 2011.
La Montagne : Quelles autres mesures préconisez-vous pour relancer la filière ?
Premièrement, elle doit, comme d'autres, s'organiser pour réduire les coûts et redégager des revenus. Deuxièmement, nous devons trouver un mécanisme pour lisser le prix des aliments sur plusieurs années. Troisièmement, il faut également s'interroger sur un sujet précis : les produits proposés répondent-ils vraiment aux attentes du consommateur et leur coût n'est-il pas trop élevé ? Enfin, dernier point très important, nous devons retrouver des marchés à l'export. Je vais d'ailleurs me rendre en Russie pour demander la levée de l'embargo sur la viande française qui n'a plus lieu d'être.
La Montagne : Sur le dossier du lait, êtes-vous optimiste ?
En un an, le prix du lait est passé de 260 euros à plus de 300 euros la tonne. Il ne faut pas relâcher les efforts pour moderniser la filière et améliorer les relations entre les différents partenaires. Mais nous avons passé un cap important.
La Montagne : Le Space de Rennes a cependant mis au grand jour les divisions syndicales...
La surenchère et la violence ne sont dans l'intérêt de personne. Je renouvelle mon appel au dialogue entre tous les syndicats représentatifs.
La Montagne : Le métier de ministre de l'Agriculture est l'un des plus éprouvants. Est-ce une bonne préparation pour Matignon, où votre nom circule pour remplacer François Fillon ?
C'est le poste de ministre le plus passionnant du gouvernement. Je suis fier de remplir la mission que m'ont confiée le président de la République et le Premier Ministre.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 octobre 2010