Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invité ce matin, É. Besson, ministre de l'Immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Bonjour.
Bonjour.
Bakchich a mis en doute, vous a accusé d'avoir fait payer par votre ministère votre voyage de noces. Vous avez démenti, vous avez apporté des preuves. Est-ce que vous avez déposé plainte ?
Je vais déposer plainte. Mon avocat est en train de la rédiger formellement. Je suis très déterminé à aller jusqu'au bout parce que je n'accepte pas cette diffamation, ces mensonges évidents. J'ai même fait quelque chose, je ne suis pas sûr que j'ai bien fait, d'aller aussi loin dans la transparence : aux agences de presse comme au rédacteur en chef du site concerné, j'ai mis sur la table les billets, ma carte bancaire et la copie de mon relevé de compte bancaire pour bien montrer que, bien évidemment, c'est moi qui avais payé ce week-end en Italie que j'avais passé. Et malgré ça, ça n'a pas suffi et même ça continue. La suggestion est que j'aurais peut-être manipulé les documents.
Est-il vrai que vous avez failli en venir aux mains avec le rédacteur en chef de Bakchich ?
Non.
Non ? C'est faux, ça ?
Ça ne s'est pas passé comme ça mais je lui ai dit vertement ma façon de penser qui est lié à ce que je suis en train de vous dire. Mais je trouve que ce sont des procédés absolument détestables et je veux que ce site soit condamné par la justice et je suis persuadé qu'il le sera.
É. Besson, qu'est-ce qu'un bon Français ?
Un bon Français...
... Vous regrettez ce mot dans cette interview du Parisien ou pas ?
Absolument pas. Vous venez de dire dans quel contexte on est. Il y a un lecteur qui me dit - on parle des étrangers qui s'intègrent et puis qui peuvent devenir français par assimilation, puisque ce sont les termes du code civil, et qui me dit : « mais au fond ce que vous voulez, ce que vous attendez des étrangers qui sont naturalisés, c'est qu'ils deviennent de bons petits Français ». Et je reprends la formule, je lui dis - d'abord, j'essaye d'expliquer qu'est-ce que j'ai voulu dire et je lui dis : « mais en quoi ce serait choquant qu'ils deviennent de bons Français ? » Un bon journaliste, un bon député, un bon footballeur ça ne choque personne ; un bon Français ça le serait ? Et je lui dis un bon Français - je vous réponds par là même - c'est quelqu'un qui respecte, quelles que soient ses origines, ce n'est pas une question d'origine, scrupuleusement l'équilibre des droits et des devoirs, qui respecte les valeurs de la République.
Qu'il soit d'origine étrangère ou pas, qu'il soit naturalisé depuis peu ou pas.
Absolument. J'ai vu que certains, enfin ça n'a pas fait grand cas, j'ai vu que certains ont essayé de suggérer que « bon Français » serait une connotation péjorative ou datée dans l'Histoire - toujours celle de la Seconde guerre mondiale, etc. Il se trouve que comme j'avais un peu de temps à l'Assemblée, j'ai fait quelques recherches et je me suis aperçu que de Danton à Olympe de Gouges, mais vous savez celui qui a le plus utilisé au lendemain de la Seconde guerre mondiale le terme de « bon Français » ?
De Gaulle ?
Il se trouve que c'est le général de Gaulle, absolument. Qui définissait en permanence ce qu'il attendait de l'idéal républicain et des bons Français. Voilà. Donc au départ, c'était juste un échange avec un lecteur mais puisqu'il paraît que ce que j'ai dit serait choquant, alors maintenant je persiste et signe : oui, on peut être, tout le monde peut être un bon Français ; ça n'est stigmatisant pour personne.
À quoi ça sert d'avoir voté et d'avoir étendu la déchéance de nationalité ? À quoi ça sert franchement, É. Besson ?
Ça sert à dire...
...Je rappelle l'extension - pour ceux qui n'auraient pas suivi les débats - extension de la déchéance de la nationalité française aux condamnés naturalisés depuis moins de dix ans ayant causé la mort d'une personne dépositaire de l'autorité publique. Alors à quoi ça sert ?
Ça sert à dire très clairement qu'il y a une autorité de l'État et que l'État doit protéger ses serviteurs les plus exposés : les policiers, les gendarmes, les préfets, les magistrats, etc. Et que porter atteinte à un agent de l'État, c'est d'une gravité particulière et que ça touche aux fondements de la nation, aux intérêts supérieurs de l'État. Ça répondait au discours de Grenoble du président de la République qui avait lui-même réagi. Pourquoi ? Parce qu'un certain nombre de malfrats avaient tiré sur des policiers à l'arme automatique. Et dans toute la gamme de réponses qu'il avait apportées, il avait dit très clairement : lorsqu'on a été fraîchement naturalisé - c'est dans les moins de dix ans - et qu'on a porté atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme, on doit se voir prononcer la déchéance de la nationalité. Ça veut dire que la France vous retire votre nationalité.
C'est-à-dire qu'on pratique une discrimination entre les Français ? Moi, je regardais ce qu'a dit P. Méhaignerie, qui n'est pas un dangereux révolutionnaire ni un dangereux gauchiste, j'ai trouvé ce qu'il a dit. Il n'a pas voté cette loi.
Oui, il fait partie des trois députés de la majorité qui ne l'ont pas votée.
Il dit : « J'ai trouvé que la surenchère sécuritaire au cours de l'été dernier était déplacée. Nous avons perdu du crédit au niveau de nos partenaires européens. Par ce vote, j'ai voulu manifester mon opposition ».
Bon. D'abord moi, je ne crois pas qu'il y ait eu de surenchère sécuritaire. Lorsque dans un quartier on tire à l'arme automatique sur des policiers et qu'on met des « contrats », entre guillemets, sur les policiers en question - ça veut dire que leur tête est mise à prix - lorsque dans un village du Loir-et-Cher on brûle les voitures, on s'attaque à une gendarmerie, on coupe les arbres à la tronçonneuse, est-ce qu'on peut être surpris que le chef de l'État réaffirme l'autorité de l'État ? Pour ce qui concerne la déchéance, elle existe dans notre code civil, article 25 du code civil, depuis 1945. Elle existe notamment pour les actes de terrorisme. C'est accepté par les conventions internationales.
Mais en 98, abolition de la déchéance de nationalité pour crime.
Pour les crimes de droit commun.
De droit commun, oui.
Mais jusqu'en 1998, on vivait quand même en République !
Cela veut dire qu'on revient en arrière, quoi.
Ça veut dire qu'on a vécu avec cet article sur la déchéance pendant les deux septennats de F. Mitterrand. Et sous F. Mitterrand, je ne me souviens pas qu'on mettait en cause les libertés individuelles.
Vous votiez pour F. Mitterrand d'ailleurs, vous-même.
En plus, mais ça n'a pas grand-chose à voir avec ce que je vous disais. Ce que je veux dire, c'est que la France depuis 1945 connaît la déchéance comme la plupart des pays européens. Cette déchéance pour atteinte aux intérêts supérieurs de la nation, il y a plus de dix pays européens qui ont exactement la même que la nôtre, donc voilà. Ce qu'a voulu le président de la République, dire : on ne... Il y a un député hier qui a dit qu'au fond c'est « touche pas à mon flic ».
C'est quoi ? C'est quoi ? C'est un effet de communication, d'affichage, parce que vous savez très bien heureusement - heureusement - qu'il n'y en aura pas. Peut-être, ou un cas sur dix ans.
Il y en aura peu et je me réjouis qu'il y en ait peu.
Il faut évidemment qu'on tue un policier ou un gendarme !
Ou une personne dépositaire de l'autorité publique.
J'espère qu'on ne va pas le faire.
Moi aussi.
Il faut que celui qui a tué soit naturalisé depuis moins de dix ans.
Oui.
Il faut qu'on ne fabrique pas un apatride
Vous avez raison...
...parce que sinon on ne peut pas le déchoir de la nationalité française. Donc franchement... Franchement, bon.
Il n'y aura que peu de cas, c'est une certitude et on s'en réjouit mutuellement, on s'en réjouit tous. Mais la République...
Mais c'est pour quoi ? C'est pour aller gagner des voix à droite, à l'extrême droite, E. Besson ?
...Je vais y revenir si vous le souhaitez.
Oui, parce que là je voudrais qu'on en parle.
Mais d'un mot, d'un mot. La République, ce sont des symboles aussi et ce n'est pas parce qu'il y aurait ...
Donc c'est un symbole ?
Oui, c'est un symbole mais un symbole totalement assumé et un symbole lourd. L'étranger qui accède...
Ce n'est qu'un symbole ?
Ne dites pas « que un symbole ». Les symboles sont très importants dans une République. L'étranger qui accède à la nationalité française, il signe de fait le pacte républicain. Il dit qu'il va adhérer à un certain nombre de valeurs. Si quelques mois, quelques années après il tue volontairement un policier ou un gendarme, vous pouvez estimer que ce pacte républicain, il ne l'a pas respecté et que donc on peut lui retirer...
Comme un Français de souche qui tue un policier ou un gendarme et qui sera condamné à perpétuité.
Bien évidemment...
... Comme celui qui a été récemment naturalisé d'ailleurs.
Bien évidemment.
Même peine.
Bien évidemment. Mais le Français...
Donc double peine pour celui qui a été récemment naturalisé !
On ne va pas ergoter sur le concept de double peine. En tous cas, je vais vous dire les choses. Moi, le fait qu'un Français récemment naturalisé tue un policier ou un gendarme et qu'en plus de sa sanction pénale se voit infliger ce qui est une sanction administrative de déchéance de la nationalité ne me pose aucun problème.
Mais est-ce qu'un Français récemment naturalisé a plus de devoirs qu'un Français de souche.
Non.
Oui ou non ?
Je viens de vous dire non, et je le redis pour que ce soit clair. Article 1er de la Constitution : la France ne distingue pas les Français selon leurs origines.
C'est pour cela que je vous pose la question, É. Besson.
Et c'est d'ailleurs pourquoi nous y tenons tant. La France ne peut pas être une agglomération de communautarismes. On est français, un point c'est tout. Mais dans l'Histoire des conventions internationales comme dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel en France comme en Europe, il y a une seule exception : la déchéance pour atteinte aux intérêts supérieurs de la nation, par exemple le terrorisme. Et par assimilation, si je puis dire, par capillarité, on peut considérer que tuer un policier, un préfet, un gendarme, c'est un acte de terrorisme appliqué à notre pays.
Si jamais le Conseil constitutionnel saisi par l'opposition, si jamais le Conseil constitutionnel rejette cette partie de votre texte ?
Je ne le crois pas, je ne le crois pas.
Vous ne le croyez pas ?
Je ne le crois pas. Pourquoi ? Parce qu'on l'a scrupuleusement encadré. On a respecté, on s'est appuyés sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1996 qui a apporté les limites que vous avez rappelées : moins de dix ans, pas de création d'apatride pour des actes particulièrement graves mettant en jeu les intérêts supérieurs de la nation. Nous avons scrupuleusement respecté la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Si je peux ajouter un mot là-dessus.
Allez-y !
L'idée que j'entends parfois, notamment de députés de l'opposition, qu'en faisant ça on stigmatiserait les Français d'origine étrangère.
La droite aussi, je l'ai entendue.
Mais est-ce que vous croyez que les Français récemment naturalisés, eux, pour la plupart d'entre eux, ont en tête d'aller tuer un policier, un gendarme, etc. ? Ils ne se sentent pas concernés par cette affaire. Ils veulent s'intégrer en France, ils veulent trouver du travail, avoir des enfants, trouver un logement, etc. L'idée d'aller commettre les crimes les plus graves et de tuer volontairement un policier ou un gendarme ne leur vient pas à l'esprit. Donc ils ne se sentent pas stigmatisés, ils ne se sentent pas concernés par ce débat.
É. Besson, nous allons continuer dans votre texte, l'examiner, deux, trois autres points.
Quand vous voudrez, je reviendrai à la question du Front National parce qu'elle est importante.
Je vais vous en parler, évidemment. À tout de suite. (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 octobre 2010
Bonjour.
Bakchich a mis en doute, vous a accusé d'avoir fait payer par votre ministère votre voyage de noces. Vous avez démenti, vous avez apporté des preuves. Est-ce que vous avez déposé plainte ?
Je vais déposer plainte. Mon avocat est en train de la rédiger formellement. Je suis très déterminé à aller jusqu'au bout parce que je n'accepte pas cette diffamation, ces mensonges évidents. J'ai même fait quelque chose, je ne suis pas sûr que j'ai bien fait, d'aller aussi loin dans la transparence : aux agences de presse comme au rédacteur en chef du site concerné, j'ai mis sur la table les billets, ma carte bancaire et la copie de mon relevé de compte bancaire pour bien montrer que, bien évidemment, c'est moi qui avais payé ce week-end en Italie que j'avais passé. Et malgré ça, ça n'a pas suffi et même ça continue. La suggestion est que j'aurais peut-être manipulé les documents.
Est-il vrai que vous avez failli en venir aux mains avec le rédacteur en chef de Bakchich ?
Non.
Non ? C'est faux, ça ?
Ça ne s'est pas passé comme ça mais je lui ai dit vertement ma façon de penser qui est lié à ce que je suis en train de vous dire. Mais je trouve que ce sont des procédés absolument détestables et je veux que ce site soit condamné par la justice et je suis persuadé qu'il le sera.
É. Besson, qu'est-ce qu'un bon Français ?
Un bon Français...
... Vous regrettez ce mot dans cette interview du Parisien ou pas ?
Absolument pas. Vous venez de dire dans quel contexte on est. Il y a un lecteur qui me dit - on parle des étrangers qui s'intègrent et puis qui peuvent devenir français par assimilation, puisque ce sont les termes du code civil, et qui me dit : « mais au fond ce que vous voulez, ce que vous attendez des étrangers qui sont naturalisés, c'est qu'ils deviennent de bons petits Français ». Et je reprends la formule, je lui dis - d'abord, j'essaye d'expliquer qu'est-ce que j'ai voulu dire et je lui dis : « mais en quoi ce serait choquant qu'ils deviennent de bons Français ? » Un bon journaliste, un bon député, un bon footballeur ça ne choque personne ; un bon Français ça le serait ? Et je lui dis un bon Français - je vous réponds par là même - c'est quelqu'un qui respecte, quelles que soient ses origines, ce n'est pas une question d'origine, scrupuleusement l'équilibre des droits et des devoirs, qui respecte les valeurs de la République.
Qu'il soit d'origine étrangère ou pas, qu'il soit naturalisé depuis peu ou pas.
Absolument. J'ai vu que certains, enfin ça n'a pas fait grand cas, j'ai vu que certains ont essayé de suggérer que « bon Français » serait une connotation péjorative ou datée dans l'Histoire - toujours celle de la Seconde guerre mondiale, etc. Il se trouve que comme j'avais un peu de temps à l'Assemblée, j'ai fait quelques recherches et je me suis aperçu que de Danton à Olympe de Gouges, mais vous savez celui qui a le plus utilisé au lendemain de la Seconde guerre mondiale le terme de « bon Français » ?
De Gaulle ?
Il se trouve que c'est le général de Gaulle, absolument. Qui définissait en permanence ce qu'il attendait de l'idéal républicain et des bons Français. Voilà. Donc au départ, c'était juste un échange avec un lecteur mais puisqu'il paraît que ce que j'ai dit serait choquant, alors maintenant je persiste et signe : oui, on peut être, tout le monde peut être un bon Français ; ça n'est stigmatisant pour personne.
À quoi ça sert d'avoir voté et d'avoir étendu la déchéance de nationalité ? À quoi ça sert franchement, É. Besson ?
Ça sert à dire...
...Je rappelle l'extension - pour ceux qui n'auraient pas suivi les débats - extension de la déchéance de la nationalité française aux condamnés naturalisés depuis moins de dix ans ayant causé la mort d'une personne dépositaire de l'autorité publique. Alors à quoi ça sert ?
Ça sert à dire très clairement qu'il y a une autorité de l'État et que l'État doit protéger ses serviteurs les plus exposés : les policiers, les gendarmes, les préfets, les magistrats, etc. Et que porter atteinte à un agent de l'État, c'est d'une gravité particulière et que ça touche aux fondements de la nation, aux intérêts supérieurs de l'État. Ça répondait au discours de Grenoble du président de la République qui avait lui-même réagi. Pourquoi ? Parce qu'un certain nombre de malfrats avaient tiré sur des policiers à l'arme automatique. Et dans toute la gamme de réponses qu'il avait apportées, il avait dit très clairement : lorsqu'on a été fraîchement naturalisé - c'est dans les moins de dix ans - et qu'on a porté atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme, on doit se voir prononcer la déchéance de la nationalité. Ça veut dire que la France vous retire votre nationalité.
C'est-à-dire qu'on pratique une discrimination entre les Français ? Moi, je regardais ce qu'a dit P. Méhaignerie, qui n'est pas un dangereux révolutionnaire ni un dangereux gauchiste, j'ai trouvé ce qu'il a dit. Il n'a pas voté cette loi.
Oui, il fait partie des trois députés de la majorité qui ne l'ont pas votée.
Il dit : « J'ai trouvé que la surenchère sécuritaire au cours de l'été dernier était déplacée. Nous avons perdu du crédit au niveau de nos partenaires européens. Par ce vote, j'ai voulu manifester mon opposition ».
Bon. D'abord moi, je ne crois pas qu'il y ait eu de surenchère sécuritaire. Lorsque dans un quartier on tire à l'arme automatique sur des policiers et qu'on met des « contrats », entre guillemets, sur les policiers en question - ça veut dire que leur tête est mise à prix - lorsque dans un village du Loir-et-Cher on brûle les voitures, on s'attaque à une gendarmerie, on coupe les arbres à la tronçonneuse, est-ce qu'on peut être surpris que le chef de l'État réaffirme l'autorité de l'État ? Pour ce qui concerne la déchéance, elle existe dans notre code civil, article 25 du code civil, depuis 1945. Elle existe notamment pour les actes de terrorisme. C'est accepté par les conventions internationales.
Mais en 98, abolition de la déchéance de nationalité pour crime.
Pour les crimes de droit commun.
De droit commun, oui.
Mais jusqu'en 1998, on vivait quand même en République !
Cela veut dire qu'on revient en arrière, quoi.
Ça veut dire qu'on a vécu avec cet article sur la déchéance pendant les deux septennats de F. Mitterrand. Et sous F. Mitterrand, je ne me souviens pas qu'on mettait en cause les libertés individuelles.
Vous votiez pour F. Mitterrand d'ailleurs, vous-même.
En plus, mais ça n'a pas grand-chose à voir avec ce que je vous disais. Ce que je veux dire, c'est que la France depuis 1945 connaît la déchéance comme la plupart des pays européens. Cette déchéance pour atteinte aux intérêts supérieurs de la nation, il y a plus de dix pays européens qui ont exactement la même que la nôtre, donc voilà. Ce qu'a voulu le président de la République, dire : on ne... Il y a un député hier qui a dit qu'au fond c'est « touche pas à mon flic ».
C'est quoi ? C'est quoi ? C'est un effet de communication, d'affichage, parce que vous savez très bien heureusement - heureusement - qu'il n'y en aura pas. Peut-être, ou un cas sur dix ans.
Il y en aura peu et je me réjouis qu'il y en ait peu.
Il faut évidemment qu'on tue un policier ou un gendarme !
Ou une personne dépositaire de l'autorité publique.
J'espère qu'on ne va pas le faire.
Moi aussi.
Il faut que celui qui a tué soit naturalisé depuis moins de dix ans.
Oui.
Il faut qu'on ne fabrique pas un apatride
Vous avez raison...
...parce que sinon on ne peut pas le déchoir de la nationalité française. Donc franchement... Franchement, bon.
Il n'y aura que peu de cas, c'est une certitude et on s'en réjouit mutuellement, on s'en réjouit tous. Mais la République...
Mais c'est pour quoi ? C'est pour aller gagner des voix à droite, à l'extrême droite, E. Besson ?
...Je vais y revenir si vous le souhaitez.
Oui, parce que là je voudrais qu'on en parle.
Mais d'un mot, d'un mot. La République, ce sont des symboles aussi et ce n'est pas parce qu'il y aurait ...
Donc c'est un symbole ?
Oui, c'est un symbole mais un symbole totalement assumé et un symbole lourd. L'étranger qui accède...
Ce n'est qu'un symbole ?
Ne dites pas « que un symbole ». Les symboles sont très importants dans une République. L'étranger qui accède à la nationalité française, il signe de fait le pacte républicain. Il dit qu'il va adhérer à un certain nombre de valeurs. Si quelques mois, quelques années après il tue volontairement un policier ou un gendarme, vous pouvez estimer que ce pacte républicain, il ne l'a pas respecté et que donc on peut lui retirer...
Comme un Français de souche qui tue un policier ou un gendarme et qui sera condamné à perpétuité.
Bien évidemment...
... Comme celui qui a été récemment naturalisé d'ailleurs.
Bien évidemment.
Même peine.
Bien évidemment. Mais le Français...
Donc double peine pour celui qui a été récemment naturalisé !
On ne va pas ergoter sur le concept de double peine. En tous cas, je vais vous dire les choses. Moi, le fait qu'un Français récemment naturalisé tue un policier ou un gendarme et qu'en plus de sa sanction pénale se voit infliger ce qui est une sanction administrative de déchéance de la nationalité ne me pose aucun problème.
Mais est-ce qu'un Français récemment naturalisé a plus de devoirs qu'un Français de souche.
Non.
Oui ou non ?
Je viens de vous dire non, et je le redis pour que ce soit clair. Article 1er de la Constitution : la France ne distingue pas les Français selon leurs origines.
C'est pour cela que je vous pose la question, É. Besson.
Et c'est d'ailleurs pourquoi nous y tenons tant. La France ne peut pas être une agglomération de communautarismes. On est français, un point c'est tout. Mais dans l'Histoire des conventions internationales comme dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel en France comme en Europe, il y a une seule exception : la déchéance pour atteinte aux intérêts supérieurs de la nation, par exemple le terrorisme. Et par assimilation, si je puis dire, par capillarité, on peut considérer que tuer un policier, un préfet, un gendarme, c'est un acte de terrorisme appliqué à notre pays.
Si jamais le Conseil constitutionnel saisi par l'opposition, si jamais le Conseil constitutionnel rejette cette partie de votre texte ?
Je ne le crois pas, je ne le crois pas.
Vous ne le croyez pas ?
Je ne le crois pas. Pourquoi ? Parce qu'on l'a scrupuleusement encadré. On a respecté, on s'est appuyés sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1996 qui a apporté les limites que vous avez rappelées : moins de dix ans, pas de création d'apatride pour des actes particulièrement graves mettant en jeu les intérêts supérieurs de la nation. Nous avons scrupuleusement respecté la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Si je peux ajouter un mot là-dessus.
Allez-y !
L'idée que j'entends parfois, notamment de députés de l'opposition, qu'en faisant ça on stigmatiserait les Français d'origine étrangère.
La droite aussi, je l'ai entendue.
Mais est-ce que vous croyez que les Français récemment naturalisés, eux, pour la plupart d'entre eux, ont en tête d'aller tuer un policier, un gendarme, etc. ? Ils ne se sentent pas concernés par cette affaire. Ils veulent s'intégrer en France, ils veulent trouver du travail, avoir des enfants, trouver un logement, etc. L'idée d'aller commettre les crimes les plus graves et de tuer volontairement un policier ou un gendarme ne leur vient pas à l'esprit. Donc ils ne se sentent pas stigmatisés, ils ne se sentent pas concernés par ce débat.
É. Besson, nous allons continuer dans votre texte, l'examiner, deux, trois autres points.
Quand vous voudrez, je reviendrai à la question du Front National parce qu'elle est importante.
Je vais vous en parler, évidemment. À tout de suite. (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 octobre 2010