Déclaration de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur le lancement du réseau pour une "ville durable méditerranéenne", Marseille le 1er octobre 2010

Prononcé le 1er octobre 2010

Intervenant(s) : 

Circonstance : Forum international "Villes nouvelles en Méditarranée, pour des métropoles durables" à Marseille le 1er octobre 2010

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur les représentants de la Ligue Arabe,
Monsieur le Secrétaire Général Adjoint de l'Union Méditerranée,
Mesdames et messieurs les experts,
Mesdames et messieurs
Chers amis,
Permettez-moi d'abord de remercier le ministre égyptien, Monsieur Mustapha AL-DEMERDASH, avec qui nous avons co-organisé cette première conférence internationale sur la ville, le ministre algérien Monsieur Chérif RAHMANI, le ministre Jordanien Monsieur Ali GHEZAWI, le ministre tunisien Monsieur Mehdi MLIKA, le ministre de Turquie, Monsieur Mustafa DEMIR, le secrétaire général du ministère de l'Habitat du Maroc, Monsieur Essaid ZNIBER, qui tous, par leurs interventions diverses et riches montrent l'ambition qu'ils ont pour la ville.
Mes chers amis, les échos de nos différents échanges résonneront dans ce lieu si symbolique, lieu de délibérations pour cette belle ville de Marseille, qui porte le sceau de la générosité, de la fraternité et de la tolérance, valeurs si chères à notre ami à tous, Jean-Claude GAUDIN, sénateur-maire de cette belle cité phocéenne.
J'ai envie de lui dire que la voix de la cité que porte cette enceinte, c'est la voix des citoyens qui font la ville.
Mes chers amis, je le vois ici, de Barcelone à Casablanca, d'Alger à Tunis, du Caire à Amman, de Damas à Ankara, d'Athènes à Naples et jusqu'à Mexico, votre présence est la démonstration même de l'enjeu primordial du développement durable urbain pour notre planète.
Et je veux ici remercier les représentants des différents pays qui ont la ville en partage, des représentants des pays qui savent l'importance de la ville dans les enjeux de demain, son rôle dans l'histoire parce que vous savez que la ville est le berceau des civilisations et de rêves de civilisation.
Ce rêve porté par les Phéniciens, lorsqu'ils partirent semer des villes nouvelles autour de la Méditerranée, d'où émergea l'urbanité, celle qu'Ibn Khaldûn n'a cessé de chanter il y déjà 7 siècles.
Mesdames et Messieurs, si en Méditerranée, la civilisation est née avec le monde de la cité, la ville est toujours au coeur de notre projet de civilisation. Et c'est fort de notre extraordinaire héritage urbain que nous devons porter cet esprit de civilisation.
Nul n'ignore que pour la première fois dans l'histoire des villes, plus de la moitié de la population du globe, soit plus de 3 milliards de personnes, vivent en milieu urbain. Rien qu'en Méditerranée, plus de 2 habitants sur 3 vivent en ville.
Sur notre planète urbaine, qui est aujourd'hui un vaste village, la Méditerranée est aujourd'hui devenue un lac dont les rives sont marquées par une forte concentration des villes et de l'activité humaine.
Cette urbanisation rapide, son caractère inéluctable et ses impacts sur l'équilibre climatique placent la ville durable au coeur des priorités du 21ème siècle.
Mesdames et messieurs, depuis des décennies, l'ampleur de la croissance urbaine et l'explosion des mobilités ont entrainé la dilatation de nos villes et de nos territoires.
Des villes pleines, qui ont tendance à s'étirer, à s'étendre et à se défigurer.
Des villes qui se déséquilibrent et aggravent la concurrence très forte entre leur coeur et leur périphérie. Une périphérie où échouent les nouveaux citadins, dans des quartiers relégués, mal desservis, mal équipés et qui concentrent une très forte pauvreté.
Chers amis, je vous le demande, la ghettoïsation et la relégation sociale sont-elles inhérentes à nos villes ?
Ces questions ne sont pas nouvelles. De Platon à Thomas MORE ou AL-FARABI, nous n'avons cessé de penser à concevoir la cité idéale.
Aujourd'hui, cette cité idéale a revêtu l'habit des villes nouvelles qui apparaissent comme la solution aux difficultés rencontrées.
Pour répondre à ces défis qui engagent l'avenir entier de la région méditerranéenne, nous nous sommes tournés vers la création de villes nouvelles, ou plutôt des nouvelles villes, comme vous l'avez si justement rappelé lors des débats, hier en Europe, aujourd'hui dans de nombreux autres pays du pourtour méditerranéen.
Mais ces villes ne doivent pas être des villes sans ancrage, sans identité, sans leur propre histoire.
Faisons en sorte qu'elles ne soient pas éloignées des sources de production de richesses, qu'elles ne souffrent pas d'un manque d'équipement ou d'un environnement extrêmement pauvre en services et en activités.
Faisons en sorte qu'elles ne deviennent pas des villes-dortoirs, des villes usines ou encore des villes fantômes. Et pour tout dire, des villes ghettos.
Faisons en sorte qu'elles ne soient pas des villes coupées des villes métropoles, isolées, sans continuité territoriale, des villes fragmentées et rongées par l'apartheid urbain, bref, des villes sans âme et génératrices d'exclusion.
Parce que, vous le savez, il existe un lien dialectique entre la ville en construction et sa métropole.
Un lien à laquelle elle est naturellement rattachée,
Un lien vital, vecteur de flux économiques, migratoires, sociaux et donc de croissance et de développement.
C'est pour cela que l'on ne saurait concevoir la nouvelle ville déconnectée du coeur urbain que constitue sa métropole.
Cette fracture spatiale dans et entre les villes, qui nourrit aussi les fractures sociales, résulte souvent des marchés fonciers spéculatifs et d'une mauvaise planification urbaine.
C'est pour cela que le choix du foncier est important, pour ne pas créer des villes au milieu de nulle part, des villes errantes en quête d'identité.
C'est pourquoi la question de la mobilité urbaine est si importante. Car la ville doit être praticable, elle doit être une clé du monde pour donner la possibilité à tous de se mettre en mouvement et du même coup, d'arrimer ces villes à cette économie d'archipel née de la mondialisation.
Mais penser le lien entre la ville et sa métropole ne veut pas dire créer des liens de dépendance.
La ville doit aussi s'inventer de nouvelles centralités économiques et culturelles, dont les clés restent la célébration du vivre-ensemble et de l'être-ensemble.
Des nouvelles centralités qui à leur tour, vont générer une dynamique qui fera profiter l'ensemble de sa population en termes d'emplois, d'accès aux services publics, à des espaces de nature préservé pour un cadre de vie amélioré.
Des services essentiels car ils sont les instruments du lien social et participent de la convivialité, une des clés de la vie urbaine. Ils sont aussi des traits d'union entre les différents quartiers de la ville.
Tout cela n'est possible que par un accès facilité à la ville et un transport de qualité qui donnera à tous les habitants de la ville, la possibilité de se déplacer et d'accéder à l'emploi, à la formation, à la santé, à la culture et aux loisirs.
Aussi, soyons tous convaincus que la réussite de la ville réside dans sa capacité à promouvoir le développement humain dans un processus d'émancipation.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons les inscrire dans une démarche de développement durable qui concilie développement économique, respect de l'environnement, cohésion sociale et solidarité.
Des villes mieux pensées, mieux conçues, mieux aménagées et mieux financées, seront à même de devenir de véritables lieux de vie accessibles à tous les habitants, un lieu où l'urbanité prend tout son sens.
Et pour « vivre la ville » et pour « faire ville ensemble », la mobilisation et l'implication de tous les acteurs est indispensable.
Outre les élus et les professionnels, les habitants doivent eux aussi participer à travers la mise en place d'outils de concertation qui font vivre la démocratie participative.
C'est à cette condition que chacun s'appropriera ce projet en devenir, pour un mieux vivre-ensemble.
C'est aussi à la société civile de s'emparer de la question du changement urbain. Elle a déjà commencé un peu partout.
Chers amis, mon propos ne serait pas complet, car vous connaissez mon engagement, si j'oubliais la question des femmes.
Dans toutes les grandes villes du monde et notamment en Méditerranée, les femmes sont confrontées à des peurs liées à une urbanisation mal maîtrisée. De fait, elles subissent des formes de discrimination.
C'est pourquoi je le dis, réussir sa ville, c'est aussi réunir les conditions de tranquillité publique pour que les femmes puissent exister pleinement dans la ville et voir renforcer le chemin de leur émancipation.
Mesdames et Messieurs, la mobilité, la participation des citoyens, la durabilité pour mieux intégrer la demande écologique, la maitrise du foncier et de l'espace et l'accès à des financements pérennes sont les outils et les voies qui vont nous permettre de construire la ville de demain.
Une ville ouverte, amicale, accueillante, intelligente, verte et solidaire,
Une ville libre, une ville qui respire, bref, une ville où il fait bon vivre.
Mais pour relever ce défi de la ville d'aujourd'hui et de demain, nous avons besoin de redéfinir les processus de fabrication des villes et des métropoles.
Nous avons besoin d'une méthode, nous avons besoin de souplesse dans la conception et la mise en oeuvre des villes qui répondent aux spécificités de chaque territoire et de chaque pays.
Nous avons besoin d'une méthode pour créer une dynamique qui aura pour objectif la mise en synergie et la mise en mouvement des expériences et des réussites ainsi que la transparence et l'accessibilité des financements.
Pour fabriquer la ville durable méditerranéenne, il est indispensable que les professionnels de l'ensemble du pourtour de la Méditerranée travaillent main dans la main.
Il est indispensable que les opérateurs et les aménageurs partagent leur expérience et travaillent à l'identification d'objectifs communs, pour redéfinir ensemble nos stratégies urbaines, en respectant l'identité de chacun, pour élaborer un modèle reproductible à l'échelle de la région méditerranéenne et pour fabriquer la ville durable pour tous.
Mesdames et Messieurs, face à ces enjeux que nous avons en commun, les réponses ne peuvent se trouver que dans l'échange et le dialogue entre opérateurs privés et pouvoirs publics, institutions internationales, bailleurs de fonds et gouvernements.
C'est comme cela que l'on parviendra à faire de la ville et du développement urbain une priorité majeure de l'Union pour la Méditerranée, de l'Europe et de la gouvernance mondial de demain.
Et pour atteindre cet objectif, il nous faut être concret.
Avec mon homologue égyptien, avec le soutien de la Caisse des dépôts et de la Banque mondiale, en partenariat avec Euroméditerranée et dans le cadre du Centre de Marseille pour l'Intégration en Méditerranée, j'ai le plaisir de vous annoncer le lancement du réseau qui mobilise les opérateurs urbains méditerranéens pour la fabrication de la « ville durable méditerranéenne » dans lequel l'enjeu des villes nouvelles aura une place importante.
Ce réseau permettra aux bâtisseurs et opérateurs des villes nouvelles en Méditerranée d'échanger les bonnes pratiques, de contribuer ensemble à la redéfinition de nos stratégies urbaines et construire ensemble un référentiel du développement méditerranéen durable d'ici 2011.
Cette première conférence internationale sur la ville durable, j'en suis convaincue, fera date et en appellera d'autres.
Je vous donne donc rendez-vous l'année prochaine dans une ville méditerranéenne et d'ores et déjà je prends acte de la candidature d'Alger et de Casablanca.
Chers amis, pour conclure, notre capacité à construire la ville de demain déterminera la croissance, la paix et la stabilité de notre monde.
En somme, de l'avenir des villes, dépend l'avenir de nos sociétés.
Vous l'aurez compris, cet avenir dépend en grande partie de notre capacité à créer, non pas de l'urbain, cela nous savons faire, mais de l'urbanité, cet art de vivre-ensemble que l'on a perdu.
Mais je sais que la ville est un peu à l'image du Phénix de la légende, cet oiseau qui finissait toujours par renaître, quelles que soient les difficultés.
Et je sais que nous relèverons ensemble ce défi, celui de réconcilier la ville et l'urbain, celui du développement urbain durable.
Un défi pour l'Union pour la Méditerranée, lancée par le président Nicolas Sarkozy, dont la réunion des chefs d'Etats se tiendra le 20 novembre 2010.
La qualité de vos contributions, j'en suis sûre, permettra de consolider ce projet.
Je terminerai mon propos en citant un proverbe arabe qui correspond parfaitement à nos ambitions communes, celles de bâtir des relations d'amitiés et de fraternité, efficaces et durables, pour vivre la ville.
Ce proverbe dit: « Le monde est du côté de celui qui est debout. »
Debout nous resterons, pour construire ensemble un avenir radieux pour nos villes.
Je vous remercie.Source http://www.ville.gouv.fr, le 7 octobre 2010