Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur les mesures d'aide à la conchyliculture, Paris le 11 octobre 2010.

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Circonstance : Clôture des Assises de la conchyliculture, à Paris le 11 octobre 2010

Texte intégral

Je veux d’abord remercier chacun d’entre vous pour le travail qui a été fait dans le cadre de ces Assises de la conchyliculture. C’est une grande nouveauté. C’est la première fois qu’il y a des Assises sur ce sujet là. C’est le signe d’une mobilisation générale des professionnels, de l’Etat, des collectivités locales, de mon ministère – je tiens à remercier tous les agents qui ont travaillé sur ces sujets-là – des établissements publics – je pense en particulier à l’Ifremer et à FranceAgriMer – pour arriver à donner des perspectives au monde de la conchyliculture. Ca n’avait jamais été fait. Personne n’a pris le problème à bras le corps comme nous l’avons fait depuis plusieurs mois.
Nous avons une ambition très claire. C’est maintenir une activité conchylicole en France qui soit une activité vivante et rentable. Ensuite, je crois qu’il y a une question de méthode qui consiste à ne pas mélanger les sujets. La solution ne passe pas par des aides publiques systématiques. Ce n’est pas possible et ce n’est pas souhaitable. Je le dis tel que je le pense. Il y a 85 millions d’euros d’aide qui ont été apportés sur deux ans pour prendre en charge les pertes liées à la surmortalité des huîtres. Je ne sais pas si chacun mesure, dans la période de restriction budgétaire, ce que représente 85 millions d’euros d’aide. C’est considérable.
Je regarde aussi attentivement ce qui se passe en matière d’exploitation conchylicole. Je ne tiens pas non plus à ce qu’on dramatise la situation. Je sais que c’est difficile. Je sais qu’il y a un défi important à relever. Mais ne laissons pas dire non plus que toutes les exploitations conchylicoles sont menacées de fermeture en France. Ce n’est pas vrai. Je tiens à insister dessus. Il y a des perspectives. Le but de ces Assises est d’y apporter des réponses. L’Etat a apporté un soutien financier massif. 85 millions d’euros d’aide, c’est une réponse massive dans la période que nous traversons. Ensuite, il y a ce qui se fait sur le long terme. Je tiens à le dire. Il y a énormément de choses qui ont été engagées et qui vont à mon sens dans la bonne direction.
I – Le point sur la crise des mortalités
Avant de revenir sur vos propositions, quelques mots sur la situation des mortalités et sur les mesures prises pour y faire face :
* Le programme de réensemencement de sauvegarde avec les huîtres résistantes dites « R »
? Les pontes ont permis d’obtenir la quantité d’individus qui était attendue ;
? Ces naissains sont désormais disponibles pour les producteurs. C’est un engagement qui avait était pris. C’est une réponse concrète.
* Le programme d’importation d’huîtres japonaises :
? Une mission conjointe du CNC Goulven BREST et de l’IFREMER a été organisée la semaine dernière, avec le concours de notre ambassade à Tokyo : elle a permis de lever les inquiétudes de nos partenaires japonais ;
? 50 coquillages ont été ramenés par la mission. L’IFREMER a reçu les coquillages ce matin. Les résultats des tests seront connus dans deux mois.
? Nous continuons donc de travailler sur toutes les pistes de sortie de crise ;
? La résolution de cette crise doit demeurer la priorité numéro un de l’ensemble des acteurs de la filière et mon ministère.
Une fois encore, ça ne sert à rien de dépenser 85 millions d’euros d’argent public, si on ne donne pas de perspectives de long terme sur la résistance des huîtres que ce soit par l’intermédiaire du programme R ou que ce soit par l’importation d’huîtres japonaises. Ca représente un effort y compris financier de la part de l’Ifremer.
II – Les recommandations des Assises
* Goulven BREST vient de synthétiser les quelques 50 recommandations issues des Assises.
? Ces recommandations témoignent de la qualité de vos débats qui ont été conduits dans les régions.
? Elles montrent également tout le travail qui reste à accomplir.
* Je suis sensible à l’attention particulière que vous portez à la protection de l’environnement.
? Le MAAP fait lui aussi des efforts considérables pour que l’agriculture respecte davantage l’environnement.
? Je pense en particulier au plan Ecophyto. Contrairement à ce que j’entends ici ou là, il n’a jamais été question de remettre en question le plan Ecophyto 2018. Bien au contraire, nous devons respecter les applications
* Parmi toutes les recommandations qui ont été formulées, j’en distingue 10 qui me paraissent tout à fait essentielles.
A – Lutter contre les mortalités
1. Nous reconduirons le protocole de réensemencement de sauvegarde en 2011.
Il est indispensable que les ostréiculteurs puissent avoir accès à ces huitres dans l’attente de solutions pérennes. C’est un point important que nous prendrons à notre charge.
2. Pour parvenir à une sortie de crise durable, je confie à M. Louis-Pierre BALAY, ingénieur général des ponts et forêts, une mission pour la mise en place rapide d’un programme de sélection génétique d’intérêt général en vue d’un repeuplement dirigé du milieu par des souches résistantes.
* Je tiens à que cette mission soit conduite avant la fin de l’année, en concertation avec toutes les parties concernées.
* Il devra prévoir notamment :
? La mise en place d’une procédure de certification des naissains.
? Et la réalisation de recherches sur les liens entre environnement, pratiques culturales et comportement des coquillages.
B – Accompagner les exploitations pendant la période transitoire
3. Nous allons travailler avec les représentants professionnels à un projet de mesure aqua-environnementale.
* L’objectif est d’accompagner financièrement les producteurs qui s’engagent dans l’entretien des parcs non exploités pendant la durée de la crise.
* Une fois ce projet élaboré, il faudra le défendre à Bruxelles.
C’est un troisième effort financier.
C – Moderniser la filière
4. Nous allons constituer un réseau national des centres techniques conchylicoles.
Le réseau s’appuiera sur la plateforme technologique de l’IFREMER de Bouin, laquelle sera la pierre angulaire d’un futur centre technique national. C’est un geste politique majeur. Il permet de dire que l’activité conchylicole est d’intérêt national. C’est la garantie pour vous que vos intérêts seront bien défendus.
D – Garantir la durabilité de l’activité économique
5. Nous allons accélérer le calendrier prévu pour les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine prévus par la LMAP.
Je demanderai aux préfets des régions maritimes d’engager leur élaboration avant la fin 2010. Je ne vois aucune raison d’attendre beaucoup plus longtemps pour mettre en place les schémas et développer dans les meilleures conditions possibles l’aquaculture marine.
6. Dans chacun des départements littoraux, je vais demander aux préfets de désigner sans délai un délégué à la conchyliculture.
* Il sera l’interlocuteur de référence des conchyliculteurs ;
* Il sera chargé de la coordination des administrations pour que les attentes des producteurs soient prises en compte dans les politiques publiques, notamment en matière de qualité des eaux et d’aménagement du littoral.
7. Je vais demander aux préfets coordonnateurs de bassin que les zones conchylicoles soient identifiées dans les SDAGE comme des zones sensibles et qu’elles fassent l’objet d’un profil de vulnérabilité. C’est un point i
8. Nous allons intégrer un représentant de la conchyliculture au sein du comité de pilotage de l’observatoire des prix et des marges créé par la LMAP.
9. Nous allons réduire les délais des tests de surveillance sanitaire :
* À partir du 1er mars 2011, les r??sultats de ces tests seront connus dans les 72 heures pour tous les secteurs.
10. Nous allons mettre en place un groupe de suivi des recommandations issues des Assises de la conchyliculture.
* Il se réunira au moins deux fois par an.
* Le travail collectif doit impérativement se poursuivre :
? Pour répondre aux fortes attentes en matière de coordination de la recherche,
? le groupe de suivi devra réfléchir à la création d’un groupement d’intérêt scientifique.
Certaines de ces mesures sont urgentes : elles seront soumises dès ce mercredi au Conseil des ministres.
Tout cela témoigne de l’engagement de l’Etat dans ce secteur.
Je me permettrai de conclure avec une touche plus personnelle. Je mesure parfaitement les difficultés auxquelles est confronté ce secteur. Je vois très bien les difficultés notamment liées à l’occupation des bassins, à la question de la surmortalité des naissains et le problème du temps pour les conchyliculteurs. Il est évident que le programme R avec d’éventuelles souches japonaises prend du temps, parce que les huîtres ne se développent pas en 6 mois. Et le temps c’est ce dont manquent les conchyliculteurs. Ils ont des problèmes de trésorerie, des problèmes immédiats auxquels ils doivent faire face. Et le soutien financier qui relève d’une autre problématique, qui a été annoncé sur deux ans, comme le programme que l’on met en place d’occupation des bassins lorsqu’il n’y a pas d’activité économique dessus, comme un certain nombre d’autres mesures que je viens d’annoncer, montre que nous avons conscience de ce problème-là.
Je voudrais aussi préciser, pour désamorcer certaines critiques, qu’aucun ministre de l’agriculture ne s’est autant mobilisé que moi pour la conchyliculture française. Quand vous regardez ce qui a été fait en matière de tests physico-chimiques, je rappelle quand même que cela faisait des années et des années que le sujet était bloqué. On expliquait à tous les exploitants conchylicoles de France : « désolé ça n’est pas possible, circulez y’a rien à voir, on va continuer avec le test de la souris ». Le ministre qui vous a permis de passer du test de la souris aux tests physico-chimiques et ensuite de convaincre Bruxelles d’aller de l’avant est devant vous. Je rappelle également qu’ensuite on nous a expliqué que pour ces tests physico-chimiques que les délais étaient trop longs. Je le reçois cinq sur cinq. Il était d’abord mal expliqué. Le Président Goulven BREST me l’a expliqué. On a réduit les délais. J’ai vu le Président d’’IFREMER. On en a discuté. On a regardé ce qui était possible. On a mit de l’argent supplémentaire pour faire en sorte que les tests soient réduits à 72 heures comme vous l’avez demandé. Cet argent supplémentaire ne sort pas de la poche de n’importe qui, mais de la poche de ce ministère. Et ce sont des choix politiques qui se font forcément au détriment d’autres filières ou d’autres agriculteurs qui pourraient en avoir besoin. Donc, il y a bien une mobilisation générale.
Des assises de la conchyliculture il n’en a jamais eu. Jamais nous ne nous sommes tous rassemblés pour se dire : on va sauver la conchyliculture française. Jamais nous ne nous sommes mis en ordre de bataille comme nous l’avons fait aujourd’hui. Je crois qu’il faut continuer dans cette voie là, continuer dans un état d’esprit positif. Cela n’interdit pas de mesurer la détresse d’un certain nombre de producteurs, mais attention, si l’on charge trop la barque en disant qu’il n’y a pas assez d’argent public, que cela ne suffit pas, que tout cela n’est pas assez, on risque de la faire couler. Et il vaut mieux, à mon sens, rester dans l’état d’esprit positif qui a animé toute ces assises, sur le terrain, en régions. J’ai eu le relevé à chaque fois des réunions qui se sont tenues dans les différents bassins conchylicoles, j’ai vu quand même du travail exceptionnel qui a été fait, par les uns et par les autres. Les conchyliculteurs y croient, les exploitants y croient, la filière y croit.
Je pense que notre devoir, c’est de faire en sorte que l’argent public qui a été débloqué et mis en place, soit le mieux employé possible. C’est absolument indispensable que nous fassions attention à ce que les bons messages soient passés. Il ne faut pas oublier par exemple que le Premier Ministre a accepté que l’année 2010 soit encore classée en calamité agricole. Tout cela ne sont pas des choses qui s’obtiennent par un claquement de doigts, et il ne suffit pas pour moi de dire : « Monsieur le Premier Ministre il faut classer l’année 2010 en calamité agricole » pour que cela se fasse tout de suite. Ce sont des heures et des heures de discussion, de négociation, de bataille pour obtenir cela, parce que l’argent public est rare et que chaque ministre, bien entendu, fait le maximum pour obtenir de la part du Premier Ministre un arbitrage favorable, et ça n’est pas toujours simple à obtenir. Donc je mesure parfaitement, parce que vous êtes au contact direct de la population, au contact direct des exploitants. Vous les voyez tous les jours, forcément c’est difficile. Forcément sur le terrain on vous dit que ça ne va pas assez vite, ce n’est pas assez il nous faut plus. Moi je vous dis, il y a de l’argent public. On va le mettre en place. On va le débloquer le plus rapidement possible. Il y a des mesures concrètes que je viens de vous énoncer. Je veillerai à ce qu’elles soient mis en œuvre rapidement, comme je l’ai fait pour toutes les autres mesures et tous les autres sujets conchylicoles et avec cela j’ai confiance en l’avenir de la filière conchylicole. On a besoin d’elle. Je n’imagine pas un instant une France qui ne produirait pas des huîtres comme elle en a produit depuis des siècles. Je n’imagine pas un instant qu’on abandonne cette activité là, mais pour y arriver il faut que nous soyons tous ensemble, que l’on travaille tous dans la même direction.
Je vous remercie.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 20 octobre 2010