Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur la protection du patrimoine, notamment les réhabilitations, les restaurations et la décentralisation culturelle, Paris le 17 mai 2001.

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Circonstance : Colloque "patrimoine bâti, levier du développement local" à Paris le 17 mai 2001

Texte intégral

Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Président de l'Association des Maires de France,
Monsieur le Président de la Fédération Française du Bâtiment,
Monsieur le Président de Déxia / Crédit local,
Monsieur le Président de la Fondation du Patrimoine,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'accueillir parmi vous.
Nous devions nous rencontrer au terme du colloque " Patrimoine bâti, levier du développement local " que clôturera la remise des prix du concours " les Rubans du patrimoine ".
Il se trouve que je dois être présent tout à l'heure au Sénat, pour la discussion de deux propositions de loi modifiant le Code la Propriété Littéraire - sur la copie privée numérique ainsi que sur la rémunération équitable applicable aux discothèques et activités assimilées - et ne pourrai donc assister à la remise des prix.
Je suis très sensible à votre invitation - et à votre acceptation de modifier l'ordre des interventions - parce que je suis particulièrement soucieux de me joindre aux rencontres organisées par les partenaires des enjeux culturels contemporains.
C'est le sens premier de tous mes déplacements en régions : la rencontre des partenaires, élus, professionnels, acteurs. C'est aussi pour moi, l'occasion de connaître très concrètement le vécu de ces enjeux et de mesurer ainsi l'impact des initiatives publiques autant que des attentes.
A dire vrai, les initiateurs de ce colloque - Association des Maires de France, Fédération Française du Bâtiment, Fondation du Patrimoine, Déxia / Crédit local - me semblent, à eux seuls, représenter ce lien essentiel en matière patrimoniale entre initiative, responsabilité et maîtrise qu'elle soit d'ouvrage ou d'uvre ; entre patrimoine et décentralisation culturelle. Je ne veux pas prendre trop de votre temps mais je tiens à remercier l'Association des Maires de France qui, sur ce thème du patrimoine, s'engage là encore avec vigueur.
Je comprends que le patrimoine est en effet un élément fort de toutes les réflexions conduites par les élus sur la pleine responsabilité des collectivités territoriales dans leur développement y compris culturel, dans cette dynamique renouvelée de la décentralisation telle que la souhaite le Premier Ministre.
Le sénateur Delevoye ne me démentira pas, lui que ses réflexions ont conduit à préconiser, dans le champ patrimonial, le transfert d'un certain nombre de compétences aux départements. La préoccupation répond à la dynamique renouvelée de la décentralisation, telle que la souhaite le Premier Ministre.
Si la nature et les modalités des transferts ou nouvelles répartitions de compétences à mon sens doivent s'expérimenter plutôt que se décréter - c'est le sens d'ailleurs des expérimentations que nous conduisons avec huit collectivités territoriales sur le patrimoine et les enseignements artistiques - il reste cependant vrai que la décentralisation doit se poursuivre et les partenariats s'inscrire dans une donne nouvelle de la répartition des responsabilités.
La Fédération Française du Bâtiment, singulièrement le Groupement national des Entreprises de Restauration des monuments Historiques, aura été un de mes tous premiers interlocuteurs, lors des discussions du projet de loi relatif à l'archéologie préventive. Il n'y a pas de hasard.
J'aimerais citer le document " Bâtir 2001 " dans lequel Déxia / Crédit local reconduisant son partenariat avec la Fédération donne au partenariat son objectif : " au service du bâtiment durable ". La durée justement est ce qui fait la valeur, croissante dans les bâtiments patrimoniaux restaurés, virtuellement traduite dans les taux d'intérêts attractifs sur des échéances longues. Il n'y a pas non plus de hasard dans ce partenariat là.
Pas plus qu'il n'y a de hasard à ma présence aujourd'hui. C'est qu'en effet, je pourrais dire que nous sommes les uns et les autres de part et d'autre d'une même préoccupation : la préservation et la mise en valeur de notre patrimoine dans les territoires. Et c'est bien en appui de cette mise en valeur que l'on peut apprécier la venue de deux nouveaux partenaires, je pense au Figaro Magazine et à la chaîne de télévision " Régions ".
Le patrimoine est une valeur dont j'observe qu'elle s'enrichit constamment qu'il s'agisse de sa géographie (rural, urbain, paysager, par exemple), qu'il s'agisse de son contenu (industriel, immatériel ...). C'est d'ailleurs une question lourde posée aux pouvoirs publics que cette extension en surface comme en sens. Question posée en termes scientifique et de reconnaissance, question aussi posée en termes de moyens. Ce sera je crois l'objet de vos discussions autour de ce thème du " patrimoine bâti, enjeu du développement local ". Quels enjeux ?
Vous les avez définis remarquablement en évoquant aussi bien les enjeux socio-culturels (tourisme mais aussi réseaux et rapport à l'espace et au temps) que les enjeux économiques et culturels d'emplois, de transmission des savoir-faire. Je pourrais aussi rappeler que chaque franc dépensé dans les travaux de restauration du patrimoine a un effet multiplicateur de 3,8. C'est dire aussi que l'enjeu a son poids de valeur ...
Nous sommes là en effet sur les fondamentaux de l'approche patrimoniale : pourquoi ? pour quoi faire ? avec qui ? " les Rubans du patrimoine " sont à mon sens une réponse à ces questions. C'est qu'en effet l'objectif du concours est de promouvoir les actions de rénovation, telles qu'elles sont conduites par les communes maîtres d'ouvrage, sur des immeubles classés ou non classés et constituant des éléments de patrimoine historique ou contemporain. Autrement dit sont sélectionnées les opérations de rénovation qui restent - si je puis m'exprimer ainsi - " dans la vie ". Non pas dans une approche de stricte conservation qui pourrait emporter avec elle une façon de mort du bâtiment, mais bel et bien inscrite dans un choix d'aménagement ouvert Il m'a semblé que vous aviez ainsi sélectionné, depuis 1995, aussi bien des réhabilitations de quartiers anciens, que de rues commerçantes, que des bâtiments des services publics, je pense ainsi à des médiathèques par exemple. Cela rejoint complètement la préoccupation du ministère de la Culture, qui sait d'expérience que le patrimoine n'est véritablement protégé que s'il conserve ou retrouve un usage, à condition, bien sûr, que celui-ci s'inscrive heureusement dans son histoire.
Chacune de ces restaurations aura comporté son lot de difficultés, voire d'inquiétudes et peut-être même d'exaspération devant les lenteurs ou les difficultés pratiques de certaines procédures. Vous ne les évoquerez pas à présent, bien sûr.
Il reste que ces expériences de partenariats, ces entreprises à la confluence de la protection et de la mise en valeur, sont autant de démonstrations que la conciliation est possible et le partenariat plus que jamais nécessaire.
Nous avons sur ces points là des préoccupations communes.
Je sais par exemple, que la question de l'accès à la commande publique vous a beaucoup préoccupés et que la réforme du Code des Marchés devrait enfin permettre de vraiment retenir " le mieux disant " pour une qualité durable de restitution.
Un autre sujet récurrent dans vos préoccupations tient à la valorisation et à la mise en uvre des savoir-faire. Il y va tout autant de la régularisation des embauches que du retour sur investissement de la formation telle que vous l'assumez dans vos entreprises. Il est vrai que dans les pays où la tradition artisanale a été maintenue - pays latins ou pays germaniques - les artisans d'art se trouvent en concurrence avec les restaurateurs sur certains domaines patrimoniaux. Ceci notamment parce que les exigences des donneurs d'ordre ont évolué et la restauration requiert aujourd'hui un équipement lourd ainsi qu'un travail pluridisciplinaire.
Je ne vais pas ici entrer dans le débat, mais je veux cependant vous rappeler que notre ministère est preneur de toute initiative de réflexions et de proposition visant à situer chaque formation pratique et théorique dans une chaîne - initiale et continue - de qualifications et d'équivalences. C'est d'ailleurs le sens de l'étude demandée au CEntre de REcherche sur les Qualifications (CEREQ), à partir de ces métiers, désormais reconnus dans certains pays européens (Grèce, Italie, Allemagne), que sont les " artisans-restaurateurs " et les " conservateurs-restaurateurs ".
Je crois que c'est aussi la voie pour apporter les compétences souhaitables aux formations supérieures mises en place par l'Etat - l'ensemble formé par l'Ecole Nationale du Patrimoine et l'Institut Français de Restauration des Oeuvres d'Art - pour que s'organisent dans les territoires, là même où se prennent les décisions de commande publique et de maîtrise d'ouvrage, la convergence et la collaboration des compétences.
Je suis moi-même très favorable à cette déconcentration des formations de haut niveau au patrimoine et j'ai demandé à la direction de l'architecture et du patrimoine de me faire des propositions en ce sens.
Un concours tels que les " Rubans du patrimoine ", parce qu'il distingue des expériences réussies, contribue de toute évidence à la diffusion de références. Le concours participe ainsi à la pédagogie vivante, active, de la décentralisation culturelle. Ce dont, vous vous en doutez, je ne puis que me réjouir.
Je vous remercie.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 18 mai 2001)