Déclaration de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, notamment sur la gouvernance économique de l'Union européenne et sur la contribution française au budget européen, à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2010.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur le prélèvement européen et préalable au Conseil européen, le 25 octobre 2010

Texte intégral

Madame la Présidente,
Monsieur le Président de la commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la commission des Affaires européennes,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je tiens tout d'abord à remercier le président de l'Assemblée nationale, M. Accoyer, et la Conférence des présidents d'avoir bien voulu accepter d'adjoindre à l'examen de l'article 46 du projet de loi de finances pour 2011, relatif au prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, une présentation par le gouvernement du prochain Conseil européen qui doit se dérouler jeudi 28 et vendredi 29 octobre à Luxembourg.
Mon intervention sera donc un peu plus longue, je m'en excuse par avance. En revanche, j'espère qu'elle permettra de replacer utilement le débat sur notre contribution à l'Europe au centre d'une actualité européenne particulièrement dense.
J'étais à Luxembourg hier soir pour un dîner important présidé par Herman Van Rompuy et ce matin pour le Conseil «Affaires générales» destiné à préparer le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement de jeudi et vendredi.
Ce Conseil européen sera particulièrement fourni.
En plus des débats importants consacrés à la gouvernance économique, il traitera de quatre autres sujets : les enjeux du prochain G20 qui se tiendra à Séoul et à l'issue duquel la France assumera pour un an la présidence du groupe ; la Conférence de Cancún sur le climat ; l'organisation des prochains sommets avec les partenaires stratégiques de l'Union ; enfin, suite à la lettre adressée le 30 juin 2010 par le président de la République au président de la Commission et conformément à la procédure fixée à l'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Conseil devrait adopter la décision transformant le statut de Saint-Barthélémy qui, de région ultrapériphérique, est appelée à devenir un pays et territoire d'outre-mer, un PTOM.
Je n'aborderai pas tous ces points, ou très brièvement, afin de concentrer mon propos sur la partie consacrée à la gouvernance économique, avant d'en venir à la contribution française au budget européen.
Mesdames et Messieurs les Députés, vous le savez, la zone euro a traversé cette année la crise la plus grave depuis la création de la monnaie unique. Sans m'attarder trop longtemps sur le déroulement de cette crise, que vous connaissez, je tiens à rappeler que c'est sous l'impulsion déterminée du président de la République et de la chancelière allemande que l'Union européenne a su répondre à la pression des marchés en construisant les pare-feu nécessaires qui ont permis de sauver notre monnaie et de préparer une nouvelle avancée dans la gestion commune de nos économies.
D'abord, l'Union a élaboré un plan de sauvetage spécifique d'un montant de 110 milliards d'euros pour la Grèce. Sur les 80 milliards d'euros mis sur la table par l'Europe, la moitié a été apportée par la France et l'Allemagne.
Ensuite, elle a adopté un mécanisme européen de stabilisation financière tout à fait exceptionnel : 500 milliards d'euros déboursés par l'Europe - dont la moitié, là encore, apportée par la France et l'Allemagne - complétés par 250 milliards d'euros du FMI.
Le rôle de la Banque centrale européenne a été fondamental dans la solution de cette crise. En acceptant d'intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, la BCE a fait preuve de pragmatisme, et surtout d'une très grande efficacité.
Au final, la bataille de la stabilisation de l'euro a été gagnée. Elle a consacré les institutions créées par le Traité de Lisbonne, en particulier le Conseil européen. Elle a renforcé la solidité du couple franco-allemand. Elle a surtout révélé, en creux, le besoin d'un gouvernement économique européen, que la France appelle de ses voeux depuis la négociation du traité de Maastricht - vous connaissez cela par coeur, madame la présidente, puisque vous étiez en charge des affaires européennes à cette époque - et que le Conseil européen de juin a fini par reconnaître.
C'est précisément cette question qui sera au coeur du Conseil européen de jeudi, durant lequel les chefs d'Etat et de gouvernement seront appelés à prendre des décisions qu'il n'est pas exagéré de qualifier d'historiques, en tirant, conformément aux conclusions du Conseil européen de juin, toutes les leçons de la crise la plus grave qu'ait connue la zone euro depuis sa création.
La France et l'Allemagne, en raison du rôle qu'elles ont eu depuis le début de la crise, et par la force et la pertinence des propositions adoptées le 18 octobre à Deauville par le président et la chancelière, jouent, dans ce domaine, un rôle moteur de proposition au service de l'Union européenne.
Le président et la chancelière ont, dans une contribution commune en date du 21 juillet, formulé les premières propositions concrètes et opérationnelles, permettant notamment de «renforcer la surveillance budgétaire multilatérale», mais aussi d' «assurer une mise en oeuvre efficace de la surveillance économique par le biais de sanctions appropriées».
Certaines de ces propositions franco-allemandes ont déjà été adoptées. Les ministres des finances se sont ainsi accordés, le 7 septembre dernier, sur la mise en place d'un «semestre européen», qui consacre l'examen par l'Union européenne des programmes de stabilité nationaux, chaque année au mois d'avril.
S'agissant plus précisément du renforcement du mécanisme de sanctions applicables aux Etats en cas de non-respect du pacte de stabilité, qui était au coeur des débats du groupe présidé par Herman Van Rompuy, les propositions franco-allemandes ont été complétées et précisées dans une très importante déclaration adoptée à Deauville le 18 octobre dernier. Le résultat obtenu est extrêmement solide, équilibré et pertinent.
Après l'Assemblée nationale aujourd'hui et le Sénat demain, j'aurai l'occasion de présenter cet ensemble de mesures mercredi, à la veille du Conseil européen, devant le Bundestag, où je serai auditionné conjointement avec mon collègue Werner Hoyer. Il s'agit d'une première pour le ministre français des affaires européennes. Le principe d'une audition conjointe des ministres français et allemand devant les commissions des affaires européennes des deux pays est, je le rappelle, l'une des mesures fortes de l'agenda franco-allemand 2020, adopté en février dernier par le président et la chancelière.
Mais revenons aux travaux du groupe Van Rompuy et à la déclaration de Deauville.
S'agissant des travaux du groupe Van Rompuy, j'observerai d'abord que la France, pour sa part, mais c'est aussi la position de l'Allemagne, soutient pleinement ses conclusions. Il s'agit d'un ensemble de règles qui organisent la convergence de nos politiques budgétaires et économiques, et qui prévoient des sanctions efficaces dans le cas où un ou plusieurs Etats membres s'écarteraient des règles communes.
A la lumière des attaques contre notre monnaie en 2010, ces disciplines sont devenues indispensables.
Ayons la franchise de dire que, depuis le Traité de Maastricht, en 1993, vingt-deux cas d'infraction ont été répertoriés, mais jamais le mécanisme de sanctions prévu dans le traité n'a été mis en place.
Pour la crédibilité de notre zone monétaire, un renforcement de nos disciplines communes est jugé indispensable, aussi bien par l'Allemagne que par la France. Il y va de l'intérêt national comme de l'intérêt de l'Europe.
Je veux dire la gratitude du gouvernement français à l'égard de Herman Van Rompuy qui, mandaté par les chefs d'Etat et de gouvernement, a su, en cinq mois à peine, et deux mois avant la fin du délai imparti, présenter à l'Union un ensemble de règles solides, rigoureuses et politiquement fondées.
Cet ensemble se distingue des propositions de la Commission, rendues publiques le 29 septembre. La Commission proposait un système de sanctions quasi-automatiques susceptibles d'être imposées aux Etats membres et fondées sur des critères purement statistiques. Ces propositions, mesdames et messieurs les députés, posaient plusieurs problèmes à nos yeux.
En premier lieu, la Commission ne faisait aucune distinction entre le volet préventif et le volet correctif du pacte, et proposait une application généralisée du nouveau mécanisme automatique de sanctions.
En deuxième lieu, les règles proposées étaient beaucoup trop rigides et condamnaient par avance toute autonomie budgétaire des Etats membres.
Enfin et surtout, ces propositions réécrivaient l'équilibre prévu dans le traité, faisant du Conseil, sur proposition de la Commission, l'organe chargé de décider d'imposer des sanctions, aux termes de l'article 126 du traité.
Dans la version proposée par la Commission, celle-ci devenait à la fois le juge, l'arbitre et l'organe de sanction.
Dans cette perspective, une sanction d'une sévérité sans précédent - des amendes susceptibles d'atteindre 0,2 % du PNB de l'Etat membre concerné, soit 4 milliards d'euros pour la France ! - pouvait être imposée à un Etat sans qu'aucune majorité d'Etats membres ou de population l'ait décidé, sur la base d'une décision de la Commission qui, dans une hypothèse limite, pouvait être soutenue par une quinzaine de commissaires représentant moins de 14 % de la population européenne.
Mesdames et Messieurs les Députés, ceci n'était acceptable ni pour le gouvernement ni pour le Parlement. Dans ces conditions, la déclaration franco-allemande de Deauville et les conclusions de la task force Van Rompuy rétablissent les grands équilibres politiques, tout en renforçant la gamme des sanctions, tant en ce qui concerne le volet préventif que le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance.
S'agissant du volet préventif du pacte, le système proposé par la France et par l'Allemagne ainsi que par le groupe Van Rompuy prévoit que ce soit le Conseil - et non la Commission - qui prenne la décision d'imposer, à la majorité qualifiée et de manière progressive, des sanctions qui pourraient prendre la forme de dépôts portant intérêt.
S'agissant du volet correctif du pacte, la France et l'Allemagne, de même que le groupe Van Rompuy, s'accordent sur la nécessité de sanctions systématiques, mais selon une procédure en deux temps : dans un premier temps, le Conseil décide à la majorité qualifiée d'ouvrir une procédure de déficit excessif ; et c'est seulement si l'Etat n'a pas pris les mesures correctrices nécessaires dans un délai de six mois que la procédure de sanction est activée.
Le grand apport de la déclaration de Deauville et du groupe Van Rompuy a donc été de remettre le Conseil au coeur du processus et d'introduire dans la procédure de sanction, qu'elle concerne le volet préventif ou correctif, le principe d'une appréciation qui reste fondamentalement politique, tout en élargissant de façon très sérieuse les disciplines appliquées aux Etats.
A ces disciplines nouvelles, les dirigeants français et allemand ont ajouté à Deauville un autre volet essentiel, qui doit être considéré comme une partie intégrante du paquet proposé, à savoir la révision du traité, afin de permettre deux avancées considérables.
Premièrement, la pérennisation dans le traité du mécanisme européen de stabilisation, embryon du futur « fonds monétaire européen » créé au mois de mai dernier après la crise de l'Euro - je rappelle en effet que le mécanisme financier mis en place ce printemps avait un caractère transitoire et une durée de trois ans ;
Deuxièmement, une évolution vers des sanctions politiques, avec la suspension des droits de vote de l'Etat concerné : nous pensons en effet que des sanctions efficaces ne consistent pas seulement à ajouter des pénalités financières à des Etats déjà en difficulté de trésorerie, mais doivent être de nature politique, susceptibles d'ouvrir un débat entre les Etats membres et à l'intérieur de l'Etat concerné.
Ne nous y trompons pas : ces mécanismes représentent une innovation majeure. Contrairement à ce qu'ont dit certains commentateurs dans la presse, ces propositions sont tout sauf un affaiblissement du régime de discipline commune. Il ne s'agit pas non plus d'un accord imposé par les «grands» aux «petits», mais bien d'une discipline nécessaire, je le répète, au service de l'Europe.
Ces disciplines - j'y insiste - la France se les impose à elle-même.
D'abord parce qu'elle est totalement engagée dans le processus européen. Après l'échec du référendum en 2005, c'est sur la base du nouveau traité - le traité simplifié - que Nicolas Sarkozy a fait campagne et, depuis son élection, ces disciplines, nous nous les imposons à nous-mêmes : le gouvernement français s'est, en effet, fixé un objectif sans précédent de réduction massive des déficits publics. Malgré la crise, le déficit public va passer de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011, pour atteindre 3 % en 2013. Entre 2010 et 2011, il diminuera de 152 milliards d'euros à 90 milliards, soit une baisse de 40 %.
Je rappelle également que, lors de la dernière conférence des déficits, le président de la République a souhaité qu'une nouvelle gouvernance en matière de finances publiques soit inscrite dans notre Constitution, ce qui mettra pleinement en cohérence les efforts de réduction du déficit engagés par le gouvernement et nos engagements européens.
Ces choix ont entraîné, pour la première fois depuis trois décennies, la diminution du nombre d'emplois publics dans notre pays, avec la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et le plafonnement des dépenses des ministères, et, sur le plan social, la réforme très difficile des retraites, sur laquelle vous vous prononcerez mercredi.
Je ne reviendrai pas ici, car ce n'est pas le lieu, sur le contenu de cette réforme et ses objectifs. Vous les connaissez tous : c'est le sauvetage de notre système de retraite par répartition. En revanche, je veux insister sur la dimension européenne de ce dossier. La réforme des retraites est un sujet européen, qui a été évoqué ce matin par plusieurs Etats membres.
L'âge légal de départ à la retraite dans la majorité des pays européens est aujourd'hui fixé à 65 ans. La plupart des pays européens - Pays-Bas, Allemagne Royaume-Uni -, ont déjà engagé le mouvement le portant à 67 ans. L'âge moyen de sortie du marché du travail, tous régimes confondus, s'élevait en 2008 en France à 59,3 ans, contre 61,4 ans en Grèce, 61,7 ans en Allemagne, 63,1 ans au Royaume-Uni, 63,8 ans en Suède, alors que la France bénéficie de l'espérance de vie moyenne à 65 ans la plus élevée de l'Union : 19,9 ans, contre 18,2 ans en Europe. Peut-on vraiment continuer longtemps ainsi ?
Les engagements que nous prenons à l'intérieur sont, je le répète, cohérents avec les engagements que nous prenons au regard de l'Europe. Les disciplines que nous demandons pour l'ensemble, nous nous les appliquons à nous-mêmes.
Tel est, Mesdames et Messieurs les Députés, le contexte de cette réforme essentielle des règles de la gouvernance économique et monétaire à l'intérieur de la zone euro, réforme qu'il me paraît utile de mettre en perspective avec le prochain Sommet du G20 à Séoul, qui sera également évoqué ces jeudi et vendredi par les chefs d'Etat et de gouvernement.
La réforme de l'ensemble de la gouvernance économique, budgétaire et financière européenne que la France et l'Allemagne entendent mener avec détermination est, en effet, directement liée aux objectifs que le président de la République annonçait il y a un an déjà - il était d'ailleurs le seul à l'époque -, à savoir la nécessité de mettre fin aux désordres monétaires internationaux et de repenser le système monétaire international.
Que constate-t-on aujourd'hui ? Que le prochain G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre, et qui sera préparé par le Conseil européen cette semaine devrait être dominé par les questions monétaires : à la suite de différentes interventions sur les marchés pour faire évoluer les taux de change de monnaies, plusieurs pays, dont le Brésil, ont en effet mis en garde contre le risque d'une guerre des changes, d'une guerre des monnaies, et cette question a dominé l'ordre du jour des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale les 8 et 9 octobre derniers.
Lors de ces assemblées, nous avons obtenu que le FMI renforce ses travaux et sa surveillance sur «la volatilité des mouvements de capitaux, des taux de change, et l'accumulation des réserves de change».
La réunion des ministres des Finances, qui s'est tenue ce week-end en Corée du Sud, a d'ailleurs été largement consacrée à ce sujet : les ministres se sont engagés à ce que les taux de change soient davantage déterminés par le marché et à ne pas effectuer de dévaluations compétitives. Un système de surveillance des grands déséquilibres structurels est mis en place en vue de maintenir les balances courantes à des niveaux soutenables. Enfin, le FMI évaluera désormais, entre autres, les politiques monétaires et de change des pays du G20.
Je rappelle également que le Sommet du G20 de Toronto avait donné pour mandat au FMI de trouver un accord sur la réforme des quotas et de sa gouvernance d'ici au Sommet de Séoul. C'est chose faite avec l'accord trouvé ce week-end, qui reprend très largement la proposition européenne.
Concrètement, l'objectif fixé lors des sommets du G20 de Londres en 2009 d'un transfert de 5 % des quotes-parts du FMI aux pays émergents dynamiques et aux pays sous-représentés a été largement dépassé, puisque le transfert sera de plus de 6 %.
De plus, le conseil d'administration du FMI, maintenu à notre demande à vingt-quatre membres pour permettre aux Etats émergents d'y avoir toute leur place, sera entièrement élu. L'Europe serait appelée à y perdre deux sièges.
Cet accord sur la gouvernance prévoit également de renforcer les outils du FMI pour faire face à des chocs systémiques, élément indissociable de la réforme de la gouvernance du FMI pour la France. Enfin, le capital du FMI est doublé, ce qui multipliera d'autant sa capacité d'intervention.
Après la réforme réussie de la Banque mondiale au printemps dernier, cet accord illustre les progrès réalisés en matière de gouvernance mondiale et conforte l'approche française de la Présidence du G20, avec les trois grandes priorités présentées par le président de la République en août dernier : la réforme du système monétaire international ; la réponse à la volatilité du prix des matières premières ; la réforme de la gouvernance mondiale.
Je dirai maintenant quelques mots sur un autre dossier clé qui sera examiné au Conseil : je veux parler de la Conférence de Cancun sur le climat.
S'agissant de la préparation de ce sommet, qui doit se tenir du 29 novembre au 10 décembre, je souhaite rappeler les quatre messages clés de la France.
Premièrement, l'Europe n'a pas à rougir de son bilan carbone. Elle apparaîtra, à Cancun, comme le meilleur élève pour le résultat d'atténuation des émissions de C02. Ce résultat s'explique pour l'essentiel par les effets positifs du paquet énergie-climat, adopté durant la Présidence française de l'Union.
Deuxièmement, en termes de méthode, l'Union européenne se présente à Cancun avec une position unifiée, qui a été arrêtée par le Conseil «Environnement» du 14 octobre dernier.
Troisièmement, sur le fond, il ne faut pas se cacher que l'évolution des négociations est plutôt décevante à ce stade. Tout en continuant à plaider en faveur d'un accord global juridiquement contraignant, l'Union européenne devra limiter ses ambitions et viser à Cancun l'adoption d'un premier jeu de décisions permettant d'intégrer dans l'acquis onusien les principaux éléments de l'accord de Copenhague : limitation du réchauffement climatique à 2°centigrades, suivi des engagements pris par les Etats membres, mécanismes de soutien.
Quatrièmement, dans ce contexte, l'Europe maintient sur la table le paquet de propositions qu'elle avait formulées : ouverture à un accroissement éventuel au-delà de 20 % de l'effort de réduction d'émissions de C02 de l'Union européenne, mais dans le respect des conditions définies par le Conseil européen, qui imposent notamment des engagements de réduction comparables de nos grands partenaires émetteurs de C02 ; meilleure prise en compte des risques comme les «fuites de carbone», en cas de renforcement de l'effort de réduction des émissions de C02 consenti par l'Union européenne.
La France est favorable à la poursuite de l'analyse faite par la Commission dans sa communication au printemps dernier, et qui reconnaissait, comme le demandait le président de la République, que le «mécanisme d'inclusion carbone», la fameuse «taxe carbone aux frontières» ou mécanisme d'ajustement aux frontières, était bien une option pertinente pour lutter contre les fuites de carbone. Elle appelle au réexamen de cette question par le Conseil européen du printemps 2011.
Dernier point à l'ordre du jour : le Conseil européen se penchera sur l'organisation des sommets avec les pays tiers : Etats-Unis, Russie, Ukraine. Il s'agit d'appliquer à tous ces sommets la méthode identifiée dans les conclusions transversales du Conseil européen du 16 septembre dernier, qui préconisaient l'adoption par l'Europe d'une approche véritablement stratégique des relations avec ses grands partenaires, partant de l'identification de ses priorités, mais aussi de ses intérêts, tant offensifs que défensifs.
J'insisterai plus particulièrement sur les relations de l'Union européenne avec la Russie : le sommet tripartite qui s'est tenu à Deauville le 19 octobre dernier, à l'invitation du président de la République, en présence de la chancelière et du président russe Dimitri Medvedev, a marqué l'entrée dans une nouvelle ère : celle de l'alliance entre l'Europe et la Russie. Il est plus que temps de tirer les conséquences de la fin de la guerre froide : la Russie est désormais notre amie et notre partenaire.
Le premier témoignage de cette évolution spectaculaire, c'est que le président Medvedev, qui est à l'origine de l'idée d'un nouveau «traité de sécurité européen», a annoncé à Deauville sa participation au prochain Sommet de l'OTAN à Lisbonne, le 20 novembre, et a fait part au président de la République de sa disponibilité à envisager une participation de la Russie à un système de défense anti-missiles dans le cadre de l'OTAN, ce qui met fin à des années de différends entre la Russie, les Etats-Unis et l'OTAN.
Le Sommet de Deauville a également permis de constater une évolution de l'Allemagne à l'égard de la dissuasion nucléaire : alors que la réunion ministérielle de l'OTAN, le 14 octobre, destiné à préparer le Sommet de Lisbonne, avait fait apparaître une divergence sur le rôle de la dissuasion, Mme Merkel, a reconnu à Deauville que tout désarmement devait être fondé sur la réciprocité. La dissuasion est donc validée. C'est important dans le cadre de nos relations avec l'Allemagne.
C'est dans ce contexte particulièrement dense que se situe notre débat sur l'article 46 du projet de loi de finances qui est soumis à votre approbation et qui concerne le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.
Les données chiffrées, vous les connaissez : en 2011, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est évalué à 18,2 milliards d'euros, soit 7,2 % des recettes fiscales nettes françaises. Comme l'an pass??, les ressources propres dites «traditionnelles» - droits de douane et cotisations sucre -, estimées à 1,4 milliard d'euros, sont exclues du périmètre du prélèvement sur recettes, conformément à la recommandation de la Cour des Comptes.
La participation française au budget de l'Union européenne représente donc - c'est vrai, Monsieur Myard, et je suis le premier à le reconnaître - un effort de solidarité substantiel, notamment vis-à-vis des nouveaux Etats membres, qui bénéficient pleinement des dépenses de cohésion : fonds structurels et fonds de cohésion.
Cet effort est d'autant plus important qu'il doit être mesuré à l'aune des trois éléments suivants.
D'abord, il faut rappeler que la France figure parmi les tout premiers contributeurs au budget de l'Union européenne. Nous étions, en 2008, le troisième contributeur net et, en 2009, le deuxième contributeur net après l'Allemagne.
Ensuite, le solde net déficitaire de la France, qui s'élève, en 2009, à près de 5 milliards d'euros par an ne va cesser de croître jusqu'à la fin des actuelles perspectives financières, c'est-à-dire jusqu'en 2013. La contribution française devrait ainsi connaître, Monsieur Carrez, une progression moyenne de 600 millions d'euros par an, pour atteindre un solde net déficitaire de près de 7,3 milliards d'euros en 2013.
Enfin, la règle de progression dite «zéro valeur» du budget de l'Etat, combinée à la hausse de la contribution française au budget européen, qui est inscrite dans la norme de dépense du budget, va automatiquement se traduire par une diminution d'autres postes au sein du budget national.
Je crois de mon devoir, mesdames et messieurs les députés, de ne pas masquer cette réalité et, à travers vous, de dire la vérité aux Français : la solidarité que nous affichons légitimement vis-à-vis de nos partenaires européens a un véritable coût, dont la collectivité nationale doit bien prendre toute la mesure.
C'est cependant, pour le gouvernement, un prix nécessaire que nous acceptons de payer pour que la France et l'Europe soient au rendez-vous du XXIe siècle, pour que l'Europe soit un véritable multiplicateur de puissance au service des intérêts nationaux, au service d'un espace commun de valeurs et de démocratie, d'un modèle social unique au monde, pour qu'avec nos partenaires nous bâtissions les grands projets technologiques de l'avenir - je pense à Galiléo, aux réseaux transeuropéens de transport ou à ITER - et, enfin, pour que nous nous donnions les moyens de nos politiques communes, agricole, industrielle ou énergétique, tout cela mis en cohérence dans le cadre d'un marché intégré de 500 millions d'habitants.
Tel est l'objectif de cette contribution française. Encore faut-il en tracer les limites de bon sens, qui, je me permets de le rappeler, sont au moins au nombre de trois.
En premier lieu, il serait bon que les efforts de réduction des dépenses auxquels nous, les Etats, nous soumettons soient également partagés par les institutions européennes.
Or comment ne pas trouver un peu curieux que la Commission, qui, d'une main, entend flétrir, par des sanctions automatiques, les Etats qui ne sont pas suffisamment rigoureux au plan budgétaire, leur propose, de l'autre, un budget européen 2011 en augmentation - tenez-vous bien - de 6 % en crédits de paiement ?
C'est la raison pour laquelle le Conseil a refusé cette augmentation et a consenti à une augmentation tout de même importante de 2,9 % des crédits de paiement en août dernier, sur la base de laquelle est calculé le prélèvement sur recettes qui vous est présenté ce jour.
J'ose espérer que le Parlement européen, lui aussi tenté, comme la Commission, par une augmentation de son budget, saura faire preuve de sagesse dans le rythme d'évolution de ses dépenses et prendre pleinement en compte, dans le cadre de la procédure de conciliation avec le Conseil qui s'engagera à partir du 27 octobre, les réalités budgétaires européennes, qui s'imposent à tous, institutions européennes comme Etats membres.
Deuxième remarque de bon sens : quand l'argent européen est effectivement disponible, avec l'effort de solidarité de la France, pour mener une politique sociale urgente, nous attendons que cet argent soit utilement et efficacement dépensé. Or c'est très exactement l'inverse qui se passe sur l'un des dossiers les plus sensibles de la période récente : je veux parler du problème de l'intégration sociale des Européens d'origine rom.
En effet, dans ce dossier, la France a été injustement accusée, menacée, vilipendée, parfois dans des termes inacceptables, pour la politique pourtant totalement conforme au droit européen qu'elle a engagée, une politique consistant à faire respecter en France le droit d'occupation des sols et les conditions de séjour, elles-mêmes prévues par la directive de 2004.
Pour m'être investi dans ce dossier depuis un an et demi et pour m'être rendu trois fois à Bucarest, je veux le dire : nous, Français, avons été les premiers à appeler l'attention de nos partenaires sur l'existence, au sein de l'Europe au sens large, de ce qu'il faut bien appeler un quart-monde de 11 millions de personnes, dont 9 millions sont pourtant des citoyens de l'Union européenne, qui vivent dans des conditions inacceptables et sont donc conduites à des migrations internes au sein de l'Union.
Cette situation est le produit direct d'un échec patent des politiques d'intégration des Roms dans leurs pays d'origine. Que constate-t-on en effet ?
Premièrement, les fonds structurels dont sont bénéficiaires les nouveaux Etats membres, fonds qui existent bel et bien, ne sont pas affectés au bénéfice des populations roms et ne sont pas dépensés. Ainsi, sur les 20 milliards d'euros dont va, par exemple, bénéficier la Roumanie au titre de la période 2007-2013, à peine 85 millions d'euros sont supposés être destinés à la minorité rom de ce pays, qui compte pourtant près 2,5 millions de personnes : 85 millions d'euros sur sept ans, alors que ce pays touche, si j'ose dire, entre 3 et 4 milliards d'euros par an !
Deuxièmement, certains pays d'origine, loin d'assumer la moindre responsabilité vis-à-vis de leurs propres citoyens, préfèrent considérer cette question de l'intégration des Roms relèvent d'un problème unique, «paneuropéen» selon eux, celui de la libre circulation. Il reviendrait donc aux autres pays de financer et d'accueillir ces populations.
La polémique de cet été aura peut-être eu - je l'espère du moins - une vertu : elle aura démontré qu'il est temps de s'intéresser, comme la France le demande depuis des mois, aux vrais enjeux de l'intégration sociale des Roms dans les pays dont ils sont citoyens à part entière. Cette intégration est le seul moyen d'améliorer effectivement leurs conditions de vie. Il faut faire cesser les trafics d'êtres humains dont ces populations sont victimes. Il faut faire en sorte que l'intégration réussisse. Il faut donc que l'argent consacré à ces populations soit effectivement dépensé.
Ne pas le faire reviendrait à faire payer deux fois la France : la première fois au titre des fonds structurels qui sont transférés vers l'Est de l'Europe et dont la contribution qui vous est présentée représente une part ; la deuxième fois au titre de l'argent que l'Etat, mais aussi nos collectivités locales, de droite comme de gauche, devraient verser pour mener le travail d'insertion, de scolarisation, d'éducation des Roms, que d'autres ne font pas par ailleurs.
C'est donc pour mettre les points sur les i et rappeler les Etats d'origine à leurs responsabilités premières que le Conseil de l'Europe a adopté à Strasbourg, mercredi dernier, à l'initiative de la France et du secrétaire général du Conseil, une déclaration qui insiste sur le principe de la responsabilité première des pays d'origine dans la gestion de ce dossier très difficile.
Enfin, nous devons, de façon très claire, faire passer nos axes de réflexion dans la négociation qui se prépare, celle des prochaines perspectives financières, pour le budget 2014-2020.
Les grandes manoeuvres viennent, en effet, de commencer. La Commission a présenté, le 19 octobre, sa communication sur le réexamen du budget de l'Union. Ce document est la traduction de la clause de réexamen, inscrite dans les conclusions du Conseil européen de décembre 2005. Cet exercice, constamment repoussé, ne constitue cependant plus, à ce stade, qu'un examen à mi-parcours du cadre financier actuel.
Les autorités françaises examinent attentivement ce document, dont il ressort, en première approche, quelques grandes caractéristiques.
Premièrement, ce document est, comme nous l'attendions, relativement court et essentiellement qualitatif. Tout le volet chiffré est renvoyé à l'été prochain.
Deuxièmement, les formulations restent, pour l'essentiel, assez prudentes, notamment sur le volet dépenses. Il faut cependant prendre garde : derrière l'habileté de certaines formulations, on devine ou l'on perçoit que la Politique agricole commune est la seule politique faisant l'objet d'une indication tendanciellement négative. Il faudra donc être particulièrement vigilant pour le maintien de la Politique agricole commune.
Troisièmement, sur le volet ressources, la communication est très fournie et propose de nombreuses nouveautés, pour lesquelles nous devons prendre le temps de l'expertise : accroissement de la flexibilité au sein du budget, allongement de la durée de vie du cadre financier jusqu'à dix ans, recours accru à des instruments financiers novateurs, introduction de nouvelles ressources propres en remplacement de la ressource TVA et d'une partie de la ressource RNB.
Le débat sur le budget européen ne fait donc que commencer avec la publication de cette «budget review». Est encore attendue la publication, le 10 novembre, du cinquième rapport sur la politique de cohésion. Est aussi très attendue, le 17 novembre, la communication sur l'avenir de la politique agricole commune
A ce stade, je crois qu'il faudra surtout, dans la négociation qui va s'ouvrir, garder un cap très ferme et rappeler, comme je l'ai fait devant le commissaire européen en charge du budget, M. Lewandowski, les principaux éléments définissant nos intérêts nationaux.
En premier lieu, le budget européen doit rester stable au cours des prochaines années. Compte tenu de la hausse sensible et régulière de notre contribution brute et de la dégradation parallèle de notre retour net, la France sera extrêmement vigilante sur ce point auquel souscrivent, je crois, l'ensemble des Etats membres.
En deuxième lieu, il sera indispensable de maintenir une Politique agricole commune forte. Il n'est pas question d'accepter une évolution à la baisse du budget de la Politique agricole commune, qui représente encore près des trois quarts des retours de la France au titre du budget européen. On peut donc encore adapter et améliorer la Politique agricole commune - même si, comme vous le savez, elle fait partie des politiques européennes qui ont certainement été le plus réformées depuis leur création - mais il ne faut pas l'affaiblir, surtout au moment où la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire ainsi que les négociations avec les Etats-Unis et le Mercosur sont au coeur de l'actualité.
En troisième lieu, la stabilité du budget européen est parfaitement compatible avec une action européenne ambitieuse. La mise en oeuvre des politiques communes obéit à des procédures parfois lourdes et inefficaces qui ne satisfont pas les publics visés. Il est impératif d'améliorer ces politiques et de les adapter à un monde en profonde transformation ; plutôt que de dépenser plus, il faut dépenser mieux. C'est particulièrement le cas dans le secteur de la recherche et de l'innovation. C'est également le cas de la politique de cohésion. Je vous renvoie sur ce point à l'excellent rapport de votre collègue Pierre Lequiller, président de la commission des Affaires européennes, qui a travaillé sur ce dossier en liaison avec une eurodéputée française, Sophie Auconie.
Enfin, s'agissant des ressources, nous devons regarder les choses en face. Le financement du budget européen est devenu illisible, inefficace et injuste, avec une prolifération de rabais, certains permanents, d'autres non : chèque britannique, rabais TVA, rabais sur le chèque britannique, rabais RNB... Savez-vous, Mesdames et Messieurs les Députés, que la France est la première contributrice à la correction britannique, dont elle acquitte près de 25 % ? Cela représentait, en 2009, une dépense de 1,4 milliard d'euros sur un total de 5,6 milliards.
Cette situation n'est plus acceptable. Dans le prochain cadre financier, il faut naturellement se pencher sur le volet dépenses, mais personne ne comprendrait que l'on ne se penche pas aussi sur le volet ressources.
La France sera, dans ce cadre, naturellement disponible pour une réflexion d'ensemble sur le financement des dépenses de l'Union, comme le propose la Commission, dès lors que ce financement assure un partage équitable de la charge budgétaire.
Cependant, soyons clairs : cette réflexion sur les ressources ne doit conduire ni à une hausse des dépenses ni à la création d'un impôt européen, qui impliquerait de transférer à l'Union européenne une compétence propre sur la fixation de l'assiette et du taux d'une nouvelle ressource. Ce n'est le moment ni de créer un impôt nouveau, ni de changer de nature le système de financement de l'Europe. Aucun Etat membre, du reste, n'est prêt à l'accepter.
Tels sont, messieurs les présidents, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, les quelques éléments que je souhaitais porter à votre connaissance concernant les enjeux cruciaux du Conseil européen de cette semaine et le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne pour l'année 2011.
Sur cette base, le gouvernement a l'honneur de demander à votre assemblée d'approuver l'article 46 du projet de loi de finances.
(Intervention des parlementaires)
Je crois qu'il ne serait pas convenable de ne pas répondre aux orateurs, Madame la Présidente, d'autant que nous avons eu un débat très riche. Si le choix d'une séance de lundi après-midi n'a pas permis la présence de députés en quantité, au moins avons-nous eu la qualité comme l'a reconnu l'un des orateurs de l'opposition, que je remercie.
Si vous le voulez bien, je vais essayer de tirer la substantifique moelle de ce débat.
Je note que, sur l'essentiel, il existe un vrai consensus dans cet hémicycle, que ce soit sur le besoin d'Europe, sur le fait que l'Europe n'est pas qu'une charge, mais également une nécessité, sur le fait que des disciplines sont nécessaires. C'est un fait, les partisans de notre pays sont d'accord sur la plupart de ces points - seul M. Asensi ayant fait entendre une voix dissonante -, ce dont je me réjouis, car cet indispensable consensus est dans l'intérêt national.
M. Carrez, rapporteur général du budget, a dit des choses extrêmement importantes. Il a ainsi rappelé, comme M. Lequiller, la nécessité de nouvelles règles du jeu pour le parlement national, qui doit intervenir, notamment par le biais des commissions des finances. Il est important que le Parlement et le gouvernement interviennent de concert dans cette discussion du semestre européen, lors de ce débat mais aussi, probablement, lors d'une conférence budgétaire européenne - ce qui est l'objet d'une excellente proposition de M. Lequiller. Nous avons tout avantage à ce que les parlements européens soient associés aux décisions qui seront prises dans ce domaine.
Vous avez certainement noté le souci du gouvernement, tout au long de la préparation de ces disciplines nouvelles, de refaire du Conseil un endroit où se prennent les décisions politiques. Comme le disait M. Caresche, il ne faut pas entrer dans ce mécanisme infernal où les sanctions tombent automatiquement, un peu comme les amendes envoyées aux conducteurs flashés par un radar sur l'autoroute, ce qui a pourtant été le cas avec cette règle un peu curieuse de la majorité inversée, permettant que des décisions soient prises au sujet de la gestion du budget ou des orientations politiques sans que les parlements nationaux soient consultés. Fort heureusement, nous sommes revenus à la philosophie qui prévaut dans le traité, en particulier à l'article 126, ce qui me paraît important.
Gilles Carrez a souligné le rôle du Conseil en matière de politique des taux de change, un rôle consacré par l'article 219 du traité. Certes, nous n'allons pas déterminer seuls cette politique des taux de change - il faut tenir compte des décisions prises dans le cadre du G20, notamment à l'issue de la réunion des ministres des finances qui a eu lieu ce week-end, comme l'a dit M. Caresche -, mais nous sommes en phase avec des critères qui doivent nous permettre de démontrer de façon factuelle l'impact des taux de change sur les déséquilibres commerciaux. C'est l'une des clés dont nous devons tenir compte : les excédents des uns font les déficits des autres, et quand les déficits sont causés par les taux de change, il est nécessaire que le Conseil prenne des décisions. Sur ce point, tout le monde n'a peut-être pas les mêmes intérêts en Europe ; en tout état de cause, nous devrons porter une grande attention aux orientations définies dans le cadre du G20.
Vous m'avez demandé si ces considérations et ces agrégats faisaient déjà partie de la politique européenne. Sur ce point, il faudrait interroger ma collègue Christine Lagarde, qui se trouve en première ligne, mais, de la position qui est la mienne, je n'ai pas l'impression que ce soit le cas.
M. Moscovici a lui aussi, pour l'essentiel, confirmé ce consensus. D'ailleurs, je le redis, il est important qu'il y ait en France un consensus sur les grandes lignes de la politique européenne.
Non, l'Europe n'est pas une charge. Mais de là à insister pour que des dépenses nouvelles soient trouvées et que le budget soit plus fourni... Je veux le dire à l'opposition, notamment à M. Moscovici : en réalité, en Europe, je n'ai pas l'impression qu'il y ait aujourd'hui beaucoup d'Etats qui aient un surplus de trésorerie ou qui veuillent payer plus !
Je vous entends dire, Monsieur Moscovici et Monsieur Caresche, qu'il faut dépenser plus, qu'il faut que le budget soit beaucoup plus volontaire, mais je n'ai pas l'impression que vous trouviez beaucoup de candidats autour de la table !
La remise à plat du budget de l'Union, qu'a souhaitée tout à l'heure M. Poniatowski, et que demande aussi l'opposition, ne sera possible qu'à partir du moment où nous serons dans la préparation des prochaines perspectives financières. Vous le savez bien : ce n'est pas en cours d'exercice que l'on peut remettre à plat l'équilibre général du budget européen.
Les dépenses militaires sont un sujet que je soulevais régulièrement lorsque j'étais moi-même parlementaire. Il serait souhaitable, en effet, que la charge, le fardeau de la défense soit mieux réparti à l'intérieur de l'Union. D'ailleurs, la réalité est sans doute pire encore que ne le laissent penser les chiffres cités par M. Poniatowski : c'est quasiment la moitié de l'effort militaire des Vingt-Sept qui est fournie par la France et la Grande-Bretagne seules.
M. Blum critiquait le manque d'enthousiasme dans la relation franco-allemande ; il semblait douter de celle-ci. Je veux lui dire, ainsi qu'à M. Myard, que j'étais hier soir et ce matin à Luxembourg, à une réunion des Vingt-Sept. Eh bien, j'entendais beaucoup de gens critiquer un diktat franco-allemand.
La vérité, c'est que ce que l'on nous reproche, Monsieur Blum, c'est bien plus de constituer un moteur trop puissant que d'être un moteur incapable de grimper la pente !
En ce qui concerne les attaques contre la zone euro depuis le début de l'année, il faut avoir conscience du fait que, s'il n'y avait pas eu la France et l'Allemagne ensemble, elle aurait probablement éclaté.
M. Caresche disait tout à l'heure que, si nous n'avions pas eu l'euro, la crise financière eût été absolument épouvantable pour tous nos pays. Si nous avons pu surmonter cette crise, malgré, c'est vrai, des différences politiques entre la France et l'Allemagne, c'est parce que nous avons été ensemble.
Que voulez-vous, nous sommes des pays étranges !
Le Bundestag a eu, en effet, un vrai débat pour savoir s'il fallait signer un chèque pour sauver la Grèce. Je rappelle que la moitié de l'argent mis sur la table pour sauver ce pays - sur un total de 80 milliards de crédits européens - a été donnée en gros à cinquante-cinquante par l'Allemagne et la France. Les Allemands ont donc mis quelque temps à se mettre d'accord pour signer ce chèque, alors que les Français l'ont signé, tous bancs de cet hémicycle confondus, en un après-midi.
En revanche, quand il s'agit de passer à un débat sur les économies, et notamment - je donne cet exemple presque au hasard - sur la réforme des retraites, c'est là que la tension apparaît en France, alors qu'en Allemagne on trouve un consensus !
C'est cela, la réalité de l'Europe, mesdames, messieurs les députés : nous avons des pays qui fonctionnent différemment mais, au final, les problèmes sont les mêmes.
Le problème était donc de savoir si le système pouvait survivre à des dérives de la part d'Etats membres forçant quelqu'un à assurer, derrière, la signature d'un chèque. Il était indispensable d'arriver à des mesures fortes qui, à la fois, pérennisent le système de garantie financière - ce qui n'était pas évident - et imposent une discipline plus grande.
A cet égard, M. Garrigue se demandait tout à l'heure ce qu'apportait Deauville par rapport au sommet précédent. Eh bien, il apporte une chose tout à fait fondamentale. Jusqu'à présent, la solution temporaire - très difficilement acceptable par le gouvernement allemand - consistait à renflouer un Etat en crise, ce qui va exactement à l'inverse de ce qui est dit dans le traité, celui-ci interdisant un tel renflouement. Or cette solution, de temporaire, va devenir pérenne. C'est cela, l'apport de Deauville.
C'est cela qui est proposé par la France et l'Allemagne ensemble ; c'est cela qui va garantir un mécanisme permanent de réponse aux crises, si toutefois ce genre de situation devait se reproduire.
Parallèlement à cela - et non pas en échange de cette décision, comme je l'ai entendu -, la France, aussi bien que l'Allemagne, pense que des sanctions de nature politique seront beaucoup plus efficaces que le fait d'ajouter des contraintes financières à une situation de trésorerie déjà difficile.
L'idée est que, lorsqu'un pays dérape de façon caractérisée, la sanction ne consiste pas seulement à lui imposer des pénalités financières, sachant qu'il est déjà en déficit, mais d'ouvrir un débat sur la question de savoir s'il peut ou non participer aux décisions de la zone monétaire en étant lui-même en dehors des règles.
Cette idée-là, je me permets de vous le dire, n'est pas une idée allemande ou exclusivement allemande ; c'est aussi vraiment une idée française, car c'est ce que pense le président de la République.
Telles sont les deux propositions que nous mettons dans le paquet de préparation du Conseil de jeudi et vendredi. Elles sont absolument nouvelles par rapport au groupe Van Rompuy. Je dois d'ailleurs vous dire qu'elles ne font pas l'unanimité - c'est un euphémisme - autour de la table du Conseil. Encore une fois, d'aucuns reprochent à la France et à l'Allemagne ensemble de peser trop lourd dans le système. En même temps, c'est la garantie de la pérennité de ce système. Je le redis : la moitié de l'argent qui a été mis sur la table pour sauver la zone euro a été votée par le Bundestag et par votre assemblée.
Monsieur Perruchot, sur le débat que vous avez ouvert concernant l'impôt européen et la contribution nationale, je vois bien quelle est votre idée : au fond, il s'agit de déléguer à l'Europe une partie du droit de lever l'impôt. Mais la difficulté, étant donné les pouvoirs nouveaux du Parlement européen, c'est que vous allez changer la nature de la construction européenne.
Q - Allons vers une fédération !
R - C'est un débat qu'il est loisible d'avoir, Monsieur de Courson. Je dirai même qu'il faut avoir ce débat.
Le président de la Commission des Finances du Parlement européen est un Français, Alain Lamassoure. J'ai commencé, à mon modeste niveau, à organiser des débats entre eurodéputés et députés nationaux. Je crois qu'il est nécessaire que nous ayons ce débat, mais il faut distinguer deux choses. D'une part, il y a les ressources propres de l'Europe et les financements plus ou moins innovants que l'on peut trouver, notamment à travers la taxation des transactions financières.
Q - Vous seriez prêt à le faire ?
R - Il faut être ouvert à cette question, Monsieur Caresche, absolument.
D'autre part, il y a la levée d'un impôt nouveau, ce qui est une autre histoire ; cela appelle un vrai débat de fond sur la nature de la construction européenne. Par ailleurs, cela suppose d'entrer dans un processus dont on ne connaît pas le plafonnement.
A ce sujet, je ne veux pas faire de peine aux décentralisateurs qui se trouvent dans cet hémicycle mais vous savez bien la difficulté, et notamment vous, Monsieur de Courson, qui connaissez bien les finances publiques : il ne faudrait pas que l'Etat contrôle d'un côté ses finances, tandis que, de l'autre, certains dépensent allègrement. C'est ce qui se passe parfois !
J'ai déjà cité plusieurs fois M. Caresche, pour lui dire à quel point j'ai été frappé par les convergences qui existent entre nous. J'en relèverai encore une autre : il faut naturellement éviter, comme il l'a dit, le risque qu'un assainissement précipité nous conduise à une rechute, à ce que les Américains appellent un double dip.
Il ne sert à rien de cacher qu'il y a en ce moment aux Etats-Unis des inquiétudes devant les cures d'austérité et les réductions des déficits que l'on observe un peu partout. Les dernières en date, en Grande-Bretagne, sont tellement fortes qu'elles ont envoyé une secousse considérable jusqu'à Washington.
Est-ce que cette cure de réduction des déficits publics - et j'en viens en même temps à ce qu'a dit M. Asensi - constitue un asservissement de nos économies à la logique libérale ? Je pense que ce n'est pas seulement de cela qu'il s'agit. Sur ce point, il faut faire attention. D'ailleurs, cela va peut-être vous surprendre, mais je ne suis pas totalement en désaccord avec vous. Il y a, dans ce que vous disiez, des choses qui me semblent frappées au coin du bon sens.
Il y a évidemment, dans le dérapage du capitalisme mondial, dans sa financiarisation et dans la rapacité des opérateurs financiers, l'une des causes majeures de la crise et des souffrances des peuples, auxquelles - je vous prie de le croire - je ne suis pas aveugle. Mais la solution n'est pas de continuer à dire aux Européens qu'ils peuvent vivre à crédit pour toujours.
La vérité, c'est que nous vivons à l'époque de la mondialisation. Nous, Français, avons vanté la multipolarité depuis des années. Eh bien, ça y est, nous y sommes ! Les Chinois, les Brésiliens ou encore les Turcs, bref des puissances régionales émergentes, travaillent plus et ont plus faim que nous.
Si vous dites aux peuples européens qu'ils peuvent continuer à dépenser allègrement tout en conservant leur modèle social que quelqu'un d'autre va financer, vous les condamnez à des lendemains qui vont déchanter très durement ; vous les condamnez à la faillite.
C'est pour cela que la maîtrise des déficits, la compétitivité de notre industrie, sans oublier les politiques communes que nous devons conduire en matière énergétique, industrielle et agricole - et pour lesquelles nous avons besoin de l'Europe -, sont inséparables de la protection de notre modèle social. C'est pour cela que, comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention, il y a une totale cohérence entre l'engagement français en Europe - l'Europe est dans notre intérêt, pour la défense de nos valeurs et de notre modèle social - et notre effort pour rendre plus compétitive notre économie pour les emplois de demain, pour nos enfants.
Jusqu'à un certain point, je vous suis donc, Monsieur Asensi ; mais pas jusqu'au bout. Il ne s'agit pas seulement d'une mise au pas des économies européennes sur le modèle néolibéral. Au contraire, nous essayons - et c'est la réponse que je voulais donner à M. Caresche - de réduire les déficits, ce qui est nécessaire, tout en évitant le risque de tuer le début de croissance que nous avons. On observe en effet un taux de croissance de 1,5 %, avec la création de 60 000 voire - bientôt, j'espère - 100 000 emplois cette année, ce qui est mieux que pas mal.
Pourquoi l'Allemagne fait-elle mieux ? On a parlé d'un décrochage ou d'un risque de décrochage par rapport à elle, mais il faut quand même dire la vérité, en l'occurrence qu'un gouvernement socialiste a fait là-bas, il y a dix ans, une cure d'austérité en réformant le coût du travail, le temps de travail et les retraites, ce qui fait qu'aujourd'hui la machine économique allemande est beaucoup plus compétitive que toutes les autres à l'exportation.
Q - Mais après, ce gouvernement a perdu les élections !
R - C'est vrai qu'il a perdu les élections mais, à l'arrivée, l'Allemagne est à 3,5 % de croissance.
Sa croissance est tirée par les exportations vers les pays émergents et pas du tout, comme on le croit, par celles à l'intérieur de l'Union européenne.
Il n'y a pas d'autre différence entre la France et l'Allemagne qu'un décalage dans le temps du point de vue des réformes.
Je vous réponds donc : non, Monsieur Caresche, la France ne se désengage pas de l'Europe.
J'ajoute, Monsieur Asensi, par rapport aux réponses que j'ai déjà essayé de vous fournir, que, sur les politiques migratoires, je ne puis qu'être d'accord avec vous : l'argent consacré par l'Europe aux migrations internes, c'est-à-dire à l'aide aux malheureux qui sont censés bénéficier des dispositifs d'inclusion sociale et de l'article 2 du traité de l'Union, doit être effectivement dépensé, et cela d'autant plus que cet argent, nous le donnons !
Quant aux migrations extérieures, c'est un tout autre sujet, dont nous n'avons malheureusement pas le temps de débattre maintenant. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'Union européenne réglera ses problèmes en ouvrant toutes grandes ses portes à l'immigration : une politique migratoire, cela doit se gérer, comme tout autre politique ; lors de la Présidence française, nous y avons d'ailleurs beaucoup travaillé.
Monsieur Myard, vous avez absolument raison de soulever les problèmes de la réciprocité, et de la naïveté de l'Union européenne vis-à-vis de ses concurrents étrangers ; vous avez raison de souligner que certains ayatollahs de la Commission sont allés beaucoup trop loin dans la voie du néo-libéralisme et d'une absence de politique industrielle. Le mot même de politique industrielle était d'ailleurs tabou ; jusqu'à une date récente, on ne pouvait pas même évoquer ces sujets !
Mais les esprits évoluent depuis la crise, en particulier sur l'idée de politique industrielle. Nous sommes quelques-uns à nous battre pied à pied, conseil après conseil : j'ai aujourd'hui le sentiment que l'on peut parler de réciprocité ; nous avons utilisé le terme lors du dernier Conseil européen, nous avons utilisé le terme lors des négociations stratégiques avec la Chine. C'est la première fois que la réciprocité est évoquée pour l'accès aux marchés publics ! C'était un tabou pendant longtemps : la Commission considérait cette notion comme du protectionnisme.
La notion de politique industrielle, considérée elle aussi il y a peu comme un gros mot français, est aujourd'hui intégrée aux documents de la Commission et à la stratégie Europe 2020.
Sachez que, sur tous ces points, nous avançons, même si ce n'est pas très facile et même si nous souhaiterions avancer plus vite. Mais enfin, Monsieur Myard, la réalité m'oblige à vous dire que les 500 millions d'Européens ne sont pas tous français ; ils ne pensent pas tous comme des Français.
Q - Il y en a qui ne pensent pas du tout !
R - Il y a des gens qui pensent différemment : des Britanniques, des Suédois, etc.
Je réponds maintenant aux interventions sur l'article 46.
De façon générale, je rappellerai que le budget européen est régi par les mêmes principes que notre budget national, en particulier par celui de la non-affectation des recettes. En conséquence, la contribution française est versée au budget européen dans son ensemble, et il ne nous est pas possible de déterminer l'affectation de notre contribution, de même que nous ne pourrions pas décider de ne pas participer au financement de telle ou telle politique de l'Union européenne.
Sur le fond, je rappelle que la France - à l'époque du président Jacques Chirac - a reconnu à la Turquie le statut de pays candidat.
Le Conseil européen unanime, et donc la France, a reconnu à la Turquie le statut de pays candidat. C'était à Copenhague.
Comme les autres pays auxquels ce statut a été accordé, la Turquie bénéficie donc d'un programme d'aides financé par le budget communautaire.
Entre 2000 et 2006, elle a reçu au titre du programme d'aide de pré-adhésion près de 1,23 milliard d'euros. L'instrument d'aide de pré-adhésion, qui a remplacé les instruments précédents en 2007, est doté de 4,873 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Voilà ce qui doit aller à la Turquie.
Ces crédits attribués à la Turquie par l'Union européenne, j'insiste sur ce point, ne préjugent en rien de l'issue des négociations engagées avec ce pays en 2005.
Sur cette issue, la position de la France, déterminée par le président de la République, est connue. Il n'est pas vrai que le maintien de ces crédits entre en contradiction avec les propos du président de la République : celui-ci sait parfaitement que la France a reconnu le statut de candidat de la Turquie ; il a dit avant son élection, et il l'a redit depuis, et le gouvernement avec lui, que selon nous, Français, la Turquie n'a pas vocation à rejoindre l'Union. D'autres pays le pensent aussi.
Cela ne remet pas en cause les négociations de candidature, dont nous et les autres pays considérons qu'elles sont dans l'intérêt de la France, dans l'intérêt de la Turquie, dans l'intérêt de l'Europe : elles ont en effet pour résultat de hisser ce partenaire très important de l'Union européenne à un niveau juridique et réglementaire plus élevé.
Voilà pourquoi la Turquie conserve son statut de pays candidat, y compris sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Soyons absolument clairs sur ce point : la Turquie conserve ce statut, même si la France est opposée à l'adhésion de ce pays et qu'elle est plutôt favorable à un partenariat privilégié.
Mais, pour avoir un tout petit peu travaillé à la relation entre la France et la Turquie, je peux vous dire que cette relation bilatérale est importante, et qu'elle est dans l'intérêt de nos deux pays. Nous en avons convenu ensemble lors de la visite en France, cette année, du Premier ministre Erdo?an et du président de la République Gül : il y a entre nous un désaccord sur l'aboutissement des négociations - la Turquie veut entrer dans l'Union, nous ne partageons pas ce projet. Nous en avons parlé ouvertement.
Nous sommes cependant parfaitement d'accord pour renforcer nos relations politiques, économiques et stratégiques. C'est dans l'intérêt de l'Union et dans l'intérêt de la France ; c'est ce que nous faisons.
Il est hors de question pour nous d'accepter de remettre en cause le statut de pays candidat de la Turquie. Je donnerai donc un avis défavorable aux amendements qui ont été déposés sur cet article.
Q - A propos de l'amendement n° 13 - avis de la commission.
R - La commission des finances a exprimé un avis défavorable.
Cet amendement vise en effet à remplacer le mot «participation» par le mot «contribution» : en filigrane, on aperçoit donc le débat sur les ressources propres que nous avons eu tout à l'heure.
Mais, aujourd'hui, il n'y a pas d'impôt européen. Or le terme de « contribution » laisserait entendre qu'il y aurait des «contributeurs». Il n'y en a pas : c'est donc bien le terme de «participation» qui doit être utilisé.
Même raisonnement et même avis de la part du gouvernement.
(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)
Q - A propos de l'amendement n° 73. Quel est l'avis du gouvernement ?
R - Je voudrais ajouter pour l'information des députés les éléments suivants :
S'agissant du volume des transferts qui sont prévus dans l'instrument de pré-adhésion sur la Turquie, compte tenu du nombre d'habitants et du niveau de développement, ce que reçoivent les Turcs, c'est 8 euros par habitant, à comparer aux 30 euros pour la Croatie et la Macédoine, qui sont dans des dispositifs analogues.
Au regard du nombre d'habitants et du niveau de développement, l'écart est celui-là. C'est un fait. Ensuite, comme l'a dit M. Carrez, il n'y a pas moyen de peser sur l'affectation de ces crédits dans le droit budgétaire européen, pas plus qu'il n'y a de moyens de le faire en droit budgétaire national.
Enfin, vous avez mentionné le rapport de la Cour des comptes européenne. Le rapport adopté le 22 octobre 2009 sur la gestion par la Commission de l'aide de pré-adhésion en faveur de la Turquie relève des déficiences dans la gestion de l'aide, en particulier pour la période 2002-2006, mais elle note également des améliorations sensibles. Cela a d'ailleurs fait l'objet d'un débat au conseil Affaires générales et les Etats ont adopté des conclusions qui invitent la Commission à prendre des mesures de contrôle supplémentaires.
Sur le fond, je voudrais vous dire, peut-être encore plus nettement que M. Lequiller, que voter cet amendement ne rendrait pas service à la politique étrangère de la France s'agissant de la Turquie.
On ne saurait se réfugier derrière le président de la République pour remettre en cause, en réalité, une politique très claire, celle du partenariat privilégié et non de l'adhésion.
La politique conduite par le gouvernement nommé par le président de la République dont je suis membre est extrêmement claire : il s'agit de considérer que la négociation d'adhésion continue et de ne pas remettre en cause le statut de candidat de la Turquie tout en disant clairement - beaucoup plus clairement d'ailleurs que la plupart des autres pays européens - que le point d'arrivée ne sera pas l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Le gouvernement turc le sait, tout comme l'opinion publique turque. Notre contribution à l'Union européenne représente quand même une vingtaine de milliards d'euros. Décider d'économiser une portion de cette somme juste pour punir la Turquie serait ressenti comme une humiliation par l'opinion turque. Je ne vous conseille pas une telle décision.
Je comprends bien sûr les raisons de politique intérieure qui animent les auteurs de l'amendement. Je ne vis certainement pas dans une bulle, Monsieur Mallié, je connais parfaitement les problèmes auxquels vous faites allusion pour y avoir été confronté dans mon ancienne circonscription. Mais je considère que voter un tel amendement, et je m'adresse à tous les députés de la majorité, serait un mauvais coup porté à la politique étrangère du président de la République. Je ne peux être plus clair. Après, que chacun prenne ses responsabilités.
Mais qu'on ne vienne pas m'expliquer que c'est cohérent avec ce que dit le président de la République. C'est tout l'inverse.
Pendant ces quatre heures de discussion, nous avons pu mener deux débats passionnants, l'un sur le mécanisme de sauvegarde de la zone euro, sujet important qui fera l'objet d'autres discussions en fin de semaine, et l'autre sur cet amendement de M. Mallié, que je remercie d'avoir provoqué une discussion de fond sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Là n'est pas le débat, d'ailleurs. Le gouvernement est contre l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, les choses sont bien claires.
Mais j'interviens sur deux points. D'abord, Madame Marland-Militello, avec toute l'affection que je vous porte, je ne peux pas laisser dire que le gouvernement ment. Dire de telles choses, ce n'est rendre service ni au gouvernement, ni au président de la République, ni à la politique étrangère de la France.
Quelle est notre position ? A Copenhague, la France, comme la quasi-totalité des pays de l'Union, avait accordé le statut de candidat à la Turquie. Ce statut, personne ne l'a remis en cause. Simplement, ce que nous avons dit, c'est que nous sommes contre l'adhésion. La négociation continue car nous considérons qu'il est dans l'intérêt de la France qu'elle continue. C'est aussi dans l'intérêt des Turcs d'élever le niveau de la démocratie chez eux, et ils nous le demandent.
C'est également l'intérêt de nos relations bilatérales. Au passage, je rappelle que la Turquie est un pays où il y a, excusez du peu, une université francophone - j'y ai enseigné - et cinq lycées francophones ; nous y sommes le quatrième investisseur et nous y avons des intérêts économiques stratégiques majeurs. Ce pays se développe avec un taux de croissance de 9 %. C'est une puissance émergente importante sur le continent européen, qu'il nous faut considérer comme tel. En politique étrangère, - Monsieur Perruchot, je ne suis pas aveugle sur ce que fait mon homologue Ahmet Davutoglu - nous suivons avec beaucoup de soin le déploiement de l'influence turque depuis le Maghreb et l'Afrique noire jusqu'en Asie centrale.
Ce pays aspire à être un hub, comme l'on dit, dans le domaine énergétique. Il a une politique de puissance régionale, avec des positions qui ne sont pas exactement les nôtres par exemple sur l'Iran ou sur l'affaire de la flottille à Gaza. Nous suivons cela avec beaucoup d'attention et nous considérons que la Turquie est un acteur clé en Europe ; là n'est pas la question.
Face à cela, la position du gouvernement, je le répète, est absolument claire : la France est pour la relation la plus étroite possible, dans le cadre d'un partenariat stratégique, avec la Turquie, comme nous aspirons à un tel partenariat avec l'Ukraine ou avec un grand pays comme la Russie.
Toute autre question sur l'adhésion n'a pas lieu d'être. Maintenant que M. Mallié a obtenu un débat fort intéressant sur ce sujet, je préférerais qu'il retire son amendement.
(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)
(L'article 46 est adopté.).
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 octobre 2010