Interview de M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à Europe 1 le 29 octobre 2010, sur la mise en oeuvre de la loi sur l'interdiction du voile intégral, l'expulsion des Roms et la perspective d'un remaniement ministériel.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Bonjour E. Besson.
 
Bonjour M.-O. Fogiel.
 
Vous êtes donc ministre de l’Immigration. Quinze jours après la promulgation de la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public, vous venez d’installer quinze ambassadrices chargées de promouvoir la laïcité, l’égalité homme/femme dans les quartiers les plus sensibles, on les a entendues d’ailleurs tout à l’heure dans le journal de 6h30. Vous avez installé des femmes pour aller parler aux femmes, vous ne croyez pas qu’il faudrait plutôt qu’elles parlent aux hommes ?
 
Elles parleront d’abord aux femmes, mais sans doute aussi aux hommes et aux jeunes...
 
Ce n’est pas ce qu’elles disent.
 
J’essaye d’apporter ma contribution à ce que va être le grand plan interministériel qui va être lancé sous l’autorité du Premier ministre, conformément à la loi. La loi dit que le 11 avril 2011, c’est-à-dire six mois après la promulgation de la loi, nul ne pourra plus porter de voile intégral en France. Donc il y a ces six mois de pédagogie, d’information. Et l’association « Ni putes ni soumises » nous a proposés une convention que j’ai trouvé intéressante par laquelle effectivement quinze ambassadrices vont aller sillonner la France et parler à celles qui pourraient recevoir des contraventions si elles ne changent pas d‘attitude d’ici six mois.
 
Au moment où vous installez ces quinze ambassadrices, Ben Laden lance un message spécifiquement aux Français et trouve injuste la façon dont sont traités les musulmans en France. Comment vous interprétez ça. S’il arrivait quelque chose aux otages, est-ce que vous auriez une forme de regret d’avoir fait passer cette loi ?
 
Je crois qu’il faut bien distinguer les choses. La France est une nation bâtie sur des valeurs : la liberté, l’égalité, la fraternité. Mais aussi la laïcité et l’égalité homme/femme. Et la spécificité de la nation française, au regard de la laïcité, elle est connue et reconnue dans le monde. Alors les menaces de Ben Laden il ne faut pas les prendre à la légère, B. Hortefeux a dit il y a quarante huit heures tout ce que devait être à la fois notre vigilance et notre action, mais ça n’est pas Ben Laden qui peut nous faire renoncer à des valeurs qui sont constitutives de notre identité nationale, de notre vivre ensemble.
 
Mais vous ne dites pas que la loi elle s’adresse finalement à quasiment personne, 2.000 femmes, et que d’un coup ça suscite une réaction certes d’un terroriste, mais une réaction dont on se serait bien passé non ?
 
Le concept de « quasiment personne »... D’abord 2.000 ce n’est pas quasiment personne. Deuxièmement, l’enquête parlementaire, la mission d’information parlementaire a montré que c’était un chiffre en expansion. Vous pensez que ça aurait été plus intéressant qu’on attende qu’il y en ait 20 000 ou 200 000 pour que la loi soit votée ? Je crois que quand on touche à des principes et l’idée qu’on ne peut pas masquer son visage, qu’on ne peut pas imposer à une femme une espèce de cercueil ambulant comme est le voile intégral, est quelque chose qui touche à l’essentiel des valeurs de notre nation. Voilà, je crois qu’il faut faire preuve à la fois de fermeté - c’est la loi - de pédagogie et de dialogue.
 
E. Besson, vous êtes également donc secrétaire général adjoint de l’UMP, est-ce que vous diriez qu’avec votre rôle de ministre de l’Immigration, vous avez pesé sur l’impopularité de N. Sarkozy, les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui en termes d’image ?
 
Votre question est formulée de façon ...
 
Interrogative.
 
On va aller à l’essentiel. La régulation de la migration c’est l’idée que l’Europe et la France sont une terre d’immigration légale, qu’il faut lutter contre l’immigration irrégulière et contre les mafias qui organisent cette immigration irrégulière. Et qu’en même temps nous devons rester une terre d’asile, ce que la France fait puisque nous sommes les premiers en Europe en matière d’octroie de l’asile à des réfugiés politiques. C’est quelque chose qui est maintenant la politique commune de l’Union européenne, quelle que soit la sensibilité politique...
 
C’est la façon dont on le fait, E. Besson. A propos d’Union européenne, on ne va pas revenir sur les déclarations de V. Reding, mais la politique autour des Roms a été contestée, elle a crée une polémique, donc c’est la façon dont les choses sont faites qui sont en question.
 
Le fait qu’elle ait été contestée n’implique pas qu’elle n’est pas juste. Juste au regard du droit communautaire et de la loi française : nous avons respecté le droit communautaire et la loi française. Et juste sur le plan politique au sens où l’Union européenne ça ne veut pas dire le droit de s’installer partout en se mettant instantanément dans l’illégalité ou au crochet d’un système de protection sociale. L’Europe ça n’est pas le supermarché de la protection sociale.
 
Sur la popularité de N. Sarkozy, vous en pensez quoi vous E. Besson ? Le remaniement est nécessaire rapidement aujourd’hui pour tourner une page ?
 
D’abord sur la popularité de N. Sarkozy regardez la situation de tous les gouvernements après la crise que nous venons de connaître. Regardez la situation de B. Obama, de J.-L. Zapatero en Espagne, d’A. Merckel en Allemagne, et regardez ce qui est arrivé aux travaillistes britanniques. Toutes les crises sont une source de difficultés pour les pouvoirs en place. Or la France la traverse mieux que d’autres. Deuxièmement, nous venons de connaître et de vitre une réforme très très importante pour l’avenir des retraites en France, l’avenir des retraités actuels mais surtout de ceux qui partiront dans les décennies à venir. Et donc il est normal, après cette phase là, que le Gouvernement ou le président de la République connaisse des difficultés de popularité.
 
Mais donc un remaniement... Vous, vous dites dans le Figaro ce matin : « je jouerai au poste qu’on me donnera » puisque vous aimez bien le football. Si c’est sur le banc de touche, vous direz quoi ?
 
Je l’accepterai, mais il se peut aussi que je sois sur le terrain...
 
Sur le terrain, plutôt un autre ministère ? Vous dites « plutôt dans ce qui m’anime, l’économie, les finances », c’est ce que vous souhaitez. Manifestement, vous avez envie de bouger de votre ministère, clairement E. Besson ?
 
On verra le moment venu. Je crois que vos auditeurs comme les Français globalement doivent être lassés de la spéculation sur le remaniement...
 
Oui mais on en parle depuis tellement longtemps puisque c’est le président de la République qui a parlé de ce remaniement il y a tellement longtemps...
 
 Il en a parlé une fois à huis clos devant des députés, et depuis nous vivons à ce rythme-là. Pour l’heure, on est au travail, moi je peux vous décrire tout ce que je fais, mes collègues sont dans l’action. Quel est l’axe ? L’axe il est simple : s’adapter à la mondialisation, être plus compétitif sur le plan économique, sans abîmer notre système de protection sociale, adapter notre protection sociale. C’est ça le cap, le pacte qu’a passé le président de la République avec les Français en 2007, et c’est la feuille de route que nous déclinons. Il y aura un remaniement, il est annoncé, ou pré annoncé vraisemblablement pour la fin novembre. Eh bien on aura tout le temps de voir ce que seront nos places et vous de le commenter ?
 
Vous poser des questions. Merci E. Besson.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 5 novembre 2010