Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le climat de tension au Liban et le sort des chrétiens d'Orient, Bkerké le 6 novembre 2010.

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Circonstance : Voyage au Liban de Bernard Kouchner le 6 novembre 2010 : entretien avec le cardinal Nasrallah Boutros Sfeir, patriarche maronite d'Antioche et de tout l'Orient, à Bkerké le 6

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, J'ai été heureux de rencontrer sa Béatitude le Patriarche Sfeir que je n'avais pas vu depuis sa visite à Paris, et que j'ai plaisir, infiniment plaisir, à retrouver aussi jeune et dynamique. Et vous aussi Père Michel, qui m'accueillez toujours avec des mots formidablement chaleureux.
Nous avons parlé de la situation, ici au Liban, qui est un peu tendue. Je vais évidemment faire le tour - j'ai déjà commencé -, de tous les responsables libanais, de toutes les communautés. Comme à son habitude, la France ne privilégie aucune communauté. Au contraire, la France veut les aider, les écouter et les entendre toutes. J'ai déjà rencontré hier notamment le président, M. Sleiman, le Premier ministre, M. Hariri, ainsi que M. Walid Joumblatt.
Je voudrais vous dire que j'ai parlé d'un grave sujet avec Sa Béatitude : le sort en général des chrétiens d'Orient. Nous avons été très très brutalement interpellés par la violence de ce qui s'est passé dans la cathédrale syriaque de Bagdad, où il y a eu de très nombreuses morts parmi les fidèles - on ne s'est même pas s'ils sont 50 ou 52 - et beaucoup de blessés. J'ai rencontré toute la représentation des chrétiens d'Orient, avant-hier au ministère des Affaires étrangères à Paris, et nous avons décidé d'un plan qui nous a été demandé comme une aide d'urgence, une évacuation sanitaire. L'avion médicalisé arrivera dans la nuit de dimanche à lundi probablement beaucoup de blessés qui viendront se faire soigner en France : une trentaine de personnes dont 15 blessés graves. Mais ce n'est pas la solution, il n'y a pas de solution qu'humanitaire. Il faut aider les gens, nous le faisons, mais nous avons parlé avec Mgr Sfeir de la situation des chrétiens d'Orient. Je sais, bien sûr, et depuis longtemps, que les chrétiens ne sont pas les seules victimes de la violence, en particulier en Irak. Nous avons parlé de tout cela et je voulais vous le dire en ces constances douloureuses.
Q - Trouvez-vous que le sort des chrétiens libanais est en danger ?
R - Non, je ne dis pas cela, mais je sais que beaucoup de chrétiens libanais sont partis au cours de ces dernières années. C'est en pensant à eux que l'on a évoqué le sort des chrétiens en général en Orient. Je ne dis pas que les chrétiens libanais soient particulièrement visés en ce moment. Je sais qu'il y a aussi des tensions entre communautés chiites et sunnites, à travers tout le Moyen-Orient. Et puis il y a aussi, vous le savez, un processus de paix en panne entre les Israéliens et les Palestiniens. Tout cela produit une conjoncture difficile à appréhender dans son entier, mais dont l'impression générale est quand même une tension importante.
Q - Que pensez-vous du Tribunal pour le Liban ?
R - Pourquoi cet étonnement d'un seul coup ! La création de ce tribunal a été décidée en 2007 ; c'est le Liban qui en est à l'origine. Il a été voté au sein du Conseil de sécurité des Nations unies en 2008. La communauté internationale a décidé la création de ce tribunal. Nous avons l'habitude, parce que cela a commencé en Europe avec le tribunal spécial pour les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie ; c'était au coeur de l'Europe. Avec la participation de la France, de tous les pays, c'est en Europe que les gens ont été arrêtés.
La création de ce tribunal résulte d'une décision de la communauté internationale et le voilà à l'oeuvre aujourd'hui, je ne vois pas la surprise. Je dis - mais nous l'avons déjà dit plusieurs fois - que la France soutient la justice internationale et que nous soutenons le tribunal.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010