Texte intégral
Q - Bonjour, Bernard Kouchner.
R - Bonjour, Jean-Michel Apathie.
Q - Le président chinois Hu Jintao a terminé samedi une visite officielle en France qui s'est soldée par de nombreux contrats en faveur d'Airbus, d'Areva ou de Total. A aucun moment, les autorités françaises n'ont évoqué publiquement les problèmes du Tibet ou la situation plus particulière de Liu Xiaboo, désigné Prix Nobel de la Paix le 8 octobre dernier et emprisonné depuis deux ans en Chine, sous l'accusation farfelue de subversion du pouvoir de l'Etat. Conviendrez-vous Bernard Kouchner, sur RTL ce matin, qu'au nom du réalisme, la force chinoise a imposé le silence à la «France des droits de l'Homme» ?
R - Je n'en conviendrai pas du tout. Les deux présidents ont parlé des droits de l'Homme. Personnellement, votre serviteur a passé une heure et demie avec M. Yang Jiechi, le ministre des Affaires étrangères chinois, à parler des droits de l'Homme, en particulier du dissident Prix Nobel.
Q - Vous en avez parlé, vous avez eu de ses nouvelles ? Vous savez comment il est traité en prison ?
R - Hélas oui, nous savons qu'il est en prison, mais nous ne connaissons pas les détails de cette détention.
Q - Mais vous en avez parlé pendant la visite ?
R - J'en ai parlé pendant la visite, je vous le répète.
Q - Et le président français ?
R - J'ai eu un rendez-vous avec M. Yang pendant une heure et demie.
Q - Et le président français en a parlé avec le président chinois ?
R - C'est ce qu'il a dit. Ils en ont parlé à Nice.
Q - C'est ce qu'il vous a dit ?...
R - Et c'est ce qu'il a dit à tout le monde. Pourquoi ne le croyez-vous pas ?
Q - Il a dit publiquement : «Il n'y a pas de tabou entre nous». Mais, il n'a pas dit qu'il avait parlé spécifiquement de ce problème. Donc, il en a parlé spécifiquement ?
R - Je le confirme. En tous cas, Pour ma part, j'ai parlé - et très longuement - de tous les problèmes, y compris du Prix Nobel de la Paix.
Q - Le Prix Nobel, justement, sera remis, en son absence bien sûr, à Liu Xiaboo le 10 décembre prochain à Oslo. La Chine a déjà mis en garde les gouvernements qui enverront des représentants à cette occasion. Ils devront en supporter les conséquences, a menacé la vice-ministre des Affaires étrangères. La France sera-t-elle représentée à cette cérémonie ?
R - La France se concerte avec les autres Etats membres de l'Union européenne, pour qu'il y ait une réponse commune. Nous ne l'avons pas encore officiellement annoncée, mais je crois qu'elle sera commune et positive.
Q - Commune et positive : cela veut dire que l'Europe, la France, seront représentées lors de cette cérémonie ?
R - Attendons que les consultations se terminent. Elles ont commencé vendredi et se sont poursuivies ce week-end. Nous le saurons bientôt.
Q - Mais enfin, il n'est pas certain que l'on soit représenté lors de cette cérémonie. Vous, le souhaitez- vous ?
R - Bien sûr que je le souhaite.
Q - D'accord.
R - Vous savez pourquoi ? Parce que le Prix Nobel de la Paix, je connais un peu.
Q - C'est à dire ?
R - Je vous expliquerai...
Q - Non, non. Allez-y. Que voulez-vous dire ?
R - Ecoutez, c'est un peu délicat.
Q - Vous l'avez eu.
R - Je pense, en effet.
Q - Et alors ?
R - Et bien cela m'intéresse. J'y attache de l'importance.
Q - Et donc...?
R - Et donc nous avons insisté. J'ai expliqué aux Chinois tout cela.
Q - Donc, il faut y être ?
R - Je viens de vous répondre qu'il y aura une réponse européenne ; ce sera beaucoup plus fort. Je ne la connais pas encore parce que nous consultons ; il y a vingt-sept pays, comme vous le savez, dans l'Union européenne. Nous le faisons Monsieur Apathie. Je vous assure que vous ne serez pas déçu.
Je voudrais parler des sujets importants de ce week-end, en particulier du Liban, qui est un pays ami, qui s'inquiète, qui est menacé et qui est en grand danger.
Q - Parce que vous étiez au Liban, samedi ?
R - J'y étais parce qu'il y a une menace sur ce pays ami. Il y a un choix à faire et il faut faire comprendre aux Libanais que ce choix n'est pas un choix entre l'unité du pays et le Tribunal spécial pour le Liban, qui recherche les assassins de Rafik Hariri. Globalement, je crois que cela se passera bien, mais il était important d'aller dire que la France est aux côtés de ses amis libanais de toutes les communautés. Le président de la République reçoit tous les partis libanais.
Q - Donc, c'est ce que vous avez fait samedi. Pouvez-vous nous dire pourquoi les premiers chrétiens d'Irak qui ont subi un attentat à Bagdad arriveront ce soir en France ?
R - Un attentat horrible, comme tous les attentats d'ailleurs.
Q - Pourquoi, les accueillons-nous en France ?
R - Tout d'abord parce qu'ils le demandent. Ensuite, parce que nous avons proposé tout de suite, avec le Centre de crise du Quai d'Orsay, de prendre en charge des blessés. C'est évidemment un geste humanitaire.
Plus d'un millier de chrétiens d'Irak ont trouvé refuge dans notre pays ; il y en aura d'autres. Mais le problème qui se pose, là aussi, est un problème très grave. En fait, il se pose avec tous les chrétiens d'Orient. Les persécutions et les difficultés concernent tous les chrétiens d'Orient. Nous offrons donc notre aide. Mais ce ne sont pas les visas qui vont changer le problème, c'est - comment dirais-je - l'attitude de certains au Moyen-Orient contre les chrétiens.
Nous accueillons 37 blessés, dont certains très graves. Le Centre de crise a mis un avion médicalisé à leur disposition. Ils arrivent ce soir et je suis très fier, avec Brice Hortefeux et avec Eric Besson, d'avoir réussi cette opération. Mais la solution n'est pas bien entendu de donner des visas et de faire quitter le Moyen-Orient à tous les Chrétiens ; ils sont une composante essentielle du Moyen-Orient. Le problème le plus important - on n'a pas le temps non plus d'en parler, mais c'est essentiel pour la compréhension du mouvement du monde -, c'est l'animosité, la tension entre des communautés chiites et sunnites.
Q - On le voit, vous êtes investi dans ces dossiers Bernard Kouchner.
R - Et bien oui !
(...) En Guinée, avec deux candidats en présence, Celou Dalein Diallo et Alpha Condé, cela faisait cinquante ans qu'ils n'avaient pas voté. Il n'y a pas eu de troubles. Il s'agit d'un succès de la diplomatie française, de Sekouba Konaté, le président par intérim et de mon autre ami Blaise Compaoré, président du Burkina. Voilà ce qui m'intéresse. Hier, il y a eu aussi des élections en Birmanie. C'étaient de fausses élections même s'il y a eu un petit mouvement. Les gens s'intéressent à nouveau à la Birmanie. Mme Aung San Suu Kyi hélas ne participait pas à ces élections. Voilà de quoi je souhaiterais parler mais j'en ai parlé trop rapidement.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010
R - Bonjour, Jean-Michel Apathie.
Q - Le président chinois Hu Jintao a terminé samedi une visite officielle en France qui s'est soldée par de nombreux contrats en faveur d'Airbus, d'Areva ou de Total. A aucun moment, les autorités françaises n'ont évoqué publiquement les problèmes du Tibet ou la situation plus particulière de Liu Xiaboo, désigné Prix Nobel de la Paix le 8 octobre dernier et emprisonné depuis deux ans en Chine, sous l'accusation farfelue de subversion du pouvoir de l'Etat. Conviendrez-vous Bernard Kouchner, sur RTL ce matin, qu'au nom du réalisme, la force chinoise a imposé le silence à la «France des droits de l'Homme» ?
R - Je n'en conviendrai pas du tout. Les deux présidents ont parlé des droits de l'Homme. Personnellement, votre serviteur a passé une heure et demie avec M. Yang Jiechi, le ministre des Affaires étrangères chinois, à parler des droits de l'Homme, en particulier du dissident Prix Nobel.
Q - Vous en avez parlé, vous avez eu de ses nouvelles ? Vous savez comment il est traité en prison ?
R - Hélas oui, nous savons qu'il est en prison, mais nous ne connaissons pas les détails de cette détention.
Q - Mais vous en avez parlé pendant la visite ?
R - J'en ai parlé pendant la visite, je vous le répète.
Q - Et le président français ?
R - J'ai eu un rendez-vous avec M. Yang pendant une heure et demie.
Q - Et le président français en a parlé avec le président chinois ?
R - C'est ce qu'il a dit. Ils en ont parlé à Nice.
Q - C'est ce qu'il vous a dit ?...
R - Et c'est ce qu'il a dit à tout le monde. Pourquoi ne le croyez-vous pas ?
Q - Il a dit publiquement : «Il n'y a pas de tabou entre nous». Mais, il n'a pas dit qu'il avait parlé spécifiquement de ce problème. Donc, il en a parlé spécifiquement ?
R - Je le confirme. En tous cas, Pour ma part, j'ai parlé - et très longuement - de tous les problèmes, y compris du Prix Nobel de la Paix.
Q - Le Prix Nobel, justement, sera remis, en son absence bien sûr, à Liu Xiaboo le 10 décembre prochain à Oslo. La Chine a déjà mis en garde les gouvernements qui enverront des représentants à cette occasion. Ils devront en supporter les conséquences, a menacé la vice-ministre des Affaires étrangères. La France sera-t-elle représentée à cette cérémonie ?
R - La France se concerte avec les autres Etats membres de l'Union européenne, pour qu'il y ait une réponse commune. Nous ne l'avons pas encore officiellement annoncée, mais je crois qu'elle sera commune et positive.
Q - Commune et positive : cela veut dire que l'Europe, la France, seront représentées lors de cette cérémonie ?
R - Attendons que les consultations se terminent. Elles ont commencé vendredi et se sont poursuivies ce week-end. Nous le saurons bientôt.
Q - Mais enfin, il n'est pas certain que l'on soit représenté lors de cette cérémonie. Vous, le souhaitez- vous ?
R - Bien sûr que je le souhaite.
Q - D'accord.
R - Vous savez pourquoi ? Parce que le Prix Nobel de la Paix, je connais un peu.
Q - C'est à dire ?
R - Je vous expliquerai...
Q - Non, non. Allez-y. Que voulez-vous dire ?
R - Ecoutez, c'est un peu délicat.
Q - Vous l'avez eu.
R - Je pense, en effet.
Q - Et alors ?
R - Et bien cela m'intéresse. J'y attache de l'importance.
Q - Et donc...?
R - Et donc nous avons insisté. J'ai expliqué aux Chinois tout cela.
Q - Donc, il faut y être ?
R - Je viens de vous répondre qu'il y aura une réponse européenne ; ce sera beaucoup plus fort. Je ne la connais pas encore parce que nous consultons ; il y a vingt-sept pays, comme vous le savez, dans l'Union européenne. Nous le faisons Monsieur Apathie. Je vous assure que vous ne serez pas déçu.
Je voudrais parler des sujets importants de ce week-end, en particulier du Liban, qui est un pays ami, qui s'inquiète, qui est menacé et qui est en grand danger.
Q - Parce que vous étiez au Liban, samedi ?
R - J'y étais parce qu'il y a une menace sur ce pays ami. Il y a un choix à faire et il faut faire comprendre aux Libanais que ce choix n'est pas un choix entre l'unité du pays et le Tribunal spécial pour le Liban, qui recherche les assassins de Rafik Hariri. Globalement, je crois que cela se passera bien, mais il était important d'aller dire que la France est aux côtés de ses amis libanais de toutes les communautés. Le président de la République reçoit tous les partis libanais.
Q - Donc, c'est ce que vous avez fait samedi. Pouvez-vous nous dire pourquoi les premiers chrétiens d'Irak qui ont subi un attentat à Bagdad arriveront ce soir en France ?
R - Un attentat horrible, comme tous les attentats d'ailleurs.
Q - Pourquoi, les accueillons-nous en France ?
R - Tout d'abord parce qu'ils le demandent. Ensuite, parce que nous avons proposé tout de suite, avec le Centre de crise du Quai d'Orsay, de prendre en charge des blessés. C'est évidemment un geste humanitaire.
Plus d'un millier de chrétiens d'Irak ont trouvé refuge dans notre pays ; il y en aura d'autres. Mais le problème qui se pose, là aussi, est un problème très grave. En fait, il se pose avec tous les chrétiens d'Orient. Les persécutions et les difficultés concernent tous les chrétiens d'Orient. Nous offrons donc notre aide. Mais ce ne sont pas les visas qui vont changer le problème, c'est - comment dirais-je - l'attitude de certains au Moyen-Orient contre les chrétiens.
Nous accueillons 37 blessés, dont certains très graves. Le Centre de crise a mis un avion médicalisé à leur disposition. Ils arrivent ce soir et je suis très fier, avec Brice Hortefeux et avec Eric Besson, d'avoir réussi cette opération. Mais la solution n'est pas bien entendu de donner des visas et de faire quitter le Moyen-Orient à tous les Chrétiens ; ils sont une composante essentielle du Moyen-Orient. Le problème le plus important - on n'a pas le temps non plus d'en parler, mais c'est essentiel pour la compréhension du mouvement du monde -, c'est l'animosité, la tension entre des communautés chiites et sunnites.
Q - On le voit, vous êtes investi dans ces dossiers Bernard Kouchner.
R - Et bien oui !
(...) En Guinée, avec deux candidats en présence, Celou Dalein Diallo et Alpha Condé, cela faisait cinquante ans qu'ils n'avaient pas voté. Il n'y a pas eu de troubles. Il s'agit d'un succès de la diplomatie française, de Sekouba Konaté, le président par intérim et de mon autre ami Blaise Compaoré, président du Burkina. Voilà ce qui m'intéresse. Hier, il y a eu aussi des élections en Birmanie. C'étaient de fausses élections même s'il y a eu un petit mouvement. Les gens s'intéressent à nouveau à la Birmanie. Mme Aung San Suu Kyi hélas ne participait pas à ces élections. Voilà de quoi je souhaiterais parler mais j'en ai parlé trop rapidement.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010