Texte intégral
P. Cohen Bonjour M. Alliot-Marie.
Bonjour.
Les dossiers Woerth/Bettencourt vont changer de mains, ils devraient quitter Nanterre après des mois de guérilla judiciaire entre la juge Prévost-Desprez et le procureur P. Courroye, entre celle qui voulait instruire et celui qui ne voulait pas. Le procureur général de Versailles vient d'en faire la demande. C'est vous qui avez souhaité ce dépaysement, comme on dit ?
Moi, vous savez, je respecte le fonctionnement de la justice et je pense que ce qui vient de se passer, montre effectivement que la justice fonctionne bien, dès lors qu'on la laisse travailler...
Elle a bien fonctionné ?
... dans le calme et la sérénité. Effectivement, il faut bien voir une chose, c'est que jusqu'à ces derniers temps, il n'y avait aucune demande de dépaysement du dossier de la part des parties elles-mêmes au procès. Deuxièmement, ce qu'il faut voir également c'est que les enquêtes progressaient, nul ne peut dire le contraire. Et puis il y a eu un évènement. Cet évènement c'est que l'un des avocats a déposé une plainte pour violation du secret de l'instruction.
Maître Kiejman, en l'occurrence.
Et des soupçons se sont portés sur une juge. Dès lors, il était normal que le dossier soit dépaysé. Le procureur général de Versailles a effectivement décidé qu'il y aurait un dépaysement de l'enquête, mais également du dossier sur lequel...
De l'ensemble du dossier.
... la juge se prononçait. Mais ensuite il y avait effectivement un problème de cohérence, puisqu'il y avait un certain nombre d'éléments, de dossiers, qui se rattachaient au dossier, qui étaient en lien avec ce dossier, qui étaient traités par un procureur. Pour éviter d'avoir, finalement, deux juridictions saisies, le procureur général de Versailles a dit qu'effectivement il valait mieux que tout soit transféré. Et pour transférer, il faut savoir une chose - c'est un point de procédure, qui est parfois un peu compliqué - mais il fallait qu'une information soit ouverte, donc ce qu'il a demandé, effectivement, au procureur de Nanterre, c'est de faire ouvrir...
Et non plus une enquête préliminaire.
Voilà, c'est de faire ouvrir l'information, et c'est ça qui va permettre de dépayser aussi cette partie, de façon à ce que tout soit traité par un autre tribunal. Encore une fois, c'est quelque chose que le procureur général de Versailles, dans le cadre de ses attributions, a décidé, et je trouve que c'est effectivement...
A votre initiative ou sur votre instigation, vous en avez parlé avec lui ?
Non. Le procureur général de Versailles a pris une initiative, nous en a informé, point à la ligne.
Souhaitez-vous qu'un juste d'instruction soit désigné ?
Mais, attendez, c'est fait. C'est fait. Il faut bien comprendre...
Pas encore.
Ou ça va être fait, puisque c'est une demande du Procureur général, c'est la condition nécessaire pour que l'on puisse dépayser l'affaire. Vous ne pouvez pas dépayser une affaire en passant d'u procureur à un autre procureur, il faut qu'il y ait effectivement une telle ouverture d'information, une saisine d'un juge d'instruction, et le Procureur général - ceci dit ce n'est pas lui qui va lui-même prendre la décision - il va saisir la Cour de cassation qui doit donner un avis sur le dépaysement, c'est comme ça que ça se passe.
Mais comment pourrait-on entendre, M. Alliot-Marie, que jusqu'ici tout se passait bien jusqu'à cette plainte de Maître Kiejman pour violation du secret des sources ? Voilà des mois que l'opposition réclame un juge d'instruction, voilà un mois, le procureur général près la Cour de cassation, J.-L. Nadal, le plus haut parquetier de France, comme on dit, affirmait qu'il fallait un juge d'instruction, et à chaque fois P. Courroye disait non, le procureur de Versailles ne disait rien, et vous, vous laissiez faire au nom de l'indépendance de la justice ?
Ce que je veux dire tout d'abord, c'est que ça n'est pas à l'opposition, pour des raisons politiques, de décider ce qui doit être juge...
Mais cette affaire est politique, M. Alliot-Marie.
Non, cette affaire n'est pas politique et je ne veux pas qu'elle soit politique. C'est une affaire qui est extrêmement complexe, effectivement, mais qui part de quoi ? Elle part d'une plainte déposée par une personne contre quelqu'un qui est également une demande de cette personne, que sa mère soit placée sous tutelle. C'est exactement ça. Et ensuite il y a eu un certain nombre de...
Le procureur général près de la Cour de cassation, J.-L. Nadal...
Oui.
... dit, il y a un mois : il faut un juge d'instruction. Il recommande au procureur de Versailles que les investigations se poursuivent dans le cadre de l'information judiciaire. Pourquoi ça ne se fait pas, à ce moment-là ?
Attendez ! Ce qu'il faut dire aussi, il faut regarder ce qu'a dit monsieur Nadal, parce que moi, j'aimerais bien que l'on ne prenne pas simplement des petits bouts.
Je peux vous citer la phrase.
C'est en prenant des petits bouts d'un certain nombre de positions, qu'effectivement, à ce moment-là, on détourne complètement le sens de ce qui se passe.
Le procureur Nadal recommande...
Monsieur Nadal a dit trois choses....
Je peux vous citer la phrase.
Oui, oui, mais moi je vais vous dire aussi, parce que ce n'est pas simplement une phrase justement, il faut voir le contexte. Le procureur général Nadal a été saisi par madame C. Lepage, qui voulait que l'on saisisse la cour de Justice de la République pour faire citer monsieur Woerth devant la cour de la République. La première chose que dit monsieur Nadal, si vous avez l'ensemble de son texte, il dit qu'en l'état, il n'y a pas lieu de saisir la cour de Justice de la République, c'était la première des choses.
Oui, oui, mais ça c'est l'autre chose.
Deuxièmement, qu'est-ce qu'a dit monsieur Nadal ? Il dit qu'il souhaite que les enquêtes se poursuivent. C'est le deuxième point qu'il avance.
Dans le cadre de l'information judiciaire.
Il dit que... il souhaite que les enquêtes se poursuivent, ce qui se fait. Troisièmement, ce que dit monsieur Nadal, c'est que si on saisit un juge d'instruction, cela sera plus protecteur de l'intérêt - des intérêts - de la Défense. C'est exactement ce qu'il dit, si vous avez le texte sous les yeux...
Oui, « Seul le cadre procédural de droit commun existant, qui permette le strict respect des droits de la défense, par l'accès à la procédure et l'assistance d'un avocat ».
Absolument. Vous voyez...
Pourquoi ça n'a pas été fait avant ?
Parce que justement ça n'était demandé par personne, je vous le rappelle, aucune des parties, ce sont quand même les parties à un procès qui sont les plus directement intéressées. Pourquoi est-ce que ça n'était pas demandé ? Parce que vous aviez des enquêtes qui justement étaient en cours et qui permettaient d'aller plus vite en la matière.
Et vous trouvez...
Donc, aujourd'hui, ce qui s'est passé, effectivement, c'est qu'à un moment donné, en dehors de toute cette agitation médiatique, et politique, que je ne peux que déplorer, car je suis aussi la garante du calme et de la sérénité dans laquelle chacun des magistrats doit pouvoir travailler. Encore une fois, quel que soit son statut, et je pense que ce serait véritablement faire injure au magistrat, que de penser que sur chaque dossier, il ne travaille pas d'une façon complètement indépendante.
Et vous trouvez que la justice a bien fonctionné sur cette affaire ?
Et je pense que la justice a bien fonctionné...
Ce n'est pas l'avis du président du Tribunal de Nanterre.
La justice a bien fonctionné, elle a avancé, en ce qui concerne le dossier. On peut regretter qu'il y ait des problèmes de personnes, qui aient amené à un certain nombre de tensions...
Que vous connaissiez depuis longtemps.
Que nous connaissons et qui ne changent rien, dans la mesure où ça ne freinait pas le déroulement des enquêtes, il n'y avait aucune raison de le faire, mais à partir du moment où vous aviez un soupçon qui pesait sur une des personnes, sur une juge qui était dans le dossier, il était normal de faire ce que le procureur général de Versailles a fait. Les choses sont très bien ainsi et je pense qu'il faut désormais que l'on s'abstienne effectivement de continuer à vouloir faire de l'ingérence politique dans ces dossiers.
Que dit le garde des Sceaux, des méthodes du procureur Courroye, qui, au mépris de la protection des sources et au mépris de la loi, a fait saisir les relevés téléphoniques de deux journalistes du Monde ?
Ecoutez, ça n'est ni vous, ni moi, qui avons à nous prononcer, à savoir exactement ce qu'il en était, ni à se prononcer.
Ah, c'est vous...
Il y a un texte...
... pour ce qui est des procureurs, c'est vous, garde des Sceaux, ministre de la Justice, madame Alliot-Marie.
Non, je suis désolée. S'il y a une faute qui doit être examinée, la faute sera examinée ni par vous, ni par moi, mais dans le cadre d'une autre structure. Ceci dit, le véritable problème qui se pose, si vous le voulez bien, c'est que certains ne font pas la même lecture d'une loi qui a été votée au mois de janvier 2010, sur laquelle vous n'avez aucune jurisprudence, et il y a donc des interprétations divergentes qui peuvent être faites. .
Mais c'est quand même assez clair dans son intitulé : elle visait à la protection des sources des journalistes et elle disait que l'on interdisait expressément de violer ces sources, sauf impératif prépondérant d'intérêt public. Donc la question c'est de savoir est-ce qu'il y avait un impératif prépondérant d'intérêt public à aller saisir les relevés téléphoniques de deux journalistes ?
Ecoutez, la seule chose que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'effectivement il y avait une plainte déposée par un avocat, pour violation du secret de l'instruction. Il y a eu, ensuite, une enquête sur la façon dont cette enquête a été menée et sur sa légalité, ça n'est pas au garde des Sceaux de porter un jugement.
D'accord, mais il vous est arrivé de vous poser la question aussi sur d'autres fuites dans la presse, quand le procès verbal de l'ex comptable C. Thibout se retrouve à la Une du Figaro, vous avez fait écouter les journalistes du Figaro, ou... il y a eu des suites ?
Je n'ai jamais fait écouter quelque journaliste que ce soit.
D'accord. Et la fuite du rapport Tracfin sur J. Dray, par exemple, on nous avait promis une enquête.
Eh bien écoutez, il y a un certain nombre d'enquêtes qui sont menées, au niveau administratif ou au niveau policier. Quand il y aura des résultats, vous en serez informés, naturellement. En général, vous en êtes parfois même informés avant le ministre de la Justice.
Ce que l'on ne comprend pas bien, pour rappeler comment fonctionne la justice en France, un juge d'instruction, il travaille sous le contrôle d'autres magistrats, il mène une procédure contradictoire. Un procureur, lui, il enquête sans partie civile, sans avocat et il ne rend compte qu'à sa hiérarchie, c'est-à-dire à la chancellerie et donc à vous-même. Donc, quand on parle des actes du procureur Courroye, vous en êtes comptable en quelque sorte, madame Alliot-Marie.
Je voudrais rectifier une chose, que vous avez dite : le juge d'instruction ne travaille pas avec plusieurs personnes, c'est exactement le contraire.
Il travaille sous le contrôle d'autres magistrats, à la Chambre de l'instruction notamment.
Non, il ne travaille pas sous le contrôle d'autres magistrats, et c'est l'un des problèmes, notamment avec l'Union européenne, qui reproche qu'il n'y ait pas procès équitable quand effectivement une personne à la fois mène une enquête et est le juge de l'enquête. C'est la raison pour laquelle, dans la réforme de la procédure pénale, que je suis en train de faire, il est prévu de séparer celui qui mène l'enquête, c'est-à-dire le Parquet et le procureur, et d'autre part, celui qui jugera de l'enquête et qui à tout moment pourra être saisi, soit par la défense, soit par les parties civiles qui ne seront pas satisfaites de la façon dont l'enquête est menée, qui demanderont des actes qui n'auraient pas été accordés par le procureur, et là c'est le juge de l'enquête et des libertés, remplaçant en quelque sorte le juge d'instruction, qui permettra d'avoir véritablement une enquête contrôlée. Mais aujourd'hui, le vrai problème, c'est que le juge d'instruction dont on dit souvent - c'est pour ça que l'on dit que c'est l'homme le plus puissant de France - il peut à la fois mener une enquête et juger des conclusions de son enquête, et ça c'est contraire au principe européen. Donc, ce que je souhaite c'est à la fois clarifier les choses, qu'il n'y ait plus qu'une façon de mener les enquêtes, et d'autre part, donner réellement des garanties du procès équitable, c'est-à-dire qu'il y a une personne qui mène l'enquête, mais il y a une personne qui à tout moment peut contrôler l'enquête ; le procureur mène l'enquête, le juge de l'enquête et des libertés, contrôlera à tout moment, ce que peut faire le procureur.
Une réforme de la justice et puis celle de la garde à vue, aussi. Beaucoup d'autres questions pour vous après la revue de presse, dans quelques minutes, M. Alliot-Marie invitée de France Inter.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 novembre 2010
Bonjour.
Les dossiers Woerth/Bettencourt vont changer de mains, ils devraient quitter Nanterre après des mois de guérilla judiciaire entre la juge Prévost-Desprez et le procureur P. Courroye, entre celle qui voulait instruire et celui qui ne voulait pas. Le procureur général de Versailles vient d'en faire la demande. C'est vous qui avez souhaité ce dépaysement, comme on dit ?
Moi, vous savez, je respecte le fonctionnement de la justice et je pense que ce qui vient de se passer, montre effectivement que la justice fonctionne bien, dès lors qu'on la laisse travailler...
Elle a bien fonctionné ?
... dans le calme et la sérénité. Effectivement, il faut bien voir une chose, c'est que jusqu'à ces derniers temps, il n'y avait aucune demande de dépaysement du dossier de la part des parties elles-mêmes au procès. Deuxièmement, ce qu'il faut voir également c'est que les enquêtes progressaient, nul ne peut dire le contraire. Et puis il y a eu un évènement. Cet évènement c'est que l'un des avocats a déposé une plainte pour violation du secret de l'instruction.
Maître Kiejman, en l'occurrence.
Et des soupçons se sont portés sur une juge. Dès lors, il était normal que le dossier soit dépaysé. Le procureur général de Versailles a effectivement décidé qu'il y aurait un dépaysement de l'enquête, mais également du dossier sur lequel...
De l'ensemble du dossier.
... la juge se prononçait. Mais ensuite il y avait effectivement un problème de cohérence, puisqu'il y avait un certain nombre d'éléments, de dossiers, qui se rattachaient au dossier, qui étaient en lien avec ce dossier, qui étaient traités par un procureur. Pour éviter d'avoir, finalement, deux juridictions saisies, le procureur général de Versailles a dit qu'effectivement il valait mieux que tout soit transféré. Et pour transférer, il faut savoir une chose - c'est un point de procédure, qui est parfois un peu compliqué - mais il fallait qu'une information soit ouverte, donc ce qu'il a demandé, effectivement, au procureur de Nanterre, c'est de faire ouvrir...
Et non plus une enquête préliminaire.
Voilà, c'est de faire ouvrir l'information, et c'est ça qui va permettre de dépayser aussi cette partie, de façon à ce que tout soit traité par un autre tribunal. Encore une fois, c'est quelque chose que le procureur général de Versailles, dans le cadre de ses attributions, a décidé, et je trouve que c'est effectivement...
A votre initiative ou sur votre instigation, vous en avez parlé avec lui ?
Non. Le procureur général de Versailles a pris une initiative, nous en a informé, point à la ligne.
Souhaitez-vous qu'un juste d'instruction soit désigné ?
Mais, attendez, c'est fait. C'est fait. Il faut bien comprendre...
Pas encore.
Ou ça va être fait, puisque c'est une demande du Procureur général, c'est la condition nécessaire pour que l'on puisse dépayser l'affaire. Vous ne pouvez pas dépayser une affaire en passant d'u procureur à un autre procureur, il faut qu'il y ait effectivement une telle ouverture d'information, une saisine d'un juge d'instruction, et le Procureur général - ceci dit ce n'est pas lui qui va lui-même prendre la décision - il va saisir la Cour de cassation qui doit donner un avis sur le dépaysement, c'est comme ça que ça se passe.
Mais comment pourrait-on entendre, M. Alliot-Marie, que jusqu'ici tout se passait bien jusqu'à cette plainte de Maître Kiejman pour violation du secret des sources ? Voilà des mois que l'opposition réclame un juge d'instruction, voilà un mois, le procureur général près la Cour de cassation, J.-L. Nadal, le plus haut parquetier de France, comme on dit, affirmait qu'il fallait un juge d'instruction, et à chaque fois P. Courroye disait non, le procureur de Versailles ne disait rien, et vous, vous laissiez faire au nom de l'indépendance de la justice ?
Ce que je veux dire tout d'abord, c'est que ça n'est pas à l'opposition, pour des raisons politiques, de décider ce qui doit être juge...
Mais cette affaire est politique, M. Alliot-Marie.
Non, cette affaire n'est pas politique et je ne veux pas qu'elle soit politique. C'est une affaire qui est extrêmement complexe, effectivement, mais qui part de quoi ? Elle part d'une plainte déposée par une personne contre quelqu'un qui est également une demande de cette personne, que sa mère soit placée sous tutelle. C'est exactement ça. Et ensuite il y a eu un certain nombre de...
Le procureur général près de la Cour de cassation, J.-L. Nadal...
Oui.
... dit, il y a un mois : il faut un juge d'instruction. Il recommande au procureur de Versailles que les investigations se poursuivent dans le cadre de l'information judiciaire. Pourquoi ça ne se fait pas, à ce moment-là ?
Attendez ! Ce qu'il faut dire aussi, il faut regarder ce qu'a dit monsieur Nadal, parce que moi, j'aimerais bien que l'on ne prenne pas simplement des petits bouts.
Je peux vous citer la phrase.
C'est en prenant des petits bouts d'un certain nombre de positions, qu'effectivement, à ce moment-là, on détourne complètement le sens de ce qui se passe.
Le procureur Nadal recommande...
Monsieur Nadal a dit trois choses....
Je peux vous citer la phrase.
Oui, oui, mais moi je vais vous dire aussi, parce que ce n'est pas simplement une phrase justement, il faut voir le contexte. Le procureur général Nadal a été saisi par madame C. Lepage, qui voulait que l'on saisisse la cour de Justice de la République pour faire citer monsieur Woerth devant la cour de la République. La première chose que dit monsieur Nadal, si vous avez l'ensemble de son texte, il dit qu'en l'état, il n'y a pas lieu de saisir la cour de Justice de la République, c'était la première des choses.
Oui, oui, mais ça c'est l'autre chose.
Deuxièmement, qu'est-ce qu'a dit monsieur Nadal ? Il dit qu'il souhaite que les enquêtes se poursuivent. C'est le deuxième point qu'il avance.
Dans le cadre de l'information judiciaire.
Il dit que... il souhaite que les enquêtes se poursuivent, ce qui se fait. Troisièmement, ce que dit monsieur Nadal, c'est que si on saisit un juge d'instruction, cela sera plus protecteur de l'intérêt - des intérêts - de la Défense. C'est exactement ce qu'il dit, si vous avez le texte sous les yeux...
Oui, « Seul le cadre procédural de droit commun existant, qui permette le strict respect des droits de la défense, par l'accès à la procédure et l'assistance d'un avocat ».
Absolument. Vous voyez...
Pourquoi ça n'a pas été fait avant ?
Parce que justement ça n'était demandé par personne, je vous le rappelle, aucune des parties, ce sont quand même les parties à un procès qui sont les plus directement intéressées. Pourquoi est-ce que ça n'était pas demandé ? Parce que vous aviez des enquêtes qui justement étaient en cours et qui permettaient d'aller plus vite en la matière.
Et vous trouvez...
Donc, aujourd'hui, ce qui s'est passé, effectivement, c'est qu'à un moment donné, en dehors de toute cette agitation médiatique, et politique, que je ne peux que déplorer, car je suis aussi la garante du calme et de la sérénité dans laquelle chacun des magistrats doit pouvoir travailler. Encore une fois, quel que soit son statut, et je pense que ce serait véritablement faire injure au magistrat, que de penser que sur chaque dossier, il ne travaille pas d'une façon complètement indépendante.
Et vous trouvez que la justice a bien fonctionné sur cette affaire ?
Et je pense que la justice a bien fonctionné...
Ce n'est pas l'avis du président du Tribunal de Nanterre.
La justice a bien fonctionné, elle a avancé, en ce qui concerne le dossier. On peut regretter qu'il y ait des problèmes de personnes, qui aient amené à un certain nombre de tensions...
Que vous connaissiez depuis longtemps.
Que nous connaissons et qui ne changent rien, dans la mesure où ça ne freinait pas le déroulement des enquêtes, il n'y avait aucune raison de le faire, mais à partir du moment où vous aviez un soupçon qui pesait sur une des personnes, sur une juge qui était dans le dossier, il était normal de faire ce que le procureur général de Versailles a fait. Les choses sont très bien ainsi et je pense qu'il faut désormais que l'on s'abstienne effectivement de continuer à vouloir faire de l'ingérence politique dans ces dossiers.
Que dit le garde des Sceaux, des méthodes du procureur Courroye, qui, au mépris de la protection des sources et au mépris de la loi, a fait saisir les relevés téléphoniques de deux journalistes du Monde ?
Ecoutez, ça n'est ni vous, ni moi, qui avons à nous prononcer, à savoir exactement ce qu'il en était, ni à se prononcer.
Ah, c'est vous...
Il y a un texte...
... pour ce qui est des procureurs, c'est vous, garde des Sceaux, ministre de la Justice, madame Alliot-Marie.
Non, je suis désolée. S'il y a une faute qui doit être examinée, la faute sera examinée ni par vous, ni par moi, mais dans le cadre d'une autre structure. Ceci dit, le véritable problème qui se pose, si vous le voulez bien, c'est que certains ne font pas la même lecture d'une loi qui a été votée au mois de janvier 2010, sur laquelle vous n'avez aucune jurisprudence, et il y a donc des interprétations divergentes qui peuvent être faites. .
Mais c'est quand même assez clair dans son intitulé : elle visait à la protection des sources des journalistes et elle disait que l'on interdisait expressément de violer ces sources, sauf impératif prépondérant d'intérêt public. Donc la question c'est de savoir est-ce qu'il y avait un impératif prépondérant d'intérêt public à aller saisir les relevés téléphoniques de deux journalistes ?
Ecoutez, la seule chose que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'effectivement il y avait une plainte déposée par un avocat, pour violation du secret de l'instruction. Il y a eu, ensuite, une enquête sur la façon dont cette enquête a été menée et sur sa légalité, ça n'est pas au garde des Sceaux de porter un jugement.
D'accord, mais il vous est arrivé de vous poser la question aussi sur d'autres fuites dans la presse, quand le procès verbal de l'ex comptable C. Thibout se retrouve à la Une du Figaro, vous avez fait écouter les journalistes du Figaro, ou... il y a eu des suites ?
Je n'ai jamais fait écouter quelque journaliste que ce soit.
D'accord. Et la fuite du rapport Tracfin sur J. Dray, par exemple, on nous avait promis une enquête.
Eh bien écoutez, il y a un certain nombre d'enquêtes qui sont menées, au niveau administratif ou au niveau policier. Quand il y aura des résultats, vous en serez informés, naturellement. En général, vous en êtes parfois même informés avant le ministre de la Justice.
Ce que l'on ne comprend pas bien, pour rappeler comment fonctionne la justice en France, un juge d'instruction, il travaille sous le contrôle d'autres magistrats, il mène une procédure contradictoire. Un procureur, lui, il enquête sans partie civile, sans avocat et il ne rend compte qu'à sa hiérarchie, c'est-à-dire à la chancellerie et donc à vous-même. Donc, quand on parle des actes du procureur Courroye, vous en êtes comptable en quelque sorte, madame Alliot-Marie.
Je voudrais rectifier une chose, que vous avez dite : le juge d'instruction ne travaille pas avec plusieurs personnes, c'est exactement le contraire.
Il travaille sous le contrôle d'autres magistrats, à la Chambre de l'instruction notamment.
Non, il ne travaille pas sous le contrôle d'autres magistrats, et c'est l'un des problèmes, notamment avec l'Union européenne, qui reproche qu'il n'y ait pas procès équitable quand effectivement une personne à la fois mène une enquête et est le juge de l'enquête. C'est la raison pour laquelle, dans la réforme de la procédure pénale, que je suis en train de faire, il est prévu de séparer celui qui mène l'enquête, c'est-à-dire le Parquet et le procureur, et d'autre part, celui qui jugera de l'enquête et qui à tout moment pourra être saisi, soit par la défense, soit par les parties civiles qui ne seront pas satisfaites de la façon dont l'enquête est menée, qui demanderont des actes qui n'auraient pas été accordés par le procureur, et là c'est le juge de l'enquête et des libertés, remplaçant en quelque sorte le juge d'instruction, qui permettra d'avoir véritablement une enquête contrôlée. Mais aujourd'hui, le vrai problème, c'est que le juge d'instruction dont on dit souvent - c'est pour ça que l'on dit que c'est l'homme le plus puissant de France - il peut à la fois mener une enquête et juger des conclusions de son enquête, et ça c'est contraire au principe européen. Donc, ce que je souhaite c'est à la fois clarifier les choses, qu'il n'y ait plus qu'une façon de mener les enquêtes, et d'autre part, donner réellement des garanties du procès équitable, c'est-à-dire qu'il y a une personne qui mène l'enquête, mais il y a une personne qui à tout moment peut contrôler l'enquête ; le procureur mène l'enquête, le juge de l'enquête et des libertés, contrôlera à tout moment, ce que peut faire le procureur.
Une réforme de la justice et puis celle de la garde à vue, aussi. Beaucoup d'autres questions pour vous après la revue de presse, dans quelques minutes, M. Alliot-Marie invitée de France Inter.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 novembre 2010