Texte intégral
Q - Aux yeux de la France, qui est le président légal et légitime de la Côte d'Ivoire ?
R - Le président Ouattara, bien entendu, et pas simplement aux yeux de la France ; c'est vrai aussi pour les Nations unies, depuis hier, ainsi qu'aux yeux de la CEDEAO, de l'Union africaine, de l'Europe, de l'ensemble des pays du monde.
Q - Laurent Gbagbo n'a plus de légitimité pour se maintenir à son poste ?
R - Non, effectivement, les choses sont claires et cela a été dit par tout le monde.
Q - Cela veut-il dire que vous avez «coupé les ponts» avec Laurent Gbagbo et son entourage ou bien le contact est-il maintenu ?
R - Ce qui est important, c'est de rappeler que la Côte d'Ivoire a été une grande démocratie ; c'était même le modèle démocratique pour l'Afrique pendant très longtemps, avec le Sénégal. Je pense que l'idée démocratique est profondément ancrée dans chacun des Ivoiriens.
Ce qu'il faut donc aujourd'hui, c'est que la volonté des Ivoiriens, exprimée par un vote qui a été contrôlé par les Nations unies, soit respectée. Je ne doute pas que Laurent Gbagbo - même si au départ il a pu contester un certain nombre de choses - soit soucieux de son image, de l'image qu'il laissera dans son pays.
Ce qui est important, c'est de garder des contacts qui permettront que la transition se fasse en douceur. Notre préoccupation première, c'est qu'il n'y ait pas de violence. Il y a eu quelques incidents, mais il est évident que nous devons faire en sorte que la Côte d'Ivoire s'inscrive dans cette tradition démocratique.
Q - Vous gardez des contacts et vous ne doutez pas que Laurent Gbagbo soit soucieux de préserver la paix civile dans son pays. Cela veut-il dire que vous avez des informations de ce que vous dit Laurent Gbagbo ou de ce que vous dit son entourage ? Pourrait-il céder ?
R - Des messages lui sont adressés. Des messages lui ont été adressés par le président de la République lui-même : le président Sarkozy a appelé Laurent Gbagbo pour l'encourager à accepter ce résultat et assurer une transition démocratique en douceur.
Q - Ces encouragements ont-ils été assortis de menaces de sanctions ?
R - Nous ne sommes pas à ce niveau-là, mais il est évident qu'il y a un certain nombre de procédures internationales qui seraient mises en oeuvre si la transition ne se faisait pas.
Q - La France et les grandes puissances auraient les moyens, selon vous, de forcer Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir ?
R - Il y a un certain nombre de dictatures dans le monde. Pour autant, en dehors de la Corée du Nord, je n'en connais aucune qui puisse vivre sans relation avec les autres pays.
Q - A condition que les relations économiques cessent, pourriez-vous demander aux entreprises françaises - Bouygues, Veolia, etc. - de renoncer à leurs investissements en Côte d'Ivoire ou de se désengager ?
R - Aujourd'hui, ce n'est pas uniquement un problème de la France, même si la France a des relations privilégiées avec la Côte d'Ivoire - il y en a toujours eu -, c'est un problème de la communauté internationale et notamment de l'Union européenne. Mme Ashton suit ce dossier avec beaucoup de présence et de sérieux. Nous aurons l'occasion de parler de tout ceci avec nos homologues à la prochaine réunion à Bruxelles, c'est-à-dire lundi prochain.
Q - Je reviens à ce que disait tout à l'heure Bernard Guetta dans sa chronique qui parlait d'un cas d'école : il est exclu que Laurent Gbagbo puisse gagner à l'usure en quelque sorte parce que la communauté internationale n'aurait pas de prise sur lui.
Pourriez-vous dire ce matin que la France ne le reconnaîtra jamais comme président ?
R - Je peux vous dire une chose, c'est qu'un pays ne peut s'isoler, surtout un pays comme la Côte d'Ivoire. Il est effectivement très dépendant économiquement de ce qui se passe à l'extérieur ; c'est un pays qui vit largement de ses exportations.
Encore une fois, ce qui est important, c'est cette pression aujourd'hui. Il n'y a plus de doute ; il y a une demande unanime de reconnaissance de la victoire de M. Ouattara.
Q - La parole de la France est-elle rendue plus prudente par la présence de 15.000 ressortissants français sur le sol ivoirien et la crainte d'éventuelles violences contre ces expatriés ?
R - La parole de la France est claire et constante. Alors, bien entendu, nous n'ignorons pas la présence de nos compatriotes. Leur sécurité est une préoccupation majeure et je vous dis tout de suite qu'ils ne sont pas menacés aujourd'hui.
Pour autant, depuis plusieurs semaines déjà et avant même le deuxième tour de l'élection - parce qu'une élection peut toujours être l'objet de certains débordements -, j'avais fait passer un certain nombre de recommandations par notre ambassade. Il est évident que nous suivons de très près ce qui peut se passer, de façon à ce qu'en aucun cas, la sécurité de nos compatriotes ne puisse être mise en cause.
Q - WikiLeaks : vous avez déjà eu l'occasion, Madame Alliot-Marie, de dire que la divulgation de câbles diplomatiques américains vous paraissait irresponsable.
Maintenant que l'essentiel a été publié, diriez-vous que la France, la diplomatie française ont subi un préjudice et, si oui, de quelle nature ?
R - Non. La diplomatie française n'a pas subi de préjudice ; nous ne sommes pas directement concernés par cela. C'est plutôt la diplomatie américaine qui se trouve en situation peu agréable dans un certain nombre de cas. Mme Clinton m'a appelé avant-même la publication de ces informations pour me dire ce qui allait se passer. Je l'ai assurée de notre solidarité et je lui ai dit que nous étions tout à fait prêts à regarder ensemble quelles peuvent être les conséquences d'une telle situation.
Je veux dire une fois encore que la publication de ces câbles est totalement irresponsable et doit être condamnée. C'est une atteinte à la souveraineté nationale et, en même temps, une atteinte à la sécurité et la stabilité des relations internationales, et à la sécurité des personnes.
Il faut bien voir qu'en révélant comment cela, sans aucune précaution, ce que certaines personnes, dans certains pays, ont pu dire y compris de leurs dirigeants, c'est les mettre en danger et je trouve cette attitude totalement irresponsable.
Q - Qui a précisément été mis en danger par ces révélations ?
R - Vous avez des révélations au fur et à mesure de la divulgation de ces informations. Vous savez très bien que dans un certain nombre de pays - qui peuvent être relativement autoritaires - les propos rapportés peuvent effectivement entraîner des difficultés à l'encontre des personnes qui les ont tenus ; et c'est aussi cela le problème.
D'autre part, ce qui est également important, c'est que les relations diplomatiques impliquent une relation de confiance, une discussion. Des positions peuvent d'ailleurs parfois changer au cours de la discussion.
Si tout est mis sur la table comme cela, sans aucune explication, sans aucun élément de contexte, il y a, à ce moment-là, un refus des gens de dialoguer et c'est la relation de confiance qui peut exister entre un certain nombre de pays qui peut être mise à mal.
Q - Vous revenez d'Inde où des contrats mirobolants ont été signés : on a parlé d'un total de 15 milliards d'euros. Ces contrats sont-ils aussi solides que ceux annoncés, par exemple pour le Brésil pour la vente de Rafale et dont on n'a pas vu la moindre concrétisation pour l'instant ?
R - Il ne s'agit pas de 15 milliards d'euros mais de 17,4 milliards d'euros, si vous voulez être précis. Ce qu'il faut bien voir, c'est que chacun des pays a un système particulier de négociation et de signatures de contrats. On ne fait pas les choses de la même manière au Brésil ou en Inde. Et, ce qui a été décidé en Inde, c'est quelque chose sur quoi on ne peut pas revenir.
Q - Certains disent qu'il n'y a pas eu de signature par le président.
R - Oui, parce qu'il semble qu'il y ait des contrats à venir ou sur le point d'aboutir. La tradition en Inde est que, lorsqu'un accord est donné, on ne peut pas revenir dessus et la finalisation du contrat intervient en général ensuite.
Q - Donc en Inde, c'est plus solide qu'au Brésil ?
R - Je ne vois pas pourquoi vous dites que ce n'est pas solide au Brésil. Il y a effectivement eu un certain nombre d'engagements pris au Brésil, mais il y a aussi des procédures et le président Lula a simplement dit qu'il souhaitait qu'elles soient finalisées par son successeur et non par lui pendant la période transitoire. C'est aussi quelque chose qui doit être compris en fonction de la réalité.
Q - Avez-vous encore l'espoir de concrétiser cette vente de Rafale ?
R - Bien entendu. De toute évidence, le Rafale est un avion de combat polyvalent qui est certainement le meilleur sur le marché actuellement.
Q - Merci Michèle Alliot-Marie, vous avez je crois des obligations qui vous empêchent de rester parmi nous plus longtemps ?
R - Oui, pour cette fois ; j'en suis désolée. Je vous promets que la prochaine fois, nous nous rattraperons et je répondrai très volontiers à l'ensemble des questions, comme je le fais toujours sur votre antenne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2010
R - Le président Ouattara, bien entendu, et pas simplement aux yeux de la France ; c'est vrai aussi pour les Nations unies, depuis hier, ainsi qu'aux yeux de la CEDEAO, de l'Union africaine, de l'Europe, de l'ensemble des pays du monde.
Q - Laurent Gbagbo n'a plus de légitimité pour se maintenir à son poste ?
R - Non, effectivement, les choses sont claires et cela a été dit par tout le monde.
Q - Cela veut-il dire que vous avez «coupé les ponts» avec Laurent Gbagbo et son entourage ou bien le contact est-il maintenu ?
R - Ce qui est important, c'est de rappeler que la Côte d'Ivoire a été une grande démocratie ; c'était même le modèle démocratique pour l'Afrique pendant très longtemps, avec le Sénégal. Je pense que l'idée démocratique est profondément ancrée dans chacun des Ivoiriens.
Ce qu'il faut donc aujourd'hui, c'est que la volonté des Ivoiriens, exprimée par un vote qui a été contrôlé par les Nations unies, soit respectée. Je ne doute pas que Laurent Gbagbo - même si au départ il a pu contester un certain nombre de choses - soit soucieux de son image, de l'image qu'il laissera dans son pays.
Ce qui est important, c'est de garder des contacts qui permettront que la transition se fasse en douceur. Notre préoccupation première, c'est qu'il n'y ait pas de violence. Il y a eu quelques incidents, mais il est évident que nous devons faire en sorte que la Côte d'Ivoire s'inscrive dans cette tradition démocratique.
Q - Vous gardez des contacts et vous ne doutez pas que Laurent Gbagbo soit soucieux de préserver la paix civile dans son pays. Cela veut-il dire que vous avez des informations de ce que vous dit Laurent Gbagbo ou de ce que vous dit son entourage ? Pourrait-il céder ?
R - Des messages lui sont adressés. Des messages lui ont été adressés par le président de la République lui-même : le président Sarkozy a appelé Laurent Gbagbo pour l'encourager à accepter ce résultat et assurer une transition démocratique en douceur.
Q - Ces encouragements ont-ils été assortis de menaces de sanctions ?
R - Nous ne sommes pas à ce niveau-là, mais il est évident qu'il y a un certain nombre de procédures internationales qui seraient mises en oeuvre si la transition ne se faisait pas.
Q - La France et les grandes puissances auraient les moyens, selon vous, de forcer Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir ?
R - Il y a un certain nombre de dictatures dans le monde. Pour autant, en dehors de la Corée du Nord, je n'en connais aucune qui puisse vivre sans relation avec les autres pays.
Q - A condition que les relations économiques cessent, pourriez-vous demander aux entreprises françaises - Bouygues, Veolia, etc. - de renoncer à leurs investissements en Côte d'Ivoire ou de se désengager ?
R - Aujourd'hui, ce n'est pas uniquement un problème de la France, même si la France a des relations privilégiées avec la Côte d'Ivoire - il y en a toujours eu -, c'est un problème de la communauté internationale et notamment de l'Union européenne. Mme Ashton suit ce dossier avec beaucoup de présence et de sérieux. Nous aurons l'occasion de parler de tout ceci avec nos homologues à la prochaine réunion à Bruxelles, c'est-à-dire lundi prochain.
Q - Je reviens à ce que disait tout à l'heure Bernard Guetta dans sa chronique qui parlait d'un cas d'école : il est exclu que Laurent Gbagbo puisse gagner à l'usure en quelque sorte parce que la communauté internationale n'aurait pas de prise sur lui.
Pourriez-vous dire ce matin que la France ne le reconnaîtra jamais comme président ?
R - Je peux vous dire une chose, c'est qu'un pays ne peut s'isoler, surtout un pays comme la Côte d'Ivoire. Il est effectivement très dépendant économiquement de ce qui se passe à l'extérieur ; c'est un pays qui vit largement de ses exportations.
Encore une fois, ce qui est important, c'est cette pression aujourd'hui. Il n'y a plus de doute ; il y a une demande unanime de reconnaissance de la victoire de M. Ouattara.
Q - La parole de la France est-elle rendue plus prudente par la présence de 15.000 ressortissants français sur le sol ivoirien et la crainte d'éventuelles violences contre ces expatriés ?
R - La parole de la France est claire et constante. Alors, bien entendu, nous n'ignorons pas la présence de nos compatriotes. Leur sécurité est une préoccupation majeure et je vous dis tout de suite qu'ils ne sont pas menacés aujourd'hui.
Pour autant, depuis plusieurs semaines déjà et avant même le deuxième tour de l'élection - parce qu'une élection peut toujours être l'objet de certains débordements -, j'avais fait passer un certain nombre de recommandations par notre ambassade. Il est évident que nous suivons de très près ce qui peut se passer, de façon à ce qu'en aucun cas, la sécurité de nos compatriotes ne puisse être mise en cause.
Q - WikiLeaks : vous avez déjà eu l'occasion, Madame Alliot-Marie, de dire que la divulgation de câbles diplomatiques américains vous paraissait irresponsable.
Maintenant que l'essentiel a été publié, diriez-vous que la France, la diplomatie française ont subi un préjudice et, si oui, de quelle nature ?
R - Non. La diplomatie française n'a pas subi de préjudice ; nous ne sommes pas directement concernés par cela. C'est plutôt la diplomatie américaine qui se trouve en situation peu agréable dans un certain nombre de cas. Mme Clinton m'a appelé avant-même la publication de ces informations pour me dire ce qui allait se passer. Je l'ai assurée de notre solidarité et je lui ai dit que nous étions tout à fait prêts à regarder ensemble quelles peuvent être les conséquences d'une telle situation.
Je veux dire une fois encore que la publication de ces câbles est totalement irresponsable et doit être condamnée. C'est une atteinte à la souveraineté nationale et, en même temps, une atteinte à la sécurité et la stabilité des relations internationales, et à la sécurité des personnes.
Il faut bien voir qu'en révélant comment cela, sans aucune précaution, ce que certaines personnes, dans certains pays, ont pu dire y compris de leurs dirigeants, c'est les mettre en danger et je trouve cette attitude totalement irresponsable.
Q - Qui a précisément été mis en danger par ces révélations ?
R - Vous avez des révélations au fur et à mesure de la divulgation de ces informations. Vous savez très bien que dans un certain nombre de pays - qui peuvent être relativement autoritaires - les propos rapportés peuvent effectivement entraîner des difficultés à l'encontre des personnes qui les ont tenus ; et c'est aussi cela le problème.
D'autre part, ce qui est également important, c'est que les relations diplomatiques impliquent une relation de confiance, une discussion. Des positions peuvent d'ailleurs parfois changer au cours de la discussion.
Si tout est mis sur la table comme cela, sans aucune explication, sans aucun élément de contexte, il y a, à ce moment-là, un refus des gens de dialoguer et c'est la relation de confiance qui peut exister entre un certain nombre de pays qui peut être mise à mal.
Q - Vous revenez d'Inde où des contrats mirobolants ont été signés : on a parlé d'un total de 15 milliards d'euros. Ces contrats sont-ils aussi solides que ceux annoncés, par exemple pour le Brésil pour la vente de Rafale et dont on n'a pas vu la moindre concrétisation pour l'instant ?
R - Il ne s'agit pas de 15 milliards d'euros mais de 17,4 milliards d'euros, si vous voulez être précis. Ce qu'il faut bien voir, c'est que chacun des pays a un système particulier de négociation et de signatures de contrats. On ne fait pas les choses de la même manière au Brésil ou en Inde. Et, ce qui a été décidé en Inde, c'est quelque chose sur quoi on ne peut pas revenir.
Q - Certains disent qu'il n'y a pas eu de signature par le président.
R - Oui, parce qu'il semble qu'il y ait des contrats à venir ou sur le point d'aboutir. La tradition en Inde est que, lorsqu'un accord est donné, on ne peut pas revenir dessus et la finalisation du contrat intervient en général ensuite.
Q - Donc en Inde, c'est plus solide qu'au Brésil ?
R - Je ne vois pas pourquoi vous dites que ce n'est pas solide au Brésil. Il y a effectivement eu un certain nombre d'engagements pris au Brésil, mais il y a aussi des procédures et le président Lula a simplement dit qu'il souhaitait qu'elles soient finalisées par son successeur et non par lui pendant la période transitoire. C'est aussi quelque chose qui doit être compris en fonction de la réalité.
Q - Avez-vous encore l'espoir de concrétiser cette vente de Rafale ?
R - Bien entendu. De toute évidence, le Rafale est un avion de combat polyvalent qui est certainement le meilleur sur le marché actuellement.
Q - Merci Michèle Alliot-Marie, vous avez je crois des obligations qui vous empêchent de rester parmi nous plus longtemps ?
R - Oui, pour cette fois ; j'en suis désolée. Je vous promets que la prochaine fois, nous nous rattraperons et je répondrai très volontiers à l'ensemble des questions, comme je le fais toujours sur votre antenne.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2010