Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, Paris le 23 mai 2000.

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Circonstance : Examen en troisième lecture du projet de loi relatif aux ventes publiques aux enchères à l'Assemblée nationale le 23 mai 2000

Texte intégral

La commission mixte paritaire chargée d'examiner le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est parvenue le 17 mai dernier à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Madame la Garde des Sceaux, qui regrette de ne pas pouvoir être aujourd'hui parmi vous en raison d'autres engagements prévus de longue date, m'a demandé de représenter le Gouvernement pour la poursuite de l'examen de ce projet de loi que j'ai déjà eu l'honneur de présenter devant votre assemblée, quelques jours après ma nomination.
Je tiens à remercier les deux assemblées d'avoir trouvé un accord unanime après un long débat qui aura permis d'apprécier les enjeux de la modernisation des ventes aux enchères publiques et de dégager les solutions d'une réforme devenue indispensable et souhaitée par tous les partenaires.
Alors que notre pays se voit poursuivi depuis 1995 pour non compatibilité de notre législation avec les articles 49 et suivants du Traité instituant la Communauté européenne, l'important travail de rapprochement accompli par la commission mixte paritaire va permettre de réaliser cette réforme essentielle. Elle va doter la France d'une nouvelle législation conforme aux règles communautaires, tout en garantissant aux commissaires-priseurs français les moyens juridiques et économiques nécessaires pour s'adapter à un marché ouvert à la concurrence.
Je tiens également à souligner, en ma qualité de Ministre de la culture et de la communication, que cette réforme doit offrir aux commissaires-priseurs les moyens de redynamiser le marché de l'art et d'assurer à la place de Paris un nouvel essor.
Au regard du nombre et de l'importance des points qui restaient en discussion, - 14 articles - le texte proposé par la C.M.P m'apparaît très satisfaisant et de nature à répondre aux questions restées en suspens, à l'issue de la seconde lecture.
S'agissant de la délicate question de la réglementation des ventes aux enchères sur Internet, le texte adopté procède d'un équilibre entre, d'une part, la nécessité de préserver notre patrimoine national en assurant la protection des vendeurs et acquéreurs d'oeuvres d'art et, d'autre part, l'objectif de ne pas soumettre l'ensemble des transactions électroniques à la future loi.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner, le présent projet de loi n'a pas pour but de réglementer la totalité des transactions électroniques, qui demeurent soumises au droit commun des contrats, par application de la législation française ou des règles communautaires issues, notamment, de la directive sur le commerce électronique qui vient d'être adoptée le 15 mai par le Parlement européen.
C'est pourquoi le Gouvernement avait proposé devant le Sénat, en seconde lecture, de distinguer les transactions constitutives de véritables ventes aux enchères de celles qualifiées de ventes aux enchères, mais qui n'empruntent la technique des enchères que pour la fixation du prix sans présenter les autres caractéristiques des ventes aux enchères : existence d'un mandat donné par le vendeur du bien à un professionnel chargé de réaliser la vente, c'est-à-dire d'assurer le transfert de propriété au profit de l'adjudicataire.
Seules les opérations satisfaisant aux critères de la vente traditionnelle aux enchères seront soumises à la loi nouvelle, mais aussi l'ensemble des ventes portant sur les biens culturels.
Cette solution satisfait à la nécessité de protéger l'ensemble des ventes en ligne portant sur les biens culturels dans le cadre de la nouvelle réglementation, tant pour des raisons de protection du patrimoine national qu'eu égard aux spécificités de ces ventes.
Votre commission des lois avait très justement proposé de qualifier d'opérations de courtage les transactions exclues du secteur sécurisé, créé par la future législation.
C'est, en définitive, cette proposition qui a été retenue par la Commission mixte paritaire qui m'apparaît de nature à préserver, de manière équilibrée, les différents intérêts et droits en présence dans ce domaine d'activité en plein développement.
Autre point de divergence entre votre assemblée et le Sénat : les garanties offertes par les sociétés de ventes volontaires à leurs mandants. Le texte de la Commission mixte paritaire a le mérite de préserver les mécanismes du prix garanti et de l'avance sur le prix d'adjudication consentie au vendeur par la société de ventes volontaires. S'agissant de l'avance sur le prix, elle écarte, toutefois, l'intervention obligatoire d'une entreprise d'assurance, en cas d'absence d'adjudication ou de vente à un prix inférieur au montant de l'avance.
En définitive, il est apparu préférable que l'obligation d'assurance ne soit pas inscrite dans la loi. Il appartiendra donc aux sociétés de ventes d'apprécier les capacités financières de leurs mandants et de leur consentir ou de leur refuser une avance sur le prix d'adjudication, en fonction des garanties qu'ils peuvent présenter ou des risques que la société est prête à assumer.
Concernant la composition du Conseil des ventes et les modalités de désignation de ses membres, j'observe que l'option retenue à l'article 18 préserve la nature du Conseil des ventes qui ne peut être qu'une autorité de régulation du marché et non une instance représentative des professionnels concernés, tout en leur assurant une large représentation.
La dernière série de dispositions restant divergentes, mais non la moindre, portait sur l'indemnisation des commissaires-priseurs et, plus particulièrement, sur la définition du fondement de l'indemnisation et sur le montant de l'indemnité versée aux professionnels.
Je ne reviendrai pas sur les raisons largement débattues qui ont conduit le Gouvernement, après avoir sollicité les avis autorisés d'éminents juristes, à considérer que le droit de présentation des commissaires-priseurs n'était pas constitutif d'un droit de propriété, mais que ce droit de présentation subissait une perte de valeur en raison des modifications supportées par le marché des ventes volontaires du fait de la réforme législative.
L'indemnisation des commissaires-priseurs trouve donc son fondement dans la rupture de l'égalité devant les charges publiques, en raison de la suppression partielle d'un monopole d'activité et de l'ouverture du marché à une certaine concurrence : contraintes imposées par le droit communautaire.
Je ne puis, par conséquent, que me féliciter de la solution retenue par la Commission mixte paritaire sur cette question du fondement de l'indemnisation.
Pour ce qui concerne la période de référence de l'activité des offices, retenue pour déterminer la valeur de l'office, le texte reprend la proposition du Sénat qui avait souhaité voir réduite cette période à cinq ans. Cette solution présente l'avantage d'utiliser une période de référence plus courte, de nature à mieux refléter la valeur de l'office.
Enfin, la Commission mixte paritaire est revenue au texte adopté par votre assemblée qui prévoyait que le préjudice subi par les professionnels correspondait à 50 % de la valeur de l'office pour les activités de ventes volontaires alors que le Sénat avait substitué une option offerte aux commissaires-priseurs entre deux régimes d'indemnisation.
Toutefois, le texte proposé prend en compte les situations particulières de certains offices en permettant à la future commission d'indemnisation de moduler le montant de l'indemnité de plus ou moins 20 %, au lieu des 15 % initialement prévus.
Ces modalités sont de nature à faciliter la prise en compte de situations individuelles spécifiques.
Sur les dispositions fiscales restant en discussion, le Gouvernement entend rappeler qu'il s'est engagé à faire préciser, par voie de circulaire, que l'indemnité versée aux commissaires-priseurs sera soumise au régime fiscal des plus-values professionnelles.
Il est temps pour la France de disposer d'une réglementation modernisée des ventes volontaires aux enchères publiques, conforme au droit communautaire et, surtout, adaptée aux évolutions du marché, sous toutes ses formes et pour toutes les catégories de biens, tout en garantissant la qualité et la sécurité des services offerts par nos professionnels.
Je suis convaincue que ce nouveau dispositif juridique accompagnera le développement de notre marché dans sa dimension tant nationale qu'internationale. Pour ce faire, le Gouvernement prendra au plus vite les décrets d'application de la nouvelle loi pour permettre au Conseil des ventes d'engager son travail d'agrément des sociétés de ventes.
Je souhaite remercier votre Commission des lois, son président M. Bernard Roman et votre rapporteuse Madame Nicole Feidt, qui ont travaillé avec persévérance et la plus grande efficacité.
Je vous demande Mesdames, Messieurs les Députés, de bien vouloir adopter ce texte.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 25 mai 2000)