Interview de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services, aux professions libérales et à la consommation, à "France 2" le 8 décembre 2010, sur la question des soldes flottants, de la vente commerciale sur internet.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous. Une de vos premières décisions a été de maintenir ce qu'on appelle les soldes flottants, c'est-à-dire la possibilité pour les commerçants de faire deux semaines de soldes quand ils le souhaitent. Pour quelle raison ?

Mais, vous savez, un rapport avait été demandé au CREDOC et à l'Institut français de la mode, parce que un certain nombre d'interlocuteurs, des commerçants notamment, s'inquiétaient de l'effet des soldes flottants sur le secteur. Ce rapport est très intéressant parce qu'il a montré que 71 % des consommateurs y tiennent aux soldes flottants, et de surcroît il a montré que ça avait créé 100 millions d'euros de chiffre d'affaires pour le secteur en plus, et loin de le déstabiliser ça a plutôt été un élément moteur, avec les promotions d'ailleurs. Et donc, vous savez, au moment où on est en train de sortir de la crise, au moment où le pouvoir d'achat est si important pour les Français...

...là-dessus, vous êtes formel, on sort de la crise ?

Bien sûr ! On est en train de sortir...

Ce n'est pas l'avis de l'opposition.

Oh, vous savez, l'opposition est dans son rôle. Ce qui compte c'est que les Français le sentent, les chefs d'entreprise le sentent. Tous les acteurs que je vois sur le terrain depuis quelques semaines, le disent tous, ça repart, et tant mieux.

Mais ces soldes flottants est-ce que ça ne complique pas la vie du consommateur qui finalement ne sait plus très bien quand il faut faire les bonnes affaires ?

Écoutez, ils ne seraient pas 71 % à les plébisciter si ça leur compliquait la vie. Ça leur permet surtout de bénéficier de produits à des prix plus intéressants. Je crois que c'est ce qu'ils recherchent. Quand on est, justement, en période de sortie de crise, qu'il y a eu une crise difficile, tout ce qui peut permettre aux consommateurs d'acheter moins cher doit être soutenu.

Alors, il y a aussi les soldes sur Internet qui deviennent de plus en plus importants. Est-ce que ça, c'est pas une concurrence déloyale pour les boutiques, pour les commerçants habituels ?

C'est un vrai sujet de préoccupation. Dans le rapport, très intéressant, qui donne beaucoup de chiffres, on s'aperçoit que là où les soldes et promotions représentent dans les circuits commerciaux classiques un tiers des ventes, sur Internet les soldes et promotions représentent 55 % des ventes. Et derrière ça, il y a parfois...

il n'y a pas des fausses soldes sur Internet ?

Il y a parfois des escroqueries, il y a parfois des produits d'appel mais avec ensuite des produits très chers. Il y a parfois des choses très bien, je ne remets pas en cause le principe.

Mais est-ce qu'il faut encadrer, pour être clair. ?

Et vous avez raison, il y a un vrai problème de concurrence pour les commerçants. Et donc, j'ai souhaité que les rapporteurs fassent un groupe de travail, qu'il me rende ses conclusions à la fin du premier trimestre 2011 pour réguler ces soldes et promotions sur Internet.

Est-ce qu'il y a déjà des pistes pour cette régulation ? Qu'est-ce qu'on va encadrer ?

Écoutez, il y a évidemment quelques idées, mais il faut, sur Internet notamment, sur la question des soldes, mais au-delà, réguler parce que vous prenez par exemple quelque chose que les Français qui nous écoutent et qui nous regardent connaissent bien, qui sont les avis de consommateurs. Il y a souvent des avis de consommateurs qui ne correspondent pas à la réalité. Et donc, il faut réguler Internet. J'aurai l'occasion d'ailleurs dans les jours qui viennent d'être sur le terrain aux côtés de la répression des fraudes, de la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, à qui j'ai fixé comme priorité de suivre les questions d'Internet, de commerce sur Internet, pour lutter contre les escroqueries aux consommateurs.

A un moment, on avait parlé de soldes permanents. C'est une idée abandonnée ?

Écoutez, ça a fait partie des débats au moment de la LME, je crois que...

... la loi de modernisation de l'économie.

... de l'économie, qui justement a créé les soldes flottants, qui a créé les promotions, et on voit, je l'ai dit, plus de chiffres d'affaires pour les commerçants. Ça marche, et restons comme ça aujourd'hui. Ca satisfait les consommateurs.

Les soldes, quel effet ça a sur la consommation ?

Eh écoutez, par définition les soldes ça fait plutôt baisser les prix et puis, si vous me parlez de consommation, arrêtons-nous deux minutes sur la situation de la France.

Un peu moins de deux minutes, on n'a pas beaucoup de temps.

La situation de la France, depuis le début de la crise automne 2008, il n'y a pas un trimestre en France où la consommation ait reculé. Elle a toujours progressé et ce qui est très important, c'est que c'est le moteur de la croissance dans notre pays. A la différence de tous les pays du monde, on a progressé fortement. Prenons les Etats-Unis. On a progressé deux fois plus vite que les États-Unis en matière de consommation depuis automne 2008, plus 2,5% en France, plus 1,1% aux États-Unis.

Mais est-ce que ça profite aux producteurs, aux industriels français ?

Ca profite à tout le monde, ça profite évidemment à la croissance, ça profite à l'emploi et ça profite aussi aux consommateurs et il faut soutenir cette consommation. Il faut à la fois plus de transparence et plus de concurrence au service du consommateur. Ce seront les décisions que je prendrai, que je serai amené à prendre dans les semaines qui viennent.

Autre actualité, le téléphone portable. Là aussi, il y a des choses qui vont changer.

Vous savez, ma journée est chargée. Sur beaucoup de sujets, vous parlez de consommation depuis tout à l'heure. Effectivement, je serai cet après-midi au Sénat pour soutenir une proposition de loi sénatoriale qui vise à faciliter le changement d'opérateur, le « desimlocage »...

C'est un peu technique.

C'est un peu technique mais beaucoup de Français qui nous écoutent savent parfaitement ce que c'est quand on prend un abonnement et qu'on est ensuite bloqué et qu'on ne peut pas changer d'opérateur ; là on va pouvoir faciliter les choses. Mais par exemple, ce matin je serai au Conseil des ministres avec mon collègue garde des Sceaux pour présenter une ordonnance qui permettra qu'un engagement du président de la République pour les petits entrepreneurs soit applicable dès le 1er janvier, c'est-à-dire pour ceux qui seraient en faillite, la protection du patrimoine personnel. Et je serai ce soir, aux côtés des artisans, aux côtés de nombreux apprentis avec les chambres de métier pour mettre à l'honneur beaucoup de Français qui travaillent de leur passion et je crois que c'est ce qui fait la richesse de notre pays.

Alors on vous a connu porte-parole de l'UMP, toujours prêt à ferrailler, on vous retrouve ministre dans un costume nouveau, est-ce que c'est difficile de passer d'une fonction à une autre ?

Chacun sait, ceux qui me connaissent bien savent que quand j'étais parlementaire, j'étais déjà très actif sur beaucoup des sujets qui sont aujourd'hui les sujets qui dépendent de mon portefeuille ministériel. Mais surtout ceux qui me connaissent un peu, savent que j'avais soif d'agir et soif d'agir pour les Français. Croyez-moi, je ne suis pas déçu...

Mais ils vous voyaient sans complaisance, c'est le moins que l'on puisse dire pour l'opposition.

J'étais porte-parole de ma famille politique et j'étais...

Et comment on fait cette mutation ?

Elle est assez facile à faire parce que, y compris quand vous êtes porte-parole d'une formation politique, vous vous exprimez au nom évidemment de beaucoup de Français qui sont ceux qui partagent vos idées. Quand vous êtes ministre, vous allez à l'écoute des mêmes Français mais aussi des autres et j'ai toujours essayé et j'en fais ma règle de conduite, d'être à l'écoute des Français, de mes concitoyens et je vais essayer, dans les mois qui viennent, d'agir pour eux.

L'UMP elle est maintenant dirigée par J-F. Copé qui est assez critique par rapport à la gestion passée. Est-ce que ça, ça vous gêne ?

Écoutez, moi je n'ai pas envie de rentrer dans ces questions de polémique, vous l'avez dit...

Vous avez beaucoup changé vraiment.

Ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est vraiment que nous réussissions dans les mois qui viennent, à offrir, au moment où il y a cette sortie de crise, après des mois si difficile pendant la crise, à offrir aux Français, qu'ils soient entrepreneurs, qu'ils soient commerçants, artisans, qu'ils soient profession libérale, qu'ils soient consommateurs, qu'ils soient citoyens, à leur offrir un avenir meilleur.

Et sur les critiques de J-F. Copé, rien à dire ?

Non, écoutez, J-F. Copé je lui fais toute confiance aujourd'hui pour assumer avec talent sa mission de secrétaire général de ma formation politique.

Merci.


Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 décembre 2010