Texte intégral
F. Rivière.- Bonjour J. Bougrab.
Bonjour.
Vous rentrez d'un séjour au Cambodge où vous avez été rencontrer des jeunes engagés dans le service civique. Peut-être faudrait-il commencer en quelques mots par rappeler ce qu'est le Service civique. Quel est son objectif et comment ça fonctionne ?
Le Service civique a été mis en place au printemps dernier afin de permettre à des jeunes qui souhaitent accomplir des missions dans différents domaines, que ce soit le domaine humanitaire, que ce soit le domaine de la santé, du développement durable, de pouvoir bénéficier d'un dispositif qui permet de s'engager pendant six à douze mois pour les 16-25 ans, qui est pris en charge par l'État et donc voilà.
C'est un objectif de cohésion sociale aussi.
C'est un objectif plus que de cohésion sociale : c'est un objectif de cohésion nationale et c'est en tout cas donner un statut à l'engagement de la jeunesse française. Voilà. Il y a eu, vous vous souvenez, tout le débat lors de la suppression du Service national et de savoir comment en fait permettre à des jeunes qui souhaitent soit après leurs études, juste avant de rentrer dans la vie professionnelle, soit à des personnes qui sont à un moment de leur vie où ils souhaitent donner peut-être un autre sens à leur parcours, de leur donner la possibilité de le faire. Donc c'est un engagement du chef de l'État français qui a été mis en oeuvre et qui est opérationnel depuis juin dernier. L'objectif cette année c'était 10.000 jeunes, l'année prochaine c'est 15.000 et normalement nous devrions avoir 10 % d'une classe d'âge qui pourrait bénéficier de ce service civique, c'est-à-dire 75.000 jeunes.
Pourquoi vous êtes-vous rendue au Cambodge ? C'est un pays où les jeunes Français s'engagent particulièrement dans ce domaine du Service civique ?
Alors le Cambodge, je dirais de manière générale que c'est la France et les Françaises et les Français s'engagent pour le Cambodge. On connaît le rôle qu'a eu la France au moment du terrible régime des Khmers rouges et l'asile qu'a pu donner la France notamment à travers son ambassade à des personnes qui étaient victimes de cette barbarie. La France, il faut le savoir, c'est le deuxième donateur au Cambodge, deuxième donateur européen au Cambodge. Et donc quand on sait que plus de 100 ONG sont françaises ou francophones, quand on sait que plusieurs centaines de Français sont engagés dans différentes activités au Cambodge, en tant que secrétaire d'État à la jeunesse et à la vie associative - c'est important de le dire - il me paraissait normal de passer ces moments avec eux. Voilà. Tout le monde, A. Juppé ministre de la Défense était avec les troupes en Afghanistan ; moi je pense que des personnes qui s'engagent, qui font don d'eux-mêmes, qui mettent entre parenthèses leur vie personnelle, leur vie familiale, qui parfois mettent entre parenthèses y compris leur vie professionnelle, la mettent parfois en danger. Ça paraît peut-être normal que moi, je sois avec eux à ce moment qui est un moment de fête où on se retrouve au sein de ces familles.
Alors sur un plan pratique, des problèmes d'indemnisation pour les jeunes volontaires ont été signalés ici ou là par plusieurs associations, des jeunes qui n'ont pas été indemnisés. Est-ce que les choses sont en train de rentrer dans l'ordre de ce point de vue ou est-ce que les blocages continuent pour l'instant ?
Non. Non, non, non. Vous comprenez bien que quand vous avez un mécanisme qui se met en place en juin dernier, où vous avez depuis juin plus de 5.000 jeunes qui sont engagés, il y a eu effectivement quelques retards mais qui se sont résolus très rapidement, et c'est des retards de trois semaines. Donc c'est vrai qu'ils sont inacceptables mais ils sont en cours de résolution et l'agence fait un travail remarquable, l'agence du Service civique qui est dirigée par M. Hirsch.
Alors justement, comment vous répartissez-vous les rôles avec M. Hirsch qui dirige cette agence du Service civique et qui est le père de ce service civique en quelque sorte ?
Le père de ce service civique, c'est certes M. Hirsch mais c'est aussi l'engagement de l'ensemble de la nation française. Je rappelle que c'est une loi qui a été votée par le Parlement, qui a été votée par le Parlement à l'initiative de parlementaires et donc c'est un projet et c'est une idée qui appartient d'abord à la nation française et à l'État français. Je ne crois pas qu'on puisse dire... Enfin...
Derrière les projets, derrière les lois il y a des fois un homme et enfin M. Hirsch a un peu incarné ce service civique tout de même, non ?
Il l'a incarné et il poursuit cela mais moi, je suis toujours gênée dans un État démocratique quand on explique que la loi est le fait d'un homme alors que c'est le fait de la représentation nationale. C'est juste ça.
Ça vous énerve si on dit que c'est M. Hirsch ?
Non, pas du tout !
Il y a un problème de tutelle. Non ?
Absolument pas. Absolument pas mais je n'aime pas parce que ce mécanisme, ce système a vocation à durer, voilà. Les ministres, les directeurs, les présidents de structures passent et l'institution doit rester. Et donc pour pouvoir rester, elle doit exister de manière autonome, indépendamment de personnalités. Voilà.
À bon entendeur donc, personne ne doit s'attribuer la paternité de cette affaire.
Si vous voulez, enfin, si vous voulez... Mais je crois qu'avant de mettre en avant une personne, il faut peut-être d'abord mettre en avant tous ces jeunes qui s'engagent et qui font don d'eux-mêmes. C'est eux qu'on doit mettre en valeur et pas telle ou telle personne.
Vous êtes au Gouvernement, J. Bougrab, depuis quelques semaines seulement, depuis le remaniement. Quels vont être les dossiers auxquels vous allez vous attaquer en priorité hors service civique, puisqu'on a bien compris que ça, c'est déjà fait ?
De manière générale, la lutte contre les discriminations et le principe d'égalité est pour moi une priorité, parce que plus que jamais - notamment vous parlez d'un certain nombre, on a parlé en aparté d'un certain nombre de difficultés dans les quartiers populaires - il faut plus que jamais refaire fonctionner l'ascenseur social. D'autres sujets sont pour moi importants, comme des sujets qui tiennent à des questions plus de sociétés. J'ai parlé souvent de la lutte contre l'obésité parce que souvent c'est les classes... il y a un rapport parlementaire qui est sorti qui montrait que les enfants touchés par l'obésité, donc la malnutrition, c'est ça dont on parle et de manière générale la question de santé, ce sont les enfants les plus pauvres. De même, la question de la lutte contre la contraception, parce qu'il faut parler de ce sujet sans tabou, fait partie des sujets auxquels je tiens. Mais de manière générale, je crois qu'on doit destigmatiser la jeunesse française dont on a souvent tendance à montrer une certaine vision sans montrer que la France a une jeunesse extraordinaire qui s'engage, sans doute qu'on n'écoute pas suffisamment et à qui on ne donne pas nécessairement les moyens de son autonomie.
La lutte contre les discriminations est un sujet qui vous tient à coeur. Vous avez dirigé la HALDE qui est la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations pendant sept mois précisément. Est-ce que vous êtes favorable à ce qu'elle soit fondue comme c'est prévu aujourd'hui dans ce nouvel ensemble qui s'appellerait le Défenseur des droits ? On se souvient que vous aviez dit, vous, que vous alliez vous battre comme une tigresse pour défendre la HALDE.
Alors je vais vous arrêter tout de suite, je vais vous arrêter tout de suite.
Non, j'ai terminé. Vous pouvez parler.
Je suis membre du Gouvernement, de même je n'ai pas - et j'ai une obligation de réserve vis-à-vis aussi bien de mon successeur É. Molinier qui est le président de la HALDE, donc je n'ai pas à intervenir maintenant et je pense qu'on l'interpréterait plutôt mal si aujourd'hui je prenais position sur tel ou tel projet qui concerne la HALDE.
Alors au-delà de la structure, est-ce que la HALDE doit rester forte ?
Alors je rappelle ce que je vous dis ; apparemment je n'ai pas été claire.
Si, si, mais enfin j'essaye malgré tout de vous tirer quelques précisions.
Non mais la question, moi je vais vous dire les choses très clairement. : la question de la lutte contre les discriminations n'est pas le monopole d'une structure. Ça doit être le travail au quotidien de l'ensemble des autorités ou de l'administration française mais de manière générale également des entreprises. La question de la discrimination, si vous la cantonnez à telle ou telle structure, on a perdu cette bataille de l'égalité. Le travail qui doit être fait - je suis sur RFI aujourd'hui - si je regarde, et je peux vous le dire, le nombre de femmes qui sont aujourd'hui directrices d'antenne, si je regarde éventuellement les personnes issues de la diversité dans votre structure, cette question-là...
Ici on est assez exemplaires de ce point de vue-là.
Non mais regardons juste...
On a terminé J. Bougrab. On en reparlera. Merci, bonne journée.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 décembre 2010