Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, sur la nécessité de développer la croissance, les richesses et les emplois dans les zones rurales, Agen le 17 décembre 2010.

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Circonstance : Séminaire national du Réseau rural français "Nouvelles ruralités, nouvelles politiques publiques", à Agen les 16 et 17 décembre 2010

Texte intégral

Je suis très heureux de conclure ce séminaire national du Réseau rural français : c'est l'occasion pour moi de vous parler de territoires que je connais bien, et auxquels je suis profondément attaché.
Je connais bien la ruralité. Avant tout, je suis un élu, et je peux vous dire que rien ne peut se faire sans l'initiative et le soutien des élus locaux, des associations et des professionnels. Je partirai de mon expérience pour vous donner ma vision de l'avenir du monde rural.
Je suis profondément convaincu que l'avenir de notre pays passe par le développement de vos territoires. Cessons d'opposer la campagne et la ville. C'est une conception dépassée. La ruralité, c'est la modernité. Aujourd'hui les campagnes ne sont plus ces terres d'exode dont on prédisait la fin il y a 30 ans ; aujourd'hui, les campagnes, ce sont des terres d'accueil, des terres vivantes où l'on vient chercher de l'espace, du calme, de l'air, un autre mode de vie. L'INSEE l'a montré : la population rurale va augmenter d'ici 2040, parce que les campagnes attirent de plus en plus de monde. Elles attirent les Anglais, dans le Lot ; elles attirent les parisiens des proches banlieues, qui n'hésitent pas à passer une heure dans le TGV pour habiter au calme à la campagne.
La France a autant besoin de ses villes que de ses campagnes. Le vrai défi pour les territoires ruraux, c'est de convaincre des citadins habitués aux facilités et aux avantages de la ville.
Comment ?
Là encore, je pars de mon expérience d'élu et j'en déduis 4 grandes priorités :
* Accroître l'accès aux soins
Trouvez-vous normal que dans certaines communes de l'Eure, il faille attendre 6 mois pour avoir un rendez-vous chez l'ophtalmo ou chez le dentiste, alors qu'à 90 km de là, dans la capitale, le délai d'attente est de 3 semaines ? Ce n'est pas acceptable.
Trouvez-vous normal qu'il y ait 1 médecin pour 224 habitants dans les Bouches du Rhône et 1 médecin pour 515 habitants dans l'Eure ?
C'est un problème majeur, complexe. Nous avons une obligation de résultats.
En même temps, vous le savez, il n'y a pas de solution unique, il n'y a pas de solution toute faite. Il faut d'abord poser le diagnostic, puis inventer des solutions nouvelles, qui prennent en compte l'évolution de la population médicale, les attentes des médecins et la féminisation du métier.
L'une des solutions, ce sont les maisons de santé pluridisciplinaires.
75 Meuros sur 3 ans seront consacrés à la création de 250 maisons de santé.
Nous veillerons à harmoniser le travail réalisé par les Agences régionales de santé d'un coté, et par les préfectures de l'autre dans le cadre des PER.
Nous allons mettre en place un certain nombre de mesures pour inciter les jeunes médecins à s'installer en zone rurale.
Dans le cadre de la loi Hôpital, nous avons réservé 400 bourses sur la période 2010-2012 pour les étudiants en médecine qui s'engagent à exercer dans les zones où l'offre médicale est insuffisante.
Avec le ministre de la Santé, nous développerons les stages médicaux en milieu rural :
En rendant obligatoire l'accueil de stagiaires dans les maisons de santé,
En offrant aux stagiaires un logement dans ces maisons.
Parce que la santé est au coeur du pacte républicain, c'est un élément essentiel de cohésion sociale. Ce sera ma première priorité.
* Gagner la bataille des nouvelles technologies
Qui, de nos jours, peut se passer d'internet ?
Internet pallie les contraintes quotidiennes de la vie à la campagne.
Là encore, il n'est pas acceptable qu'il y ait deux poids, deux mesures suivant qu'on habite en ville ou à la campagne.
A Morée, le 9 février dernier, le PR a pris un engagement : d'ici 2025, tous les foyers français devront avoir accès au très haut débit.
Nous mettrons tous les moyens qu'il faudra pour atteindre cet objectif.
Le Premier Ministre a lancé au début de l'été 2010 le "Programme national Très Haut Débit" qui comporte déjà :
Un engagement de 3 Meuros en 2010 et 1,5 Meuros en 2011 pour réaliser des schémas directeurs d'aménagement numérique, qui permettront aux territoires de définir leurs priorités et leurs modalités d'intervention ;
Une sélection de 7 projets-pilotes engagés par les collectivités sur des territoires ruraux pour déployer la fibre optique. Ils seront financés à hauteur de 3 Meuros par l'Etat.
Enfin, 2 Mds d'euros du Grand emprunt seront consacrés au développement des infrastructures dans les territoires isolés.
Pour conduire ce programme à son terme, L'État s'engage à trouver une source de financement pérenne pour le Fonds d'aménagement numérique des territoires. Nous nous appuierons pour cela sur les propositions du rapport remis par Hervé MAUREY.
* Répondre aux besoins en services publics
Il y a 2 visions des services publics en milieu rural :
Il y a une vision datée, une vision qui ne correspond pas à la réalité budgétaire. On a d'autres solutions que le maintien sur l'ensemble du territoire.
Moi, je ne suis pas là pour vous bercer d'illusions et de mots. Je suis là pour vous tenir un discours de vérité.
Vous tous qui êtes des responsables locaux ou des élus, vous savez quelles sont les contraintes financières qui pèsent sur les collectivités.
L'autre vision consiste à dire que ce qui compte, c'est le service lui-même et la qualité du service rendu, pas la structure qui l'abrite. Assurer un service de qualité partout. Développer des technologies modernes bien sûr.
Cette solution, vous la connaissez, c'est la mutualisation des services.
C'est le sens de l'accord national signé en septembre 2010 entre l'Etat et les grands opérateurs de services publics (EDF, GDF, La Poste, SNCF, Pôle emploi, l'Assurance maladie..).
Cet accord permettra de développer les espaces multiservices dans des lieux d'accueil uniques (mairies, bureaux de poste, commerces).
60 nouveaux lieux d'accueil seront ouverts ; 300 autres sites bénéficieront d'une offre de services élargie.
Le dispositif concerne toutes les régions, mais seulement 23 départements.
Je souhaite que le dispositif soit généralisé dès l'automne 2011 à tous les départements.
Lors des Assises des territoires ruraux, vous avez été nombreux à souhaiter que l'offre de transports soit améliorée. Vous avez été entendus :
Lundi, le Secrétaire d'Etat aux transports a signé une convention avec la SNCF pour maintenir les trains d'équilibre des territoires.
Sur les distributeurs de billets : le PR avait annoncé en février dernier que la Poste était prête à équiper d'un distributeur de billet les bureaux de certains villages isolés.
32 distributeurs sont d'ores et déjà installés
Une convention tripartite entre la Poste, l'AMF et l'Etat sera signée dans les prochains jours pour mettre en place de nombreux autres distributeurs.
Je terminerai par un mot sur les structures d'accueil pour la petite enfance.
* Déployer de nouvelles activités économiques pour créer des emplois.
Pendant 30 ans, on a conçu les politiques d'aménagement des zones rurales comme des soins palliatifs. Risque, c'est que le monde rural devienne un territoire dortoir.
Moi, ce que je vous propose, c'est une vraie politique publique, ambitieuse et dynamique, pour créer de la croissance, des richesses et des emplois. Un français sur 4 vit à la campagne mais seulement 1 sur 5 y travaille. Impératif que le développement démographique rural rime avec le développement économique rural.
Evidemment, je ne pars pas de rien : c'est la volonté du Président de la République, et Michel Mercier a déjà accompli un formidable travail.
Je compte bien utiliser à plein les 18 prochains mois pour attirer l'activité économique sur vos territoires.
Cela tient évidemment aux 3 priorités que j'ai fixées. Mais cela dépend aussi de vous, de vos initiatives, de vos actions locales. J'étudierai avec attention vos propositions.
Le monde rural a des projets, il a des talents : nous sommes prêts à les soutenir. C'est le sens des pôles d'excellence rurale. Nous tiendrons nos engagements : les dossiers déposés pour 2ème appel à projet seront sélectionnés en début d'année et nous veillerons à ce qu'ils bénéficient du même niveau de soutiens que ceux de la 1ère génération. Enfin, nous le savons tous, la vie d'une commune rurale, elle est au bar-tabac, elle est chez le coiffeur, elle est à l'épicerie. Pour maintenir et accroître la présence des petits commerces et des artisans en milieu rural, nous porterons à 40% le taux d'intervention du FISAC pour les projets d'investissements en zone de revitalisation rurale. Dans les ZRR, nous étendrons le dispositif d'exonération fiscale pour la création d'entreprises aux transmissions d'entreprises artisanales. Enfin, Oséo consacrera 30 Meuros sur 3 ans à des prêts participatifs pour soutenir les fonds des PME en zone rurale.
Je tiens à saluer le travail de Michel Mercier.
Ces mesures ne s'adressent pas qu'à vous ; elles s'adressent à tous les Français.
J'ai besoin de vous. Vous pouvez compter sur moi pour assurer aux Français ruraux les mêmes conditions de vie que les autres.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 21 décembre 2010