Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, la France signe avec la Guinée cette après-midi deux conventions à Conakry. Quel est l'objectif de ces deux conventions ? L'une porte sur les organisations agricoles, l'autre sur le secteur minier.
R - Avant de vous répondre de façon plus précise, je voudrais quand même rappeler que la France est le premier partenaire économique de la Guinée et le premier donneur d'aide à ce pays. Je rappelle également que j'avais co-présidé en novembre 1999 une commission mixte qui avait justement ciblé les priorités de notre coopération : la valorisation des ressources humaines, la modernisation économique et l'ouverture à l'investissement, le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit.
S'agissant des deux conventions dont vous parliez à l'instant, la première, pour presque 14 millions de francs, est destinée à soutenir les groupements de producteurs agricoles parce que nous les considérons comme un des éléments les plus dynamiques de la société guinéenne. Ceci répond d'ailleurs aux efforts d'organisation qu'eux-mêmes ont commencé à mettre en place (je rappelle qu'aujourd'hui il y a quatre fédérations, une par grande région de la Guinée, qui structurent les producteurs qui sont au nombre d'1,4 million d'individus, c'est dire le poids qu'ils jouent dans la société guinéenne). Il s'agit de les aider à s'organiser, il s'agit de leur formation.
Et puis il y a une seconde convention, pour 10 millions de francs, ce qui doit correspondre d'ailleurs à 2 milliards 700 millions de francs guinéens compte tenu de la parité (ce qui veut dire que la première était supérieure à 3 milliards de francs guinéens) qui concerne le développement du secteur minier dont nous savons le poids qu'il représente déjà et qu'il devrait représenter, notamment dans les exportations. Il n'est pas nécessaire d'insister sur les richesses extraordinaires du sous-sol de la Guinée ; je pense notamment à la bauxite dont la Guinée représente les 2/3 des réserves mondiales.
Q - L'aide apportée par la France sur le secteur minier concrètement va se faire de quelle façon ?
R - Il faut distinguer deux choses. Il y a un problème cartographique d'identification des ressources, et il s'agit en particulier de travailler à partir des relevés qui avaient été faits par les services soviétiques il y a quelques années, qu'il s'agit de reprendre, publier et en particulier sur quatre régions qui correspondent à une surface tout à fait considérable. Nous irons beaucoup plus loin dans l'identification des ressources minières de ces différentes régions. Il y a aussi un appui à l'investissement privé puisqu'il faut aider les investisseurs à rechercher les meilleures opportunités, et il faut aussi aider les Guinéens à accueillir ces investisseurs, ce qui veut dire un appui au cadre juridique permettant de sécuriser les investissements mais aussi de donner une bonne visibilité aux conditions fiscales pour que les investisseurs qui cherchent à s'implanter. Ajoutons-y la formation de cadres guinéens à ces questions, ce qui nous paraît indispensable aussi parce que les Guinéens eux-mêmes souhaitent très fortement être en mesure de maîtriser cette exploitation de leurs richesses minières.
Q - S'agissant de la convention sur les organisations agricoles, monsieur le ministre, si je suis agriculteur, concrètement, qu'est ce que la France va changer pour moi avec cette convention ?
R - Elle s'adresse aux agriculteurs qui ont fait le choix de se donner une organisation. En l'occurrence ce n'est pas l'agriculteur guinéen de base, mais c'est aux organisations que les agriculteurs sont en train de mettre en place. Ils ne nous ont pas attendu pour les mettre en place, il s'agit de venir en appui à ces organisations en leur donnant là encore de la formation, de l'accès à l'information et en leur donnant très concrètement des moyens de fonctionner - des secrétariats, quelques infrastructures dont ils ont besoin, et de leur apporter l'appui de nos propres experts.
Q - L'Afrique a actuellement le regard tourné vers Lusaka où se tient actuellement le dernier sommet de l'OUA. On parle notamment du plan du Président Wade, le plan Oméga qui souhaite un nouveau type de coopération. Comment est-ce que la France se situe, et la coopération française se situe par rapport à ce plan Oméga ?
R - Je dois d'abord dire notre satisfaction en voyant que le Sommet de l'OUA a été l'occasion d'articuler le MAP, le fameux projet pour le millenium des trois présidents d'Algérie, du Nigeria et d'Afrique du Sud au plan Oméga du président sénégalais. Nous avons souhaité qu'il y ait cette articulation, elle est en train de se réaliser - il est encore un peu trop tôt parce que le Sommet n'est pas tout à fait terminé - et ça me paraît être une bonne chose. Globalement, la bonne nouvelle est que les Africains se prennent en charge et ils font le choix de prendre en compte l'Afrique dans sa globalité. Nous sommes nombreux à penser qu'il y a évidemment interactivité à l'intérieur de ce continent et que c'est bien dans la globalité qu'il faut prendre en compte son développement. J'observe par ailleurs que le président Wade a beaucoup ciblé la question des infrastructures; et il a eu raison. Je crois que l'Afrique manque d'infrastructures pour structurer son développement.
Face à ces aspirations, ce programme pour l'Afrique, défini par les Africains eux-mêmes, il doit faire en sorte que notre coopération réponde au plus près à ces aspirations. Nous le faisons dans une relation bilatérale avec chacun des pays africains concernés, nous le faisons avec les organisation régionales. Vous savez que la France est un des ardents défenseurs de cette organisation régionale qui peut tout à la fois contribuer au développement, et à une meilleure relation de paix entre pays voisins et qui nous paraît surtout comme le bon passage à l'économie mondiale. Et j'ajoute enfin qu'il nous faut travailler en liaison étroite avec les institutions financières internationales, mais aussi avec les outils africains. Je pense évidemment aux banques que les pays africains ont mises en place notamment sur le plan régional.
Q - Est-ce que vous voyez d'ores et déjà des pistes d'évolution de la coopération française se dessiner par rapport à des plans comme ce plan Oméga du président Wade?
R - Je viens de parler des infrastructures et je pense qu'il faudrait que le Fonds européen de développement lui aussi, en liaison avec l'ensemble des pays ACP, intègre ces nouvelles orientations. Je pense à l'importance que le président Wade veut reconnaître à l'investissement privé, et au secteur privé en général. Les nouveaux accords de Cotonou qui renouvelaient en quelque sorte les accords de Lomé - je parle des accords UE/ACP - ont accordé cette fois une plus grande place justement à l'investissement privé, au commerce en général. Le commerce sans investissement est un leurre parce que ce sont toujours les mêmes qui exportent et les autres qui consomment. Mais la France n'aura pas trop de difficulté à s'y adapter; je rappelle que nous avons créé un site Internet pour aider l'investissement dans les pays africain, en identifiant pays par pays, les conditions juridiques, fiscales dans lesquelles les investissements peuvent s'organiser. Il faudra aussi plus généralement, et là l'OHDA (l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires) va y contribuer, que la France mobilise ses moyens au service de ces ambitions que les Africains viennent d'afficher.
Q - Une dernière question monsieur le ministre. Vous rencontrez cette après-midi Alpha Condé. Quel est le sens de cette audience que vous lui accordez, de cette rencontre?
R - Ce n'est pas la première fois que je reçois un opposant d'un pays Africain. Ceci rentre dans le cadre normal du dialogue politique que nous entretenons avec nos pays partenaires. J'ajoute qu'il s'agit en plus d'un député, qui de ce fait est un interlocuteur normal pour moi. J'attends de lui évidemment qu'il contribue à m'informer d'une réalité que je suis avec beaucoup d'attention. Je disais en commençant notre entretien que la Guinée est un partenaire important pour la France. Je sais les difficultés que rencontre la Guinée, par exemple l'accueil de centaines de milliers de réfugiés. Il faut aider ce pays à surmonter ces difficultés. Les Guinéens doivent savoir que nous militons pour que la paix se rétablisse dans cette région, convaincus qu'une solution militaire ne suffira pas à garantir une paix durable, il faut aussi des solutions politiques. J'ai dit au moment où la décision a été prise de libérer Alpha Condé que ceci était vécu par nous comme un signe positif susceptible de faciliter la détente, le dialogue entre Guinéens, sans doute aussi d'améliorer la relation avec les pays voisins. J'espère vraiment que la Guinée va pouvoir se sortir de cette situation difficile, et en particulier de la situation de crise que connaissent les pays voisins. Je souhaite vraiment que la paix dans cette région puisse aider les Guinéens à retrouver plus rapidement la voie du développement.
Q - Comment est-ce que la France se positionne dans le débat politique actuel en Guinée sur l'éventuelle prolongation ou éventuelle reconduction d'un mandat présidentiel ?
R - Ecoutez je n'ai pas à me prononcer, le président Lansana Conté lui-même ne s'est pas encore exprimé sur ce sujet alors vous comprendrez que la France n'a pas, dans la période, à s'exprimer sur cette question. J'en mesure l'importance mais attendons qu'elle se pose véritablement.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juillet 2001)
R - Avant de vous répondre de façon plus précise, je voudrais quand même rappeler que la France est le premier partenaire économique de la Guinée et le premier donneur d'aide à ce pays. Je rappelle également que j'avais co-présidé en novembre 1999 une commission mixte qui avait justement ciblé les priorités de notre coopération : la valorisation des ressources humaines, la modernisation économique et l'ouverture à l'investissement, le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit.
S'agissant des deux conventions dont vous parliez à l'instant, la première, pour presque 14 millions de francs, est destinée à soutenir les groupements de producteurs agricoles parce que nous les considérons comme un des éléments les plus dynamiques de la société guinéenne. Ceci répond d'ailleurs aux efforts d'organisation qu'eux-mêmes ont commencé à mettre en place (je rappelle qu'aujourd'hui il y a quatre fédérations, une par grande région de la Guinée, qui structurent les producteurs qui sont au nombre d'1,4 million d'individus, c'est dire le poids qu'ils jouent dans la société guinéenne). Il s'agit de les aider à s'organiser, il s'agit de leur formation.
Et puis il y a une seconde convention, pour 10 millions de francs, ce qui doit correspondre d'ailleurs à 2 milliards 700 millions de francs guinéens compte tenu de la parité (ce qui veut dire que la première était supérieure à 3 milliards de francs guinéens) qui concerne le développement du secteur minier dont nous savons le poids qu'il représente déjà et qu'il devrait représenter, notamment dans les exportations. Il n'est pas nécessaire d'insister sur les richesses extraordinaires du sous-sol de la Guinée ; je pense notamment à la bauxite dont la Guinée représente les 2/3 des réserves mondiales.
Q - L'aide apportée par la France sur le secteur minier concrètement va se faire de quelle façon ?
R - Il faut distinguer deux choses. Il y a un problème cartographique d'identification des ressources, et il s'agit en particulier de travailler à partir des relevés qui avaient été faits par les services soviétiques il y a quelques années, qu'il s'agit de reprendre, publier et en particulier sur quatre régions qui correspondent à une surface tout à fait considérable. Nous irons beaucoup plus loin dans l'identification des ressources minières de ces différentes régions. Il y a aussi un appui à l'investissement privé puisqu'il faut aider les investisseurs à rechercher les meilleures opportunités, et il faut aussi aider les Guinéens à accueillir ces investisseurs, ce qui veut dire un appui au cadre juridique permettant de sécuriser les investissements mais aussi de donner une bonne visibilité aux conditions fiscales pour que les investisseurs qui cherchent à s'implanter. Ajoutons-y la formation de cadres guinéens à ces questions, ce qui nous paraît indispensable aussi parce que les Guinéens eux-mêmes souhaitent très fortement être en mesure de maîtriser cette exploitation de leurs richesses minières.
Q - S'agissant de la convention sur les organisations agricoles, monsieur le ministre, si je suis agriculteur, concrètement, qu'est ce que la France va changer pour moi avec cette convention ?
R - Elle s'adresse aux agriculteurs qui ont fait le choix de se donner une organisation. En l'occurrence ce n'est pas l'agriculteur guinéen de base, mais c'est aux organisations que les agriculteurs sont en train de mettre en place. Ils ne nous ont pas attendu pour les mettre en place, il s'agit de venir en appui à ces organisations en leur donnant là encore de la formation, de l'accès à l'information et en leur donnant très concrètement des moyens de fonctionner - des secrétariats, quelques infrastructures dont ils ont besoin, et de leur apporter l'appui de nos propres experts.
Q - L'Afrique a actuellement le regard tourné vers Lusaka où se tient actuellement le dernier sommet de l'OUA. On parle notamment du plan du Président Wade, le plan Oméga qui souhaite un nouveau type de coopération. Comment est-ce que la France se situe, et la coopération française se situe par rapport à ce plan Oméga ?
R - Je dois d'abord dire notre satisfaction en voyant que le Sommet de l'OUA a été l'occasion d'articuler le MAP, le fameux projet pour le millenium des trois présidents d'Algérie, du Nigeria et d'Afrique du Sud au plan Oméga du président sénégalais. Nous avons souhaité qu'il y ait cette articulation, elle est en train de se réaliser - il est encore un peu trop tôt parce que le Sommet n'est pas tout à fait terminé - et ça me paraît être une bonne chose. Globalement, la bonne nouvelle est que les Africains se prennent en charge et ils font le choix de prendre en compte l'Afrique dans sa globalité. Nous sommes nombreux à penser qu'il y a évidemment interactivité à l'intérieur de ce continent et que c'est bien dans la globalité qu'il faut prendre en compte son développement. J'observe par ailleurs que le président Wade a beaucoup ciblé la question des infrastructures; et il a eu raison. Je crois que l'Afrique manque d'infrastructures pour structurer son développement.
Face à ces aspirations, ce programme pour l'Afrique, défini par les Africains eux-mêmes, il doit faire en sorte que notre coopération réponde au plus près à ces aspirations. Nous le faisons dans une relation bilatérale avec chacun des pays africains concernés, nous le faisons avec les organisation régionales. Vous savez que la France est un des ardents défenseurs de cette organisation régionale qui peut tout à la fois contribuer au développement, et à une meilleure relation de paix entre pays voisins et qui nous paraît surtout comme le bon passage à l'économie mondiale. Et j'ajoute enfin qu'il nous faut travailler en liaison étroite avec les institutions financières internationales, mais aussi avec les outils africains. Je pense évidemment aux banques que les pays africains ont mises en place notamment sur le plan régional.
Q - Est-ce que vous voyez d'ores et déjà des pistes d'évolution de la coopération française se dessiner par rapport à des plans comme ce plan Oméga du président Wade?
R - Je viens de parler des infrastructures et je pense qu'il faudrait que le Fonds européen de développement lui aussi, en liaison avec l'ensemble des pays ACP, intègre ces nouvelles orientations. Je pense à l'importance que le président Wade veut reconnaître à l'investissement privé, et au secteur privé en général. Les nouveaux accords de Cotonou qui renouvelaient en quelque sorte les accords de Lomé - je parle des accords UE/ACP - ont accordé cette fois une plus grande place justement à l'investissement privé, au commerce en général. Le commerce sans investissement est un leurre parce que ce sont toujours les mêmes qui exportent et les autres qui consomment. Mais la France n'aura pas trop de difficulté à s'y adapter; je rappelle que nous avons créé un site Internet pour aider l'investissement dans les pays africain, en identifiant pays par pays, les conditions juridiques, fiscales dans lesquelles les investissements peuvent s'organiser. Il faudra aussi plus généralement, et là l'OHDA (l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires) va y contribuer, que la France mobilise ses moyens au service de ces ambitions que les Africains viennent d'afficher.
Q - Une dernière question monsieur le ministre. Vous rencontrez cette après-midi Alpha Condé. Quel est le sens de cette audience que vous lui accordez, de cette rencontre?
R - Ce n'est pas la première fois que je reçois un opposant d'un pays Africain. Ceci rentre dans le cadre normal du dialogue politique que nous entretenons avec nos pays partenaires. J'ajoute qu'il s'agit en plus d'un député, qui de ce fait est un interlocuteur normal pour moi. J'attends de lui évidemment qu'il contribue à m'informer d'une réalité que je suis avec beaucoup d'attention. Je disais en commençant notre entretien que la Guinée est un partenaire important pour la France. Je sais les difficultés que rencontre la Guinée, par exemple l'accueil de centaines de milliers de réfugiés. Il faut aider ce pays à surmonter ces difficultés. Les Guinéens doivent savoir que nous militons pour que la paix se rétablisse dans cette région, convaincus qu'une solution militaire ne suffira pas à garantir une paix durable, il faut aussi des solutions politiques. J'ai dit au moment où la décision a été prise de libérer Alpha Condé que ceci était vécu par nous comme un signe positif susceptible de faciliter la détente, le dialogue entre Guinéens, sans doute aussi d'améliorer la relation avec les pays voisins. J'espère vraiment que la Guinée va pouvoir se sortir de cette situation difficile, et en particulier de la situation de crise que connaissent les pays voisins. Je souhaite vraiment que la paix dans cette région puisse aider les Guinéens à retrouver plus rapidement la voie du développement.
Q - Comment est-ce que la France se positionne dans le débat politique actuel en Guinée sur l'éventuelle prolongation ou éventuelle reconduction d'un mandat présidentiel ?
R - Ecoutez je n'ai pas à me prononcer, le président Lansana Conté lui-même ne s'est pas encore exprimé sur ce sujet alors vous comprendrez que la France n'a pas, dans la période, à s'exprimer sur cette question. J'en mesure l'importance mais attendons qu'elle se pose véritablement.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juillet 2001)