Interview de M. Georges Tron, secrétaire d'Etat à la fonction publique, à "LCI" le 4 janvier 2011, sur la relance du débat sur les 35 heures et son impact sur la fonction publique, sur la résorption annoncée de l'emploi précaire dans la fonction publique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Georges Tron, bonjour.

Bonjour.

Le débat sur les 35 heures agite le PS, mais aussi, l'UMP. Alors, vous, êtes-vous favorable à une remise à plat des 35 heures ou bien les assouplissements de 2008, vous semble-t-il suffisants ?

Moi, je suis favorable à ce que des débats de cette nature, soient ouverts dans un pays comme le nôtre.

A gauche comme à droite ?

A gauche comme à droite et de toute hypothèse, je pense que Manuel Valls s'est exprimé de façon tout à fait légitime pour un homme politique.

Il est fraîchement accueilli, à gauche par les syndicats ?

Oui, mais ce n'est pas parce qu'il est fraîchement accueilli, qu'il n'avait pas le droit de dire ce qu'il a dit. Je fais 3 observations rapides, la première pour constater qu'après Ségolène Royal et François Hollande, il n'y a plus dans cette formation politique importante qu'est le PS, beaucoup de gens, pour dire que les 35 heures n'ont pas posé, effectivement, un problème. La seconde observation, pour dire que les 35 heures ont effectivement posé problème, car elles sont responsables en grande partie et des délocalisations et des blocages salariaux ces dernières années. Et puis en troisième lieu, je le répète qu'un débat de cette nature soit ouvert, me paraît tout à fait légitime et je souhaite que les formations politiques, l'UMP comme le Parti socialiste, comme d'autres, puissent contribuer à faire d'éventuelles propositions.

La fin de non recevoir de Xavier Bertrand, avant Noël à Jean-François Copé, « on ne touche pas aux 35 heures » était donc une mauvaise chose ?

Oh ! Je pense qu'il n'y a aucun intérêt à occulter un débat, voilà ! Et par définition, quand certains souhaitent ouvrir un débat, je vais partie de ceux qui pensent qu'il faut l'alimenter parce que celui-ci est un réellement débat. Il ne faut pas oublier que les 35 heures, je le disais, je le répète, les 35 heures, ont quand même été sans doute de la part de Martine Aubry, la décision économique et sociale qui a été la plus préjudiciable pour l'économie française prise depuis la seconde guerre mondiale.

Alors à votre poste, gouvernemental, souhaitez-vous rouvrir le débat sur les 35 heures, dans la Fonction publique ?

Dans la Fonction publique, on a été très impacté par les 35 heures, et en particulier dans l'hôpital. Tout le monde sait parfaitement que l'application même Martine Aubry, je crois l'a reconnue postérieurement, l'application brutale des 35 heures dans la Fonction publique hospitalière en particulier a déstructuré les choses. Je pars de l'idée selon laquelle, la Fonction publique peut être l'objet également, d'une réflexion sur la meilleure façon de travailler, oui.

Que répondez-vous à ceux qui disent : mais les 35 heures, c'est un progrès social, presque sociétal, on profite de ses enfants, on sort plus ?

Ecoutez, je réponds 3 choses. La première chose, c'est qu'en réalité, les 35 heures, je le redis, une troisième fois, ont été l'explication la plus importante du fait que les rémunérations aient été très, très largement bloquées ces dernières années. Alors est-ce qu'on peut parler de progrès social ou de progrès sociétal quand on s'aperçoit qu'en réalité, c'est en terme de pouvoir d'achat que les salariés le paient ? Peut-on parler au moment où l'emploi est la première préoccupation des Français et je crois que c'est une préoccupation que là encore on peut comprendre. Peut-on parler d'un progrès social, quand on sait que les 35 heures sont en grande partie responsable des phénomènes de délocalisation ? La réponse est non. Et donc je le dis très clairement, je pense que ça a été une erreur à tous titres. Le vrai sujet, c'est aujourd'hui, même si les textes depuis 2003, en particulier, ont amélioré la situation, le vrai sujet c'est que de revenir sur les 35 heures aboutirait à mettre, beaucoup, beaucoup, de complexité dans les dispositifs de marche et fonctionnement des entreprises.

C'est une réforme qu'on peut faire avant la présidentielle ? Ou c'est le débat présidentiel qui va trancher ?

Je pense que c'est le débat présidentiel qui tranchera. Je suis convaincu que d'ici 2012, il y aura d'autres déclarations, d'autres personnalités de droite et de gauche sur le sujet.

Pas de décompte officiel des voitures brûlées pour la nuit de la Saint- Sylvestre. Alors dans votre commune de Draveil, dans l'Essonne, combien de voitures ont brûlé ?

Ecoutez, il y a une voiture identifiée en tout cas, qui a brûlé pas très loin de la mairie d'ailleurs. Assez difficile de savoir, d'ailleurs, dans quelle circonstance ? Et assez difficile de savoir pourquoi ? En réalité...

Escroquerie à l'assurance éventuelle ? Pas forcément des jeunes de banlieue...

Je ne me prononce pas, parce que comme il y en a une, c'est facilement identifiable, donc je ne vais pas porter de jugement définitif. Mais enfin, en tout cas, il n'y a pas eu dans les communes de l'Essonne, il n'y a pas eu, à Draveil en particulier d'évènement qui me laisse à penser que ça s'est mal passé.

C'est plutôt moins que l'année dernière, moins que les années précédentes ?

Vous savez, il y a des voitures qui brûlent malheureusement, en d'autres moments de l'année. En réalité, je le répète, que c'est très difficile de pouvoir expliquer la cause réelle, d'un incident de cette nature et je constate en tout cas, que puisque c'est votre question, que ça n'a pas été un phénomène qui a pris de l'ampleur cette année. On a eu un réveillon de la Saint-Sylvestre bien calme.
Mais alors pourquoi cacher les chiffres alors ?

Je ne crois pas que ce soit une question de les cacher. Je crois que c'est une question de ne pas avoir cette espèce de course, qui aboutirait à ce que certains se disent, chaque année, on va faire mieux que l'année précédente. Il faut bien mesurer qu'aujourd'hui, ces classements, ces séries de chiffres qui sortent donne le sentiment à quelques-uns qu'ils peuvent effectivement tenter de faire mieux que l'année précédente. Ça devient un concours de bêtises si vous voulez.

Alors les incidents se multiplient à la SNCF. Les retards inexplicables et plus ubuesques. Que faut-il faire ? Est-ce qu'il faut que l'Etat remette plus la main sur la SNCF qui a été trop autonomisée ?

Je ne dirais pas ça. Je dirais que ce qui s'est passé montre que c'est très difficile, certes, de faire marcher un grand service de transports comme celui-ci, mais que d'un autre côté, certains des dysfonctionnements et des incidents qui ont émaillé les fêtes de Noël méritent quand même un examen approfondi pour en revoir les causes. Parce que très franchement, arriver à mettre 24 ou 25 heures, pour un trajet qui se fait en temps normal en quelques heures, 4-5, je ne sais plus exactement, est la démonstration qu'on ne doit pas considérer un incident, comme étant quelque chose d'acceptable et de normal. Donc très clairement, sans parler de revenir à un système qui soit un système plus étatisé, je crois que la SNCF doit avoir une véritable analyse des causes de ces incidents et d'ailleurs, il y a des rapports, deux rapports je crois, qui doivent être remis prochainement à Nathalie Kosciusko-Morizet.

Plusieurs centaines de milliers de contractuels dans la Fonction publique, attendent d'être titularisés, leur donnerez-vous satisfaction en 2011 ?

Je ne dirais pas les mêmes choses que vous. Parce que si c'est attente de la titularisation, on est dans un 17ème plan de titularisation dans la Fonction publique, les précédents n'ont pas donné de résultats, les résultats escomptés. Nous avons une autre approche. L'approche que nous avons, nous, c'est de détecter quelles sont en réalité les poches de précarité dans la Fonction publique qui sont d'ailleurs souvent consécutives à une mauvaise application de la loi par les employeurs publics, de modifier à ce moment-là les choses, pour que ceux qui sont en CDD et qui souhaitent passer en CDI en ayant le droit de le faire, et qui n'y passent pas parce que je le répète, il y a une mauvaise volonté de l'employeur, que ceux-là puissent effectivement y accéder. Et puis il y a un second sujet qui est tout à fait important aussi, vous vous souvenez que ça a été l'objet d'une polémique avant, à juste titre là encore, avant les vacances de Noël, ça a été le fait de permettre une meilleure indemnisation de ceux qui sont en fin de CDD et qui au chômage peuvent toucher ou devraient toucher les indemnités rapidement, ce qui n'est pas le cas. Voilà deux axes, si vous voulez qui sont au coeur de cette réflexion que nous avons sur les non titulaires de la Fonction publique.

Les syndicats ne veulent pas des décrets sur les régimes spéciaux de retraites qui sont prêts dit-on dans votre ministère ? Alors qu'ils seront appliqués dans très longtemps ? Est-ce que vous allez prendre ces décrets ?

Non, la question ne se pose pas en ces termes-là, pour l'instant nous sommes dans une logique, qui n'est pas une logique de conflit. Nous sommes dans la logique qui consiste d'abord par rapport à la loi qui a été votée, à prendre les décrets par rapport à la loi retraite qui a été votée par le gouvernement...

Il n'y a pas d'urgence !

Non, non, il faut faire les choses telles qu'elles sont programmées, la loi retraites a été votée, en ce qui concerne la loi retraite, c'est-à-dire le dispositif que nous avons voté et qui, je me permets de la signaler d'ailleurs, ne concernent qu'en 2017, les régimes spéciaux, nous prendrons les décrets rapidement.

Gel des salaires des fonctionnaires en 2011. Est-ce que déjà on ne peut pas dire, qu'en 2012, ça sera pareil, vu les prévisions économiques ?

Il y a une discussion qui sera ouverte avec les organisations syndicales comme prévu par les accords de Bercy au mois de juin. C'est vrai François Baroin le dit régulièrement et je le dis avec lui, c'est vrai que la situation économique, la volonté de réduire les déficits fait que l'année 2011 n'aura pas d'augmentation, et que l'année 2012 se fera dans une et 2013 se fera dans une logique qui sera avant tout, une logique de reprise en main de nos comptes publics.

Demandez-vous à la Cour de Justice de la République de blanchir Eric Woerth et de rejeter la demande d'instruction qui est faite ?

Ce que je souhaite de tout coeur, c'est qu'Eric Woerth est un homme parfaitement intègre, puisse rapidement montrer que toutes les accusations contre lui, sont infondées.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 janvier 2011