Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur les efforts de la France en faveur de l'accés à l'eau et à son assainissement dans les pays en voie de développement, à Paris le 18 janvier 2011.

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Circonstance : Clôture de la Deuxième réunion des parties au sixième forum mondial de l'eau, à Paris le 18 janvier 2011

Texte intégral

Monsieur le Sénateur Maire de Marseille, Cher Jean-Claude,
Monsieur le Président du Conseil mondial de l'eau,
Monsieur le Président du Comité international du Forum,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de clôturer vos travaux au terme de ces deux journées de rencontre, ici à Paris.
La présence à cette réunion de nombreuses personnalités qualifiées et représentatives de multiples enceintes et régions du monde a constitué une occasion privilégiée de réfléchir sur les thèmes évoqués hier par ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, dans son discours d'ouverture. J'espère que vos échanges vont permettre, à l'occasion de la tenue du 6ème Forum mondial de l'eau de Marseille, de progresser sur la voie de la préparation de décisions qui doivent être au bénéfice commun des Etats et de leurs populations.
Je rappelle, en effet, les constats exposés par le président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, en juin 2010, lors du lancement de la préparation du Forum mondial de l'eau :
- l'eau abondante et saine qui coule des robinets des pays développés ne doit pas faire oublier que, en bien d'autres points du monde, l'eau est souillée ou trop rare ;
- dans le monde d'aujourd'hui, 1 milliard d'habitants n'ont pas accès à l'eau potable, et 2,5 milliards d'habitants n'ont pas accès à l'assainissement ;
- dans le monde d'aujourd'hui, 8 millions de personnes, dont 2 millions d'enfants, meurent chaque année de l'eau insalubre qu'ils boivent. C'est à dire que l'eau tue plus que les guerres, la famine ou le sida.
Ces raisons justifient naturellement que l'eau figure parmi les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), auxquels la France est très attachée. N'oublions pas, de plus, que l'eau est souvent la condition nécessaire pour l'atteinte des autres OMD. Sans l'accès à une eau saine, il ne peut y avoir de progrès en matière de santé, en particulier pour les mères et les jeunes enfants. Sans eau, la production agricole ne peut progresser pour faire reculer la faim. Sans eau, l'éducation continue de paraître un luxe inaccessible. Et nous savons bien que dans les sociétés traditionnelles, c'est sur les femmes et les jeunes filles que pèse la charge souvent épuisante de la corvée d'eau, qu'il faut aller chercher à des kilomètres.
Cette phrase si simple : «l'eau c'est la vie» est donc d'une terrible actualité dans bien des régions du monde. Comme ministre chargé de la Coopération, je me dois d'ajouter que l'eau c'est aussi la paix. L'eau est devenue ces dernières années, en raison notamment de la croissance démographique mondiale et des conséquences néfastes du changement climatique, un de ces grands «enjeux globaux», susceptible d'attiser la compétition entre les Etats, s'il n'existe pas de cadre de gouvernance internationale approprié. La Convention des Nations unies de 1997 sur la gestion des eaux transfrontalières, à laquelle la France vient d'adhérer, doit constituer selon nous le cadre juridique commun sur ce sujet délicat, qui met en jeu des intérêts puissants à l'échelle régionale. C'est pourquoi d'ailleurs la France soutient de nombreux projets de coopération régionale entre Etats pour le partage des ressources en eau, notamment à travers des autorités régionales de bassin pour les fleuves internationaux tels que le Niger, le Sénégal, ou le Mékong. De même, pour l'Afghanistan, nous soutenons les projets de coopération régionale axés sur la gestion de l'eau.
L'eau est un bien public mondial, c'est aussi un bien public local, comme vous le savez tous. Je suis frappé de constater comme la carte du «stress hydrique», c'est-à-dire les régions où la ressource en eau est insuffisante pour les populations locales, recoupe en bien des endroits la carte de l'arc de crise, qui s'étend du Sahel à l'Afghanistan. Au niveau des communautés locales, chacun voit bien que le manque d'eau aggrave la pauvreté et la faim, renforce la conflictualité et contribue ainsi à alimenter les migrations forcées et les trafics de toute nature, sur lesquels le terrorisme peut finalement prospérer. Agir en faveur de l'eau, c'est bien souvent agir en faveur de la stabilité des régions les plus fragiles, et concourir ainsi à la sécurité internationale. Je souhaite que cette dimension soit désormais pleinement prise en compte par la coopération française, en particulier au Sahel.
Face à ce défi mondial que représente l'accès à l'eau et à l'assainissement, la France se mobilise. Comme vous le savez, notre pays possède une forte culture de l'eau. Il dispose grâce à ses services des eaux, à ses entreprises et à leur savoir faire, d'une eau courante de très haute qualité. Les modalités de gestion de cette ressource que nous élaborons à travers un dialogue organisé entre utilisateurs et pouvoirs publics nous paraissent performantes, même si elles ne sont pas transposables partout.
Il est donc naturel que nous soyons fortement mobilisés en matière de coopération internationale. Malgré la crise économique mondiale et la contrainte budgétaire que nous connaissons, les engagements financiers de la France en matière d'aide au développement dans le secteur de l'eau et de l'assainissement n'ont jamais cessé de croître : 400 millions d'euros en 2008, 576 millions en 2009 et plus de 677 millions en 2010, soit une hausse de plus de 50%. Les programmes d'aide français sont naturellement centrés sur les pays du Sud qui sont les plus démunis, en particulier ceux d'Afrique sub-saharienne, car c'est là que les besoins sont les plus importants et l'urgence la plus pressante.
Toutefois, malgré notre mobilisation et celle de nos partenaires, les besoins restent immenses, et iront croissant dans les prochaines années. Comme l'a rappelé le président de la République, l'eau sera l'un des enjeux les plus lourds du XXIème siècle. Il nous faut donc franchir une étape supplémentaire dans la mobilisation internationale.
Une avancée historique vient d'être réalisée sur le plan des principes. Au sein des Nations Unies, à l'Assemblée générale et au Conseil des droits de l'Homme, la France a soutenu l'adoption de résolutions qui reconnaissent le droit à l'accès à l'eau et à l'assainissement comme faisant partie intégrante des droits économiques et sociaux reconnus à chacun des habitants de notre planète. Le droit à l'eau est donc désormais un droit de l'Homme. La France souhaite également qu'à l'Organisation mondiale de la santé une résolution reconnaisse le rôle de l'eau dans le domaine de la santé.
Ces pas de géant accomplis voici quelques mois au niveau des principes doivent être suivis par des progrès de même ampleur au plan des réalisations. C'est bien l'ambition du prochain Forum mondial de Marseille qui sera, comme nous le souhaitons tous, le «forum des solutions».
Ces solutions, j'en suis sûr, seront nombreuses. Elles seront aussi diverses. Par sa nature même, l'eau est une question impliquant de multiples acteurs, de nombreuses parties prenantes, et qui nécessite de toujours tenir compte des réalités locales. C'est tout l'intérêt d'une enceinte aussi vaste que celle de ce Forum mondial, qui permet d'échanger, et parfois de confronter, une multiplicité de points de vue, d'intérêts et de bonnes pratiques, pour aboutir à des recommandations ambitieuses mais réalistes.
Je mesure toute l'efficacité de cette approche qui rassemble les ONG, les collectivités, les entreprises, les syndicats et naturellement les Etats et organisations internationales compétentes, dans l'esprit de ce qu'a été en France le Grenelle de l'Environnement. J'y suis habitué car la coopération française pour l'eau repose elle aussi sur un vaste partenariat, qui mobilise des diplomates, des scientifiques, des techniciens, des financiers, des entreprises, des organisations non-gouvernementales, et bien sûr des collectivités territoriales, très engagées via la coopération décentralisée. S'agissant de l'eau, l'expression «communauté française du développement», qui m'est chère, prend véritablement tout son sens.
Je souhaiterais avant de terminer vous faire part d'une conviction. Les politiques du développement du XXIème siècle ne seront pas crédibles si elles utilisent les outils d'hier. Il faut notamment aborder avec franchise et courage la question du financement. A de nouveaux besoins il faut de nouveaux financements. Mais chacun comprend aussi qu'il n'est plus possible d'alourdir sans cesse le fardeau budgétaire qui pèse sur les contribuables des pays avancés. Pour rendre concrète notre ambition visant à améliorer l'accès à l'eau dans le monde, nous devons donc réfléchir ensemble à des formes de financements innovants. La France a su mettre en oeuvre au plan national un dispositif innovant avec la loi dite Oudin-Santini de 2005, qui a permis aux collectivités territoriales et aux agences de l'eau françaises de mener leurs propres actions de solidarité auprès des villes et des villages du Sud. Il existe de nombreuses autres pistes. Le Forum, parce qu'il représente une telle concentration d'expertise au niveau mondial, se doit d'être ambitieux sur cet axe de réflexion. Je souhaite pour ma part qu'un des résultats du Forum mondial de Marseille soit de parvenir à des propositions concrètes en matière de financement innovant au profit de l'eau et de l'assainissement.
Il me reste à vous souhaiter un bon travail pour les mois à venir. Nous avons tous à coeur que Marseille soit une étape marquante pour la concertation internationale en faveur de l'eau et de l'assainissement, et je sais que je peux compter sur votre énergie et votre dynamisme pour y parvenir. Je vous assure pour ma part du concours résolu du gouvernement français, notamment des services de mon ministère. Je suis sûr que nous répondrons tous présents pour faire de cette échéance capitale un succès, qui permette à l'eau d'être enfin cette ressource protégée et partagée dont le monde a tant besoin.
C'est donc avec beaucoup d'espoir et d'enthousiasme que je vous donne rendez-vous à Marseille.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2011