Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères et européennes, lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien, Ahmed Aboul Gheit, sur les questions d'actualité régionale, notamment le Liban, le processus de paix israélo-palestinien, l'Iran, la lutte contre les extrémismes et le terrorisme, et l'appel à la haine contre une religion, Le Caire le 22 janvier 2011.

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Circonstance : Tournée de Michèle Alliot-Marie au Proche-Orient du 21 au 23 janvier 2011 : visite en Egypte le 22 au Caire

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Vous voyez que quand deux ministres des Affaires étrangères se rencontrent, ils font un travail sérieux et ne perdent pas leur temps. Nous avons effectivement abordé l'ensemble des sujets et je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit mon collègue et ami Ahmed, sinon pour dire que nous avons une très large analyse commune des causes des phénomènes et que nous sommes ensemble décidés à dialoguer pour voir quelles peuvent être les meilleures solutions possibles. La qualité, l'ancienneté de la relation entre la France et l'Egypte, la qualité de la relation entre le président Moubarak et le président Sarkozy, permettent effectivement que nous puissions dialoguer et que nous puissions bénéficier, en particulier pour nous Français, de l'analyse des autorités égyptiennes, qui sont les mieux à même de comprendre toute la subtilité des situations, la subtilité de la psychologie des personnes qui sont des acteurs de l'histoire actuelle de la région.
Il est vrai que nous avons la même volonté de voir à la fois les autorités constitutionnelles libanaises pouvoir mener la reconstruction et assurer la stabilité du pays, et l'intervention du tribunal spécial permettre de consolider la réconciliation de tous les Libanais et de garantir l'unité nationale des Libanais.
Nous sommes d'accord sur le fait que le processus de paix doit reprendre et qu'il faut effectivement que le problème entre Israël et la Palestine soit réglé définitivement. Les propositions que nous faisons depuis des années, à la fois de la création d'un Etat palestinien, de la sécurité garantie pour Israël et de Jérusalem, ville capitale des deux Etats, c'est la solution à laquelle il faut arriver d'une façon urgente maintenant. Et c'est pour y aider aussi que la Conférence des donateurs pour l'Etat palestinien a été mise en place. Nous allons prochainement avoir à Paris le suivi de cette première conférence et je suis heureuse que l'Egypte puisse venir au dîner que j'offrirai à cette occasion. Parce qu'au-delà des séances de travail, ce dîner, c'est également une façon de discuter ensemble de l'avenir.
C'est vrai que notre préoccupation sur l'attitude de l'Iran est aussi la même et c'est vrai que nous partageons vis à vis du terrorisme exactement les mêmes risques. C'est la raison pour laquelle il y a une vraie compréhension à la fois des difficultés de l'autre, une véritable reconnaissance, je pense, à chaque fois, pour l'action que les uns et les autres dans le cadre de notre souveraineté nationale nous menons. Nous avons tous la responsabilité personnelle et nationale de protection de l'ensemble de nos citoyens, quelle que soit leur religion, nous avons aussi à réfléchir et à travailler ensemble pour savoir comment nous renforcer dans la lutte contre les extrémismes et contre le terrorisme. C'est la proposition que j'ai faite à Doha devant le Forum de l'avenir et je suis heureuse que l'Egypte nous fasse profiter aussi de ses réflexions sur, par exemple, que faire par rapport à un certain nombre de sites Internet qui appellent à la haine contre telle ou telle religion. Je crois que nous avons là des sujets qui intéressent tous les pays parce ces attaques sont transnationales. Autant ce qui est purement protection relève du niveau national, autant la réflexion peut être à un niveau transnational.
Vous le voyez, cette très riche et très dense réunion que nous avons eue ce matin, le très intéressant entretien que nous avons eu avec le président Moubarak tout à l'heure, ne vont pas s'arrêter là ! Nous avons d'ores et déjà programmé un certain nombre de rencontres. Mais au-delà des rencontres, les nouvelles technologies ont également un gros avantage car elles nous permettent de communiquer facilement et beaucoup plus souvent et la relation d'amitié et de confiance que nous avons entre nous fait que cela permet effectivement de parler pour toujours trouver les meilleures solutions au service de nos populations, au service de nos pays et au service de la paix.
Q - Vous avez utilisé à plusieurs reprises dans votre introduction le mot «franchise». Comme ce mot, dans votre langage diplomatique, peut parfois signifier «divergence», pouvez-vous me dire ce qu'il en est ?
(...)
R - Je voudrais juste dire une chose, c'est que pour moi - alors je suis peut-être très récemment aux Affaires étrangères - pour moi, franc veut dire amical parce que qu'il n'y a qu'à ses amis qu'on peut révéler le fond de sa pensée. Quand ce sont des gens indifférents, on est poli, c'est tout. Et on ne dit rien. Mais quand on a une relation amicale de grande qualité, on ne veut pas laisser la moindre arrière-pensée risquer d'apporter une tâche à cette relation. Je crois que notre analyse ce matin a montré que, finalement, nous avions le même point de vue. En France comme en Egypte, il y a des actes qui sont des actes chez nous anti-islamique, anti-judaïque ou anti-chrétiens d'ailleurs, et, comme en Egypte, ce qui est visé, c'est l'unité nationale. Or nos pays sont forts de leur unité. Et moi d'ailleurs, ce que j'ai trouvé de formidable en Egypte, c'était, spontanément après cet attentat, tout le monde s'est retrouvé pour éprouver une tristesse commune parce que c'est l'Etat égyptien, avec ses caractéristiques de tolérance, qui était en cause. Exactement comme en France quand il y a des actes qui se font contre une mosquée ou contre une synagogue. Il y a aussi cette unité des gens pour dire non. Nous ne voulons pas que certains viennent porter atteinte à notre unité nationale. Et ce sont bien ces valeurs inscrites dans notre histoire, dans nos textes, dans notre tradition politique, qui vont nous permettre de réfléchir ensemble à comment, dans le monde entier, faire baisser l'action, les possibilités d'action, de ceux qui portent l'extrémisme ou le terrorisme.
Q - Madame la Ministre, est-ce que vous avez ressenti un certain désespoir quant à l'avenir après cette visite avec une absence peut-être de volonté de faire la paix ?
R - Vous voulez dire à Gaza ? Non ! Parce que le désespoir n'est jamais dans mon esprit ou dans ma mentalité. On ne baisse jamais les bras devant la haine. On n'est jamais défaitistes. On agit. Cette conception, je pense que nous la partageons. Alors, bien sûr, les difficultés, il ne faut pas les ignorer. Mais il faut d'abord réaffirmer sans arrêt, sans exception et devant tout le monde, exactement de la même façon, ce à quoi on veut arriver. Je ne sais pas si je vais dire une hérésie diplomatique, mais je pense qu'il ne faut jamais avoir deux langages différents en fonction de nos interlocuteurs. Et à partir de là, il faut agir, il faut s'appuyer sur ses amis qui ont la possibilité, peut-être, de mieux faire entendre le langage que nous. Il faut agir en commun pour aboutir aux résultats que l'on veut. Dans la vie je considère que, même si c'est difficile, parfois, quand on veut on peut. Et c'est vrai.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2011