Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur la politique de l'eau, à Paris le 19 janvier 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque au Conseil économique, social et environnemental sur le thème "L'eau en France : quels usages, quelle gouvernance ?", à Paris le 19 janvier 2011

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental,
Monsieur le Vice-président du Conseil d'Etat,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Permettez moi, Monsieur le Président, tout d'abord de vous dire mon plaisir d'intervenir au sein du Conseil économique.
Et de le faire après la réforme consécutive à l'engagement du Grenelle de l'environnement. Le 3ème pôle du nouveau Conseil, autour de la « protection de la nature et de l'environnement » constitué de 33 membres, reconnaît, en nombre et en valeur, les mouvements associatifs. Et il traduit la nouvelle gouvernance issue du Grenelle de l'environnement.
Le Conseil m'offre aujourd'hui l'occasion de me prononcer sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. La politique de l'eau.
L'eau, comme vous le savez, est une ressource locale. La France a construit pour mettre en oeuvre la politique de l'eau une gouvernance suffisamment intéressante pour qu'elle soit répliquée par certains de ses voisins.
L'organisation des services publics de l'eau et de l'assainissement est donc une responsabilité décentralisée aux communes et à leurs groupements, une responsabilité exercée au plus proche des réalités locales. Au cours des précédentes décennies, nous avons créé une gouvernance fortement décentralisée de la gestion de l'eau, portant sur les services publics de l'eau, mais également sur la gestion de l'eau dans son milieu naturel.
La gouvernance de l'eau dans ses milieux naturels s'appuie sur les comités de bassins de métropole et d'outre-mer, dont je salue les représentants aujourd'hui présents, et les agences qui leur sont rattachées. L'adoption des SDAGE, la construction des programmes de mesures, l'approbation des redevances et des programmes d'interventions des agences et des offices de l'eau, le suivi et l'orientation des schémas d'aménagement et de gestion des eaux sont autant d'outils par lesquels cette gouvernance s'exerce.
Je souhaite que l'élaboration des dixièmes programmes des agences de l'eau portant sur les années 2013 à 2018 marque une nouvelle étape et permette aux comités de bassin de renforcer leur rôle de gouvernance de l'eau. Je souhaite également que les débats de leurs commissions géographiques puissent informer l'échelon national sur les attentes et les propositions locales. On peut en la matière travailler dans l'esprit et dans la configuration des tables rondes du Grenelle de l'environnement.
La priorité des dixièmes programmes est certainement la réalisation de l'objectif de bon état écologique des eaux, tel que le définit la directive cadre sur l'eau, les SDAGE et les conclusions du Grenelle de l'environnement. Il faut que les commissions géographiques identifient la nature des difficultés rencontrées, pour pouvoir proposer fin 2011 les dispositions appropriées. Et comme les résultats sur les écosystèmes souffrent d'un effet de latence, il faut que toutes les mesures soient prises sans délai.
Comme vous l'avez souligné dans le rapport « l'eau et son droit », Monsieur le Conseiller d'Etat, la réalisation des objectifs de bon état des eaux en 2015 exige un ancrage territorial renforcé.
Notamment via des contrats territoriaux pour les rivières et les littoraux plus incitatifs, de façon à rétablir des continuités écologiques et à mieux construire le lien de la terre et de la mer.
Parce que nous avons besoin de tous, je tiens d'ailleurs à souligner le renforcement de la représentation au sein des comités de bassin des collectivités littorales et des usagers de l'eau des littoraux et des milieux marins que nous avons mis en oeuvre. Elle permettra de faciliter le déploiement des actions de restauration des milieux littoraux.
La représentation des comités de bassin au conseil national de la mer et des littoraux est également un élément important pour construire ce lien.
Parmi les autres priorités pour la préparation des dixièmes programmes, je veux en mentionner deux.
D'abord, la reconquête de la qualité de l'eau des 500 captages d'eau potable les plus menacés, en application du Grenelle de l'environnement. Pour y parvenir et inverser l'évolution actuelle, nous devrons contractualiser les actions nécessaires dans les dixièmes programmes. Nous avons à ce propos eu un intéressant débat au Sénat récemment sur la question de l'indemnisation des communes au titre des périmètres de protection des captages.
Ensuite, l'intégration de l'adaptation au changement climatique, qui est d'ores et déjà sensible, dans la révision des SDAGE de 2015 : pour cela, il nous mettre en oeuvre une stratégie d'actions sans regret avec l'appui des comités scientifiques des comités de bassin. A ce titre, la priorité est certainement de mettre en place dès à présent les organismes uniques de gestion d'aquifères faisant d'ores et déjà l'objet de règles de répartition. Même si je sais que l'application de cette réforme est difficile dans certaines régions, elle est urgente.
La réalisation de ces objectifs environnementaux passe nécessairement par des maîtrises d'ouvrage locales et donc par la mobilisation des collectivités.
Pour l'entretien des cours d'eau et la restauration des continuités écologiques, nous devons poursuivre la constitution des maîtrises d'ouvrage des travaux en cours d'eau en cohérence avec des limites hydrographiques. Seule une action résolue en ce sens, nous permettra de mettre en oeuvre les moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour assurer pleinement les responsabilités de la maîtrise d'ouvrage.
Des établissements publics territoriaux de bassin peuvent parfaitement fédérer les acteurs de la gestion des rivières, et constituer les structures de mise en oeuvre des schémas d'aménagement et de gestion des eaux.
C'est un sujet qui inspire bien sûr des craintes. Il faudra donc que cette évolution des intercommunalités de gestion des cours d'eau se fasse en lien avec les riverains. Il existe de nombreux exemples où les syndicats de rivière ont réussi à construire ces liens, très souvent avec une forte implication des élus. Il faut féliciter ces syndicats, et rappeler qu'ils devront trouver leur place dans l'intercommunalité de gestion des cours d'eau.
Le regroupement des services d'eau et d'assainissement est également la condition qui va permettre de mutualiser les moyens humains et financiers, et de gérer les infrastructures de gestion pérenne.
En France, comme il en a été question au Sénat dans le débat que j'ai évoqué, nous avons toujours 15 000 services d'eau et 17 000 services d'assainissement : c'est un émiettement et des superpositions de structures, qui rend illisibles les organisations et la formation du prix de l'eau. La comparaison avec nos voisins européens nous montre l'effort de rationalisation à mener.
La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales demande aux préfets de définir d'ici fin 2011, avec l'appui de la commission départementale de la coopération intercommunale, un schéma départemental qui vise notamment à rationaliser les structures de protection de l'environnement.
Si la loi de réforme des collectivités territoriales donne les outils et fixe le calendrier, le renforcement de l'intercommunalité ne pourra se faire sans moyens financiers spécifiques.
L'élargissement de solidarités locales à des services qui n'ont pas toujours modernisé leurs infrastructures aura un coût. Là encore, les dotations des dixièmes programmes consacrées à la solidarité envers les communes rurales devraient apporter des moyens.
Je souhaite par conséquent que les organismes de bassin examinent au cours des prochains mois les accompagnements possibles pour cette rationalisation de l'intercommunalité, tant en ce qui concerne les services de l'eau et de l'assainissement, que la gestion des cours d'eau.
Pour préparer la définition de ces dixièmes programmes, je réunirai en février les présidents des comités de bassin de métropole et les présidents des conseils d'administration des agences de l'eau. Une rencontre avec les présidents de comités de bassins d'outre mer permettra ultérieurement d'examiner les enjeux et les besoins spécifiques de l'outre-mer.
Pour finir, et parce que le Grenelle nous a aussi montré que l'environnement est également synonyme d'une autre croissance, un mot sur l'importance du secteur économique de l'eau et de l'assainissement au plan national.
Quand on parle d' « emplois verts », cela ne semble pas toujours très concret. Dans le secteur de l'eau, ces emplois verts représentent au total environ 110 000 emplois et des dépenses de l'ordre de 20 milliards d'euros par an pour la gestion courante et les travaux.
Mais ce sont aussi des technologies et des entreprises, qui sont parmi les premières au plan mondial. Nous avons ici des atouts. Nous avons ici des possibilités de développement par l'innovation et les marchés à l'export.
La labellisation des trois pôles de compétitivité, dont l'un à vocation internationale, doit permettre de faciliter le développement de ces entreprises.
Et elle doit permettre aussi de faire émerger de nouveaux entrepreneurs, notamment de petites entreprises qui ont vocation à trouver leur place dans ces pôles de compétitivité.
Nos entreprises et nos installations se doivent de rester à la pointe de l'innovation. Il y va de notre intérêt collectif, dans la maîtrise des coûts à long terme, et de notre développement industriel.
Pour conclure et à l'attention de ceux qui le ne sauraient pas encore : nous organiserons le 6ème Forum mondial de l'eau, à Marseille, en mars 2012. Nous souhaitons en faire le « forum des solutions » en nous appuyant sur les constats et les objectifs des forums précédents qui nous ont préparé le chemin.
Ce forum sera une opportunité pour la présentation de nos entreprises et de leur maîtrise des techniques de la gestion de l'eau.
Il sera également l'occasion de mieux faire connaître et de diffuser notre modèle de gestion de l'eau.
Je vous donne donc rendez-vous dans 14 mois à Marseille.
Les travaux du Conseil d'Etat en 2010 et les réflexions que vous avez poursuivies aujourd'hui alimenteront donc les travaux que je vais bientôt lancer avec les présidents des conseils d'administration des agences de l'eau. Je serai attentive à la synthèse de cette journée d'échange qui nous aidera dans notre ultime accélération pour atteindre le bon état écologique des cours d'eau.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 28 janvier 2011