Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les grandes orientations de la politique gouvernementale pour 2011.

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Circonstance : Présentation des voeux à la presse, à Paris le 10 janvier 2011

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Samedi deux Français sont morts, après avoir été pris en otages au Niger. C'est un drame et je pense aux parents des deux jeunes réunis dans la perspective du mariage de l'un d'entre eux. Je pense à la jeune fiancée nigérienne. Le terrorisme a brisé leur vie.
Et pourtant, comme l'a dit le Président de la République hier, cela ne saurait entamer notre détermination à lutter contre ce fléau. La faiblesse n'est pas une solution, bien au contraire, l'irrésolution ne peut qu'accentuer la pression à l'égard de notre démocratie et de nos compatriotes à l'étranger. Chaque fois que nous sommes confrontés à des prises d'otages, je veux vous dire que nous pesons avec beaucoup de gravité les avantages et les risques d'une opération de sauvetage. Je veux remercier les autorités nigériennes d'avoir mobilisé leurs forces avec notre soutien pour tenter de libérer nos compagnons. Mais les preneurs d'otages, lorsqu'ils se sont vus poursuivis, ont éliminé froidement les otages, selon les premiers éléments dont je dispose. Bien sûr, l'enquête sera approfondie. Et tous les résultats seront communiqués aux familles.
Mais cela doit nous rappeler à notre devoir de vigilance. Les Français en zone sahélienne doivent redoubler de prudence. Le Quai d'Orsay reprendra fermement la diffusion des consignes indispensables. Alain Juppé est à Niamey pour faire le point avec les autorités nigériennes et pour rencontrer la communauté française. Il portera le témoignage de la fermeté du gouvernement français et de son implication pour la sécurité de nos compatriotes expatriés face au terrorisme. Je recevrai ce soir, à 18 heures, les représentants du Parlement pour faire le point de la situation et pour répondre à leurs interrogations. Je sais que l'émotion est forte, mais je me félicite de voir que les élus et les observateurs font preuve d'une grande responsabilité et d'un sens élevé de l'intérêt national.
Mesdames et messieurs, voilà donc la quatrième édition des voeux que je vous présente en tant que Premier ministre, et j'ai été sensible aux propos de votre présidente qui laissent à croire que rien ne change pour que tout change. En tout cas, je ne crois pas avoir changé et je n'ai pas l'intention de le faire.
Il y a un quinquennat de mission auquel je me suis toujours senti lié et dont j'assume, sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, les succès et les épreuves. Peut être ressentez-vous une pointe de lassitude devant cette continuité politique ? Mais c'est précisément cette continuité qui est originale dans le fonctionnement de nos institutions. La stabilité du pouvoir exécutif, ça n'est peut-être pas très «décoiffant», mais c'est un atout qui permet d'être concentré sur nos objectifs : la reprise économique et la sécurisation de la zone euro, la cohésion sociale et la réduction des déficits, la réforme de la dépendance, celle de la justice et la réforme fiscale qui sera présentée en mai au Conseil des ministres et débattue au parlement en juin prochain.
Notre devoir est d'arriver en 2012 avec un bilan aussi solide que possible. Un bilan d'abord économique avec une croissance retrouvée et libérée des turbulences de la crise. Un bilan social ensuite, avec un taux de chômage en baisse progressive, un régime de retraites consolidé, un système plus complet de prise en charge de la dépendance. Un bilan financier marqué par des déficits réduits de près de moitié en 2012 par rapport à 2009. Un bilan diplomatique avec un rayonnement international renforcé par notre présidence du G20. Et enfin, un bilan culturel marqué par une France désormais accoutumée à l'idée que la réforme continue est vitale à son progrès.
Et à cet égard, je veux dire que je crois sincèrement que la légitimité du changement a davantage progressé dans notre pays en l'espace de quatre ans qu'au cours des vingt dernières années. On peut être pour ou contre les réformes que nous avons réalisées, mais personne ne peut nier que nous avons fait sauter des verrous psychologiques et que nous avons réintroduit du mouvement dans la société française. L'augmentation de l'âge de départ à la retraite, l'autonomie des universités, le service minimum obligatoire, la démocratisation de la représentativité syndicale sont autant d'avancées qui sont venues bousculer de très vieux mythes.
Eh bien, ce mouvement ne sera pas stoppé. Et je veux vous dire, avec le Président de la République que nous voulons faire de l'année 2011 une année utile pour la France. Qu'est ce qu'une année utile ? C'est une année qui continue d'entretenir l'énergie de la réforme qui caractérise ce quinquennat. A l'approche des échéances électorales, tout gouvernement est tenté de ralentir le rythme. Eh bien, nous faisons au contraire le pari de rester dans l'action ; pari risqué, allez-vous me dire, pari pourtant nécessaire, parce que je crois qu'il serait fou de nous croire en situation de donner du temps au temps, mais aussi parce que l'opinion française est souvent beaucoup plus cruelle pour ceux qui choisissent la prudence, que pour ceux qui choisissent l'audace.
Une année utile, c'est aussi une année pour consolider notre action. J'ai eu l'occasion de dire que nous n'avions pas à rougir de ce qui a été fait depuis 2007, mais pour autant, je mesure parfaitement les attentes et les frustrations qui traversent le pays. Pour les uns, nous sommes allés trop vite et trop loin, et pour les autres, nous sommes allés trop lentement et trop timidement. Eh bien, entre ces deux thèses, nous devons expliquer où en est la société française, nous devons mettre en lumière ce qu'elle a su réaliser depuis 2007 et ce qu'elle doit encore réaliser avec un objectif, qui est celui du maintien de son modèle économique et social face à la mondialisation qui accentue sa pression. C'est sur la base de ce bilan que nous développerons une vision cohérente de l'avenir.
Et si je parle de cohérence, c'est parce que les grands défis français transcendent les échéances électorales : le défi de la compétitivité, le défi du désendettement, le défi du vieillissement, le défi du développement durable, le défi de l'identité de la France, le défi de l'Europe politique. Tous ces sujets, nous avons commencé à les traiter, mais il faut de la durée et de la ténacité pour aller au bout de nos réponses.
Pour cela, nous serons partiellement aidés par l'opposition, puisque 2011 s'annonce comme une année des programmes politiques. Les Français vont enfin pouvoir juger des propositions des uns et des autres. La critique du Président de la République et du Gouvernement ne suffira plus, le temps de la comparaison, et - je l'espère - du débat de fond, va pouvoir commencer. Continuer de réformer, consolider le bilan, tracer des perspectives, voilà ce que nous appelons avec le Président de le République une année utile. A contrario, l'année inutile, ce serait une année de piétinement et de reculade, ce serait une année qui serait dominée par l'attentisme et par l'électoralisme ; en un mot, ce serait une année contraire à ce que nous sommes et à ce que nous savons faire. C'est-à-dire agir et oser, mais aussi dire la vérité sur les risques qu'il nous faut juguler.
A cet égard, chacun voit bien que l'année 2011 va réclamer une très grande maîtrise politique. Sur le plan européen, l'exigence de maîtrise est évidente. Avec l'Allemagne, la France a un rôle éminent à jouer pour sécuriser l'euro et l'Europe. Ça signifie trois choses : renforcer l'union politique en structurant la gouvernance de l'Union ; accentuer nos efforts sur l'investissement, notamment en réorientant les programmes européens de recherche pour maximiser leur effet sur l'industrie ; et enfin, imposer sur le plan budgétaire une trajectoire vertueuse à tous les Etats européens.
L'instabilité des marchés financiers suscite des controverses sur l'euro ; controverses auxquelles je veux répondre, parce que je suis inquiet du scepticisme qui entoure l'Union européenne. Et n'ayant pas voté pour le traité de Maastricht, je crois ne pas être suspecté, ne pas pouvoir être suspecté de dogmatisme en la matière.
Cette crise n'est pas la crise de l'euro, c'est avant tout la crise de pays qui ont été affaiblis par la récession économique qui a révélé et qui a amplifié les lacunes de leurs modèles de croissance. Dans la plupart des Etats européens, les ajustements sont devenus inévitables et nous ne devons pas laisser croire qu'ils ne seraient pas intervenus si ces pays n'avaient pas appartenu à la zone euro. Pour tout dire, cette crise ne remet en cause ni la pertinence de l'euro, ni les bienfaits apportés par plus de dix années de stabilité des changes. Dois-je aussi rappeler que lorsque l'on examine la situation des finances publiques de la zone euro dans son ensemble, elle est moins dégradée que celle des Etats-Unis ou du Japon, tant en termes de déficit qu'en termes de dette. La volonté des pays membres de la zone euro est forte.
L'ampleur des mesures qui ont été adoptées ces derniers mois ou qui sont en cours d'adoption le prouve. L'euro, c'est un projet irrévocable, et les difficultés que nous rencontrons, je veux leur voir, au moins, un mérite : celui de relancer le principe d'une direction politique renforcée de l'Union européenne et d'une plus grande intégration des pays qui en partagent la même monnaie.
Sur le plan national, la maîtrise politique sera là aussi de mise pour accompagner la reprise. Pour l'année 2010, la croissance française devrait être proche de 1,6 %. Nos prévisions sont donc vérifiées. Pour 2011, selon l'Insee, la croissance de la zone euro devrait se modérer d'ici juin sous l'effet du ralentissement des débouchés à l'exportation et de la mise en oeuvre des mesures de redressement des finances publiques. Pour l'heure, en l'absence d'une aggravation de la crise des dettes souveraines en 2011, l'objectif d'une croissance de notre économie de 2 % continue d'être à notre portée. En novembre, la production industrielle a progressé de 2,3 % et la consommation des produits manufacturés est en hausse de 2,8 %. Le climat des affaires, tel qu'il est mesuré par l'Insee, a poursuivi en décembre sa progression notamment dans l'industrie, où l'indice dépasse désormais sa moyenne de long terme. L'ensemble des indicateurs montre que la croissance de l'économie française s'est accélérée au quatrième trimestre, et que cette tendance favorable devrait se poursuivre en 2011.
Cet objectif de croissance exigera un pilotage très serré : d'un côté, nous allons nourrir le développement de notre économie avec la suppression de la taxe professionnelle, qui va permettre d'injecter 4,3 milliards d'euros dans les entreprises en 2011, et avec les investissements d'avenir, qui vont donner lieu cette année à l'engagement de 15 à 20 milliards d'euros, et de l'autre, nous respecterons scrupuleusement nos engagements en matière de réduction des déficits.
Parce qu'il n'est pas envisageable d'augmenter notre pression fiscale, qui est déjà l'une des plus élevées de tous les pays européens, nous menons la plus sévère politique de limitation des dépenses publiques jamais réalisée depuis 20 ans dans notre pays : gel en valeur des moyens des ministères, des transferts aux collectivités territoriales ; réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention des administrations de 10 % en 3 ans, dont 5 % cette année ; poursuite du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la Fonction publique de l'Etat, dont je voudrais indiquer que les effectifs passent cette année sous la barre des deux millions et reviennent à leur niveau du début des années 90 ; réduction des niches fiscales, avec dix milliards d'euros d'économies dès 2011 ; monopole fiscal des lois de finances, afin de mettre fin à la multiplication intempestive et permanente des dispositions fiscales dans tous les projets de loi. C'est une sorte de révolution pour les finances publiques françaises. Grâce à ces efforts, alors que nous avons atteint un déficit en 2010 de 7,7 du PIB, nous reviendrons à 6 en 2011, à 4,6 en 2012, et à 3 % en 2013.
Sur le plan social, maîtrise politique encore, car nous voyons bien que notre cohésion peut se déliter sous le coup des insatisfactions, en particulier des insatisfactions nées de la crise, ou au contraire, s'affermir aux premières lueurs de la croissance. Tout au long de la récession, je constate que notre pacte a tenu le choc, mais en même temps, chacun sent bien que des fêlures le fragilisent. L'emploi, et notamment l'emploi des jeunes, demeure notre principal défi. Les partenaires sociaux sont invités à nous faire des propositions. Ils y travaillent et nous pourrons, en concertation avec eux, proposer des nouvelles mesures dans les semaines à venir. Les formations politiques ont, elles aussi, un rôle de proposition. Et comme l'a souligné le Président de la République, "il n'y a aucun sujet tabou !"
J'ai noté avec intérêt les déclarations des uns et des autres sur les 35 heures. La France à un problème de compétitivité et elle a un problème de financement de son pacte social ; il est donc parfaitement légitime de s'interroger sur les conditions de l'activité, elle qui constitue le principal instrument de création de richesse nationale. On ne pourra pas à moyen terme défendre nos industries, maintenir notre pacte social, réduire nos déficits sans être encore plus productif. Et j'ajoute qu'on ne pourra pas éternellement avancer dans l'intégration économique, fiscale et sociale de l'Europe et maintenir en même temps entre nos Etats des écarts flagrants en matière d'organisation du travail. Toute réflexion sur la durée légale du travail doit donc s'inscrire dans le cadre d'une analyse plus globale sur la convergence européenne.
Dans ce débat sur les 35 heures, il faut regarder les choses sans dogmatisme et sans excès. Il faut prendre en compte l'ensemble des paramètres qui ne se résument pas à la seule durée d'activité, mais aussi à la qualité de l'activité, il faut écouter les entrepreneurs, il faut écouter les syndicats de salariés, parce que ce sont eux qui sont au coeur de l'organisation du travail, et enfin, il faut mesurer les évolutions que nous avons introduites depuis 2003 et s'appuyer sur elles pour aller éventuellement plus loin.
Je veux rappeler que la loi de 2008 a tout renvoyé aux accords d'entreprise. En matière de durée du travail, les accords d'entreprise, depuis 2003, s'imposent aux accords de branche, on ne peut donc plus dire qu'il y a un verrou de la branche, comme on le connaissait auparavant. Les accords d'entreprise peuvent tout faire, dans le respect des durées maximales - 48 heures par semaine ou 44 heures sur 12 semaines - fixer le nombre d'heures supplémentaires, les mécanismes de modulation et les mécanismes d'aménagement du temps de travail sur l'année. Donc les assouplissements existent, et les possibilités d'aménagement ne demandent qu'à être utilisées.
Alors pourquoi ne le sont-elles pas suffisamment ? D'abord, parce que des compromis ont été rudement négociés sur le terrain et que chacun craint de bousculer les équilibres. Ensuite, parce que les allégements de charges permettent aux entreprises de tenir debout malgré les RTT, mais je voudrais cependant préciser sur ce point que ces allégements financent moins les 35 heures qu'elles ne soutiennent aujourd'hui les emplois peu qualifiés. La sortie des 35 heures ne résoudrait donc que partiellement le problème du coût du travail de ces emplois peu qualifiés. Je veux donc dire aux entreprises qu'il est hors de question de remettre en cause ces allégements qui sont un élément clé de notre compétitivité. Enfin, si les assouplissements ne sont pas pleinement utilisés, c'est peut-être aussi parce que la récession a figé les positions.
Avec le retour de la croissance, il y aura à nouveau du «grain à moudre», et on peut penser que des négociations dans les entreprises vont se réenclencher. Et si tel n'était pas le cas, je veux dire, avec beaucoup de force, que c'est au niveau de l'entreprise, et non de façon directive et unilatérale, qu'il faudra imaginer des solutions nouvelles pour mieux organiser le temps de travail en renforçant la liberté conventionnelle et en modernisant les dispositions du Code du travail.
L'autre débat qui a suscité de vifs commentaires est celui de l'emploi à vie des fonctionnaires. Que la Fonction publique ait besoin d'être modernisée est certain. Mais il ne faut pas radicaliser des oppositions factices ! Et il ne faut pas laisser entendre que l'Etat distribuerait des rentes à vie. Nous avons une Fonction publique de carrière, recrutée par concours, qui fait l'armature d'un Etat impartial, avec une culture du service public et une compétence que beaucoup de gouvernements étrangers nous envient. Ça ne doit évidemment pas nous empêcher de développer de la souplesse pour la gestion des administrations, avec l'intervention de contractuels, et d'ailleurs, nous le faisons. Cela ne veut pas dire que les fonctionnaires titulaires sont propriétaires de leur poste et de leur rémunération, c'est à l'Etat d'affecter ses fonctionnaires en fonction de leurs compétences et de développer la part de leur rémunération et de leur carrière fonction de leurs mérites et de leurs résultats, en tenant compte de leur engagement professionnel.
A côté de l'emploi, la question de l'unité républicaine nous renvoie une fois de plus vers des socles fondamentaux auxquels je crois profondément, l'Education, la politique de la ville, la sécurité, l'immigration, l'assimilation, dont la loi sur la Burqa constitue l'un des instruments.
Enfin, sur le plan politique, l'approche des échéances nationales peut être, soit, une source de revivification démocratique ou bien de crispation idéologique. Ça sera sans doute les deux. Là encore, nous devrons faire preuve de maîtrise, en évitant de sombrer dans des affrontements inutiles ou brutaux. Et dans cet esprit, les élections cantonales ne devront pas être, plus que de raison, détournées de leurs enjeux locaux.
Bref, l'année 2011 sera sensible, et il reviendra au Gouvernement de gérer les affaires de la France avec beaucoup de sang froid. Ça sera d'autant plus nécessaire que nous serons soumis à une surchauffe préélectorale qui n'est jamais la meilleure des inspiratrices. L'approche des élections est toujours propice à un émiettement du pays qui voit les intérêts corporatistes se réveiller et être sollicités. Nous devrons défendre l'intérêt général, assurer la cohérence de la politique nationale et résister aux élans de la démagogie. Il va falloir répondre à la radicalisation de nos adversaires. D'un côté, il y aura la gauche qui va accentuer ses critiques afin de conforter sa base la plus militante, et en cela, je crains que les primaires socialistes ne soient pas vraiment une source de modération. De l'autre côté, il y aura l'extrême droite qui va tenter une percée à l'instar de ce qui s'est passé dans plusieurs Etats européens. J'ai eu l'occasion de rappeler que le Front National ne doit pas seulement être combattu sur le plan des principes, mais bien sur l'inconséquence de son projet économique et social. Son mélange d'ultra protectionnisme, d'ultra libéralisme et d'ultra étatisme est tout simplement incohérent. Entre ces deux radicalités, le Gouvernement et la majorité devront opposer une ligne politique sérieuse, mais aussi donner encore plus de sens à leur action.
2011 doit être une année de ressourcement intellectuel et politique. C'est un travail que nous devrons mener au gouvernement, mais surtout au sein de tous les partis de la majorité présidentielle qui ont vocation à développer ensemble une stratégie pour 2012. Je ferai tout pour coordonner et pour unifier les initiatives de la majorité, parce que si la diversité a sa légitimité, elle a aussi ses limites politiques. Conformément à ce que le Président de la République a annoncé, nous devrons être à l'automne prochain en mesure de cristalliser nos choix et de rassembler nos forces.
Mesdames et messieurs, les années passent, mais les difficultés de la presse doivent encore et toujours être surmontées. Dans le monde, plusieurs de vos confrères étrangers subissent la loi du silence. En Afghanistan, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier sont toujours retenus en otages. Nous avons tous été scandalisés par l'accusation d'espionnage portée contre eux, eux qui ne faisaient en Afghanistan que leur devoir d'informer. Je pense à leurs familles, je pense à leurs proches, et je mesure la douleur d'une si longue séparation. Je veux leur dire que nous déployons tous nos efforts vis-à-vis de tous les contacts que nous avons pu solliciter et nouer, et que nous ne les oublions pas. Comme nous ne relâchons pas nos efforts pour nos otages détenus au Mali et en Somalie.
En France, la presse écrite a subi le choc de la crise. Elle est aussi confrontée à des problèmes de distribution qui l'affaiblissent financièrement. Mon gouvernement a pris cette question à bras le corps en accompagnant la réforme du système de distribution, sur la base du rapport remis par Bruno Mettling. Il faut que cette réforme de la distribution entre en vigueur pour permettre à la presse de réduire ses coûts, parce que la solidité des entreprises de presse est le meilleur gage de la liberté des journalistes. Les aides de l'Etat, qui vous sont précieuses, ne créeront jamais autant de dynamisme dans la presse que des journaux qui se vendent à des lecteurs nombreux et fidèles, qu'ils préfèrent la version papier ou la version Internet.
Alors permettez-moi, au moment de vous présenter mes voeux, de vous souhaiter d'abord de gagner des lecteurs, des auditeurs, des téléspectateurs, des internautes ! Et ce souhait aura d'autant plus de chance d'être assouvi que nous aurons ensemble mis une distance vis-à-vis de certains réflexes qui dominent notre vie publique. Le réflexe de l'instantané avec la recherche du coup permanent et de l'émotion brute. Je crois que notre société est en quête de valeurs solides, d'explications, d'inscription dans la durée. Le réflexe du scepticisme auquel notre tempérament national nous incline. Je sais bien que les optimistes et les pessimistes sont également nécessaires à la société - les uns inventent l'avion et les autres le parachute - mais ceci étant, les Français gagneraient à être fiers d'eux-mêmes, à être fiers de leur travail, à être fiers de leurs inventeurs, à être fiers de leurs industries. Reste enfin le réflexe de l'outrance. Il y a un paradoxe, plus les idéologies meurtrières et binaires s'effacent, plus notre débat public prend parfois des allures simplificatrices et brutales. Il y a eu tout au long de l'année 2010 quelques indices inquiétants d'une vie politique où le soupçon permanent et l'insulte facile prenaient le dessus sur une forme de retenue, pourtant appréciée des Français. J'ai vu qu'un débat s'était noué autour de l'idée d'indignation ; rien ne serait en effet moins français que l'apathie et l'indifférence. Mais l'indignation pour l'indignation, ça n'est pas un mode de pensée.
La complexité du monde actuel réclame d'abord de la lucidité, de l'exigence intellectuelle, parce que tout ne s'écrit pas en noir et blanc, mais elle réclame aussi et surtout des actes.
En cette année pré-électorale, est-ce qu'on peut souhaiter le sens de la nuance au détriment de la violence ? Est-il possible de parier sur la quête d'une vérité équilibrée, qui prétend construire plutôt que détruire ? Peut-on espérer que la difficile tâche d'agir pour la France ne soit pas étouffée par le penchant bien plus facile de tout contester ? C'est en tout cas le voeu que je formule pour notre démocratie.
En cette nouvelle année, je vous adresse chaleureusement et sincèrement des voeux de bonheur et des voeux de santé. Que chacun d'entre-vous puisse éprouver des moments de passion professionnelle, mais aussi toutes ces joies personnelles qui donnent à la vie tout son sens. Et par votre intermédiaire, j'adresse aux Français un message de respect, parce que si notre pays a tenu le choc de la crise, c'est d'abord grâce à eux, et un message de confiance, parce que je veux leur dire que nous avons beaucoup d'atouts pour saisir la croissance. Voilà, je vous souhaite à toutes et à tous une bonne année 2011. Et j'essaierais, Madame la Présidente, de faire en sorte que l'Association de la Presse de Matignon se sente confortée dans son rôle.Source http://www.gouvernement.fr, le 11 janvier 2011