Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi relatif aux musées de France, notamment le régime de protection des collections et le développement de la décentralisation, Paris le 21 mars 2001.

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Circonstance : Présentation du projet de loi relatif aux musées de France, à Paris le 21 mars 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation. Ce jour est important puisque le Conseil des Ministres vient d'adopter le projet de loi sur les musées de France.
Il y a un an, ou presque, je participais au deuxième " Printemps des musées " et j'avais souhaité à cette occasion que le travail engagé au titre de ce projet soit accéléré.
C'est une mission que j'ai confiée à Françoise Cachin, à laquelle j'exprime toute ma reconnaissance, et dont le relais a été pris par Francine Mariani-Ducray que je suis heureuse d'avoir à mes côtés.
Le travail est accompli et permettez-moi de rendre hommage à tous celles et ceux qui ont participé de près ou de loin à l'élaboration de ce texte. Je pense tout particulièrement au personnel de la Direction des musées de France mais aussi à nos partenaires ; élus, professionnels, militants associatifs qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour nous aider à faire aboutir ce projet.
Comme vous le savez, les orientations que j'ai retenues pour ce texte sont inspirées fortement des recommandations et des avis de la mission d'information parlementaire présidée par le député Alfred Recours.
Je tiens une nouvelle fois à lui rendre hommage pour la réflexion qu'il a menée avec sa commission.
Le projet de loi a pour objectif essentiel de moderniser et adapter le droit des musées aux évolutions d'aujourd'hui. Les musées sont devenus des équipements culturels de premier ordre en termes d'enrichissement des collections, de politiques des publics et de diffusion culturelle de l'art sous toutes ses formes d'expression. Je rappelle que 33 % de nos compatriotes visitent au moins un musée par an, ce qui place les musées en tête des pratiques culturelles des Français.
Comment accroître leur rôle, leurs missions pour qu'ils puissent participer à la politique culturelle que le Gouvernement souhaite développer, tel est l'enjeu auquel le présent projet répond.
Il poursuit trois objectifs prioritaires :
1- placer le public au cur de la vocation du musée,
2- poser les bases d'une coopération, à la fois plus étroite et plus équilibrée, entre l'Etat et les personnes morales responsables des musées, qu'il s'agisse des collectivités territoriales, ou des personnes morales de droit privé à but non lucratif ; il s'agit de conforter les collections territoriales et de développer la décentralisation conformément aux préconisations de la commission Mauroy,
3- consolider et préciser le régime de protection applicable aux collections des musées, qui constituent, parallèlement au patrimoine classé au titre des monuments historiques, un élément essentiel de notre patrimoine, tant pour les musées publics que privés.
Je voudrais dire aussi que ce texte qui a fait l'objet d'une très large concertation est vraiment le support d'une conception nouvelle interministérielle et interdisciplinaire des musées de France.
Le projet de loi est volontairement concis, 17 articles au total, il pose des principes généraux qui seront complétés par la voie réglementaire.
Dans les dispositions premières, il est prévu d'accorder l'appellation de " Musée de France " qui attestera que les musées agréés répondent aux mêmes exigences scientifiques et culturelles. Un conseil des musées de France, composé de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et de professionnels, émettra un avis préalablement à la délivrance de l'appellation et procédera à l'évaluation des actions engagées par les établissements. L'appartenance à la catégorie de musée de France aura des effets très positifs pour leurs propriétaires : une véritable labellisation auprès du public, la vocation à bénéficier du conseil, de l'expertise ou de l'aide de l'Etat, une protection accrue des collections et un accès aux circuits d'échanges d'oeuvres par les prêts et dépôts entre autres.
En complément de la politique de dépôts et prêts, menée ces dernières années par les musées nationaux au bénéfice des musées territoriaux, le projet de loi, à l'article 9, prévoit de transférer aux collectivités territoriales la propriété des dépôts anciens constitutifs des musées en région, et ce depuis 1801 jusqu'en 1910, date de la première réglementation des dépôts. C'est un acte majeur qui permettra d'enrichir considérablement les musées territoriaux sans transfert de charge.
C'est une mesure de décentralisation innovante et sans précédent ; elle témoigne de la grande professionnalisation des conservateurs territoriaux.
L'autre objectif déterminant du projet de loi concerne le régime de protection applicable aux collections des musées : l'article 8 confère un fondement législatif au principe d'inaliénabilité des collections des musées publics, tout en prévoyant des éléments de souplesse qui n'existent pas actuellement. Une disposition relative à la cession, à titre gratuit, de collections entre musées de France permettra de garantir leur intégrité.
Le texte définit pour la première fois le régime applicable aux collections des musées de France relevant de personnes morales de droit privé, à but non lucratif (associations, fondations), celles-ci seront imprescriptibles et insaisissables. Elle ne pourront être aliénées qu'au profit d'une collectivité publique ou d'une autre personne morale de droit privé à but non lucratif, gérant un autre musée de France.
Voici quelles sont les grandes orientations du projet de loi que je souhaitais vous présenter.
Nous sommes réunis aussi pour découvrir ensemble le contenu de la troisième édition du Printemps des musées à laquelle j'ai tenu à donner une dimension européenne affirmée.
Cette année nous avons, comme vous le savez, choisi un thème - le paysage - qui répond à un ensemble de problématiques artistiques et environnementales très actuelles. C'est aussi un thème particulièrement bien adapté à la diversité des collections des musées : art ancien et moderne, histoire, sciences, ethnologie, etc.
Ces deux atouts expliquent la richesse du programme qui vous a été remis tout à l'heure : 850 musées en France participent à cette journée de gratuité, dont plus de 500 organisent des manifestations spécifiques. Archéologie du paysage, voyages, identité régionale, évolution du paysage rural, urbain, industriel, voilà quelques-unes des grandes directions explorées par les musées...
Succès européen aussi pour ce troisième Printemps des musées, dont je me réjouis beaucoup, puisqu'une centaine d'établissements ont répondu à notre invitation dans 23 pays.
La plupart de ces musées pratiqueront la gratuité le 1er avril et organiseront des manifestations sur le paysage. Une vingtaine participeront même au programme d'échanges d'oeuvres que la Direction des musées de France a proposé et qui nous permettra, par exemple, de découvrir la dernière installation de Giuseppe Penone au musée d'Orsay, différentes vues du " Pont Neuf " de Camille Pissarro, venant de Budapest, de Cardiff, de Copenhague et de Londres, au musée des Beaux Arts de Lyon, mais aussi, en provenance de Montpellier, des tableaux de Matisse, Utrillo et Suzanne Valadon à Gênes, ou encore à Londres le " Vénus et Enée de Poussin " prêté par le musée de Rouen en échange d'un chef-d'uvre de Claude Lorrain... .
Je compte beaucoup, Mesdames, Messieurs, sur votre soutien pour assurer le retentissement de cette opération désormais européenne auprès de tous les publics. Je vous rappelle qu'elle est l'illustration de notre volonté, clairement exprimée dans le projet de loi sur les musées de France, de faciliter l'accès de tous à la culture et de faire avancer la décentralisation culturelle et la coopération internationale.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 22 mars 2001)