Texte intégral
(...)
Q - Les révolutions tunisienne et égyptienne pourraient-elles faire boule de neige dans le monde arabe ?
R - Des manifestations populaires se produisent dans plusieurs pays mais chaque situation est différente. Ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte ne peut être transposé partout. C'est pourquoi la France a raison de réagir avec sang-froid, en rappelant son attachement à la démocratie et aux droits de l'Homme, sans pour autant s'ingérer dans le choix des peuples. Nous devons faire le pari de la modernisation du monde arabe. Bien sûr, ce pari est risqué parce qu'il n'y a pas par définition, sous les régimes autoritaires, d'opposition démocratique constituée. Et parce que ceux qui gagnent le pouvoir, au cours de transitions démocratiques précipitées, confisquent parfois la démocratie.
Q - Quel message la France doit-elle adresser aux Algériens et aux Français d'origine algérienne ?
R - Nous avons une histoire, un présent et un avenir communs avec le peuple algérien. Nous sommes très attentifs à ce qui se passe en Algérie parce que nos destins sont liés. Mais, nous ne prendrons pas position dans le débat politique interne.
Q - Quelles sont vos priorités à la Défense ?
R - Ma première priorité, c'est de réussir la réforme des armées. Entre 2009 et 2010, 50.000 personnels de la Défense ont bougé d'une unité à une autre, d'une région à une autre. C'est un bouleversement immense. En 2015, 54 000 postes auront été supprimés. L'objectif est de mieux équiper nos forces grâce aux économies ainsi réalisées, afin qu'elles soient encore plus efficaces dans les opérations dans lesquelles la France est engagée. Durant cette réforme, j'apporterai la plus grande attention à la condition du personnel du ministère de la Défense. Ma deuxième priorité est de renforcer notre industrie de défense. La France a de très belles entreprises : Safran, EADS, Dassault, DCNS, Thales, etc. Mais cette industrie est trop fragmentée et certaines de ces entreprises manquent d'implantations à l'international. Nous réfléchissons à la façon de les restructurer. Ma troisième priorité est de redonner de l'élan à la Politique de sécurité et de défense européenne commune comme nous nous y sommes engagés lorsque la France a réintégré le commandement de l'OTAN.
Q - Trouvez-vous les Européens volontaristes dans ce domaine ?
R - Nous sommes dans un monde imprévisible et il serait irresponsable que l'Union européenne ne mutualise pas ses forces. Il faut accompagner, pousser ce mouvement qui ne se fait pas spontanément, entraîner la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Pologne. Des progrès sont en cours, comme le traité franco-britannique ou l'initiative franco-germano-polonaise en faveur d'une relance de l'Europe de la défense. J'essaie de travailler à un Conseil européen sur la défense. Ce n'est pas encore tout à fait acquis. Il faut le nourrir avec des propositions concrètes.
Q - Comment la situation en Afghanistan peut-elle évoluer ?
R - Je suis préoccupé. La stratégie définie à Lisbonne est cohérente. Sa mise en oeuvre sur le terrain est difficile. Dans le courant de l'année, nous pensons pouvoir passer le témoin à l'armée afghane dans la région de Surobi. Mais il y a encore des secteurs où les affrontements avec les insurgés sont sévères. Par ailleurs, la gouvernance afghane est perfectible, tout comme le dialogue avec le Pakistan. Malgré toutes ces difficultés, il faut persévérer. Je l'ai dit au secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, que j'ai rencontré la semaine dernière.
Q - Vous aviez critiqué le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Avez-vous changé d'avis ?
R - A l'époque, on avait simplifié mes propos. J'avais dit que l'intégration ne me choquait pas. Nous l'avions d'ailleurs engagée avec Jacques Chirac en 1995. Mais j'avais aussi ajouté qu'il fallait s'assurer des contreparties en termes de prise de responsabilité au sein de l'Alliance elle-même et du côté de la politique de sécurité et de défense européenne. Nous avons obtenu à Lisbonne une réforme profonde de l'Alliance. Elle est engagée. Au final, les avantages l'emportent sur les inconvénients.
Q - Que pensez-vous du grand projet de gouvernance économique de la zone euro ? Peut-on y arriver ?
R - Un conseil des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro va bientôt se réunir. Il y a un an, ce n'était pas envisageable. C'est un progrès important. On le doit à l'énergie de Nicolas Sarkozy et à la façon dont il a su trouver, avec Angela Merkel, une base d'accord extrêmement solide.
Q - L'Allemagne n'en demande-t-elle pas trop à ses partenaires en matière de rigueur ?
R - L'Allemagne est le premier contributeur au budget européen. Il est normal qu'elle défende ses intérêts. Notre intérêt, c'est de travailler en confiance avec elle.
Q - Etes-vous favorable au contrôle des budgets par la Commission européenne avant leur vote par les Parlements nationaux ?
R - C'est une révolution que j'approuve sans réserve. On est allé trop loin dans la construction européenne pour ne pas aller plus loin encore. Une forme d'intégration économique est souhaitable. Quitte à faire frémir, je dirais même qu'un fédéralisme économique et budgétaire ne me choquerait pas. Nous devons aller vers plus de convergence. Si l'euro disparaissait, c'est l'Europe qui disparaîtrait. Tout, alors, deviendrait possible, y compris le pire.
Q - Faut-il supprimer l'ISF comme l'ont fait nos voisins européens ?
R - J'ai moi aussi rêvé du grand soir fiscal. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le moment. Le relèvement du seuil d'entrée dans l'ISF et la suppression du bouclier fiscal me semblent constituer une réforme intelligente, qui allégerait la charge sur les classes moyennes urbaines sans faire de cadeaux aux ménages riches. Elle aurait, en outre, l'avantage de se faire à coût quasi nul. Mais je vois que le débat reste ouvert.
Q - Le grand soir fiscal sera-t-il un thème de campagne en 2012 ?
R - Une réforme fiscale d'ampleur ne peut se faire que dans le cadre d'un grand débat démocratique. Pour défendre sa compétitivité, la France a intérêt à faire jouer davantage la TVA et un peu moins les charges sociales. Mais ce raisonnement économique est aujourd'hui mal reçu. Un travail pédagogique de longue haleine est nécessaire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2011
Q - Les révolutions tunisienne et égyptienne pourraient-elles faire boule de neige dans le monde arabe ?
R - Des manifestations populaires se produisent dans plusieurs pays mais chaque situation est différente. Ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte ne peut être transposé partout. C'est pourquoi la France a raison de réagir avec sang-froid, en rappelant son attachement à la démocratie et aux droits de l'Homme, sans pour autant s'ingérer dans le choix des peuples. Nous devons faire le pari de la modernisation du monde arabe. Bien sûr, ce pari est risqué parce qu'il n'y a pas par définition, sous les régimes autoritaires, d'opposition démocratique constituée. Et parce que ceux qui gagnent le pouvoir, au cours de transitions démocratiques précipitées, confisquent parfois la démocratie.
Q - Quel message la France doit-elle adresser aux Algériens et aux Français d'origine algérienne ?
R - Nous avons une histoire, un présent et un avenir communs avec le peuple algérien. Nous sommes très attentifs à ce qui se passe en Algérie parce que nos destins sont liés. Mais, nous ne prendrons pas position dans le débat politique interne.
Q - Quelles sont vos priorités à la Défense ?
R - Ma première priorité, c'est de réussir la réforme des armées. Entre 2009 et 2010, 50.000 personnels de la Défense ont bougé d'une unité à une autre, d'une région à une autre. C'est un bouleversement immense. En 2015, 54 000 postes auront été supprimés. L'objectif est de mieux équiper nos forces grâce aux économies ainsi réalisées, afin qu'elles soient encore plus efficaces dans les opérations dans lesquelles la France est engagée. Durant cette réforme, j'apporterai la plus grande attention à la condition du personnel du ministère de la Défense. Ma deuxième priorité est de renforcer notre industrie de défense. La France a de très belles entreprises : Safran, EADS, Dassault, DCNS, Thales, etc. Mais cette industrie est trop fragmentée et certaines de ces entreprises manquent d'implantations à l'international. Nous réfléchissons à la façon de les restructurer. Ma troisième priorité est de redonner de l'élan à la Politique de sécurité et de défense européenne commune comme nous nous y sommes engagés lorsque la France a réintégré le commandement de l'OTAN.
Q - Trouvez-vous les Européens volontaristes dans ce domaine ?
R - Nous sommes dans un monde imprévisible et il serait irresponsable que l'Union européenne ne mutualise pas ses forces. Il faut accompagner, pousser ce mouvement qui ne se fait pas spontanément, entraîner la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Pologne. Des progrès sont en cours, comme le traité franco-britannique ou l'initiative franco-germano-polonaise en faveur d'une relance de l'Europe de la défense. J'essaie de travailler à un Conseil européen sur la défense. Ce n'est pas encore tout à fait acquis. Il faut le nourrir avec des propositions concrètes.
Q - Comment la situation en Afghanistan peut-elle évoluer ?
R - Je suis préoccupé. La stratégie définie à Lisbonne est cohérente. Sa mise en oeuvre sur le terrain est difficile. Dans le courant de l'année, nous pensons pouvoir passer le témoin à l'armée afghane dans la région de Surobi. Mais il y a encore des secteurs où les affrontements avec les insurgés sont sévères. Par ailleurs, la gouvernance afghane est perfectible, tout comme le dialogue avec le Pakistan. Malgré toutes ces difficultés, il faut persévérer. Je l'ai dit au secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, que j'ai rencontré la semaine dernière.
Q - Vous aviez critiqué le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Avez-vous changé d'avis ?
R - A l'époque, on avait simplifié mes propos. J'avais dit que l'intégration ne me choquait pas. Nous l'avions d'ailleurs engagée avec Jacques Chirac en 1995. Mais j'avais aussi ajouté qu'il fallait s'assurer des contreparties en termes de prise de responsabilité au sein de l'Alliance elle-même et du côté de la politique de sécurité et de défense européenne. Nous avons obtenu à Lisbonne une réforme profonde de l'Alliance. Elle est engagée. Au final, les avantages l'emportent sur les inconvénients.
Q - Que pensez-vous du grand projet de gouvernance économique de la zone euro ? Peut-on y arriver ?
R - Un conseil des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro va bientôt se réunir. Il y a un an, ce n'était pas envisageable. C'est un progrès important. On le doit à l'énergie de Nicolas Sarkozy et à la façon dont il a su trouver, avec Angela Merkel, une base d'accord extrêmement solide.
Q - L'Allemagne n'en demande-t-elle pas trop à ses partenaires en matière de rigueur ?
R - L'Allemagne est le premier contributeur au budget européen. Il est normal qu'elle défende ses intérêts. Notre intérêt, c'est de travailler en confiance avec elle.
Q - Etes-vous favorable au contrôle des budgets par la Commission européenne avant leur vote par les Parlements nationaux ?
R - C'est une révolution que j'approuve sans réserve. On est allé trop loin dans la construction européenne pour ne pas aller plus loin encore. Une forme d'intégration économique est souhaitable. Quitte à faire frémir, je dirais même qu'un fédéralisme économique et budgétaire ne me choquerait pas. Nous devons aller vers plus de convergence. Si l'euro disparaissait, c'est l'Europe qui disparaîtrait. Tout, alors, deviendrait possible, y compris le pire.
Q - Faut-il supprimer l'ISF comme l'ont fait nos voisins européens ?
R - J'ai moi aussi rêvé du grand soir fiscal. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le moment. Le relèvement du seuil d'entrée dans l'ISF et la suppression du bouclier fiscal me semblent constituer une réforme intelligente, qui allégerait la charge sur les classes moyennes urbaines sans faire de cadeaux aux ménages riches. Elle aurait, en outre, l'avantage de se faire à coût quasi nul. Mais je vois que le débat reste ouvert.
Q - Le grand soir fiscal sera-t-il un thème de campagne en 2012 ?
R - Une réforme fiscale d'ampleur ne peut se faire que dans le cadre d'un grand débat démocratique. Pour défendre sa compétitivité, la France a intérêt à faire jouer davantage la TVA et un peu moins les charges sociales. Mais ce raisonnement économique est aujourd'hui mal reçu. Un travail pédagogique de longue haleine est nécessaire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2011